Intervention de Harlem Désir

Réunion du 15 juillet 2015 à 14h30
Entraide judiciaire avec le maroc — Adoption définitive en procédure accélérée d'un projet de loi dans le texte de la commission

Harlem Désir :

Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je veux vous remercier pour ce débat. Les orateurs ont placé ces échanges au niveau requis en évoquant l’intensité et la qualité des relations exceptionnelles entre la France et le Maroc, un pays ami, un pays allié, un pays avec lequel nous entretenons des liens de fraternité.

Au cours de cette discussion générale, vous avez soulevé des questions importantes et légitimes.

Des questions importantes, car le Maroc est un pôle de stabilité dans un monde arabe déchiré par les conflits, un pays qui a fait des choix courageux pour se moderniser et qu’il est essentiel d’encourager dans cette voie. C’est aussi un partenaire de premier plan pour la France non seulement dans la lutte contre le terrorisme et les dérives radicales, mais aussi sur le plan économique et culturel.

Des questions légitimes, car l’accord qui nous occupe aujourd’hui traite de points fondamentaux pour notre démocratie tels que la séparation des pouvoirs, l’accès des citoyens à la justice, l’égalité de tous devant la loi ou encore la vocation universelle des droits de l’homme.

Nous devons donc traiter ces sujets avec la gravité qui convient et prendre le temps d’aller au fond des choses. C’est pourquoi je reprends la parole pour vous apporter les éclaircissements nécessaires, notamment à la suite de vos remarques sur une possible imprécision rédactionnelle de l’accord, à laquelle je ne souscris pas.

Tout d’abord, sur les aspects juridiques de l’accord et la nature des informations transmises, les autorités se transmettront les informations que l’autorité judiciaire aura portées à leur connaissance à cette fin. C’est donc bien à l’autorité judiciaire, dont notre Constitution garantit l’indépendance et la vocation de gardienne des libertés individuelles, qu’il reviendra d’apprécier le contenu exact des informations transmises.

Ensuite, comme je l’ai indiqué dans mon intervention liminaire, le texte s’appliquera bien aux binationaux. Le juge français, au vu des observations ou informations éventuellement reçues du juge marocain, déterminera les suites de la procédure. Sa décision sera guidée par le souci d’assurer la meilleure administration de la justice, ce qui comprend, dans notre conception, la place de la victime dans la procédure.

En ce qui concerne l’indépendance des juges, le texte est strictement conforme aux principes de séparation des pouvoirs et d’indépendance de l’autorité judiciaire consacrés par la Constitution. L’autorité judiciaire conservera donc, en toute hypothèse, le dernier mot sur les suites à donner.

Le texte est également conforme à nos engagements internationaux, notamment ceux qui créent une compétence quasi universelle des autorités françaises. Il ne crée aucun mécanisme de dessaisissement – j’insiste sur ce point –, et l’article 23 bis rappelle que le dispositif de coopération et d’échange s’inscrit dans le cadre des engagements internationaux de la France et du Maroc – Jean-Claude Requier est lui-même revenu sur ce point.

Ce texte respecte par ailleurs pleinement le droit des victimes d’avoir accès à un tribunal en France. La jurisprudence du Conseil constitutionnel est constante : le principe d’égalité ne s’oppose ni à ce que le législateur règle de façon différente des situations différentes ni à ce qu’il déroge à l’égalité pour des raisons d’intérêt général, pourvu que, dans l’un et l’autre cas, la différence de traitement qui en résulte soit en rapport avec l’objet de la loi qui l’établit.

Sur le respect du secret de l’enquête, ce protocole ne porte pas atteinte aux exigences de notre droit interne telles que l’indépendance de l’autorité judiciaire ou le secret de l’enquête et de l’instruction. Il permet au contraire d’assurer une meilleure administration de la justice et la conduite efficace et diligente des procédures, au regard notamment du principe de territorialité des poursuites.

Enfin, sur la question plus générale de la démocratie et des droits de l’homme au Maroc, soulevée notamment par Bariza Khiari, de façon positive, mais aussi par Mme Prunaud ou par M. Doligé, je rappelle que le Maroc est engagé depuis quinze ans dans un processus important de modernisation politique et sociale. La réforme constitutionnelle de 2011, approuvée par référendum, a marqué une accélération de ce processus en clarifiant les relations entre les pouvoirs et en renforçant les rôles du chef du gouvernement et du Parlement. Le Maroc est un pays qui connaît des alternances démocratiques, un pluralisme politique et une liberté d’expression des citoyens et de la presse reconnus et remarquables.

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