Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, le Maroc fait partie de ces pays avec lesquels nous entretenons une relation particulière et fidèle, parce que l’histoire nous a un temps rassemblés. Tous les orateurs l’ont rappelé, nous entretenons des liens d’amitié très denses avec ce pays, et le choix du roi Mohammed VI d’effectuer en France sa première visite d’État à l’étranger en mars 2000 témoigne d’un attachement réciproque entre nos deux pays.
Depuis les années quatre-vingt-dix, le dialogue politique entre la France et le Maroc est constant et du même niveau que celui qui existe avec nos partenaires européens. Le regrettable incident qui s’est produit en 2014 ne pouvait pas remettre en cause les relations bilatérales entre nos deux pays, lesquelles ont d’ailleurs repris dans les meilleures conditions depuis le début de l’année.
Au-delà des initiatives diplomatiques, cette entente est naturellement fondée sur des échanges concrets, dans les domaines tant économiques que culturels. Sans détailler l’ensemble de nos intérêts communs, je rappelle que la France est le premier partenaire commercial du Maroc. Quant à nos échanges culturels, ils reposent en partie sur un réseau très actif d’enseignement du français au Maroc.
C’est dans ce contexte que la France et le Maroc ont décidé d’approfondir leur coopération judiciaire en signant un protocole additionnel à la convention d’entraide judiciaire du 18 avril 2008. Ce protocole, signé le 6 février 2015, marque la reprise de notre coopération judiciaire, laquelle constitue un volet fondamental de nos relations bilatérales au regard de la question terroriste, même si, bien sûr, le protocole concerne la criminalité dans un sens plus large. Malheureusement, le Maroc, comme la France, fait face à la menace terroriste. Plusieurs attentats sanglants ont en effet frappé ce pays, en 2003 à Casablanca, puis en 2011 au cœur de Marrakech, sur la célèbre place Djemaa El-Fna.
Les récents et dramatiques événements survenus en Tunisie invitent plus que jamais à des contacts rapprochés et à une coopération exemplaire avec tous les pays du Maghreb afin de tenter d’endiguer le fléau du terrorisme.
En outre, le phénomène de radicalisation s’intensifie des deux côtés de la Méditerranée. Ainsi, 1 500 personnes auraient quitté la France pour rejoindre des groupes terroristes en Syrie et en Irak, tandis qu’elles seraient environ 2 000 à avoir fait la même démarche depuis le Maroc.
Parce que la communauté française au Maroc compte près de 48 000 personnes établies de façon permanente et la communauté marocaine en France pas moins d’un million et demi de personnes, l’entraide judiciaire est une nécessité évidente. Elle est d’ailleurs très ancienne puisque la première convention d’entraide judiciaire date de 1957. Son volet pénal, vous le savez, a été modernisé dans la convention du 18 avril 2008.
Le protocole additionnel, comme cela a été dit, prévoit de favoriser les échanges d’information en amont et au cours des procédures d’entraide judiciaire, notamment dans les cas d’affaires portant sur des faits commis sur le territoire de l’autre partie et susceptibles d’impliquer des ressortissants de cette dernière. Comme l’a indiqué M. le rapporteur, ce texte n’est pas parfait, mais il a le mérite de répondre à l’évolution dynamique des demandes d’entraide judiciaire, celles de la France étant bien plus nombreuses.
Il n’a échappé à personne que des associations se sont émues de plusieurs imprécisions rédactionnelles de ce protocole susceptibles d’entraîner des abus. Ces associations s’inquiètent notamment de l’obligation d’information immédiate entre les parties, de la remise en cause de la compétence universelle, ou quasi universelle, ou encore du fait que la convention s’applique « aux individus possédant la nationalité de l’une ou l’autre partie ». Vous l’avez démontré minutieusement, monsieur le rapporteur, certains engagements internationaux signés par les deux parties peuvent constituer des verrous dans la mesure où le dispositif d’information et d’échange s’inscrit dans le cadre de ces conventions internationales.
Quant à la crainte du dessaisissement, elle n’est pas fondée dans la mesure où le juge initialement saisi d’une affaire a la possibilité de poursuivre son enquête.
Enfin, vous avez rappelé, monsieur le secrétaire d’État, que le texte s’appliquait bien aux binationaux, ce qui devrait aussi rassurer les associations.
Au-delà du contenu technique du texte, il faut aborder de façon plus globale cette coopération judiciaire. Il nous faut notamment l’appréhender sous l’angle des réformes que le Maroc a récemment entreprises pour rénover son cadre institutionnel et le rendre plus démocratique et plus transparent. Je pense à la nouvelle Constitution de 2011, laquelle prévoit que le Royaume s’engage à « protéger et promouvoir les dispositifs des droits de l’Homme et du droit international humanitaire ».
Si le Maroc peut certes encore accomplir des progrès, force est de constater qu’il a depuis longtemps atteint une maturité politique au sein du monde arabe qui en fait un partenaire incontournable dans le contexte de multiplication des crises et des menaces pesant au sud de la Méditerranée. Nous devons donc poursuivre avec ce pays un dialogue ouvert et fondé sur la confiance.
Notre groupe votera en très grande majorité cette convention, en espérant, en cette période estivale, que le soleil continuera à briller sur nos relations comme dans le ciel bleu du Maroc !