Intervention de Jean-Pierre Sueur

Réunion du 15 juillet 2015 à 14h30
Entraide judiciaire avec le maroc — Article unique

Photo de Jean-Pierre SueurJean-Pierre Sueur :

Je m’abstiendrai sur ce projet de loi, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues. Je souhaite m’en expliquer.

Je suis évidemment favorable au développement de la coopération en matière judiciaire entre la France et le Maroc.

Si je ne puis voter le présent texte, c’est en raison des dispositions juridiques précises qui figurent dans le protocole qu’il nous est demandé d’adopter.

Un certain nombre de critiques ont été formulées. Je ne reviendrai pas sur l’ensemble de celles-ci. Je m’en tiendrai à une seule, qui est pour moi dirimante.

J’ai été le premier signataire de la proposition de loi tendant à modifier l’article 689-11 du code de procédure pénale relatif à la compétence territoriale du juge français concernant les infractions visées par le statut de la Cour pénale internationale.

Cette proposition de loi, qui a été déposée le 6 septembre 2012, a été adoptée à l’unanimité – j’insiste sur ce point – le 26 février 2013 par le Sénat, sur le rapport d’Alain Anziani. Elle donne une pleine et totale compétence, sans aucune restriction, aux juges français pour poursuivre et juger les auteurs de génocides, crimes de guerre et crimes contre l’humanité commis à l’étranger, conformément aux termes de la convention de Rome et du traité du 18 juillet 1998, ratifié par la France.

Or le protocole qu’il nous est proposé de ratifier va à l’encontre non seulement de l’engagement de la France à traduire en justice les personnes accusées des crimes les plus graves sur la base de cette compétence universelle, mais aussi des termes de la proposition de loi précitée. Son adoption constituerait à cet égard un précédent dont les conséquences méritent réflexion.

Telles sont les raisons de mon abstention.

Au demeurant, monsieur le secrétaire d'État, il me paraît profondément anormal que la proposition de loi susvisée, appelée de leurs vœux par Robert Badinter, Mireille Delmas-Marty et un très grand nombre de juristes, adoptée, j’y insiste, à l’unanimité par le Sénat le 26 février 2013 et transmise le même jour à l’Assemblée nationale, n’ait toujours pas été inscrite à l’ordre du jour des travaux de nos collègues députés.

C’est pourquoi je demande au Gouvernement de bien vouloir m’indiquer à quelle date il compte inscrire ce texte à l’ordre du jour de l’Assemblée nationale.

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