Intervention de Jean-Yves Leconte

Réunion du 15 juillet 2015 à 14h30
Entraide judiciaire avec le maroc — Article unique

Photo de Jean-Yves LeconteJean-Yves Leconte :

Je partage les interrogations de mon collègue Jean-Pierre Sueur sur la proposition de loi en question.

À l’instar de la plupart des intervenants précédents, je souhaite souligner la nécessité de tourner définitivement la page d’une année 2014 particulièrement préoccupante pour les relations entre la France et le Maroc.

Cet accord, qui organise un échange d’informations entre nos deux justices pour les cas de crimes particulièrement graves, est un signe de confiance de la France vis-à-vis de la justice marocaine et du Maroc à l’égard de la justice française. Le risque est que de nombreux États demandent le même type d’accord. Cela provoquerait alors un ralentissement réel de la capacité de la justice française, dans les cas de crimes particulièrement graves, à engager et poursuivre une instruction.

Certes, après analyse, il apparaît effectivement que l’échange d’informations prévu par le protocole, s’il peut retarder une instruction, ne limite pas la souveraineté de la justice française.

Toutefois, je ne pourrai pas voter le protocole, car il est très imprécis. L’interprétation qui lui est donnée est même contraire à sa lecture ! Ainsi, l’alinéa 3 de l’article 2 relatif à des « procédures engagées auprès de l’autorité judiciaire d’une partie par une personne qui n’en possède pas la nationalité et pour des faits commis sur le territoire de l’autre partie par un de ses ressortissants » mérite quelques remarques.

D’une part, le texte n’indique pas clairement si le ressortissant qui fait office de défendeur a la nationalité de la partie où sont engagées les poursuites ou celle du pays où l’acte a été commis. Il faut consulter l’étude d’impact pour le savoir.

D’autre part, il est écrit que le demandeur ne possède pas la nationalité du pays qui reçoit la plainte. Cela exclut clairement les binationaux, malgré l’alinéa 4. Pourtant, le Gouvernement a donné une interprétation différente du texte devant le Parlement.

Je ne peux pas accepter qu’un Français soit traité différemment par notre pays selon qu’il a ou non une seconde nationalité. La binationalité est une question très sensible entre la France et le Maroc. Les binationaux franco-marocains vivant au Maroc vous parleraient probablement, mes chers collègues, de la contribution libératoire, qui limite leurs droits financiers en France.

C’est pourquoi je m’abstiendrai. En conclusion, vive l’amitié entre la France et le Maroc !

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