Intervention de Bruno Le Maire

Réunion du 29 juin 2011 à 14h30
Certificats d'obtention végétale — Discussion générale

Bruno Le Maire, ministre :

Cette interdiction pose aussi un problème aux sélectionneurs, qui ne peuvent pas tirer le juste bénéfice de leur travail. Dans des espèces comme les céréales à paille, la pratique du réensemencement concerne 50 % des semences utilisées. Or les sélectionneurs ne perçoivent de droits que sur les semences certifiées, soit un manque à gagner considérable, qui se chiffre à plus de 30 millions d’euros par an, alors qu’ils investissent près de 14 % de leur chiffre d’affaires en recherche et développement.

Grâce au présent texte, nous reconnaissons, pour la première fois, le droit des agriculteurs à sortir de cette situation ubuesque et à ressemer des graines protégées par un certificat d’obtention végétale. Cela relève du bon sens, mais le bon sens n’allant pas toujours de soi, il était temps que le Sénat se saisisse de la question.

Cette faculté sera autorisée moyennant une contribution bien inférieure aux droits complets normalement dus à l’obtenteur.

Pour les « petits agriculteurs » au sens de la PAC – ceux qui produisent moins de 92 tonnes de céréales ou l’équivalent –, ce droit aux semences de ferme sera désormais totalement gratuit.

Pour les autres, et conformément à ce qui se fait pour le blé depuis 2001, le texte prévoit la négociation d’un accord entre obtenteurs et agriculteurs destiné à arrêter ce que vous appelez un « juste niveau de rémunération ».

La proposition de loi que nous examinons permet de consolider le modèle français de protection de la propriété intellectuelle face aux tenants du système du brevet.

Christian Demuynck et Rémy Pointereau l’ont rappelé avant moi, ce qui fait la différence entre le certificat d’obtention végétale et le brevet, c’est la liberté qui est laissée à l’utilisateur de la variété.

Dans le cas du certificat, il existe un équilibre entre les droits du propriétaire et ceux de l’utilisateur.

Dans le cas du brevet, le propriétaire a tous les droits. Voilà qui est évidemment plus simple !

Dans le cas du certificat, la protection est limitée aux usages commerciaux de la variété et de ses dérivés. Il reste cependant possible d’utiliser la variété comme base pour développer de nouvelles variétés.

Dans le cas du brevet, toutes les utilisations d’une variété brevetée ou de ses fruits sont suspendues à l’accord du propriétaire et au versement de droits. L’inventeur a des droits sur tous les produits développés à partir de son invention, même s’ils sont différents.

Pour parler simplement, le brevet met tous les droits du côté du propriétaire privé, au détriment des utilisations futures, tandis que le certificat d’obtention végétale empêche cette privatisation des ressources naturelles par un petit nombre de firmes, grâce à un concept de dérivation essentielle introduit dans la proposition de loi.

Ainsi, si une entreprise privée comme Monsanto décide de breveter quelques gènes bien placés sur des variétés qui font l’identité de notre agriculture, nous serons incapables de continuer à développer ces variétés, car nous ne pourrons pas régler la facture. Le certificat évite cette issue tout en permettant de défendre la variété de l’agriculture française.

J’aimerais à cet instant remercier les membres de la commission, en particulier son rapporteur, Rémi Pointereau, des améliorations apportées au texte, notamment deux d’entre elles.

Premièrement, l’insertion de l’article 15 bis permet de favoriser la conservation des collections de variétés anciennes, point très important. Ce qui fait la force de notre agriculture, ce sont la diversité et la qualité de ses produits.

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