La séance est ouverte à quatorze heures trente.
Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n’y a pas d’observation ?…
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.
J’informe le Sénat que le Gouvernement a déposé sur le bureau du Sénat le projet de loi fixant le nombre des conseillers territoriaux de chaque département et de chaque région.
En application de l’article 45, alinéa 2, de la Constitution, le Gouvernement a engagé la procédure accélérée pour l’examen de ce projet de loi.
J’informe le Sénat que sont parvenues à l’adoption d’un texte commun la commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion de la proposition de loi de libéralisation des ventes volontaires de meubles aux enchères publiques et la commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi sur la participation des citoyens au fonctionnement de la justice pénale et le jugement des mineurs.
L’ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi visant à améliorer et sécuriser l’exercice du droit de préemption (proposition n° 323, texte de la commission n° 617, rapport n° 616).
Monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, je vous rappelle que la proposition de loi de M. Hervé Maurey a été inscrite dans le cadre de l’espace réservé au groupe de l’Union centriste, c’est-à-dire dans une limite de quatre heures.
Je vous rappelle également que la conférence des présidents a programmé à dix-huit heures trente l’examen de la proposition de loi relative aux certificats d’obtention végétale.
Dans la discussion générale, la parole est à M. Hervé Maurey, auteur de la proposition de loi et rapporteur.
Madame la présidente, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, la proposition de loi qui vous est soumise vise à améliorer et à sécuriser l’exercice du droit de préemption urbain.
Elle est issue des travaux menés par la commission de l’économie sur la proposition de loi de simplification et d’amélioration de la qualité du droit, déposée par M. Jean-Luc Warsmann et examinée par le Sénat en première lecture à l’automne dernier.
Ce texte comportait une réforme d’ampleur du droit de préemption urbain, ou DPU, que le Sénat avait refusée, pour des raisons tant de fond que de forme.
Sur la forme, nous avions jugé qu’une réforme d’ampleur du droit de préemption n’avait pas sa place au détour d’une proposition de loi de simplification du droit.
Sur le fond, la réforme proposée risquait d’entraver gravement l’exercice du droit de préemption par les collectivités, alors qu’il s’agit d’un instrument très efficace pour l’aménagement urbain.
Tout en étant convaincus de la nécessité d’éviter la remise en cause du DPU telle qu’elle était alors suggérée, nous avions constaté qu’un certain nombre d’évolutions du droit applicable en matière de préemption étaient souhaitables. Une étude du Conseil d’État de 2007 avait d’ailleurs souligné ce point.
Nous nous étions donc engagés à élaborer un texte sur le sujet.
Ce texte, que j’ai l’honneur de vous présenter aujourd’hui, s’inspire largement des conclusions du groupe de travail relatif aux stratégies foncières constitué dans le cadre de la démarche entamée au mois de juin 2010 par le secrétaire d’État chargé du logement, Benoist Apparu, intitulée Vers un urbanisme de projet.
La présente proposition de loi, qui se veut avant tout pragmatique, vise non pas à révolutionner le droit de préemption, mais à en améliorer le cadre juridique et l’usage.
Au terme des auditions réalisées, nous avons pu constater que l’objectif paraît atteint, car ce texte semble susciter un consensus entre les différents acteurs concernés – propriétaires privés, aménageurs, élus locaux, opérateurs fonciers –, dont les intérêts peuvent parfois être divergents. Tous ont estimé qu’il était équilibré entre le droit des propriétaires à disposer de leur bien et la nécessité de donner à la puissance publique des leviers d’aménagement urbain.
De tels leviers sont particulièrement nécessaires, dans un contexte de tension des marchés foncier et immobilier. Ils permettent en effet aux collectivités de disposer d’un outil pour mener à bien leur projet.
Le droit de préemption répond à cet objectif et présente de nombreux avantages.
Je rappelle que ce droit est institué très fréquemment, précisément par 80 % des communes dotées d’un document d’urbanisme. En revanche, il ne s’exerce que sur environ 1 % des transactions. Cela montre que ce droit est utilisé par les collectivités pour mieux connaître les conditions auxquelles les transactions se déroulent sur un territoire donné. Cette pratique leur permet de constituer un observatoire foncier, dans un contexte de relative opacité du marché foncier.
Par ailleurs, et vous le savez, mes chers collègues, cet outil est beaucoup moins contraignant que l’expropriation : il concerne des biens dont le propriétaire avait l’intention de se séparer ; de plus, il est d’utilisation beaucoup plus souple.
S’il offre des avantages, le droit de préemption doit néanmoins être sécurisé, notamment pour prendre en compte les exigences de la Cour européenne des droits de l’homme. C’est pourquoi la présente proposition de loi vise à répondre à un certain nombre de difficultés rencontrées actuellement par les collectivités dans l’exercice de ce droit, et à mieux garantir les droits de propriétaires.
Tout d’abord, le texte améliore les prérogatives reconnues aux collectivités.
Ainsi, l’article 1er enrichit le contenu des déclarations d’intention d’aliéner et apporte des améliorations à la publicité des décisions de préemption. Cette disposition doit permettre à la collectivité d’avoir une connaissance plus précise de la réalité du bien et des conditions de son aliénation, afin de pouvoir prendre sa décision en toute connaissance de cause.
Nous avons néanmoins voulu éviter l’alourdissement systématique et par là même inutile des déclarations d’intention d’aliéner. Cette amélioration de la connaissance du bien préempté sera particulièrement utile pour la préemption de biens « complexes », éventuellement affectés de pollutions.
Par ailleurs, le texte adopté par la commission prévoit que le titulaire du droit de préemption pourra visiter le bien qu’il souhaite préempter.
Autre disposition favorable aux collectivités : si celles-ci renoncent à exercer leur droit avant fixation judiciaire du prix, elles retrouveront de nouveau ce droit sur le même bien dans un délai de trois ans, ce délai étant actuellement fixé à cinq ans.
L’article 5, quant à lui, clarifie les dispositions relatives à l’utilisation du bien préempté, en précisant explicitement que le titulaire du droit de préemption peut utiliser le bien à d’autres usages que celui qui est initialement prévu, dès lors que ceux-ci sont inclus dans les objets légaux de la préemption. Vous le savez, mes chers collègues, il s’agit d’un élément très important et d’une avancée sensible pour les collectivités.
Enfin, le texte améliore les conditions de la préemption partielle.
L’autre axe de la présente proposition de loi réside dans les nouvelles garanties apportées aux propriétaires, dans le droit fil des recommandations formulées par le Conseil d’État en 2007.
L’article 2 précise ainsi que, après saisine du juge de l’expropriation, le titulaire du droit de préemption ne pourra plus renoncer à l’acquisition, sauf si le prix fixé est supérieur de 10 % à l’estimation des domaines. Après fixation judiciaire du prix, c’est-à-dire, en pratique, après des mois de contentieux, le propriétaire doit pouvoir vendre son bien à la collectivité, sauf si le juge a arrêté un prix justifiant son renoncement ou si la collectivité découvre un vice caché.
L’article 3 prévoit que le transfert de propriété intervient au moment de la signature de l’acte authentique de vente et du paiement du prix, dont le délai est raccourci de six à quatre mois. Cette mesure sera source de simplification, puisque, vous le savez, il existe aujourd’hui un décalage dans le temps entre, d’une part, le transfert de propriété qui intervient au moment de l’accord sur le prix et, d’autre part, la signature de l’acte authentique et le paiement. Cette situation crée une zone de flou juridique au cours de la période séparant l’accord sur le prix de la signature de l’acte de vente : la collectivité est virtuellement propriétaire, mais l’ancien propriétaire conserve la jouissance du bien.
De plus, le défaut de paiement dans le délai de six mois entraîne l’obligation de rétrocéder le bien, ce qui assez est lourd.
L’article 4 permet au propriétaire, en cas de renonciation du titulaire du droit de préemption avant fixation judiciaire du prix, de vendre son bien au prix indiqué dans sa déclaration révisé, s’il y a lieu, en fonction des variations du coût de la construction.
Enfin, l’article 7 améliore les garanties des propriétaires, en leur ouvrant la possibilité d’une action en dommages et intérêts, même en cas de renonciation à la rétrocession.
Vous le voyez, mes chers collègues, le texte qui vous est soumis, sans avoir vocation à bouleverser le régime du droit de préemption, permet de l’améliorer sensiblement.
La commission s’est montrée particulièrement attentive et ouverte aux propositions formulées par l’ensemble de ses membres, comme nous pourrons le constater lors de l’examen des articles. Sur ce sujet très important pour les élus locaux, il nous semblait nécessaire qu’un large consensus se dégage.
C’est dans cet esprit que nous avons travaillé au sein de la commission, sous la présidence de Jean-Paul Emorine ; je ne doute pas qu’il en ira de même en séance aujourd’hui. §
Madame la présidente, monsieur le président de la commission, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, l’urbanisme est trop souvent vécu comme une contrainte, et je suis très heureux aujourd’hui d’examiner avec vous un texte qui permettra sans nul doute de faciliter la vie de nombreux élus locaux.
Certes, ce n’est pas le grand soir de l’urbanisme, mais la proposition de loi déposée par Hervé Maurey traite de l’un des sujets les plus complexes de l’urbanisme, à savoir le droit de préemption urbain.
Il s’agit d’un outil fondamental au service des politiques foncières, d’urbanisme et d’aménagement. Il donne la possibilité aux collectivités locales de se saisir d’un bien lors de sa mise en vente.
C’est un instrument avant tout stratégique, qui permet de constituer des réserves foncières en anticipation des projets de développement urbain, de restructuration ou de traitement des copropriétés.
Malheureusement, et vous le savez tous, dans la pratique, les élus locaux éprouvent parfois des difficultés à exercer ce droit. Le DPU peut alors devenir un « nid à contentieux » pour les communes, voire ralentir les projets d’aménagement. Ces difficultés avaient donné lieu à la réalisation d’un rapport par le Conseil d’État.
La dernière proposition de loi du député Jean-Luc Warsmann prévoyait une réforme en profondeur de la préemption, mais les sénateurs, dans leur sagesse, avaient préféré traiter le sujet dans un texte à part. Tel est l’objet de la présente proposition de loi.
Cela fait d’ailleurs plusieurs années que les parlementaires, comme le Gouvernement, réfléchissent à une réforme du droit de préemption, mais ce sujet, si crucial, nécessite bien évidemment une concertation préalable avec l’ensemble des partenaires concernés.
Sur ce point, je tiens à saluer le travail de M. le rapporteur. Outre les multiples entretiens qu’il a conduits, un certain nombre d’acteurs ont été consultés dans le cadre de la concertation menée sur l’urbanisme de projet que j’évoquerai dans quelques instants.
Aujourd’hui, les travaux menés parallèlement par le Gouvernement et par le Parlement aboutissent à une solution équilibrée, me semble-t-il. Le texte que nous allons examiner dans quelques instants en est le fruit. Il apporte des réponses pratiques, auxquelles nous souscrivons, à une série de difficultés opérationnelles.
Deux finalités de fond, complémentaires et non contradictoires, sous-tendent cette proposition de loi.
Premièrement, améliorer l’outil DPU en tant que tel à l’intention des collectivités, en assurant, notamment, une meilleure information des collectivités locales sur la nature des biens, la possibilité, malgré une renonciation au DPU, de retrouver ce droit après un délai défini, ou encore la faculté d’utiliser le bien préempté pour un objet d’intérêt général autre que celui qui était initialement prévu.
Deuxièmement, préserver le droit des propriétaires, qu’il s’agisse du vendeur ou de l’acquéreur, grâce à de nouvelles modalités de rétrocession du bien ou à la publicité de la préemption.
Les acteurs publics ont besoin d’un DPU fiable, opérationnel et sécurisé du point de vue juridique, qui leur permette de prendre les bonnes décisions. Tel est l’objet de cette proposition de loi.
Le Gouvernement partage la volonté de faciliter la vie des porteurs de projets que sont les élus. Nous souhaitons donner de l’air aux collectivités territoriales et aux professionnels de l’aménagement, de l’urbanisme et de la construction.
Comme l’a souligné le Président de la République, le droit et les pratiques actuels en matière d’urbanisme ne sont pas toujours en phase avec la volonté de mettre le projet urbain au cœur du système. C'est pourquoi le Président de la République a souhaité redonner la main à ceux qui portent des projets, en levant les obstacles auxquels ils sont confrontés et en simplifiant les règles d’urbanisme. Notre volonté est simple : clarifier la situation résultant de l’enchevêtrement des normes actuelles, et fixer enfin le cap d’un urbanisme de projet, durable et vertueux.
La loi portant engagement national pour l’environnement, dite « Grenelle 2 » comprend déjà plusieurs dispositions qui doivent permettre de faciliter la réalisation des projets, que ce soit à travers les nouveaux documents de planification, la définition des projets d’intérêt général ou la déclaration de projet, ou encore les quatre ordonnances de simplification dont le projet de loi de ratification devrait être déposé devant la Haute Assemblée à l’automne.
Je saisis cette occasion pour remercier les quatre sénateurs mandatés par leurs commissions qui ont participé à la rédaction de ces ordonnances, dans le cadre de la vaste concertation que j’ai évoquée à l’instant. En effet, j’ai lancé l’an dernier une démarche intitulée Vers un urbanisme de projet. L’objectif était de réunir tous les acteurs concernés – élus, professionnels, associations – et de leur demander d’alimenter la réflexion sur la simplification du droit de l’urbanisme et de ses documents.
Cette démarche a d'ores et déjà permis de réformer, de manière très consensuelle, la fiscalité de l’urbanisme, lors de l’examen du projet de loi de finances rectificative pour 2010. En effet, il existait une multiplicité de taxes, avec des dispositifs divers, des strates différentes et particulièrement complexes ; bref, c’était une véritable jungle fiscale pour les élus locaux ! Cette réforme a permis de passer de douze taxes et participations à seulement cinq, simplification notable qui entrera en application dès le mois de mars 2012.
Au-delà de ces mesures portant sur la fiscalité de l’urbanisme, ce sont au total plus de soixante-dix mesures qui ont été avancées par les partenaires de la démarche. Une fois mises en œuvre, elles permettront au particulier, à l’élu ou au professionnel de disposer d’outils novateurs et appropriés pour développer ses projets.
Je pense notamment à la création de secteurs de projets qui permettraient aux collectivités territoriales de développer un projet urbain global, en énonçant ses objectifs et en négociant la mise en œuvre des normes classiques. Je pense également à la réduction des contentieux et à l’accélération de leur traitement, très attendues par les élus. Je pense enfin à la modification de la méthode de calcul de la surface, qui se fondera non plus sur une surface habitable intégrant les murs, mais sur une surface « plancher », plus lisible et plus respectueuse des objectifs du Grenelle de l’environnement.
À travers cette vaste concertation, c’est un véritable changement de culture qui est en marche. Il repose sur le désir de faire primer l’initiative sur la norme, de favoriser l’audace et de démultiplier les projets, sans pour autant déréglementer le secteur.
L’urbanisme, vous le savez tous, est un exercice ardu, technique et globalement méconnu, mais qui est pourtant essentiel lorsque l’on veut dessiner un projet urbain à très long terme. C’est une responsabilité majeure qui nous incombe à tous, car elle détermine le futur cadre de vie de nos compatriotes.
Grâce à cette proposition de loi, nous faisons un pas de plus vers l’urbanisme de projet. Le Gouvernement vous proposera d’autres avancées dans les semaines et mois à venir ; nous aurons donc rapidement l’occasion de nous retrouver pour aborder de nouveau ces questions.
Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l’Union centriste.
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.
Madame la présidente, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, nous examinons aujourd’hui une proposition de loi consacrée au droit de préemption urbain.
C’est une bonne chose, d’abord parce que le sujet mérite un texte ad hoc, ensuite parce que cela illustre, me semble-t-il, l’intérêt croissant des élus pour les outils de politique foncière. Il est toutefois regrettable que nous demeurions bien en deçà de la grande loi d’orientation foncière que nous attendons tous, et dont la nécessité a été réaffirmée par l’ensemble des partis politiques, dans une belle unanimité, à l’occasion des États généraux du logement réunis le 8 juin dernier au Théâtre du Rond-Point.
À travers l’examen des huit articles que comporte cette proposition de loi issue des travaux de la commission, nous n’aborderons pas uniquement la réforme d’un outil d’urbanisme, aussi précieux soit-il. Le DPU « convoque » devant la Haute Assemblée des enjeux aussi essentiels que le droit de propriété, l’usage des sols ou le juste du prix du foncier. Autant de questions qui touchent au cœur de notre pacte républicain.
J’évoquerai tout d’abord la question du droit de propriété.
Le respect de la propriété est sans doute l’une des plus anciennes manières de réguler une communauté humaine et de garantir la paix : pensons aux conséquences dramatiques des conflits territoriaux qui durent depuis des temps immémoriaux, ou, à l’inverse, au commandement gravé sur les tables de la loi qui proclame depuis l’Ancien Testament : « Tu ne voleras point » !
Du reste, les révolutionnaires ne s’y sont pas trompés, qui en ont fait l’un des fondements de la République depuis la toute première du nom : le droit de propriété figure déjà dans la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789, où il est défini dès l’article II comme l’un « des droits naturels et imprescriptibles de l’Homme… »
Toutefois, dans leur sagesse, les rédacteurs de la Déclaration de 1789 ont pris soin de rappeler que les droits individuels ont également des limites, afin de permettre le bon fonctionnement de la communauté humaine et de garantir le respect de chacun. Ainsi, l’article IV dispose que « l’exercice des droits naturels de chaque homme n’a de bornes que celles qui assurent aux autres Membres de la Société la jouissance de ces mêmes droits… »
Cet équilibre est précieux. Nous devons le garder à l’esprit au cours de nos débats, car le droit de propriété, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, est trop souvent brandi comme un bouclier contre l’intérêt général. Or c’est mal comprendre le droit de propriété que de le placer au-dessus de ce qui fait société. Telle n’était pas l’intention des révolutionnaires ni des constituants, qui ont fait de la Déclaration de 1789 le préambule des Constitutions de 1946 et de 1958.
Ce qui fait société, c’est notamment notre façon de vivre ensemble et de partager des espaces. Ainsi, et j’aborde à présent le second point de mon intervention, l’intérêt général commande d’intervenir sur la destination des sols.
L’usage des sols relève de l’intérêt national : il doit donc être défini dans un cadre qui garantisse son caractère démocratique, équilibré et soucieux du bien commun.
Au sortir de la guerre, il fallait impérativement trouver les moyens de nourrir tous les Français, car un besoin essentiel de la personne était en jeu : subsister. Pour cela, le législateur a adopté une grande loi de remembrement rural.
Aujourd’hui, dans nos villes, un autre besoin fondamental est en jeu : avoir un toit au-dessus de la tête. Le droit au logement ayant été reconnu comme un objectif à valeur constitutionnelle, il faut créer les conditions qui permettront à chacun de bien se loger. Cela commande d’intervenir sur le foncier et sa destination.
La prééminence de l’intérêt général dans l’usage des sols mérite d’être réaffirmée dans le code de l’urbanisme, lequel manque encore d’un article fondateur sur ce sujet. Il est donc indispensable de poser, en ouverture de ce code, une sorte de boussole qui fixe le cap de l’ensemble des dispositions législatives et réglementaires qu’il rassemble, comme de celles qu’il rassemblera à l’avenir.
C’est la raison pour laquelle les sénateurs socialistes ont déposé un amendement tendant à insérer un article additionnel avant l’article 1er de la présente proposition de loi, qui affirmerait, de manière solennelle, que « la destination prioritaire des sols est de servir l’intérêt général ».
Cette affirmation est d’ailleurs parfaitement cohérente avec la vocation assignée aux plans locaux d’urbanisme, les PLU. Les collectivités territoriales, garantes de l’intérêt général, ont la responsabilité de définir des destinations sectorisées sur leur territoire. Le DPU est l’un des outils qui permettent de mettre en œuvre le schéma ainsi établi. C’est même un outil puissant, dont l’usage doit être encouragé.
Les sénateurs socialistes proposent donc d’approfondir le DPU dans deux directions.
Tout d’abord, l’amendement n° 11 vise à reformuler les finalités du droit de préemption, en y intégrant explicitement trois motifs supplémentaires de recours à ce droit.
Il s’agit en premier lieu de la réalisation de projets de transports en commun. Toute infrastructure lourde de transports collectifs nécessite d’importantes acquisitions foncières. La modification de l’article L. 210-1 du code de l’urbanisme que nous proposons permettra de faciliter ces opérations.
En deuxième lieu, nous suggérons de permettre la préemption pour constitution de réserves foncières. Cet ajout est essentiel à mes yeux, et je pense pouvoir m’exprimer également au nom de mes collègues présidents d’établissements publics fonciers : il donne un fondement juridique solide aux politiques de réserves foncières menées par les collectivités.
Je tiens à souligner que, dans les grandes agglomérations et les zones tendues – ces fameuses zones auxquelles vous êtes très sensible, monsieur le secrétaire d’État –, ce sont les territoires ayant, par tradition, constitué de réserves foncières qui produisent aujourd'hui le plus de logements – tant mieux ! – et sont donc les mieux à même de répondre aux besoins de la population. Ces pratiques doivent impérativement être encouragées, d’autant qu’elles ne portent leurs fruits qu’à moyen et long termes.
En dernier lieu, l’amendement n°11 complète les motifs de préemption par l’acquisition de lots de copropriété en plan de sauvegarde ou en difficulté mais n’ayant pas atteint le stade de l’insalubrité. En effet, le DPU actuel ne peut s’exercer dans les copropriétés dégradées, ce qui limite les opérations de rénovation urbaine et contribue à précipiter l’aggravation de l’état de ces copropriétés.
Cette disposition sera sans doute un outil utile pour l’Agence nationale pour la rénovation urbaine, l’ANRU, dans le cadre tant de ses missions traditionnelles que de celles qui lui ont été confiées par le Programme national de requalification des quartiers anciens dégradés, le PNRQAD.
J’y vois également, en ma qualité d’élu d’un territoire de montagne, un nouvel outil pour les copropriétés à vocation immobilière délaissées par leurs propriétaires qui ont bénéficié d’investissements défiscalisés et qui, après quelques années d’utilisation, ne remettent pas leurs logements en état d’être loués.
Les collectivités territoriales, mais aussi les organismes HLM et les établissements publics d’aménagement auxquels le droit de préemption est délégué, pourraient ainsi acquérir des droits de vote dans les copropriétés et faire émerger de nouvelles majorités. Je suis convaincu que M. le secrétaire d’État y serait sensible.
J’en viens à la seconde direction d’approfondissement du DPU que nous proposons. Celle-ci consiste en la création de zones d’opérations futures d’intérêt communautaire. En effet, encourager l’usage du DPU est indissociable d’une réflexion sur les échelles de gouvernance.
Dans la mesure où la loi définit, depuis les lois Grenelle 1 et 2, qui furent largement améliorées par la Haute Assemblée, un objectif de mise en cohérence à l’échelle intercommunale des documents de planification et d’urbanisme, l’échelle de l’aire urbaine s’affirme progressivement, quoique pas toujours assez vite, comme celle de l’aménagement.
À partir de ce constat, nous proposons de doter les intercommunalités à fiscalité propre d’un nouvel outil, les zones d’opérations futures. Un tel outil serait une sorte de zone d’aménagement différé, ZAD, mais à maîtrise locale, contrairement aux ZAD existantes qui relèvent de l’État. Cela permettrait une gouvernance plus opérationnelle. Quant au DPU, il pourrait, dans ces secteurs, demeurer communal ou être délégué à l’établissement public de coopération intercommunale, l’EPCI. Les avantages des ZAD, notamment en termes de blocage des prix, seraient reproduits à l’identique dans les zones d’opérations futures.
Telles sont les pistes d’approfondissement que nous proposons.
J’évoquerai maintenant un « point de vigilance » lié au fonctionnement du DPU : si la collectivité doit, c’est bien légitime, respecter un certain nombre de règles du jeu en cas de préemption, le cédant doit lui aussi s’astreindre à jouer cartes sur table.
Par exemple, la transmission de propriété peut-elle s’affranchir de l’intérêt général dès lors qu’elle se fait à titre non onéreux ? Nous répondons que non.
Or certains cédants organisent des ventes déguisées pour réduire les risques de préemption : le bien ou le terrain est affiché comme cédé gratuitement et n’est donc pas soumis à déclaration d’intention d’aliéner. C’est manifestement un détournement de la loi.
Les sénateurs socialistes proposent donc dans un amendement de soumettre à déclaration d’intention d’aliéner, et donc potentiellement à DPU, toutes les aliénations à titre gratuit. Seules les cessions entre deux membres d’une même famille seraient dispensées de cette disposition.
C’est un sujet fondamental, notamment pour certaines copropriétés dégradées qui ne trouvent plus d’acheteur. Des marchands de sommeil achètent ainsi, sous la table, des biens qui n’ont plus beaucoup de valeur, sans que nous puissions faire jouer le DPU. Un certain nombre de terrains s’échangent de la même manière, notamment dans la région d'Île-de-France. §
Mon troisième et dernier point concerne, naturellement, la question du juste prix.
Le prix acquitté lors de la préemption doit permettre de ne pas spolier le propriétaire tout en rendant possible la réalisation du projet d’intérêt général.
Cela va sans dire, même s’il est toujours utile de le rappeler, la collectivité qui préempte paie le bien qu’elle achète. Droit de préemption et droit de propriété ne s’opposent pas l’un à l’autre.
Il nous faut ici sortir des représentations anciennes : non, les prix fixés par les Domaines ne sont plus fondés sur des références de marché obsolètes ; non, ils ne sont pas défavorables au vendeur.
Bien au contraire, les modes de calcul désormais le plus souvent retenus par France Domaine sont assis sur des constructibilités maximales et sont donc très avantageux pour le cédant.
En outre, en cas de préemption pour la réalisation d’un programme de logements, la typologie des logements – par exemple la présence ou non de logements sociaux – n’est, dans certains départements, pas prise en compte dans la valorisation foncière. Pourtant, inclure 25 % ou 30 % de logements sociaux dans chaque opération nouvelle, comme le prescrivent un nombre croissant de PLU, a un impact sur le coût maximum qu’il est possible de consacrer au foncier.
Mes chers collègues, la valeur absolue d’un terrain ou d’un logement n’existe pas. Il n’y a que des valeurs relatives, selon la localisation mais aussi selon la destination future. Nous appelons donc de nos vœux un changement de culture dans la formation du prix foncier. À défaut, au rythme actuel de l’inflation foncière et immobilière, plus aucun projet de logement abordable ne pourra voir le jour.
Il nous faut impérativement passer du « prix potentiel » au « prix absorbable ». J’entends par là que la valeur des terrains ou des biens devrait désormais se définir « à rebours » en fonction du prix de sortie acceptable pour le futur usager, que celui-ci vive dans le parc social ou dans le parc privé, que l’acquisition serve à un programme de logements, un équipement public, une zone d’activité économique ou une infrastructure.
Nous proposerons tout à l’heure un amendement en ce sens.
Outre l’instauration de ce prix à rebours, cet amendement a également pour objet la suppression du double rôle de juge et partie tenu par France Domaine s’agissant des biens de l’État.
Ainsi, l’établissement ne pourrait plus estimer les biens détenus directement ou indirectement par sa tutelle. La mission d’estimation serait alors confiée à deux notaires de la région où est situé le bien.
Je me permets, mes chers collègues, de glisser ici une remarque au sujet de l’article 2, trop rigide dans sa rédaction actuelle.
Une telle fermeture des possibilités de rétractation est une véritable épée de Damoclès pour la collectivité territoriale et risque même de dissuader celle-ci de faire usage du DPU, ce qui est l’inverse du but recherché, en tout cas par mon groupe, au nom duquel je m’exprime, et sans doute par l’auteur de la présente proposition de loi.
Je crains, en outre, que cette disposition ne conduise le juge de l’expropriation à une certaine générosité au profit du cédant dans la zone grise comprise entre le prix des Domaines et ce prix majoré de 9, 99 %, prix que la collectivité devrait acquitter sans pouvoir renoncer à l’achat. Si ma crainte se confirmait, le phénomène serait fortement pénalisant tant pour les finances locales que pour l’équilibre de l’opération envisagée.
S’agissant encore de la question des prix, je veux exprimer à nouveau l’engagement de mon groupe dans la lutte contre la spéculation foncière, l’inflation foncière et immobilière et, enfin, l’enrichissement sans cause qui en découle.
En moyenne, les prix fonciers et immobiliers dans notre pays ont augmenté de 140 % entre 2000 et 2010.
Des catégories de plus en plus nombreuses sont exclues de l’accession à la propriété : les jeunes ménages sans patrimoine familial, en particulier les plus modestes, mais aussi les classes moyennes des grandes agglomérations.
Des opérations de logement, en particulier de logement social et de logement intermédiaire, commencent à être bloquées tant le tour de table financier est difficile à réunir pour faire face, notamment, aux charges foncières.
L’urgence est simple, et elle est devant nous : revenir à des prix compatibles avec les ressources des ménages qui ont besoin d’être logés, mais établir aussi des prix compatibles avec les grands projets d’aménagement urbain, d’infrastructure de transports, d’équipements publics dont nos territoires ont besoin pour améliorer les conditions de vie de leurs habitants.
Puisque la proposition de loi qui nous est soumise ne permettra vraisemblablement pas d’atteindre ces objectifs, nous devrons revenir sur ces questions dans l’avenir, mais, pour l’heure, nous nous déterminerons lors du vote qui interviendra à l’issue de nos travaux au regard de l’ouverture dont il sera ou non fait preuve à l’égard de nos amendements visant à renforcer et à sécuriser le cadre d’action des collectivités territoriales.
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.
M. Benoist Apparu, secrétaire d'État. Ce n’est pas beau, le chantage...
Sourires
Madame la présidente, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, le droit de préemption est un instrument indispensable de la politique d’aménagement des territoires de nos collectivités territoriales. Il est à la fois indispensable et légitime, car ce sont les collectivités qui investissent pour l’intérêt général et leurs investissements engendrent couramment des plus-values foncières significatives pour les particuliers.
Le contrôle du foncier et les réserves foncières constituent l’une des clés de l’aménagement urbain d’aujourd'hui et de demain.
La notion d’intérêt général constitue le fondement du droit de préemption, dont l’exercice doit être à la fois facilité et sécurisé, d’autant que sa mise en œuvre est en principe particulièrement simple si on la compare aux procédures de déclaration d’utilité publique et d’expropriation.
En outre, le droit de préemption respecte, naturellement, le droit propriété, tout en permettant d’atténuer certains abus de ce droit au nom de l’intérêt général.
L’utilité du droit de préemption est reconnue par nos concitoyens et son principe peu contesté.
Le texte qui nous est soumis constitue aux yeux de mon groupe un progrès et, de ce fait, nous le voterons unanimement.
En revanche, nous considérons qu’il eût été pertinent d’avoir un texte global sur l’ensemble des problématiques des droits de préemption et, par exemple, de tenir compte des avancées souvent indispensables contenues dans la proposition de loi de nos collègues du groupe socialiste et que vient de rappeler Thierry Repentin.
Ainsi, la question de l’utilisation du droit de préemption par les intercommunalités n’est pas, en l’état, correctement résolue.
Alors que la loi de réforme des collectivités territoriales impose à toutes les communes de rejoindre une intercommunalité et que la rationalisation de la carte intercommunale est à l’ordre du jour, la procédure actuelle ne tient pas suffisamment compte du fait intercommunal.
De même, le système de la délégation du droit de préemption de la commune à l’EPCI au coup par coup ne correspond plus aux besoins actuels.
Par ailleurs, le transfert pur et simple du droit de préemption de la commune vers l’EPCI calé sur la compétence en matière de PLU qui est envisagé n’est pas la panacée. Il conviendra d’évoluer vers un système permettant tant à la commune qu’à l’EPCI de disposer du droit de préemption lorsque tel est leur choix. La mise en place de deux délais successifs est parfaitement réalisable, le seul risque étant celui d’un conflit entre la commune et l’intercommunalité, conflit dont, en tout état de cause, l’exercice du droit de préemption ne serait qu’un révélateur.
Cette double saisine est d’autant plus nécessaire que, ces dernières années, le droit de préemption se voit assigner des finalités qui dépassent le strict aménagement foncier du territoire : la police administrative au service de la prévention des risques, les fonds de commerce et les baux commerciaux, sans oublier la préemption pour autrui.
Aujourd’hui, l’architecture d’ensemble des droits de préemption est perturbée.
En premier lieu, les différents droits de préemption sont mal hiérarchisés et leur articulation est imparfaite.
En deuxième lieu, les risques de superposition des droits de préemptions sont accrus, notamment ceux qui sont liés au chevauchement entre DPU et droit de préemption des espaces naturels sensibles.
En troisième lieu, les compétences sont dispersées entre les différents niveaux de collectivités publiques et il n’existe pas d’instance ou de documents d’arbitrage entre logiques concurrentes. En effet, le schéma de cohérence territoriale ne joue pas ce rôle de manière satisfaisante.
Nous estimons par ailleurs qu’il convient de conforter par la loi l’évolution jurisprudentielle amorcée par le Conseil d’État dans les arrêts des 7 mars 2008 et 20 novembre 2009. En effet, la justification par la collectivité locale de la réalité d’un projet d’action ou d’aménagement si la nature du projet apparaît dans la décision sans caractéristique précise et sans le document de référence est un progrès important, car l’insuffisance de motivation devenait un obstacle procédural remettant en cause le droit de préemption. La loi doit donc fixer dans le marbre cette évolution jurisprudentielle.
En réalité, le cadre normatif ne permet pas d’appréhender pleinement la réalité des besoins de nos collectivités territoriales. Je pense en particulier à la préemption en considération de l’acquéreur dans le but de faire barrage à certaines opérations contraires à la politique foncière et d’aménagement du territoire de la collectivité. Cela n’a rien de choquant dans la mesure où le droit de préemption est totalement différent de l’expropriation, puisqu’il y a mise en vente volontaire du bien par le particulier et que la saisine éventuelle du juge de l’expropriation pour arbitrer le prix est nécessaire pour éviter – situation qui existe encore – les ventes à prix artificiel dont le seul objectif est de piéger la collectivité.
De la même manière, nous estimons que l’utilisation assez courante du droit de préemption pour stabiliser le marché foncier est parfaitement légitime et doit être développée.
L’amélioration de l’information des collectivités est une heureuse avancée.
Vous le savez, monsieur le secrétaire d'État, dans les zones détendues, chères à votre cœur
M. le secrétaire d'État sourit
L’ensemble de ces observations démontre à l’évidence que la proposition de loi qui nous est présentée ne saurait constituer qu’une étape, monsieur le rapporteur, et qu’un texte refondateur du droit de préemption, sous l’ensemble de ses facettes, est plus que jamais nécessaire pour permettre à nos collectivités locales et établissements publics fonciers de faire face aux besoins d’un urbanisme moderne et d’une véritable cohérence territoriale. §
Madame la présidente, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, la proposition de loi que nous sommes invités à examiner, qui vise à réformer le droit de préemption urbain, nous est présentée plus de trois années après le rapport du Conseil d’État du 6 décembre 2007 dont l’objet était d’« identifier les mesures qui pourraient être prises pour aboutir à une procédure équilibrée permettant aux collectivités locales de faire face à leurs besoins et leurs obligations et assurant une réelle garantie des droits des propriétaires ».
La commande était claire, et nous pouvions être en accord avec l’objectif, avec une interrogation cependant : comment serait interprétée l’expression « procédure équilibrée » ? En effet, suivant que l’on considère l’intérêt général ou le droit de propriété comme l’intérêt premier, la balance ne penche pas du même côté.
Nous allons donc examiner ensemble l’équilibre préconisé par la présente proposition de loi.
Rappelons que nous avons déjà abordé le sujet lors du débat sur la proposition de loi relative à la simplification et l’amélioration de la qualité du droit, devenue la « loi Warsmann », débat au cours duquel nous avons unanimement et légitimement estimé utile de se donner plus de temps pour la réflexion sur une question aussi importante pour nos collectivités, qui représentent l’intérêt général dans cette question du droit des sols.
Il est intéressant aussi d’expliquer le contexte général dans lequel s’exerce ce droit de préemption pour mieux mesurer les enjeux de la présente proposition de loi.
Les ressources des collectivités sont, progressivement mais inexorablement, réduites compte tenu des politiques menées par le Gouvernement depuis plusieurs années.
Dans le même temps, dans de nombreuses régions, et notamment dans la région parisienne, la spéculation foncière et immobilière sévit.
C’est pourquoi je m’inscris en faux contre l’idée selon laquelle nos collectivités feraient n’importe quoi dans l’exercice du droit de préemption, quand bien même cette idée n’est pas exactement exprimée ainsi. Lorsqu’elles ont recours à cette procédure, c’est pour permettre la réalisation de projets utiles à la population, à l’économie et au bon fonctionnement de nos villes.
On n’exerce pas le droit de préemption à la légère. Il représente d’ailleurs un coût important et une source de contentieux potentiels avec les propriétaires concernés.
Le risque à l’avenir est donc plutôt de ne plus pouvoir utiliser ce droit. C'est la raison pour laquelle ce débat est le bienvenu.
La proposition de loi dont nous discutons aujourd’hui contient des dispositions que nous estimons utiles et qui ont été renforcées lors du passage devant la commission.
Nous sommes ainsi d’accord avec l’article 1er, qui tend à enrichir le contenu des déclarations d’intention d’aliéner et de renforcer la publicité faite à ce document. Cet article a été modifié en commission, puisqu’il y est maintenant prévu que les informations liées aux installations classées seront communiquées. La commission a également proposé que le titulaire du droit de préemption puisse visiter le bien qu’il envisage d’acquérir.
De plus, l’insertion d’un article additionnel après l’article 1er étendant la préemption partielle aux opérations de constructions nous semble une bonne mesure.
Nous sommes d’accord avec le contenu de l’article 3, qui fixe le transfert de propriété au moment de la signature de l’acte authentique, ainsi que la diminution du délai de paiement, conformément à la préconisation du Conseil d’État.
Bien entendu, nous souscrivons à la volonté de clarifier la procédure en cas de renonciation de la collectivité, prévue à l’article 4.
Nous estimons par ailleurs utile de préciser, comme le préconisait le Conseil d’État, que le bien préempté peut être affecté à une autre destination, sous réserve que celle-ci respecte les conditions autorisant la préemption. C’est le sens de l’article 5. Cependant, nous vous proposerons de sécuriser cette pratique, comme cela a été suggéré par le rapport du Conseil d’État, en subordonnant le changement de destination du bien préempté à une information de l’instance délibérante.
J’ajoute à ces motifs de satisfaction que l’auteur de la proposition de loi n’a pas repris certaines mesures évoquées au cours des derniers mois, notamment celles qui figurent dans la proposition de loi déposée par M. Jean-Luc Warsmann, refusant le recours au juge de l’expropriation pour le droit de préemption urbain.
L’auteur de ce texte n’a pas repris non plus l’idée, formulée par la proposition de loi déposée par le groupe socialiste, selon laquelle les établissements publics de coopération intercommunale et les régions sont les principales collectivités détentrices du droit de préemption, indépendamment de toute référence aux compétences en matière de réalisation des documents d’urbanisme, et ce, alors même que le lien de causalité entre l’un et l’autre est évident.
De notre point de vue, cette compétence doit rester communale et donner lieu, si nécessaire, à négociation entre collectivités.
La proposition de suppression des zones d’aménagement différé ne nous convainquait pas davantage, sauf à renoncer à toute intervention de l’État dans les territoires, ce que nous désapprouvons. Vous m’en voyez désolée, mes chers collègues !
Vous le voyez, jusque-là, nous sommes en accord avec la proposition de loi, mais je vais maintenant vous dire les points avec lesquels nous ne sommes pas d’accord.
Ainsi, nous regrettons que l’amendement préconisant que l’estimation du prix des domaines tienne compte de l’affectation du bien et pas simplement des conditions du marché n’ait pas retenu votre attention.
Nous regrettons également que la majorité ait refusé d’élargir le champ d’action du droit de préemption urbain à la lutte contre la spéculation immobilière et foncière. Cette mesure, qui vise à défendre l’intérêt général, ne saurait être présentée comme trop coercitive. En la refusant, on prive finalement les collectivités du seul levier efficace pour agir contre un mouvement que tout le monde déplore.
C’est la raison pour laquelle nous reprendrons au cours du débat ces deux amendements qui nous semblaient pertinents.
Mais les dispositions qui nous divisent vraiment figurent aux articles 2 et 7 de cette proposition de loi.
Nous pensons qu’une collectivité doit pouvoir renoncer en cours de procédure à son droit de préemption : non pas que nous encouragions la légèreté dans ce domaine, mais nous savons tous que la réalisation de projets urbains peut prendre du temps entre le moment où l’idée est lancée et le moment de la conclusion de l’acte. Les procédures sont longues, les surprises possibles et les recours fréquents. Les projets aboutis sont souvent différents de l’intention initiale, d’autant qu’entre-temps, il peut arriver que les électeurs décident de mettre aux commandes une nouvelle majorité, laquelle peut vouloir reconsidérer le projet.
L’article 7, qui prévoit la possibilité d’indemnisation de l’ancien propriétaire, y compris si celui-ci a renoncé à la rétrocession, n’est pas de bonne facture. Cette mesure accréditerait, au fond, l’idée que, dans cette affaire, le propriétaire est une victime. Le propriétaire a des droits ; ils doivent être respectés et le prix d’achat ne doit pas être minoré. Pour autant, laisser à penser que l’intérêt général n’a plus aucune légitimité, c’est renoncer, petit à petit, à ce qui fonde une communauté, je veux parler de l’intérêt collectif et de la solidarité. Prenons garde à ne pas user, par petites touches successives, ce qui fait le ciment de notre société ! Ou alors cessons de nous plaindre que l’individualisme se développe avec autant de force !
Aujourd’hui, à travers ce débat, ce qui est en cause, c’est bien la maîtrise foncière pour nos collectivités, une maîtrise foncière sans laquelle aucun projet d’aménagement n’est possible, d’autant que ce n’est qu’un droit ultime. Nombre de collectivités procèdent, et cela a été dit, aux acquisitions à l’amiable. Il n’y a donc pas lieu d’atténuer ce droit.
Un tissu urbain est un tissu vivant, qui a besoin de se modifier, de s’adapter pour répondre aux besoins d’aujourd’hui. Les collectivités doivent avoir les moyens de leur politique. Cette conviction, nous la porterons tout au long du débat.
Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste.
Madame la présidente, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, je voudrais, d’emblée, saluer le travail tout à fait remarquable de notre rapporteur, également auteur de la proposition de loi. Ce thème du droit de préemption nous concerne de très près, nous qui, pour la plupart d’entre nous, sommes des élus locaux.
Il est vrai que ce domaine avait déjà été exploré par le président Warsmann dans sa proposition de loi de simplification et de clarification du droit et d’allègement des procédures. Pour autant, tout le monde a bien compris que l’enjeu va bien au-delà d’une « simple simplification », si je peux m’exprimer ainsi, tant il est nécessaire d’apporter quantité d’ajustements.
Le droit de préemption s’est créé en portant atteinte au principe de l’absolutisme du droit de propriété. À ce propos, mon interprétation du droit révolutionnaire diffère légèrement de celle de Thierry Repentin. Je pense, en effet, que les révolutionnaires avaient, bien au contraire, fait du droit de propriété, notamment en matière immobilière, un droit quasiment absolu, souverain et inaliénable, qui ne pouvait guère être limité que par la loi, et pour des motifs d’intérêt général.
Normalement, toute notion d’abus du droit de propriété ne pouvait exister. C’est la jurisprudence, initialement forgée sur les troubles de voisinage, qui a commencé à battre en brèche ce principe de l’absolutisme du droit de propriété en lui portant une première atteinte. Petit à petit, au fil du temps, des conquêtes et progrès qui ont eu lieu dans l’intérêt social, les collectivités ont pu, elles, se fonder sur les décisions de justice pour réaliser un certain nombre de projets dans l’intérêt général.
Ce droit de préemption constitue aujourd'hui – cela a été dit et je partage complètement ce sentiment – un outil tout à fait indispensable pour la gestion de nos communes : d’abord, il permet de mener à bien un certain nombre de projets d’aménagement qui nécessitent cette maîtrise foncière ; ensuite, c’est un observatoire extrêmement utile de l’évolution du marché foncier sur nos territoires ; enfin – cet aspect est moins souligné –, il est parfois l’occasion d’éviter un certain nombre d’abus ou d’utilisation des sols qui pourraient être particulièrement néfastes à la gestion de nos communes.
C’est dire qu’aujourd'hui il est, à mon avis, essentiel à la fois de simplifier ce droit et de l’améliorer pour remédier aux difficultés qui sont progressivement apparues.
Je suis de ceux qui approuvent totalement les avancées proposées par la commission de l’économie à travers ce texte. Outre une simplification qui était nécessaire et utile, il permet des progrès notables par rapport au droit existant. Ces dispositions, qui sont dans l’intérêt des propriétaires vendeurs et probablement celui des acheteurs, profitent également aux communes.
Au titre des améliorations qui concernent les propriétaires, je citerai notamment tout ce qui permet de raccourcir les délais. Ces mesures sont aussi prévues dans l’intérêt des acquéreurs : en effet, lorsqu’une commune exerce un droit de préemption, elle suscite en général une réaction, qui émane le plus souvent de l’acquéreur et non du propriétaire. Ce dernier regrette, certes, de ne pas toucher son argent aussi vite qu’il l’avait imaginé, mais la vraie gêne suscitée par l’exercice du droit de préemption est souvent ressentie par l’acquéreur, dont les projets de logement auxquels il attachait une extrême importance sont contrariés.
Si la diminution des délais constitue sans doute une contrainte pour les communes, elle apporte, à mon sens, une amélioration évidente pour les acquéreurs.
Pour les communes, ce texte est également porteur de progrès. Tout ce qui permet d’enrichir le formulaire sur le DPU me paraît très positif. Quant aux autres mesures pratiques contenues dans la proposition de loi, notamment la visite du bien, elles sont tout à fait heureuses.
Pour ma part, j’ai déposé quelques amendements sur ce texte, dont l’un consiste à soumettre les décisions de préemption à un affichage en mairie et à une publication dans le recueil des actes administratifs municipaux, de manière que le droit de préemption s’exerce dans la plus grande transparence et que les tiers puissent prendre connaissance de la décision.
Mes chers collègues, je vous soumets un autre amendement que j’avais déjà défendu en 2005. Il ouvre la possibilité, pour les communes, d’exercer un droit de préemption à l’égard d’un certain nombre de donations déguisées sur des biens en général de faible valeur, mais d’une importance tout à fait cruciale pour ces municipalités.
Des exemples, nous en connaissons tous. En tant que président d’une association départementale de maires, je pourrais vous citer des dizaines de cas dans lesquels des propriétaires et des acquéreurs s’entendent avec des notaires plus ou moins consentants…
… qu’on va d’ailleurs chercher dans un département éloigné – c’est dire que les choses ne se passent pas d’une manière très catholique ! – pour enregistrer une donation accompagnée, naturellement, de versements en espèces ! Comme il est impossible d’apporter la preuve de cette tromperie, un certain nombre de biens échappent au droit de préemption des communes.
Je suis tout à fait partisan de mettre un terme à ce système et de permettre au droit de préemption de s’exercer. Ensuite, le juge des expropriations évaluera le bien. Personne ne sera véritablement lésé, mais on aura évité ce détournement tout à fait scandaleux. J’espère être, cette fois, entendu.
Je terminerai en répétant ce que j’ai dit d’emblée pour remercier la commission de l’économie et son rapporteur d’avoir réalisé cet excellent travail, tout à fait opportun.
Applaudissements sur certaines travées de l ’ UMP et du groupe socialiste.
Monsieur le rapporteur, cher Hervé Maurey, je vous remercie très sincèrement d’avoir pris l’initiative de déposer cette proposition de loi qui ajuste et clarifie l’exercice du droit de préemption.
Madame la présidente, monsieur le secrétaire d'État, monsieur le président de la commission de l'économie, mes chers collègues, la plupart d’entre vous avez été, dans un passé lointain ou récent, maires ou l’êtes toujours. À ce titre, nous savons tous que l’exercice de ce droit est très important pour une collectivité territoriale ou une commune, notamment quand il s’agit de procéder à l’aménagement économique de son territoire ou de réaliser de nouveaux logements.
Nous savons aussi à quel point les procédures contentieuses exercées par les propriétaires des biens préemptés sont nombreuses, longues, coûteuses et parfois décourageantes.
C’est pour cette raison que les mesures que vous avez proposées, monsieur le rapporteur, me semblent aller dans le sens d’une plus grande clarté et d’un meilleur encadrement de l’exercice du droit de préemption, ce qui diminuera d’autant les recours contre ces décisions.
Monsieur le secrétaire d'État, vous avez d’ailleurs évoqué largement ce sujet dans le cadre du groupe de travail intitulé Vers un urbanisme de projet, mis en place au mois de juin 2010 afin d’élaborer des propositions concrètes.
Son objectif est de favoriser la mise en place des politiques foncières et d’aménagement. Foncier et aménagement : ce sont deux mots clefs pour une commune. Certaines de ses préconisations, ainsi que celles du Conseil d’État qui a consacré un rapport très intéressant sur ce sujet en 2007, ont été introduites de manière partielle et tardive – disons-le – dans la proposition de loi Warsmann que nous avons examinée en première lecture à l’automne dernier. En tant que rapporteur pour avis de la commission de l'économie, cher Hervé Maurey, vous releviez que « le fait de noyer une réforme de fonds dans un texte de simplification du droit n’[était] pas satisfaisant ». Vous aviez parfaitement raison. Connaissant votre réalisme et votre bon sens, une telle réaction ne m’étonne guère.
Aussi, étant donné son importance, il me semble tout à fait cohérent et salutaire de consacrer une proposition de loi à ce seul sujet.
Même si ce texte ne tend pas à bouleverser radicalement le droit applicable en la matière et si nous sommes loin du miracle, reconnaissons qu’il prévoit des améliorations sensibles en fixant un double objectif : apporter des garanties aux propriétaires et assurer un exercice efficace du droit de préemption aux collectivités et aux opérateurs fonciers.
Dans le cadre de la prévention du contentieux ou pour éviter que l’on découvre après la préemption des coûts cachés, il semble indispensable que la déclaration d’intention d’aliéner fasse état des éventuels travaux de dépollution et de remise en état qu’impliquerait l’acquisition de ce terrain.
En outre, la transparence dans l’exercice du droit de préemption ne pourra qu’être améliorée par une meilleure publicité des décisions de préemption. C’est important.
De même, je pense que les recours fondés sur le prix d’acquisition du bien préempté seront moins nombreux, dès lors que sera adopté l’article 2, qui encadre plus strictement la renonciation de l’exercice du droit de préemption pour une question d’évaluation du prix du bien préempté.
En outre, l’encadrement par la loi du délai de paiement du bien préempté – quatre mois – permet de mieux baliser cette procédure et constitue une plus grande sécurité pour les propriétaires du bien préempté.
Quand nous, élus locaux, commençons une opération d’aménagement et exerçons un droit de préemption sur un immeuble, il se peut que, dans le temps de la procédure, les projets d’aménagement subissent quelques modifications. Nous en avons tous fait l’expérience. En ce sens, il me semble de bon sens de donner un peu de souplesse à la personne publique concernant l’affectation de ces biens.
Cela est aussi utile pour inciter les collectivités à effectuer des réserves foncières dont l’affectation est susceptible de modification, afin d’anticiper des projets qui ne sont qu’au stade de la maturation. Gérer, c’est aussi être visionnaire. C’est la raison pour laquelle je trouve tout à fait opportun que le bien préempté puisse être affecté à un autre usage que celui qui est mentionné dans la déclaration d’intention d’aliéner.
Pour éviter les abus d’utilisation du droit de préemption, il me semble par ailleurs cohérent de permettre à un propriétaire, dans le cas où le titulaire du droit n’a pas utilisé ou aliéné le bien pendant un délai de cinq ans ou si la décision de préempter a été annulée, de pouvoir demander la rétrocession du bien. Cela constitue une limite raisonnable et justifiée à l’exercice de ce droit par son titulaire et permet d’éviter les abus.
Toutes ces mesures me semblent donc aller dans le bon sens, celui de la clarification du droit et d’un meilleur encadrement de son exercice, afin d’améliorer la sécurité juridique de cette prérogative ô combien précieuse pour les élus.
Monsieur Emorine, éminent président de la commission de l'économie, je salue encore une fois le travail de votre rapporteur, Hervé Maurey, qui est bénéfique pour l’avenir, car gérer, c’est prévoir.
Applaudissements sur les travées de l ’ Union centriste et de l ’ UMP, ainsi que sur certaines travées du RDSE.
Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?…
La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion des articles.
L'amendement n° 10, présenté par MM. Daunis, Raoul, Repentin, Caffet, Godard, Courteau, Navarro et Rebsamen, Mme Bricq et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Avant l’article 1er, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’article L. 110 du code de l’urbanisme est complété par trois phrases ainsi rédigées :
« La destination prioritaire des sols est de servir l’intérêt général. Les documents d’urbanisme ont pour vocation de préserver la durabilité de ce patrimoine commun. Ils servent de référence à l’évaluation de la valeur des biens. »
La parole est à M. Marc Massion.
Aujourd'hui, les opérations d’aménagement, notamment quand il s’agit de logements ou de transports en commun, sont entravées du seul fait des estimations des propriétaires privés qui spéculent sur la valeur future de leur bien. Les logements, équipements et services nécessaires pour que la vie de tous soit confortable ne peuvent se faire sans investissements ni constructions nouvelles. Si elles profitent à tous, ces réalisations coûtent cher et rapportent surtout aux propriétaires d’immeubles ou de terrains qui ont les moyens de les empêcher ou de spéculer sur ce que la collectivité ou les grands investisseurs pourraient faire de leurs possessions.
De nouvelles règles sont nécessaires pour réaffirmer la primauté de l’intérêt général sur les intérêts particuliers. La spéculation est devenue à ce point banale que les juges de l’expropriation qui fixent les prix en cas de préemption ne respectent pas toujours l’esprit de la loi. Ils ont pour souci principal le dédommagement des propriétaires et prennent rarement en considération l’intérêt public qu’il y aurait à construire un équipement, mais aussi à payer un juste prix pour acquérir le sol ou l’immeuble nécessaire. Pis encore, le service des domaines, devenu France Domaine, anticipe souvent l’évaluation spéculative des terrains et surévalue de nombreuses propriétés en prenant en considération les variations de prix parfois très fantaisistes qui reposent sur des changements de destination des sols supposés, des anticipations des décisions des élus, ce qui est tout à fait contraire à l’esprit républicain.
C’est pourquoi nous avons choisi de donner corps à l’une des idées qui figurera dans nos propositions, à savoir que le territoire est un patrimoine commun dont l’exploitation privée ne doit pas empêcher les réalisations d’utilité publique. Nous proposons de préciser le sens de la première phrase de l'article L. 110 du code de l’urbanisme qui dispose que « le territoire français est le patrimoine commun de la nation » en indiquant que le moyen de préserver l’intégrité de ce patrimoine est de faire en sorte que, dès lors que l’intérêt général est l’objectif visé et l’utilité publique dûment reconnue, la priorité est d’estimer la valeur des biens non pas sur le prix futur et souvent fantasmé des propriétaires, mais sur la destination du sol au meilleur des intérêts de la collectivité.
« La destination prioritaire des sols est de servir l’intérêt général. Les documents d’urbanisme ont pour vocation de préserver la durabilité de ce patrimoine commun. Ils servent de référence à l’évaluation de la valeur des biens. » Après qu’un tel article aura été inséré dans le code de l’urbanisme, les services de l’État comme les juges seront conduits à produire des évaluations réalistes en rapport avec les capacités contributives des collectivités.
Le sol de la nation n’est pas un bien comme les autres. Sans rogner le droit de propriété, nous estimons qu’il est devenu incontournable de réguler les appétits illimités de spéculateurs qui pensent que s’enrichir en spéculant sur le prix des sols ne fait de mal à personne. Or c’est tout à fait le contraire.
Affirmer que la destination prioritaire des sols est de servir l’intérêt général n’est pas tout à fait conforme à la position de la commission sur le droit de propriété. Il me semble très important de le préciser.
En outre, l’évaluation de la valeur des biens est déjà fonction de la qualification des documents d’urbanisme. Pour qu’il y ait terrain à bâtir, il faut bien que le terrain ait été classé comme tel au PLU. J’ajoute que, pour fixer le prix des biens, le juge se réfère également aux servitudes et aux restrictions administratives qui affectent de façon permanente l’utilisation de l’exploitation des biens.
Pour toutes ces raisons, la commission émet un avis défavorable sur cet amendement.
Je tiens tout d’abord à rappeler que l'article L. 110 du code de l’urbanisme a été entièrement récrit dans le cadre de la loi portant engagement national pour l’environnement, dite « Grenelle II ». Nous sommes parvenus à un équilibre intéressant, notamment en matière de développement durable et de « durabilité », pour reprendre un terme qui figure dans le texte même de votre amendement, monsieur Massion.
Par ailleurs, j’avoue avoir été surpris par l’une des formules que vous avez employée lorsque vous avez affirmé que le juge devait définir la valeur du terrain ou du bien en fonction des « capacités contributives » des communes. Ce serait donc en fonction de la richesse des communes que le juge devrait fixer le montant d’une expropriation ou de l’exercice d’un droit de préemption. J’avoue qu’une telle proposition est un peu particulière au regard du droit de propriété !
Pour toutes ces raisons, comme pour celles qu’a exposées M. le rapporteur, le Gouvernement émet également un avis défavorable sur cet amendement.
L'amendement n'est pas adopté.
Mes chers collègues, j’ai le plaisir de vous annoncer une heureuse nouvelle dont vient de m’informer M. le président du Sénat.
Les deux journalistes de France 3, Hervé Ghesquière et Stéphane Taponier, ont été libérés aujourd'hui.
Applaudissements
Selon les informations du journal Le Monde, les deux anciens otages seront présents dans l’après-midi à l’ambassade de France à Kaboul et devraient arriver en France demain matin. Je vous rappelle que les deux journalistes ont été enlevés dans la province de Kapisa le 30 décembre 2009.
Nous reprenons la discussion de la proposition de loi visant à améliorer et à sécuriser l’exercice du droit de préemption.
Dans la discussion des articles, nous poursuivons l’examen des amendements tendant à insérer des articles additionnels avant l'article 1er.
Je suis saisie de trois amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 11, présenté par MM. Raoul, Repentin, Daunis, Caffet, Godard, Courteau, Navarro et Rebsamen, Mme Bricq et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Avant l’article 1er, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le premier alinéa de l’article L. 210-1 du code de l’urbanisme est ainsi rédigé :
« Les droits de préemption institués par le présent titre sont exercés en vue de la réalisation, dans l’intérêt général, des actions ou opérations ayant pour objets de mettre en œuvre un projet urbain, un projet de transport en commun, une politique locale de l’habitat, d’organiser le maintien, l’extension ou l’accueil des activités économiques et des services de proximité aux habitants, de favoriser le développement des loisirs et du tourisme, de réaliser des équipements collectifs ou des locaux de recherche ou d’enseignement supérieur, de lutter contre l’insalubrité, de permettre le renouvellement urbain, de sauvegarder ou de mettre en valeur le patrimoine bâti ou non bâti. Ils peuvent également être exercés pour constituer des réserves foncières en vue de permettre la réalisation desdites actions ou opérations d’aménagement et la lutte contre la spéculation foncière et immobilière ou pour permettre l’amélioration du fonctionnement de copropriétés en plan de sauvegarde au sens de l’article L. 615-1 du code de la construction et de l’habitation ou de copropriétés en difficulté au sens des articles 29-1 A à 29-3 de la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965 fixant le statut de la copropriété des immeubles bâtis. »
La parole est à M. Daniel Raoul.
Cet amendement tend à reformuler les finalités du droit de préemption.
Dans son étude publiée en 2007, le Conseil d’État a fait ressortir l’intérêt qu’il y aurait à définir avec plus de précision le champ de l’exercice du droit de préemption urbain, de façon à clarifier la destination de cet outil.
Dans le droit actuel, l’article L. 210-1 renvoie à l’article L. 300-1 du code de l’urbanisme qui, dans son premier alinéa, désigne les actions susceptibles de justifier l’exercice du droit de préemption : « Les actions ou opérations d’aménagement ont pour objets de mettre en œuvre un projet urbain, une politique locale de l’habitat, d’organiser le maintien, l’extension ou l’accueil des activités économiques, de favoriser le développement des loisirs et du tourisme, de réaliser des équipements collectifs ou des locaux de recherche ou d’enseignement supérieur, de lutter contre l’insalubrité, de permettre le renouvellement urbain, de sauvegarder ou de mettre en valeur le patrimoine bâti ou non bâti et les espaces naturels. »
Par cet amendement, nous proposons, d’une part, d’ajouter la mention de la réalisation d’un projet de transport en commun, d’autre part, de réaffirmer clairement l’objectif de constitution de réserves foncières en vue d’opérations futures.
En effet, si les établissements publics fonciers ont en général cette dernière vocation, il s’avère souvent nécessaire d’anticiper des projets alors même que ceux-ci ne sont pas encore rendus publics. Les schémas de cohérence territoriale – SCOT – désignent souvent des sites d’urbanisation à venir, permettant de procéder à des préemptions sélectives pour préserver la capacité future des collectivités. Toutefois, en l’absence de tout outil de type zone d’aménagement différé locale – nous y reviendrons par la suite –, il est essentiel de sécuriser les établissements publics fonciers qui sont créés sur l’initiative des collectivités locales et qui servent aussi à constituer des réserves foncières.
Par ailleurs, comme l’a dit notre collègue Laurent Béteille, la vente de lots de copropriété en plan de sauvegarde ou en difficulté n’ayant pas encore atteint le stade de l’insalubrité pourrait aussi être un outil intéressant pour nos collectivités. Nous éviterions ainsi de voir certains immeubles se dégrader de manière catastrophique.
L'amendement n° 22 rectifié, présenté par MM. Mézard, Collin, Alfonsi, Baylet, Detcheverry et Chevènement, Mme Escoffier, M. Fortassin, Mme Laborde et MM. Marsin, Milhau, Plancade, Tropeano, Vall et Vendasi, est ainsi libellé :
Avant l'article 1er, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Au premier alinéa de l'article L. 210-1 du code de l'urbanisme, après les mots : « dans l'intérêt général, » sont insérés les mots : « de projets d'aménagements, ».
La parole est à M. Jacques Mézard.
Le vote de cet amendement ne ferait faire qu’un petit pas au code de l’urbanisme, mais ce serait un grand pas pour la sécurisation du droit de préemption.
En effet, en matière de droit de préemption, la notion de « projet » a très longtemps souffert d’une interprétation très restrictive du juge administratif, interprétation qui affectait la sécurité juridique des opérations décidées par nos collectivités. L’arrêt Lebouc du Conseil d’État, rendu en 1986, avait posé deux principes auxquels devait nécessairement se soumettre l’exercice du droit de préemption : l’antériorité et la précision du projet.
Très opportunément, le Conseil d’État est revenu sur ces critères, trop exigeants à notre sens, dans un arrêt de 2008. Ainsi, aujourd’hui, nos collectivités peuvent mettre en œuvre leur droit de préemption dès lors que leur projet est conforme aux objectifs visés par l’article L. 300-1 du code de l’urbanisme, sans que ses caractéristiques précises soient nécessairement définies.
Pour autant, nous souhaitons renforcer encore la sécurité juridique des opérations d’aménagement décidées par les collectivités en complétant l’article L. 210-1 du code de l’urbanisme, qui définit les objectifs des projets justifiant l’usage du droit de préemption.
Le présent amendement a donc pour objet d’ajouter les « projets d’aménagements » réalisés dans l’intérêt général aux actions ou opérations répondant aux objets définis à l’article L. 300-1, de façon à renforcer le cadre de l’action d’aménagement des collectivités et, comme je l’ai indiqué lors de la discussion générale, d’inscrire dans la loi la jurisprudence nouvelle du Conseil d’État.
L'amendement n° 2, présenté par Mme Didier, MM. Danglot et Le Cam, Mmes Schurch, Terrade et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Avant l'article premier, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le premier alinéa de l'article L. 210-1 du code de l'urbanisme est complété par une phrase ainsi rédigée :
« Ils peuvent également être exercés pour lutter contre la spéculation immobilière et foncière. »
La parole est à Mme Évelyne Didier.
Nous souhaitons compléter les dispositions de l’article L. 210-1 du code de l’urbanisme, qui définit les finalités du droit de préemption.
En l’état actuel du code, il est indiqué que le droit de préemption est exercé en vue de la réalisation, dans l’intérêt général, des actions ou opérations répondant aux objets définis à l’article L. 300-1, c'est-à-dire à la mise en œuvre d’un projet d’urbanisme ou à des fins de réserve foncière.
Nous souhaitons que figure également dans les finalités du droit de préemption la lutte contre la spéculation foncière et immobilière.
Tout d’abord, une telle insertion permettrait de sécuriser juridiquement ce droit en évitant toute source de contentieux.
De plus, nous estimons que la pression qui s’exerce sur le foncier est intenable et qu’elle aggrave les inégalités territoriales, car elle éloigne toujours plus du centre des villes les populations fragiles.
La spéculation, en favorisant la hausse des prix du foncier, contribue également à accroître les difficultés d’intervention des collectivités.
En outre, il est évident que le renchérissement du coût d’acquisition d’un terrain se fait au détriment de la qualité même de la construction ou des équipements, les ressources liées à un projet n’étant évidemment pas extensibles à l’infini.
Il est donc nécessaire de permettre aux collectivités, notamment en zone tendue, de mener des actions permettant de lutter contre cette inflation, qui ne bénéficie, au final, qu’aux banques et aux assurances, par le biais des crédits immobiliers.
La crise du logement atteint actuellement un paroxysme. La maîtrise des sols étant une compétence des collectivités locales, il n’est pas inopportun de donner cette finalité au droit de préemption, afin de répondre, notamment, aux exigences de mixité sociale.
Contrairement à ce qui m’a été dit en commission, une telle insertion n’est pas incompatible avec le droit européen : le Conseil d’État lui-même a indiqué, dans son étude de 2007, que la jurisprudence européenne considérait que le droit de préemption constituait une atteinte justifiée par un motif d’intérêt général et proportionné.
À nos yeux, la lutte contre la spéculation foncière et immobilière est un motif d’intérêt général, permettant l’émergence de projets d’intérêt général à travers des opérations d’aménagement, et l’exercice du droit de préemption constitue un moyen tout à fait proportionné pour l’atteindre.
Je demande le retrait de l’amendement n° 11, que je considère comme satisfait.
Il est satisfait en ce qui concerne les copropriétés puisqu’un amendement de M. Alduy portant spécifiquement sur ce point a reçu un avis favorable.
En effet !
En tout cas, sur les réserves foncières, il est d’ores et déjà satisfait puisqu’elles sont explicitement citées comme pouvant justifier l’exercice du droit de préemption.
Enfin, ainsi que je vous l’ai déjà dit, mon cher collègue, il ne nous semble pas nécessaire de mentionner, parmi les motifs d’exercice du droit de préemption, les projets de transport en commun dès lors que le code de l’urbanisme se réfère à la notion de réalisation d’équipements collectifs. Or, à ma connaissance, les projets de transports sont des équipements collectifs…
En ce qui concerne l’amendement n° 22, je comprends tout à fait l’objectif de M. Mézard : sécuriser l’action des communes. Du reste, c’est également celui que nous visons dans cette proposition de loi.
Cependant, comme l’avez vous-même rappelé, mon cher collègue, le Conseil d’État a déjà fait évoluer sa jurisprudence sur la motivation. Je ne pense pas qu’inscrire dans la loi la notion de projet d’aménagement apporterait quoi que ce soit au regard de cette jurisprudence. Cela pourrait même avoir l’effet inverse de celui que vous recherchez dans la mesure où vous ne proposez d’introduire la mention des projets d’aménagements qu’à l’article L. 210-1, alors que beaucoup d’articles du code de l’urbanisme font référence aux « actions ou opérations d’aménagement répondant aux objets définis à l’article L. 300-1 ».
C’est raison pour laquelle je souhaite également le retrait de l’amendement n° 22 rectifié.
J’émets un avis défavorable sur l’amendement n° 2, car le fait d’ajouter aux motifs justifiant l’exercice du droit de préemption la lutte contre la spéculation foncière me paraît, comme je l’ai dit en commission, poser des problèmes au regard du droit européen.
En effet, la Cour européenne des droits de l’homme, la CEDH, n’accepte le droit de préemption que pour un objet d’intérêt général mené dans un délai raisonnable. L’objectif global de lutte contre la spéculation ne saurait satisfaire à cette condition.
Je vous rappelle en outre, madame Didier, que la CEDH a condamné la pratique de l’expropriation à des fins de réserve foncière. En revanche, elle accepte aujourd’hui l’exercice du droit de préemption en vue de la constitution de réserves foncières. Il nous faut donc, malgré tout, être assez vigilants quant au risque d’une éventuelle sanction de la part de la CEDH.
Cela étant, comme je vous l’ai déjà indiqué, le droit de préemption, parce qu’il permet de maîtriser le marché foncier, contribue à éviter cette spéculation foncière que vous dénoncez.
Sur les trois amendements, l’avis du Gouvernement est identique à celui de la commission.
Il me semble que l’amendement n° 11 est pleinement satisfait. À l’évidence, le droit de préemption peut parfaitement s’exercer dans le cadre de la mise en place d’une ligne de transport en commun : c’est d’ores et déjà le droit.
De même, le droit permet aujourd’hui de mettre en œuvre le droit de préemption pour améliorer le fonctionnement de copropriétés. En revanche, si l’on fait un raisonnement a contrario, ce que vous proposez à cet égard, monsieur Raoul, pourrait être interprété comme plus restrictif que le droit actuel.
Je demande également à M. Mézard de bien vouloir retirer l’amendement n° 22, reprenant à mon compte les raisons avancées par le rapporteur.
Sur l’amendement n° 2, qui tend à mentionner, parmi les objets de l’exercice du droit de préemption, la lutte contre la spéculation immobilière et foncière, j’ajouterai aux arguments développés par le rapporteur qu’il y a, à mon sens, un risque d’abus de pouvoir.
Comment va-t-on définir ce qu’est une spéculation immobilière et foncière ? À partir de quel taux d’augmentation des prix du foncier peut-on parler de spéculation ? 2 % ? 5 % ? 18 % ? Et cela peut varier d’une commune à l’autre ! Il est évident que se trouve là une possible source d’abus de pouvoir, de nature à constituer un véritable « nid à contentieux ».
L'amendement n'est pas adopté.
L'amendement n'est pas adopté.
L'amendement n'est pas adopté.
L'amendement n° 23 rectifié, présenté par MM. Mézard, Collin, Alfonsi, Baylet et Chevènement, Mme Escoffier, M. Fortassin, Mme Laborde et MM. Marsin, Milhau, Plancade, Tropeano, Vall et Vendasi, est ainsi libellé :
Avant l'article 1er, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
À la deuxième phrase du deuxième alinéa de l'article L. 210-1 du code de l'urbanisme les mots : « de l'article L. 321-1 » sont remplacés par les mots : « des articles L. 321-1 ou L. 324-1 ».
La parole est à M. Jacques Mézard.
Le but est ici simplement de permettre aux établissements publics fonciers locaux d’intervenir en matière de logements sociaux. II s’agirait d’élargir à ces établissements la délégation du droit de préemption dont dispose le préfet, dès lors qu’a été pris un arrêté constatant la carence d’une commune à atteindre le pourcentage de logements sociaux imposé par la loi relative à la solidarité et au renouvellement urbains, autrement dit la loi SRU.
Ce droit de préemption peut d’ores et déjà être délégué aux établissements publics fonciers et d’aménagement ainsi qu’aux sociétés d’économie mixte – SEM – ou à certains organismes d’HLM. Tout comme les SEM, ils sont dirigés par des représentants des collectivités, et l’État utilise déjà ces sociétés pour mettre en œuvre une politique de rattrapage en matière de logements sociaux. On ne peut donc dénier à ces établissements le droit d’intervenir pour ce simple motif.
Enfin, ces établissements publics fonciers locaux peuvent également percevoir les pénalités financières prises en application de l’article 55 de la loi SRU, en l’absence de programme local d’habitat. Ils ont donc une réelle légitimité à agir dans ce domaine.
Le Gouvernement, quant à lui, est défavorable à cet amendement. En effet, il prévoit qu’un pouvoir d’État est délégué à un établissement public local, dans lequel l’État n’est pas présent.
Aujourd’hui, lorsqu’un constat de carence est établi, l’État dispose du droit de préemption et peut le déléguer à un établissement public d’aménagement dont il a la gouvernance.
Vous demandez, monsieur Mézard, d’étendre cette possibilité aux établissements publics fonciers locaux, alors que l’État ne participe pas à la gouvernance de telles structures. Le fait de déléguer un pouvoir d’État, prévu par la loi, à un établissement dont l’État n’est pas membre pose tout de même un problème !
Monsieur le secrétaire d’État, l’amendement présenté par notre collègue Jacques Mézard a toute sa logique. Dans la mesure où les établissements publics fonciers locaux perçoivent les pénalités versées par les communes au titre de l’article 55 de la loi SRU, pourquoi ne pourraient-ils pas utiliser cet argent pour procéder à des préemptions ?
Certes, l’État a le pouvoir de préemption sur les communes en constat de carence ; mais, à ma connaissance – peut-être disposez-vous de données plus précises –, il ne l’a pas utilisé.
Personnellement, que cet argent soit utilisé par les établissements publics fonciers locaux pour promouvoir la construction de logements, je trouve cela plutôt bien.
L’amendement est adopté.
En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans la proposition de loi, avant l’article 1er.
Je constate par ailleurs que cet amendement a été adopté à l’unanimité des présents.
Je suis saisie de deux amendements identiques.
L’amendement n° 1 rectifié quinquies est présenté par MM. Alduy, Couderc, Cléach, Gélard, Béteille et Mayet, Mme Morin-Desailly, M. Cointat, Mme Sittler, MM. Lefèvre, Milon, Leroy, Demuynck, Dubois, Doublet, Laurent, Hérisson et Leleux, Mme Malovry, MM. Braye, Pierre et Adnot, Mme Létard et MM. B. Fournier et Dulait.
L’amendement n° 19 rectifié est présenté par MM. Raoul, Repentin, Daunis, Caffet, Godard, Courteau, Navarro et Rebsamen, Mme Bricq et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Avant l’article 1er, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après l’article L. 210-2 du code de l’urbanisme, il est inséré un article L. 210-3 ainsi rédigé :
« Art. L. 210-3. - En cas de vente de lots de copropriétés faisant l’objet d’un plan de sauvegarde au sens de l’article L. 615-1 du code de la construction et de l’habitation ou de copropriétés en difficulté au sens des articles 29-1 A à 29-3 de la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965 fixant le statut de la copropriété des immeubles bâtis, le titulaire du droit de préemption peut faire usage de ce droit pour acquérir des lots de copropriétés en vue de l’amélioration du fonctionnement des copropriétés ».
La parole est à M. Laurent Béteille, pour présenter l’amendement n° 1 rectifié quinquies.
Un certain nombre de copropriétés connaissent des problèmes de fonctionnement : parce qu’on ne trouve pas de majorité pour prendre des décisions, voire parce qu’il est impossible de tenir des assemblées générales…
Cet amendement vise à permettre de préempter la vente de lots de copropriétés en plan de sauvegarde ou en difficulté, sans avoir pour autant atteint le stade de l’insalubrité visé à l’article L. 300-1 du code de l’urbanisme.
Par cette proposition de bon sens, il s’agit de favoriser la relance de ces copropriétés avec des acquéreurs qui pourront reconstituer des majorités susceptibles de voter les décisions nécessaires aux assemblées générales.
La parole est à M. Daniel Raoul, pour présenter l’amendement n° 19 rectifié.
Nous avons déjà évoqué ces copropriétés qui fonctionnent mal à propos de l’amendement n° 11 et nous adhérons pleinement à la présentation du problème que vient de faire Laurent Béteille.
Cela étant, monsieur le secrétaire d’État, j’aurai une question à vous poser : dans quel délai comptez-vous soumettre à la représentation nationale la fameuse réforme de la loi de 1965 sur le statut des copropriétés et celle des professions immobilières ? Je rappelle que notre collègue M. Braye a mené une mission sur ce thème. Je n’oublie pas non plus que les propositions formulées dans un précédent rapport publié dans le prolongement du Grenelle sont restées lettre morte.
Comme je l’avais laissé entendre tout à l’heure, la commission émet un avis favorable sur ces deux amendements identiques.
Le Gouvernement émet un avis défavorable.
Je ferai deux observations.
Premièrement, nous ne sommes évidemment pas en désaccord sur le fond : nous partageons totalement la volonté exprimée par la commission et les auteurs des amendements quant à la possibilité d’utiliser le droit de préemption sur les lots de copropriétés.
Simplement, une telle possibilité existe déjà. Donc, pourquoi se répéter ? Je ne vois pas ce que l’adoption de ces amendements ajouterait à ce que prévoit déjà le droit français.
Deuxièmement, le dispositif proposé aboutit en fait à restreindre le champ d’application du droit de préemption sur les copropriétés. En effet, les amendements n’en envisagent la mise en œuvre que dans le cas où il y a un plan de sauvegarde. Raisonnons a contrario : sans plan de sauvegarde, il ne sera plus possible d’utiliser le droit de préemption sur les lots de copropriétés.
Autrement dit, la proposition qui nous est faite, outre qu’elle est redondante, est restrictive par rapport au droit positif actuel.
J’en suis désolé, monsieur le secrétaire d'État, mais je ne suis pas d’accord avec vous.
Les amendements en question visent à répondre aux remarques formulées par le Conseil d’État dans son étude de 2007 sur les problèmes qu’il peut y avoir en matière d’interprétation de la loi actuelle, et notamment à celle-ci : « La lutte contre les logements insalubres constitue un autre exemple révélateur de l’incertitude actuelle. La jurisprudence semble réticente à admettre l’exercice du droit de préemption urbain à cette fin au motif que celle-ci relève plutôt d’une logique de santé publique et que la réalisation de travaux dans le seul but de résorber l’insalubrité d’un bâtiment ou d’un lot de copropriété ne constitue pas par elle-même une opération d’aménagement […] On peut ainsi douter de ce que, en l’état actuel du droit, les opérations prévues par le code de la construction et de l’habitation, telles que les opérations programmées d’amélioration de l’habitat destinées en particulière à résorber l’habitat indigne soient des opérations d’aménagement au sens de l’article L. 210-1 du code de l’urbanisme. »
Il y a donc bien des incertitudes juridiques qui pèsent sur la situation actuelle ; les auteurs de ces amendements identiques se proposent d’y répondre ; d’où l’avis favorable émis par la commission.
Il faut autoriser très clairement l’exercice du droit de préemption urbain dès lors qu’il s’agit d’améliorer le fonctionnement de copropriétés en difficulté.
Monsieur le rapporteur, j’entends bien votre argument, mais il vient confirmer, me semble-t-il, ce que je viens de dire.
Vous nous expliquez très clairement que le champ de ces amendements se limite exclusivement au problème de l’insalubrité.
Je répète donc que, actuellement, le droit de préemption urbain ouvert dans le cadre des copropriétés est bien plus large, notamment pour ce qui concerne la réalisation d’un PLH, qui n’est pas envisagée dans le texte proposé.
Autrement dit, ce qui est possible aujourd’hui ne le sera plus demain. Je serai même plus précis : aujourd’hui, l’exercice du droit de préemption urbain relatif aux copropriétés est possible dès lors qu’il s’agit du droit de préemption renforcé : à partir du moment où celui-ci est correctement motivé, il n’y a pas de problème d’interprétation par rapport à l’argumentaire du Conseil d’État.
Je confirme donc l’avis défavorable du Gouvernement sur ces amendements identiques, car il n’est pas concevable de restreindre le champ d’application du droit de préemption.
Honnêtement, on ne peut pas être d’accord avec votre argumentation, monsieur le secrétaire d’État. L’article que les amendements identiques visent à insérer dans le code de l’urbanisme étant situé après l’article L. 210-2 relatif aux règles du droit de préemption, ces dernières ne seraient pas touchées.
Nous souhaitons simplement ouvrir la possibilité de préempter des lots de copropriétés pour une nouvelle raison, qui n’est pas prévue dans l’article L. 210-2, à savoir améliorer le fonctionnement des copropriétés. Notre proposition s’ajoute aux dispositions existantes et ne vient en aucun cas les restreindre, bien au contraire.
Je fais miens les arguments développés par notre collègue Laurent Béteille.
Lorsque des organismes HLM font part de leur souhait de se porter acquéreurs, d’ailleurs à la demande des collectivités locales, de lots de copropriétés dans la situation précise visée par ces amendements identiques, on nous oppose la carence de la loi en la matière et la nécessité de clarifier les dispositions existantes. Nous voterons donc ces amendements.
J’ai le sentiment qu’une telle clarification sera également utile pour certains de nos collègues qui ne sont pas forcément présents dans l’hémicycle aujourd’hui et qui sont confrontés sur leur territoire à des copropriétés en difficulté : construites dans des zones de montagne voilà quelques années sous le régime de la défiscalisation, elles ne sont plus louées aujourd’hui ; c’est le problème des « lits froids ». Ces logements n’étant pas frappés d’insalubrité, l’utilisation du droit de préemption tel qu’il est aujourd’hui défini n’est pas possible.
L’adoption de ces deux amendements permettrait donc d’apporter un début de réponse dans ce cas de figure certes un peu particulier, mais qui se rencontre dans certains territoires de notre pays.
Je mets aux voix les amendements identiques n° 1 rectifié quinquies et 19 rectifié.
Les amendements sont adoptés.
En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans la proposition de loi, avant l’article 1er.
Je constate par ailleurs que ces amendements identiques ont été adoptés à l’unanimité des présents.
L’amendement n° 12 rectifié, présenté par MM. Repentin, Raoul, Daunis, Caffet, Godard, Courteau, Navarro et Rebsamen, Mme Bricq et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Avant l’article 1er, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le code de l’urbanisme est ainsi modifié :
1° Le chapitre II du titre Ier du livre II est ainsi modifié :
a) Son intitulé est ainsi rédigé :
« Zones d’aménagement différé, périmètres provisoires et zones d’opérations futures » ;
b) Il est créé une section 1 intitulée : « Zones d’aménagement différé et périmètres provisoires » comprenant les articles L. 212-1 à L. 212-5 ;
c) Il est ajouté une section 2 ainsi rédigée :
« Section 2
« Zones d’opérations futures
« Art. L. 212 -6. – Des zones d’opérations futures peuvent être créées, par délibération motivée, par un établissement public de coopération intercommunale visé aux articles L. 5215-1, L. 5216-1 et L. 5217-1 du code général des collectivités territoriales en vue de la réalisation d’opérations d’intérêt communautaire ou par une commune non membre d’un tel établissement.
« En cas d’avis défavorable d’une commune incluse dans le périmètre de la zone, celle-ci ne peut être créée que par décret en Conseil d’État.
« Art. L. 212 -7. – Dans les zones visées à l’article L. 212-6, un droit de préemption, qui peut être exercé pendant une période de six ans renouvelable à compter de la publication de l’acte qui a créé la zone, est ouvert aux communes. Au cas où la commune n’exerce pas le droit de préemption, l’établissement public qui a créé la zone peut se substituer à elle.
« Les dispositions des articles L 213-1 à L. 213-18 sont applicables. Toutefois, par exception au troisième alinéa de l’article L. 213-2, le silence des titulaires des droits de préemption et de substitution pendant trois mois à compter de la réception de la déclaration mentionnée au premier alinéa de l’article L. 213-2 vaut renonciation à l’exercice de ces droits.
« Art. L. 212 -8. – Tout propriétaire, à la date de publication de l’acte instituant la zone visée à l’article L. 212-6, d’un bien soumis au droit de préemption, ou ses ayants cause universels ou à titre universel, peut proposer à la personne qui a créé la zone de l’acquérir. Les dispositions de l’article L. 212-3 sont alors applicables ».
2° Après le huitième alinéa de l’article L. 213-4, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« - pour les biens compris dans les zones visées à l’article L. 212-6, la date de publication ou du dernier renouvellement de l’acte créant la zone ; ».
La parole est à M. Thierry Repentin.
Nous avons longuement réfléchi sur la meilleure manière de rendre au droit de préemption sa fonction d’outil d’aménagement. Nous souhaitons notamment en faire un instrument qui permette aux collectivités locales d’anticiper au mieux leurs opérations futures. Pour ce faire, nous avions jusque-là à notre disposition – mes collègues également élus locaux le savent bien – les zones d’aménagement différé, les fameuses ZAD.
Depuis plusieurs années maintenant, sous la pression d’un certain nombre de parlementaires et d’une supposée jurisprudence européenne, les avantages rattachés aux ZAD ont été peu à peu rognés. Ainsi, leur durée de vie est passée de dix à six ans. Mais il y a plus gênant encore : pour créer une ZAD, les communes doivent systématiquement s’en remettre à l’État.
Pour définir le périmètre d’application du droit de préemption urbain, les communes sont libres, au point que la plupart de celles qui ont créé un tel périmètre l’ont calé, d’une façon générale, sur l’ensemble des zones U et AU de leur territoire.
Dès lors que les communes envisagent de créer des zones prioritaires d’aménagement, avec la certitude d’aménager des services publics, de la voirie ou d’autres équipements, et d’y ouvrir un droit de délaissement aux propriétaires, tout en y maîtrisant les prix, elles doivent s’en remettre, je le redis, à l’État.
Notre proposition vise, en quelque sorte, à améliorer la donne.
Il s’agit de doter les communes et, le cas échéant, les intercommunalités, quand elles font valoir un intérêt communautaire consensuel, d’une ZAD locale, qui s’appellerait « zone d’opérations futures », ou ZOF : à nouvelle zone, nouvel acronyme ! Elles en maîtriseraient le périmètre et pourraient préserver leur capacité d’achat du foncier ou de l’immobilier pendant une durée minimale de six ans, à l’instar de ce qui se fait dans les ZAD. En échange, les propriétaires se verraient offrir un nouveau droit, le droit de délaissement, c’est-à-dire le pouvoir de contraindre la commune ou l’intercommunalité à racheter leurs biens au prix du marché.
La ZOF apparaît donc comme l’outil qui confère une utilité foncière au droit de préemption et qui redonne des marges de manœuvres aux maires sur leur territoire.
Imaginez, dans les grandes villes, le nombre d’opérations qui sont rendues difficiles par la flambée des prix, alors même que les projets sont sur la table et qu’ils tardent à sortir de terre pour des raisons d’agenda. Les villes moyennes et les communes rurales connaissent le même problème ; or le moindre retard, tenant souvent à des causes étrangères à la commune, rend difficile la mise en œuvre de telles opérations en raison du prix du foncier.
Pour tous ces projets, la création d’une ZOF permettrait d’apaiser les appétits d’opérateurs extérieurs à la commune.
Monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, cette idée est une avancée très nette pour les territoires. J’espère que vous aurez à cœur de la soutenir avec nous.
La commission émet un avis favorable sur cet amendement, d’autant qu’il s’agit d’un sujet sur lequel nous avons travaillé ensemble.
Certains, parleraient de « coproduction législative »… Je n’irai peut-être pas jusque-là ! En tout cas, les échanges que nous avons eus au cours de différentes réunions de commission ont permis d’arriver à une rédaction qui nous paraît tout à fait satisfaisante.
Ainsi, la proposition initiale de M. Repentin portait sur des « zones d’opérations d'intérêt communautaire ». Il est désormais question de « zones d’opérations futures », puisque le dispositif peut bénéficier à des communes et non pas seulement à des intercommunalités.
Il nous a en outre paru opportun de préciser que le juge prendrait en compte l’usage du bien au moment de la création de la zone, comme c’est le cas pour les ZAD. C’est là une disposition particulièrement bienvenue.
M. Benoist Apparu, secrétaire d’État. Il est défavorable, madame la présidente.
Exclamations sur les travées du groupe socialiste.
Si je me réfère aux votes intervenus sur les précédents amendements, je suppose que l’avis du Gouvernement, là encore, ne sera pas suivi. Mais il n’en assume pas moins ses positions.
Nous sommes tous, me semble-t-il, résolus à poursuivre le processus de simplification du droit de l’urbanisme. Pourtant, à chaque nouveau texte, nous en « rajoutons une couche » !
Depuis que nous avons lancé la réforme de l’urbanisme, je dis régulièrement que nous devons éviter de faire ce que nous faisons depuis dix ans, à savoir élaborer un projet de loi de simplification qui devient finalement une loi compliquant davantage le droit. Or un tel amendement revient précisément à complexifier plus encore les choses.
Actuellement, le droit de préemption urbain de base appartient à celui qui a la compétence de l’urbanisme : il s’agit du classique droit de préemption de la commune ou de l’intercommunalité, auquel s’ajoute le droit de préemption de la zone d’aménagement différé. Or vous voulez créer une troisième couche, avec un zonage spécifique ! En gros, cela signifie que l’on va voir une ZAD créée dans une zone spécifique par une intercommunalité dotée d’un droit de préemption. En termes de simplification du droit, vous faites fort !
Nous sommes bien loin, en l’occurrence, de la simplification souhaitée du droit de préemption urbain, qui est au cœur de ce texte. Il s’agit clairement d’une modification substantielle du droit de préemption. Je pense que l’on pourrait retravailler cette idée dans le cadre plus large de la réforme globale du droit de l’urbanisme.
Je ne suis pas sûr que la volonté de la Haute Assemblée soit d’aller dans le sens d’une complexification du droit de l’urbanisme. Or c’est ce qu’elle ferait en votant cet amendement.
M. Pierre Hérisson. Ceux qui ont participé aux débats ayant précédé le vote de la loi SRU et qui ont suivi l’évolution du droit de l’urbanisme depuis une quinzaine d’années savent bien que, chaque fois que l’on prétend simplifier, on ouvre en fait un champ très large aux juridictions administratives, dont les interprétations viennent compliquer, quelques années plus tard, l’application du code de l’urbanisme.
M. Charles Revet approuve.
Lorsque les plans d’occupation des sols étaient en vigueur, d’une année sur l’autre, un certain pourcentage de documents d’urbanisme était annulé par les tribunaux administratifs. On est ensuite passé au plan local d’urbanisme : le nombre de PLU annulés depuis leur création représente le double de celui des POS annulés en leur temps !
Quand il s’agit de simplifier, il faut tout de même être attentif aux propositions de bon sens. Le rôle du Sénat est aussi de faire des propositions tendant à apporter des précisions et à combler un certain nombre de lacunes.
Il me semble que le droit de l’urbanisme relève d’abord de la responsabilité du législateur, les collectivités ayant ensuite à l’appliquer sur le territoire. Or, à force de légiférer de façon imprécise dans un certain nombre de domaines, nous avons malheureusement laissé le juge administratif se substituer à celui qui a l’autorité pour délivrer les droits d’occupation du sol.
Je précise que cet amendement vise à créer un outil supplémentaire à la disposition des collectivités. Aujourd’hui, les collectivités ne peuvent pas, si elles le souhaitent, mettre en place des zones d’aménagement différé : ce pouvoir n’appartient qu’à l’État.
Notre collègue Pierre Hérisson vient d’évoquer, à juste titre, la vocation du Sénat. Il me semble que celle-ci est de représenter les collectivités. La sacro-sainte simplification constamment invoquée ne justifie pas que l’on refuse de doter les collectivités d’un nouvel outil.
Nous avons travaillé avec les auteurs de l’amendement pour parvenir à un équilibre entre le rôle de l’intercommunalité et celui des communes, car nous voulions éviter que celles-ci soient dépossédées de leur droit de préemption urbain.
Je considère, pour ma part, que cet amendement est tout à fait équilibré.
L’amendement est adopté.
En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans la proposition de loi, avant l’article 1er.
Je constate par ailleurs que cet amendement a été adopté à l’unanimité des présents.
L’amendement n° 24 rectifié, présenté par MM. Mézard, Collin, Baylet, Alfonsi et Chevènement, Mme Escoffier, M. Fortassin, Mme Laborde et MM. Marsin, Milhau, Plancade, Tropeano, Vall et Vendasi, est ainsi libellé :
Avant l'article 1er, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le code de l'urbanisme est ainsi modifié :
1° Les articles L. 211-1 à L. 211-4 sont ainsi rédigés :
« Art. L. 211-1. - Les communes disposent d'un droit de préemption urbain à l'intérieur des zones urbaines et des zones à urbaniser délimitées par les plans d'urbanisme ou documents en tenant lieu existant sur leurs territoires. Elles peuvent déléguer ce droit à l'État, à une collectivité locale, à un établissement public y ayant vocation ou au concessionnaire d'une opération d'aménagement. Cette délégation peut porter sur une ou plusieurs parties des zones concernées ou être accordée à l'occasion de l'aliénation d'un bien. Les biens ainsi acquis entrent dans le patrimoine du délégataire.
« Art. L. 211-2. -Les établissements publics de coopération intercommunale compétents en matière de plan local d'urbanisme, ou ayant reçu en application de l'article L. 211-1 délégation de son droit de préemption par une commune qui en est membre, et les communes non membres d'un tel établissement peuvent instituer un droit de préemption urbain à l'intérieur de tout ou partie des zones urbaines et des zones à urbaniser délimitées par un plan local d'urbanisme ou un document d'urbanisme en tenant lieu.
« Art. L. 211-3. - Les établissements publics de coopération intercommunale compétents en matière de plan local d'urbanisme, ou ayant reçu en application de l'article L. 211-1 délégation de son droit de préemption par une commune qui en est membre, et les communes non membres d'un tel établissement peuvent, par décision motivée, délimiter des périmètres de projet d'aménagement ou de construction dans lesquels ils peuvent exercer, pendant une durée de six ans renouvelable, un droit de préemption dans les conditions définies au chapitre III du présent titre.
« Art. L. 211-4. - Les établissements publics de coopération intercommunale compétents en matière de plan local d'urbanisme, ou ayant reçu en application de l'article L. 211-1 délégation de son droit de préemption par une commune qui en est membre, et les communes non membres d'un tel établissement peuvent, par décision motivée, délimiter des périmètres de protection dans lesquels ils peuvent exercer, pendant une durée de six ans renouvelable, le droit de préemption prévu à l'article L. 211-2 dans tout ou partie :
« 1° Des périmètres de protection rapprochée de prélèvement d'eau destinée à l'alimentation des collectivités humaines définis en application de l'article L. 1321-2 du code de la santé publique ;
« 2° Des périmètres définis par un plan de prévention des risques technologiques en application du I de l'article L. 515-16 du code de l'environnement ;
« 3° Des zones soumises aux servitudes prévues au II de l'article L. 211-12 du même code. » ;
2° Après l'article L. 211-4, il est inséré un article L. 211-4-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 211-4-1. - Pendant la durée d'application d'un arrêté préfectoral pris sur le fondement de l'article L. 302-9-1 du code de la construction et de l'habitation, le droit de préemption institué en application de la présente section est exercé par le représentant de l'État dans le département lorsque l'aliénation porte sur un terrain, bâti ou non bâti, affecté au logement ou destiné à être affecté à une opération ayant fait l'objet de la convention prévue à l'article L. 302-9-1 du code de la construction et de l'habitation.
« Le représentant de l'État peut déléguer ce droit à un établissement public foncier créé en application des articles L. 321-1 ou L. 324-1 du présent code, à une société d'économie mixte ou à un des organismes d'habitations à loyer modéré prévus par l'article L. 411-2 du code de la construction et de l'habitation.
« Les biens acquis par l'exercice du droit de préemption en application du présent article doivent être utilisés en vue de la réalisation d'opérations d'aménagement ou de construction permettant la réalisation des objectifs fixés dans le programme local de l'habitat ou déterminés en application du premier alinéa de l'article L. 302-8 du code de la construction et de l'habitation. »
La parole est à M. Jacques Mézard.
Cet amendement vise à clarifier la répartition des interventions respectives des communes et des EPCI en matière de droit de préemption.
Tous ceux qui assument des responsabilités exécutives au sein du bloc communal connaissent les difficultés que pose l’exercice du droit de préemption au niveau intercommunal. Il est certes possible de demander à la commune de déléguer ce droit de préemption ; une délibération spécifique doit alors être prise en ce sens par la commune.
Il reste que ces difficultés ne feront que s’accroître du fait du développement de l’intercommunalité, naturellement accentué – et, sur ce point, de manière légitime – par la réforme des collectivités territoriales. La question du droit de préemption à l’intérieur du bloc communal va donc devenir prégnante.
Or je constate que seules les communautés urbaines disposent de compétences suffisamment intégrées pour jouer un rôle moteur à une échelle pertinente. Dans les autres cas, les communes conservent essentiellement leur compétence en matière de PLU.
En tenant compte de l’achèvement en cours de la carte intercommunale, des besoins fonciers importants des collectivités et du fait que les schémas de cohérence territoriale dépassent très largement le périmètre communal, nous croyons tout à fait nécessaire que ces collectivités puissent mettre en œuvre une politique d’aménagement et de développement en favorisant la délégation par les communes du droit de préemption urbain aux intercommunalités.
Certes, l’article L. 211-2 du code de l’urbanisme le permet déjà, mais cet outil ne s’articule pas convenablement avec les besoins nouveaux découlant des transferts de compétences au bénéfice des intercommunalités.
Cet amendement vise donc à procéder à une réécriture globale des dispositions applicables au droit de préemption urbain, afin d’essayer de répondre à ces nouvelles spécificités.
De toute façon, il faudra bien, un jour ou l’autre, en arriver là. Le rapport souligne en effet les problèmes de « concurrence » qui se posent entre le droit de préemption des communes et celui des intercommunalités. Nous n’échapperons donc pas à une réforme plus profonde du droit de préemption à l’intérieur du bloc communal.
Le droit de préemption urbain est exercé par l’intercommunalité si la compétence en matière urbanisme lui a été transférée. À cet égard, les choses sont claires.
Cet amendement vise par ailleurs à créer des zones d’aménagement. De ce point de vue, il me semble satisfait après l’adoption du précédent amendement, qui tend à créer les zones d’opérations futures.
M. Jacques Mézard acquiesce.
Je demande donc à M. Mézard de bien vouloir retirer son amendement n° 24 rectifié.
L’amendement n° 24 rectifié est retiré.
Je suis saisie de deux amendements identiques.
L’amendement n° 8 rectifié bis est présenté par M. Béteille, Mme Bout, M. Milon, Mme G. Gautier, MM. Cointat et Faure, Mme Deroche, MM. Alduy, Leclerc, Hérisson, Grignon, Laurent, Doublet et P. Blanc, Mme Bruguière, MM. Beaumont et J.P. Fournier, Mme Mélot et MM. Dulait et Houel.
L'amendement n° 17 rectifié est présenté par Mme Bricq, MM. Raoul, Repentin, Daunis, Caffet, Godard, Courteau, Navarro, Rebsamen et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Avant l’article 1er, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après l'article L. 213-1 du code de l'urbanisme, il est inséré un article L. 213-1-1 ainsi rédigé :
« Sont également soumis au droit de préemption les immeubles ou ensembles de droits sociaux visés au premier alinéa de l’article L. 213-1 lorsqu’ils font l’objet d’une aliénation à titre gratuit, sauf si celle-ci est effectuée entre personnes ayant des liens de parenté jusqu’au sixième degré ou des liens conjugaux.
« Les dispositions du présent chapitre sont applicables. Toutefois, par dérogation au premier alinéa de l’article L. 213-2 la déclaration adressée à la mairie ne mentionne pas le prix. La décision du titulaire du droit de préemption d’acquérir le bien indique l’estimation de celui-ci par les services fiscaux.
La parole est à M. Laurent Béteille, pour présenter l’amendement n° 8 rectifié bis.
Cet amendement traite d’un sujet à mes yeux très important. J’ai déjà longuement parlé, au cours de la discussion générale, des donations fictives que nous voyons se développer, souvent à la périphérie de nos communes, et qui permettent d’échapper au droit de préemption, celui-ci ne s’appliquant qu’à des cessions à titre onéreux.
Comment les choses se passent-elles ? On s’adresse à un notaire compréhensif pour faire une donation, laquelle s’accompagne en réalité d’un versement totalement occulte, en espèces, et le tour est joué : la législation sur le droit de préemption a été contournée ! Or le résultat en termes d’urbanisme est dramatique : mitage des paysages, implantations réalisées en toute illégalité, etc.
Il faut donc vraiment donner aux communes le moyen de s’opposer à ces pratiques anormales.
La parole est à Mme Nicole Bricq, pour présenter l’amendement n° 17 rectifié.
Je serai brève puisque notre amendement a le même objet que celui de notre collègue Laurent Béteille. Ce n’est d’ailleurs pas un hasard si nous défendons tous deux ces amendements identiques : nous sommes, lui et moi, des élus de départements de la grande couronne d’Île-de-France, lui de l’Essonne, moi de Seine-et-Marne. En particulier dans ces départements, on assiste à la multiplication de ces donations fictives, qui font obstacle au droit de préemption des communes et des intercommunalités et posent, de ce fait, un réel problème, auquel il importe de remédier en modifiant la loi.
Nous avons eu des débats très intéressants en commission sur ces amendements.
Leurs auteurs ayant accepté de préciser que, en cas de donation entre membres de la même famille, le droit de préemption urbain ne s’exercerait pas, la commission a décidé d’émettre un avis favorable.
M. Benoist Apparu, secrétaire d’État. Il est défavorable, madame la présidente.
Exclamations sur les travées du groupe socialiste.
En cas de dépôt d’une question prioritaire de constitutionnalité, cette disposition, si elle est adoptée, sera sans l’ombre d’un doute invalidée par le Conseil constitutionnel. En effet, ces amendements portent une atteinte trop forte au droit de propriété et à la liberté de chacun de céder gratuitement son bien à la personne de son choix, et pas simplement à un membre de sa famille. De ce point de vue, la restriction familiale n’a pas d’effet.
Comprenons-nous bien : le Gouvernement partage totalement le constat fait par les auteurs des amendements. Oui, il y a contournement du droit de préemption urbain, oui, il y a fraude, avec des donations fictives et des dessous-de-table ! Mais la réponse que vous apportez à ce problème, monsieur Béteille, madame Bricq, n’est pas adaptée et, en tout état de cause, ne passera pas la barrière du Conseil constitutionnel.
Par ailleurs, monsieur Béteille, l’argumentaire que vous exposez dans l’objet de votre amendement ne me semble pas tenir la route : il ne porte en effet que sur les zones agricoles, c’est-à-dire le droit de préemption des SAFER, alors même que votre amendement ne concerne que le droit de préemption urbain.
En outre, lorsqu’un élu ou un officier ministériel, par exemple un notaire, ont le sentiment qu’il existe clairement une volonté de fraude dans la donation, ils disposent d’un instrument juridique leur permettant de dénoncer celle-ci.
Exclamations sur les travées du groupe socialiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.
Vous me direz que la preuve de la fraude est difficile à apporter. Mais cela ne sera pas suffisant pour justifier, devant le Conseil constitutionnel, du caractère d’intérêt général de l’atteinte au droit de propriété que vous souhaitez instaurer.
Pour toutes ces raisons, je vous invite à retirer ces deux amendements.
L’argument que vous avez avancé au sujet du Conseil constitutionnel, monsieur le secrétaire d’État, me paraît quelque peu spécieux, ne serait-ce que parce que vous préjugez ce que serait la position du Conseil.
Il y a peu de temps, lorsque de l’examen du projet de loi fixant le nombre des conseillers territoriaux de chaque département et de chaque région, plus précisément sur le tableau concernant leur répartition, j’ai le souvenir d’avoir attiré fortement l’attention du Gouvernement, au travers de la présentation de deux motions de procédure, sur les risques d’inconstitutionnalité. Or il m’a semblé que le Gouvernement se montrait particulièrement sourd à mon argument…
Vous le voyez : à ce moment-là, vous avez accepté de prendre un risque ; je crois que, de temps à autre, il faut en effet savoir le faire. Nous verrons bien quelle position le Conseil constitutionnel adoptera.
Pour ma part, je crois que la mesure proposée par nos collègues est empreinte de sagesse : nous ne pouvons laisser se développer des pratiques dont vous-même, monsieur le secrétaire d’État, reconnaissez l’existence et dont le succès suppose, au moins parfois, la complicité de certains acteurs professionnels.
Monsieur le secrétaire d’État, j’ai bien écouté votre propos ; vous avez dit que ces deux amendements concernaient seulement le droit de préemption urbain, et non le droit de préemption des SAFER.
De deux choses l’une : ou bien la présentation qui nous en est faite, et qui indique le contraire, est exacte ; ou bien les SAFER ne sont effectivement pas concernées – M. le secrétaire d’État en est convaincu – et le moment est alors opportun, monsieur le rapporteur, pour proposer de rectifier le dispositif de façon qu’elles le soient.
En effet, les pratiques que nous cherchons à prévenir concernent davantage le droit de préemption reconnu aux SAFER que le droit de préemption urbain.
Sans qu’il soit nécessaire que je donne des exemples précis, nous pensons tous au même cas : celui dans lequel des terres agricoles, ayant fait l’objet d’une donation, se transforment en terrains qui, quel que soit le nom qu’on leur donne, sont destinés à accueillir des constructions précaires et illégales en violation du code de l’urbanisme.
M. Alain Gournac s’exclame.
Quoique je sois bien placé pour connaître ce type de situations, vous ne m’entendrez jamais dire quelles sont les personnes en cause : au fil du temps je suis devenu prudent, y compris lorsque ces personnes, comme c’est le cas aujourd’hui, saisissent le Conseil constitutionnel quasiment au quotidien…
M. Daniel Raoul s’exclame.
Monsieur le secrétaire d’État, monsieur le rapporteur, s’il est véritablement nécessaire d’apporter une précision afin de nous assurer, en comblant une lacune, que les SAFER sont bien concernées, c’est le moment de le faire.
Je veux vous rassurer pour ce qui concerne la constitutionnalité de la mesure proposée.
Premièrement, je suis d’accord avec le propos qu’a tenu notre collègue Hérisson. Il a cité devant notre assemblée un exemple précis. Je vais vous en donner un second qui concerne le milieu urbain et intéresse le ministre chargé de la ville : il peut se trouver que la valeur marchande de certains appartements situés dans des montées d’escaliers, à l’intérieur de copropriétés dont les bâtiments, notamment en Île-de-France, ne sont pas en bon état, ne soit pas très intéressante. Dès lors, les collectivités locales peuvent vouloir reconquérir ces logements pour éviter que, vendus sans que soient versés les droits de mutation, ils ne soient acquis par des marchands de sommeil.
M. Yves Chastan opine.
La loi, en effet, n’a pas prévu d’étendre le droit de préemption urbain aux donations.
Nous nous trouvons ainsi face à deux cas de figure différents, mais parfaitement complémentaires ; je crois nécessaire que nous le gardions à l’esprit.
Je me permets d’ajouter que, s’agissant d’un sujet sensible, nous avons travaillé en commun avec la commission de l’économie ; nous-mêmes nous sommes en outre permis de saisir la direction de l’initiative parlementaire du Sénat, un service de très grande qualité que nous connaissons tous et qui nous accompagne chaque jour dans nos travaux.
Au sujet de la constitutionnalité de la mesure envisagée, à supposer que cette question se pose un jour, j’indique que la jurisprudence du Conseil constitutionnel relative au droit de propriété repose sur la notion de proportionnalité : le juge constitutionnel, pour apprécier la proportionnalité d’une mesure, compare son intérêt public et ses effets attendus à l’atteinte qu’elle représente au droit des propriétaires.
En l’occurrence, il s’agit non pas d’étendre outre mesure le droit de préemption, mais de soumettre à déclaration d’intention d’aliéner des donations qui interviennent entre tiers, étant précisé que ces derniers n’appartiennent pas à la même famille.
Combien de cas seront-ils concernés ? Relativement peu. À chaque fois, cependant, les pratiques qui ont cours viennent contrecarrer un projet d’intérêt général.
J’ajoute que seulement 1 % des déclarations d’intention d’aliéner vont à leur terme ; autrement dit, quelle que soit notre orientation politique, nous les utilisons avec la plus grande parcimonie. C’est pourquoi je ne voudrais pas que l’on pense que nous introduisons une disposition remettant en cause le droit de propriété ; cette interprétation serait totalement fausse.
Je le rappelle : le juge constitutionnel prend sa décision en appréciant la proportionnalité de la mesure en cause.
Je souhaite pour ma part que la collectivité locale puisse, lorsqu’il est certain que l’on est en présence d’une vente déguisée, s’immiscer dans la transaction car, soit dit en passant, une telle transaction fait perdre de l’argent à l’État puisque les droits de mutation, personne ne les voit.
M. le secrétaire d’État a sorti, avec l’argument de l’inconstitutionnalité, « l’arme nucléaire » ! Mais, de notre côté, nous avions demandé aux services du Sénat une étude dont Thierry Repentin vient de vous communiquer l’appréciation ; et nous avons, au Sénat, de bons services législatifs…
Je souhaite me situer sur un autre terrain, en prenant l’exemple de deux cas tirés de mon département : celui d’une commune périurbaine et celui d’une commune urbaine.
Je suis tout à fait d’accord avec ce qu’a dit M. Hérisson. Il existe encore, dans la grande couronne, des terres agricoles en ville et la situation qu’il a décrite est de plus en plus fréquente : toute une chaîne intégrée se met en place, depuis le donateur jusqu’au notaire et à l’avocat chargé de défendre le dossier lorsque la commune ou l’intercommunalité demande à la justice de trancher – j’indique d’ailleurs que cette personne publique est sans recours, elle est déboutée, compte tenu de l’état actuel du droit.
Tout un marché, parfaitement opaque, est donc en train de se créer, particulièrement dans les territoires périurbains.
Monsieur le secrétaire d’État, je vous entends souvent avancer, comme vous l’avez fait dernièrement devant la commission des finances, l’argument, que je partage, consistant à faire l’éloge des « maires bâtisseurs ». Ces derniers souhaitent agir dans la perspective d’un développement durable et maîtrisé, compte tenu des besoins – vous les connaissez mieux que moi – et de la pression foncière : nous devons construire en recherchant un équilibre entre logements sociaux et logements résidentiels. Or ces communes sont empêchées de « faire la ville sur la ville » et ne peuvent éviter l’étalement urbain, elles qui tiennent pourtant à cet égard le même discours que vous !
Il me semble nécessaire que le Sénat envoie un signal à leur intention.
M. le président Emorine m’excusera d’ajouter que la commission des finances a introduit dans la loi de finances pour 2011 le seul dispositif de péréquation qui existe depuis la suppression de la taxe professionnelle ; il s’agit d’une péréquation entre départements riches et départements pauvres, assise notamment sur les droits de mutation à titre onéreux, ou DMTO. Aujourd’hui, de surcroît, nous privons les départements les plus pauvres du bénéfice de cette péréquation, puisque, dans le cas d’une donation, le fisc ne perçoit pas de DMTO.
Pour toutes ces raisons, je remercie le rapporteur et la commission d’avoir adopté cet amendement ; il est nécessaire que le Sénat l’adopte à son tour.
Nous soutiendrons ces deux amendements.
La mesure proposée poursuit une visée préventive : il s’agit d’essayer de traiter les problèmes en amont. Elle a également pour objet de lutter contre de la fraude.
Puisque vous dites, monsieur le secrétaire d’État, que vous êtes parfaitement d’accord avec cette proposition mais qu’il n’est pas possible de la mettre en œuvre, aidez-nous, avec vos services, à trouver une autre solution !
Nous ne pouvons pas comprendre que vous disiez : « c’est ce qu’il convient de faire, mais il est impossible de le faire ».
C’est s’avouer battu d’avance : cela n’est pas acceptable, d’autant que plusieurs arguments avancés montrent que la décision du Conseil constitutionnel n’est pas aussi certaine que vous l’avez dit.
Il est déjà bien, monsieur le secrétaire d’État, que vous soyez d’accord avec le constat que nous dressons.
Je ne veux pas reprendre à mon compte les propos de Mme Didier ; je pourrais finir par être suspecté d’être un centriste qui ne sait pas où il habite, si je me ralliais trop vite aux thèses de Mme Didier…
Sourires.
M. Hervé Maurey. Justement non, monsieur le ministre, pas comme tout centriste !
Nouveaux sourires.
Puisque vous partagez notre constat mais que notre proposition ne vous convient pas, quelle solution alternative nous proposez-vous ?
Vous ne pouvez pas vous contenter de dire votre accord sur le constat, votre désaccord sur la mesure proposée et vous abstenir de proposer une autre solution.
Par ailleurs, je n’ai pas non plus été convaincu lorsque vous avez soutenu qu’un droit de préemption urbain sur les cessions à titre gratuit serait davantage attentatoire au droit de propriété que le droit de préemption sur les cessions à titre onéreux… J’avoue ne pas bien voir quelle différence il y a entre les deux situations.
Vous avez avancé l’argument de l’inconstitutionnalité. Sur ce point, je vais vous rassurer : je ne suis pas d’accord avec Mme Bricq. Il ne s’agit pas de « l’arme nucléaire », puisque le propre de celle-ci est que, quoiqu’on menace de le faire, on l’utilise rarement… Or le Gouvernement utilise tout le temps la menace de l’inconstitutionnalité ou, à défaut, celle de la non-conformité avec le droit européen.
J’ajoute que nous savons bien, comme l’a dit M. Repentin, que le Conseil constitutionnel prend en compte la proportionnalité ; je crois donc qu’il n’y aurait aucun problème à cet égard. De surcroît, les voies du Conseil constitutionnel sont impénétrables… Aussi, nul, pas même un membre du Gouvernement, ne peut savoir quelle sera sa décision lorsque le dispositif que nous proposons lui sera soumis.
Pour toutes ces raisons, je confirme l’avis favorable de la commission.
Je souhaite revenir sur plusieurs points.
M. le rapporteur vient de tenir le raisonnement suivant : si le droit de préemption lié à une cession à titre gratuit devait être contraire à la Constitution, pourquoi n’en irait-il pas de même de celui qui est lié à une cession à titre onéreux ?
La raison est qu’il existe une toute petite différence entre ces deux situations. La motivation première de celui qui cède un bien à titre gratuit est de le destiner à une personne particulière ; celui qui cède un bien à titre onéreux, en revanche, en attend surtout une somme d’argent. Ce n’est évidemment pas la même chose lorsqu’on vous interdit de donner à la personne.
Si la mesure proposée est adoptée, le résultat sera très simple : lorsque la commune exercera son droit de préemption dans le cadre d’une cession à titre gratuit, le propriétaire désireux de céder son bien à une personne en particulier, et non bien entendu à la commune, préférera se retirer. Résultat : le système sera complètement bloqué !
Dès lors qu’un propriétaire veut donner son bien à une personne, il le destine à cette personne en particulier !
S’il veut donner son bien de façon générale, il peut le faire au profit d’une association ou d’une collectivité locale : le problème est alors résolu.
Mais imaginons qu’un propriétaire veuille donner son bien à un bénéficiaire déterminé, …
… qu’il s’agisse d’une personne de sa famille, d’une personne extérieure à sa famille ou d’une association : sa priorité est de céder son bien à ce bénéficiaire en particulier. Si alors la collectivité locale, à la suite de la déclaration d’intention d’aliéner, souhaite exercer son droit de préemption, ce propriétaire renoncera à céder son bien : le résultat sera négatif.
À la lumière de ces exemples, il apparaît clairement qu’il existe une différence majeure, au regard du respect du droit de propriété, entre la cession à titre gratuit et la cession à titre onéreux.
Presque tous les orateurs qui se sont exprimés ont soulevé la question des zones agricoles. Or, je le répète, le droit de préemption urbain ne s’applique pas aux terres agricoles ; pour celles-ci, il existe éventuellement un droit de préemption reconnu aux SAFER.
Aussi, le principal argument que vous avez avancé et qui a trait aux terres agricoles est inopérant, puisque les dispositions prévues par les deux amendements dont nous débattons concernent seulement le droit de préemption urbain.
Enfin, s’agissant des fraudes, nous avons tous la volonté de les combattre. Mme Didier me demandait si nous disposions d’instruments. Je lui signale qu’il existe un outil, que j’ai évoqué tout à l'heure, à savoir l’action en déclaration de simulation devant le juge. Ainsi, dès lors que l’officier public, en l'occurrence le notaire, soupçonne une fraude à la dissimulation, il a la possibilité de la signaler au juge.
M. Jacques Mézard sourit.
M. Benoist Apparu, secrétaire d'État. De fait, ces deux amendements identiques n’ont pas lieu d’être. Les fraudes, à ce jour, concernent sans doute entre 5 % et 10 % des cessions à titre gratuit.
Mme Nicole Bricq s’exclame.
Je constate en tout cas que M. le secrétaire d'État reconnaît la réalité de la fraude dans ce domaine.
Néanmoins, il nous explique dans la seconde partie de son raisonnement que, dans le cadre d’une cession à titre gratuit, le donateur désigne nommément le donataire. Mais alors, comment explique-t-il le fait que des terrains situés dans la grande couronne de la région parisienne aient fait l’objet d’une donation en cinquante-sept parts ?
Je ne saisis pas bien le sens d’une telle démarche, sauf à admettre la volonté de frauder de ceux qui en sont les initiateurs. Ce type de donation à titre gratuit a un double objectif : se soustraire aux DIA et aux DMTO.
Quand on fait don d’un terrain à cinquante-sept personnes, on ne peut parler d’une démarche motivée par la seule affection.
M. Alain Gournac s’exclame.
Dans l'ensemble, je souscris aux propos qui viennent d’être tenus. À cet égard, je ne comprends pas la position du Gouvernement et les raisons de son opposition résolue à ces deux amendements identiques.
Je rappelle que ceux-ci n’ont d’autre objet que de régler un problème insupportable auquel sont confrontées les communes. La solution proposée ne résoudra pas nécessairement tous les cas, mais elle permettra de mettre un terme à la majeure partie des comportements que nous avons signalés.
M. le secrétaire d’État affirme que l’adoption de ces amendements mettrait fin aux opérations concernées et conduirait à une situation de blocage. Pas du tout ! Simplement, nous aurons atteint le but visé, à savoir que ces terrains ne soient pas attribués à des personnes qui en disposeront à leur guise sans respecter les règlements d'urbanisme.
M. Alain Gournac s’exclame.
Je le répète, l’adoption de ces amendements ne résoudra pas tous les problèmes, mais nous ne pouvons nous en tenir à la situation actuelle. Il faut avancer !
Je mets aux voix les amendements identiques n° 8 rectifié bis et 17 rectifié.
Les amendements sont adoptés.
En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans la proposition de loi, avant l'article 1er.
Je constate par ailleurs que ces deux amendements ont été adoptés à l’unanimité des présents.
L’article L. 213–2 du code de l’urbanisme est ainsi modifié :
1° La seconde phrase du premier alinéa est remplacée par deux phrases ainsi rédigées :
« Cette déclaration comporte obligatoirement l’indication du prix et des conditions de l’aliénation projetée ou, en cas d’adjudication, l’estimation du bien ou sa mise à prix, ainsi que les informations dues au titre de l’article L. 514–20 du code de l’environnement. Le titulaire du droit de préemption peut, dans le délai de deux mois prévu au troisième alinéa du présent article, adresser au propriétaire une demande unique de communication des éléments, fixés limitativement par décret, permettant d’apprécier la consistance et l’état de l’immeuble. » ;
1° bis (nouveau) Le troisième alinéa est complété par quatre phrases ainsi rédigées :
« Le délai est interrompu à compter de la réception de la demande visée au premier alinéa. Il reprend à compter de la réception des éléments par le titulaire du droit de préemption. Si le délai restant est inférieur à un mois, le titulaire dispose d'un mois pour prendre sa décision. Passés ces délais, son silence vaut renonciation à l'exercice du droit de préemption. » ;
2° Après le troisième alinéa, sont insérés deux alinéas ainsi rédigés :
« Lorsqu’il envisage d’acquérir le bien, le titulaire du droit de préemption transmet sans délai copie de la déclaration d’intention d’aliéner au responsable départemental des services fiscaux. La décision dudit titulaire est notifiée au vendeur, au notaire et, le cas échéant, à la personne qui avait l’intention d’acquérir le bien mentionnée dans la déclaration d’intention d’aliéner. Le vendeur la transmet aux fermiers, locataires, titulaires de droits d’emphytéose, d’habitation ou d’usage et aux personnes bénéficiaires de servitudes mentionnés dans la déclaration d’intention d’aliéner.
« Le titulaire du droit de préemption peut demander à visiter le bien dans des conditions fixées par décret. »
Je suis saisie de trois amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 13, présenté par MM. Raoul, Repentin, Daunis, Caffet, Godard, Courteau, Navarro et Rebsamen, Mme Bricq et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Alinéa 3
Rédiger ainsi cet alinéa :
« La déclaration d’intention d’aliéner comporte obligatoirement les éléments permettant d’apprécier la consistance et l’état de l’immeuble, l’indication du prix et des conditions de l’aliénation projetée ou, en cas d’adjudication, l’estimation du bien ou sa mise à prix. Le propriétaire transmet également, à la demande du titulaire du droit de préemption, les conclusions des diagnostics immobiliers prévus aux articles L. 271-4 et suivants du code de la construction et de l’habitation et les informations dues au titre de l’article L. 514-20 du code de l’environnement. »
La parole est à M. Yves Chastan.
Par cet amendement, nous proposons une rédaction un peu plus précise de ce que doit contenir une déclaration d’intention d’aliéner. Nous souhaitons notamment que soient mentionnés explicitement les conclusions des diagnostics immobiliers prévus aux articles L. 271-4 et suivants du code de la construction et de l’habitation, les informations dues au titre de l’article L. 514-20 du code de l’environnement, c’est-à-dire les éléments qui composent le dossier de diagnostic technique que doit fournir tout vendeur dans le cadre d’une promesse de vente – plomb, amiante, termites, installation de gaz, état des risques naturels et technologiques, état de l’électricité, assainissement non collectif, diagnostic de performance énergétique – et toute information concernant la pollution éventuelle du bien.
En marge de la présentation de cet amendement, je souhaite vous alerter sur les menaces qui pèsent sur le diagnostic de performance énergétique et sur l’affichage de l’étiquette énergétique, notamment depuis que le PTZ n’est plus soumis à condition de ressources.
À la base, votre idée était bonne, mais vous avez mis en œuvre une mesure inflationniste. C’est la fiabilité du système tout entier qui est remise en cause. Désormais, tout le monde a intérêt à surcoter un bien sur le plan énergétique : le vendeur, bien sûr, qui souhaite mieux le vendre, et l’acheteur, qui souhaite bénéficier d’un meilleur PTZ. Cela fait boule de neige ! Résultat : les abus se multiplient et les consommateurs grognent.
Nous avons pourtant une solution pour vous : supprimer ce PTZ sans condition de ressources, qui contribue à la hausse des prix et ne bénéficie qu’aux plus aisés de nos concitoyens.
L'amendement n° 25 rectifié, présenté par MM. Mézard, Collin, Alfonsi, Baylet et Chevènement, Mme Escoffier, M. Fortassin, Mme Laborde et MM. Marsin, Milhau, Plancade, Tropeano, Vall et Vendasi, est ainsi libellé :
Alinéa 3, première phrase
Compléter cette phrase par les mots :
et de l'article L. 271–4 du code de la construction et de l'habitation
La parole est à M. Jacques Mézard.
L’objet de cet amendement, assez similaire à celui de l'amendement précédent, est d'inclure les éléments du dossier de diagnostic technique parmi les informations jointes à la déclaration d'intention d'aliéner.
Soyons clairs : la collectivité, l'établissement ou la structure qui exerce son droit de préemption se substitue en réalité à l'acquéreur. Il est donc normal et justifié qu’ils disposent de l'ensemble des éléments techniques dont bénéficierait l'acquéreur.
L'amendement n° 14, présenté par MM. Raoul, Repentin, Daunis, Caffet, Godard, Courteau, Navarro et Rebsamen, Mme Bricq et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Alinéa 3
Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :
Cette déclaration d’intention d’aliéner peut être dématérialisée dans des conditions prévues par décret.
La parole est à Mme Gisèle Printz.
Cet amendement vise à faire en sorte que la déclaration d'intention d'aliéner puisse faire l'objet d'une dématérialisation dans des conditions prévues par décret. Le rapporteur s’y est montré défavorable, sous prétexte qu'une ordonnance relative à la dématérialisation de l’ensemble des procédures était en préparation.
Je vous demande instamment, monsieur le secrétaire d'État, de nous indiquer à quel stade en est ce projet d’ordonnance.
La commission émet un avis défavorable sur l'amendement n° 13. Prévoir que la DIA devra être accompagnée des diagnostics immobiliers relève du domaine réglementaire. C'est bien pour cette raison que l'article précise que le titulaire du droit de préemption peut demander au propriétaire de lui communiquer certains éléments, dont la liste est fixée par décret. Je ne vois pas pour quelle raison il faudrait citer nommément les diagnostics immobiliers.
De même, la commission émet un avis défavorable sur l'amendement n° 25 rectifié. Nous n’avons pas souhaité, afin de ne pas alourdir les formalités, que les documents complémentaires soient systématiquement adressés à l'autorité qui détient le droit de préemption dans la mesure où seules 1 % des mutations font l'objet d'un droit de préemption. Nous préférons que ces pièces soient transmises à la demande de l'autorité qui exerce le droit de préemption.
Enfin, la commission demande à son auteur de bien vouloir retirer l'amendement n° 14 ; à défaut, elle émettra un avis défavorable.
Des travaux sur la dématérialisation des DIA sont en cours. M. le secrétaire d'État pourra sans doute donner quelques indications à ce sujet à Mme Printz, ainsi qu’elle l’a souhaité.
En tout cas, il ne me paraît pas utile que la loi dispose explicitement que les DIA peuvent être dématérialisées. Auquel cas, il faudrait élargir le champ à toutes les procédures dont on envisage actuellement la dématérialisation.
Le Gouvernement émet un avis défavorable sur ces trois amendements.
Pour répondre à la question que m'a posée Mme Printz, le décret sur la dématérialisation des DIA devrait être publié à l'automne.
L'amendement n'est pas adopté.
L'amendement n'est pas adopté.
L'amendement n'est pas adopté.
L'amendement n° 7 rectifié ter, présenté par M. Béteille, Mme Bout, M. Milon, Mme G. Gautier, MM. Cointat et Faure, Mme Deroche, MM. Alduy, Leclerc, Hérisson, Grignon, Laurent, Doublet et P. Blanc, Mme Bruguière, MM. Dufaut et Beaumont, Mme Mélot et MM. B. Fournier, Dulait et Houel, est ainsi libellé :
Alinéa 7
1° Après la première phrase
Insérer une phrase ainsi rédigée :
La décision dudit titulaire fait l'objet d'une publication.
2° Deuxième phrase
Remplacer les mots :
La décision dudit titulaire
par le mot :
Elle
La parole est à M. Laurent Béteille.
J'espère que cet amendement d'une grande simplicité ne suscitera pas autant de débats que le précédent !
À travers celui-ci, nous demandons simplement que les décisions de préemption soient soumises à un affichage en mairie et à une publication dans le recueil des actes administratifs municipaux de manière que l'information soit totalement transparente.
La commission considère très positivement cet amendement, sur lequel elle émet un avis favorable. Son adoption permettra notamment de purger l'ensemble des délais de recours.
L'amendement est adopté.
L'amendement n° 16 rectifié, présenté par MM. Raoul, Repentin, Daunis, Caffet, Godard, Courteau, Navarro et Rebsamen, Mme Bricq et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Alinéa 7, avant-dernière phrase
Remplacer cette phrase par trois phrases ainsi rédigées :
Lorsque celle-ci n’est pas mentionnée dans la déclaration d’intention d’aliéner, le vendeur lui transmet immédiatement copie de la décision de préemption. L’acquéreur est réputé informé quinze jours après la réception de la décision de préemption par le vendeur. Le vendeur est tenu d’informer les locataires, les preneurs, occupants de bonne foi du bien, fermiers, titulaires de droits d’emphytéose, d’habitation ou d’usage et aux personnes bénéficiaires de servitudes mentionnées dans la déclaration d’intention d’aliéner.
La parole est à M. Thierry Repentin.
La présente proposition de loi prévoit qu’il revient au notaire d’effectuer les démarches nécessaires en direction des personnes intéressées par la décision de préemption. Nous souhaitons que cette responsabilité revienne au vendeur pour éviter que ces nouvelles démarches obligatoires pour les notaires ne viennent alourdir les charges pour les acquéreurs.
Vous aurez noté que notre amendement a été rectifié à la suite d’une erreur matérielle puisqu’il visait la dernière phrase de l’article alors qu’il devait viser l’avant-dernière phrase.
La commission demande à son auteur de bien vouloir retirer cet amendement, qui est largement satisfait ; à défaut, elle émettra un avis défavorable.
D’une part, dans le texte issu des travaux de la commission, il est bien précisé que c’est le vendeur, et non le notaire, comme le prévoyait le texte initial, qui effectue les démarches nécessaires en direction des personnes intéressées par la décision de préemption. Apparemment, M. Repentin a dû travailler sur une version ancienne de cette proposition de loi, à savoir sa version initiale !
Sourires.
D’autre part, cet amendement est satisfait par l'amendement de M. Béteille, qui prévoit la publicité des décisions de préemption.
Cet amendement a été rédigé avant que ayons connaissance du texte adopté par la commission, puisqu’il figurait dans notre proposition de loi.
Mais la commission ayant fait le travail avant nous, nous retirons notre amendement.
L'amendement n° 16 rectifié est retiré.
L'amendement n° 15 rectifié, présenté par Mme Khiari et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Compléter cet article par deux alinéas ainsi rédigés :
…° Après le quatrième alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« La décision de préemption est affichée en mairie ou au siège du délégataire du droit de préemption pendant un mois et publiée au recueil des actes administratifs. »
La parole est à M. Yves Chastan.
Cet amendement vise à améliorer la publicité des décisions de préemption dans les communes en prévoyant leur affichage en mairie ou au siège du délégataire du droit de préemption pendant un mois et leur publication au recueil des actes administratifs.
Mon cher collègue, votre amendement est satisfait par l'amendement de M. Béteille, que nous avons adopté voilà quelques instants.
Notre amendement est plus précis que celui de M. Béteille puisqu’il indique les modalités de publicité de la décision de préemption.
Cela étant, il ne nous a pas échappé que l'amendement n° 7 rectifié ter a un objet identique. Pour autant, nous l’avons voté, sachant que l'on nous objecterait que notre amendement était satisfait par celui-ci. C'est vous dire dans quel état d'esprit nous nous trouvons. Toujours est-il que nous retirons notre amendement, madame la présidente.
L'amendement n° 15 rectifié est retiré.
La parole est à M. Thierry Repentin, pour explication de vote sur l'article 1er.
Nous voterons l’article 1er compte tenu des améliorations qui ont été apportées au texte tant en séance publique qu’en commission. Nous sommes notamment sensibles au fait que la commission ait intégré dans l’article la possibilité pour le détenteur du droit de préemption urbain, une commune par exemple, de pouvoir visiter le bien qu’il envisage d’acquérir, ce qui n’est pas le cas à l’heure actuelle. Cette plus grande connaissance du bien qui va devenir propriété publique contribue à une meilleure utilisation des deniers publics.
L'article 1 er est adopté.
L’article L. 213–2–1 du même code est ainsi rédigé :
« Art. L. 213–2–1. – L’obligation prévue à l’article L. 213–2 est applicable en cas d’aliénation d’un bien situé seulement pour partie à l’intérieur d’une partie de commune soumise à un des droits de préemption institués en application du présent titre.
« Lorsque la réalisation d’une opération d’aménagement ou de construction le justifie, le titulaire du droit de préemption peut décider d’exercer son droit pour acquérir la fraction d'un bien compris à l’intérieur d’une partie de commune visée au premier alinéa.
« Dans le cas où la préemption partielle rendrait le bien impropre à la vente, le propriétaire peut exiger que le titulaire du droit de préemption se porte acquéreur de l’ensemble du bien. »
L'amendement n° 27, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Alinéa 4
Rédiger ainsi cet alinéa :
« Dans ce cas, le propriétaire peut exiger que le titulaire du droit de préemption se porte acquéreur de l'ensemble du bien. »
La parole est à M. le secrétaire d'État.
Cet amendement a trait à la préemption partielle.
Le texte adopté par la commission prévoit, en cas de préemption partielle, que la collectivité locale est tenue d’acquérir la totalité du bien à la seule condition que le vendeur prouve que l’achat de la partie préemptée rend l’ensemble du bien impropre à la vente.
Je prends un exemple. Un propriétaire souhaite vendre quatre immeubles solidaires formant un ensemble urbain, mais la collectivité locale n’est intéressée que par deux de ces immeubles. Le propriétaire risque d’avoir plus de difficultés pour vendre les deux immeubles restants. Dans cette situation, en l’état actuel du texte de la commission, le vendeur devrait prouver, je dis bien « prouver », que les deux immeubles restants sont impropres à la vente afin d’obliger la collectivité locale à acheter l’ensemble du bien.
On peut certes comprendre qu’une collectivité ne souhaite pas acquérir la totalité d’un bien. Mais le Gouvernement considère qu’il n’appartient pas au vendeur d’en subir les conséquences. Lorsqu’une collectivité locale ne veut acquérir qu’une partie d’un bien et que le vendeur est d’accord, il n’y a aucun problème. Dans le cas contraire, il est logique d’obliger la collectivité locale à acheter l’ensemble du bien.
Le droit de préemption est légitime, mais son application doit respecter l’équilibre des intérêts de la collectivité locale et du propriétaire. Or, avec le texte de la commission, le droit de préemption s’exercerait au bénéfice de la collectivité, avec un préjudice trop important pour le propriétaire.
Le sous-amendement n° 31, présenté par M. Maurey, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Amendement n° 27, alinéa 3
Remplacer les mots :
Dans ce cas,
par les mots :
Dans le cas où la préemption partielle entraînerait une dévalorisation du bien,
La parole est à M. le rapporteur.
La commission souhaite qu’une collectivité puisse préempter seulement une partie d’un bien.
Je prendrai à mon tour un exemple. Une petite commune peut vouloir acquérir une parcelle d’une grande propriété sans avoir les moyens financiers d’acheter l’ensemble du bien, même si vous me rétorquerez sans doute que, si elle acquiert la totalité du bien, elle peut ensuite revendre la partie qu’elle n’entend pas conserver.
C’est la raison pour laquelle nous avons voulu, dans la proposition de loi, poser un principe quelque peu différent. M. le secrétaire d’État a insisté sur le fait que le vendeur devait « prouver » – il a employé le terme à plusieurs reprises –…
… que le bien devenait impropre à la vente dès lors que l’on n’en préemptait qu’une partie. Je suis sur ce point disposé à revoir la disposition initiale.
M. le secrétaire d’État souhaite le maintien du droit existant qui impose à une collectivité voulant préempter une partie d’un bien l’achat de sa totalité si le propriétaire le demande. Cela ne soulève pas de difficulté majeure pour les grandes collectivités, dans lesquelles des établissements publics fonciers réalisent l’achat, le portage et la revente du bien. En revanche, il peut être dissuasif d’exiger par principe d’une petite commune qui ne dispose pas d’un outil de cette nature qu’elle achète l’ensemble d’un bien. J’en reviens à la notion d’arme nucléaire qui a été utilisée tout à l’heure.
Aussi, je suis prêt à faire un effort pour aller dans le sens de M. le secrétaire d’État, et c’est l’objet du sous-amendement n° 31 qui vise, dans l’amendement n° 27, à remplacer les mots « Dans ce cas » par les mots « Dans le cas où la préemption partielle entraînerait une dévalorisation du bien », étant bien entendu que tout cela se fait sous le contrôle du juge.
Je m’en remets à la sagesse du Sénat. En effet, comme je mesure à peu près les conséquences de ce sous-amendement, je les anticipe au travers de cet avis.
Monsieur le rapporteur, permettez-moi de préciser l’argumentaire de l’amendement n° 27. Le Gouvernement souhaite le maintien de la situation actuelle, et c’est l’objet de l’amendement qu’il a déposé, afin que soit respecté l’équilibre entre les parties.
Je conçois qu’une petite commune ne veuille acquérir que la parcelle qui l’intéresse d’une propriété plus vaste. Un propriétaire peut souhaiter vendre une parcelle à un acheteur qui veut, par exemple, y construire une maison. Il faut bien considérer que le droit préemption est un élément gênant en termes d’équilibre entre les parties. Mais si on permet à la collectivité de dire au propriétaire : « Je n’achète que les 30 % de votre terrain qui m’intéressent. Le reste, ce n’est pas mon problème, je ne veux pas en entendre parler. », on accorde un pouvoir très important à la collectivité locale.
Si la collectivité a « besoin » de ce terrain, et si elle décide de l’acquérir, il est logique qu’elle assume toutes les conséquences de son choix, et pas seulement au regard de son propre intérêt.
Si je m’en remets à la sagesse du Sénat sur votre sous-amendement, monsieur le rapporteur, c’est parce que les seuls éléments de dévalorisation du bien que vous avancez me semblent insuffisants et, surtout, parce que la disposition que vous proposez serait un nid à contentieux. En effet, qui estimera si le bien a été dévalorisé ? Le juge !
La parole est à M. Thierry Repentin, pour explication de vote sur le sous-amendement n° 31.
Mon explication de vote vaudra pour le sous-amendement et pour l’amendement.
Au travers de cette proposition de loi, nous nous étions efforcés de trouver un équilibre entre le maintien du droit de propriété et l’élargissement des moyens dont disposent les collectivités locales pour conduire des opérations d’aménagement en utilisant le droit de préemption urbain. Il nous semble que l’amendement du Gouvernement introduit une distorsion, un déséquilibre dans ce texte qui recueillait plutôt notre assentiment. C’est pourquoi nous sommes hostiles à cet amendement.
La Haute Assemblée doit prendre en considération l’outil que constitue le droit de préemption urbain pour les collectivités locales et tenir compte de leur intérêt.
M. Yves Chastan opine.
Certes, M. le rapporteur l’a rappelé, les établissements publics fonciers locaux peuvent se porter acquéreurs de l’ensemble du bien. Mais j’observe que ces établissements n’ont pas toujours, eux non plus, les disponibilités financières nécessaires. En outre, ils ne couvrent qu’une petite partie du territoire, car on n’en compte guère qu’une quinzaine. Ils jouent pourtant un rôle très intéressant et mériteraient d’être beaucoup plus nombreux. Lorsqu’une collectivité n’a pas d’établissement public foncier, elle n’a pas aujourd’hui d’autre choix que d’acheter elle-même l’ensemble du bien.
Pour toutes ces raisons, nous considérons que l’amendement du Gouvernement est inacceptable. Quant à la modification que lui apporte M. le rapporteur, elle nous semble bien timide.
En ma qualité de maire, je suis souvent confronté à ce type de situations.
Il est fréquent, dans nos bourgs, que les maisons soient construites sur de grands terrains. Une partie de ces terrains, que l’on appelle des « dents creuses » serait utile pour permettre la densification, la massification de l’habitat, qui est un des objectifs des politiques conduites dans ce domaine, y compris par le Gouvernement.
Lorsqu’une collectivité veut acheter une partie d’un bien pour la dédier à la construction, elle est tenue d’acquérir l’ensemble du bien, y compris la maison qui, éventuellement, y est construite.
Si l’amendement du Gouvernement est adopté, le droit existant ne changera pas, et ce n’est pas souhaitable. L’objet de cette proposition de loi était de permettre aux collectivités de n’acheter que la partie du terrain qu’elle voulait dédier à la construction.
En effet. Si cet amendement est adopté, même modifié par le sous-amendement, le propriétaire pourra demain trouver des arguments pour affirmer que son bien est dévalorisé et rien ne se fera. Il faut, me semble-t-il, savoir être pragmatique.
J’entends bien votre argument, monsieur le sénateur, mais allons, si vous le voulez bien, au bout de votre raisonnement. Dans votre optique, on ne s’occupe plus du propriétaire. Celui-ci veut vendre une maison sur un grand terrain ; la collectivité préempte le terrain ; il ne peut plus alors vendre que la maison seule : tant pis pour lui !
Une maison vendue avec un terrain vaut plus cher qu’une maison sans terrain. Si le terrain est préempté, le prix intrinsèque de la maison est bien évidemment moins élevé.
Le sous-amendement est adopté.
L'amendement est adopté.
L'article 1 er bis est adopté.
Le premier alinéa de l’article L. 213–7 du même code est complété par une phrase ainsi rédigée :
« Toutefois, s’il a saisi le juge de l’expropriation, il ne peut, sous réserve de la découverte de vices cachés, renoncer à l’exercice de son droit que si le prix fixé par le juge est supérieur de 10 % à l’estimation des services fiscaux. »
Je suis saisie de deux amendements identiques.
L'amendement n° 3 est présenté par Mme Didier, MM. Danglot et Le Cam, Mmes Schurch, Terrade et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche.
L'amendement n° 18 est présenté par MM. Raoul, Repentin, Daunis, Caffet, Godard, Courteau, Navarro et Rebsamen, Mme Bricq et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Gérard Le Cam, pour présenter l’amendement n° 3.
Nous en arrivons à l’article de cette proposition de loi qui nous pose le plus de problèmes et qui, s’il était maintenu en l’état, justifierait un vote négatif de notre part.
En effet, l’article 2 prévoit qu’après la saisine du juge de l’expropriation le titulaire du droit de préemption urbain, une collectivité par exemple, ne peut renoncer à l’exercice de son droit que si le prix fixé par le juge est supérieur de 10 % à l'estimation des Domaines.
En commission, un amendement du rapporteur a été adopté indiquant que cette disposition ne s’appliquait pas en cas de découverte d’un vice caché, ce qui nous paraît de bon sens.
Cependant, même si nous comprenons la volonté du rapporteur qui souhaite de cette manière sécuriser les propriétaires, nous estimons que la contrainte ainsi imposée aux collectivités est trop lourde.
À ce titre, il faut noter que les préconisations du rapport du Conseil d’État étaient moins fortes puisque celui-ci proposait simplement de prévoir que la renonciation de la collectivité à poursuivre la procédure de préemption engagée ouvre droit au versement d’une indemnité d’immobilisation. Cela est bien différent d’une obligation d’acquérir.
Par ailleurs, le rapporteur nous a indiqué que la proposition de loi de simplification du droit comportait des dispositions dangereuses, en particulier concernant l’obligation faite aux collectivités d’acquérir les biens visés par la procédure de préemption au sein des périmètres de projets d’aménagement.
Comme vous l’écrivez dans votre rapport, monsieur Maurey, la commission « avait estimé le texte déséquilibré et porteur de risques importants, notamment sur les capacités des collectivités à mener des politiques foncières et d’aménagement ».
Nous avons donc beaucoup de mal à comprendre pourquoi un tel principe est repris dans la présente proposition de loi. Nous considérons, sur le fond, que le droit de renonciation de l’autorité de préemption est un droit important, autant pour le propriétaire que pour l’autorité de préemption.
Introduire ce type de contrainte dénaturerait le fondement même du droit de préemption en ne laissant au final que peu de place à la négociation amiable, en obligeant la collectivité à acquérir le bien.
De plus, nous l’avons rappelé, l’exercice du droit de préemption est particulièrement coûteux pour les collectivités et l’insertion de cette disposition conduirait nombre d’entre elles à renoncer à l’exercice de ce droit, ce qui n’apparaît pas en adéquation avec l’intention portée par cette proposition de loi.
Pour toutes ces raisons, nous demandons, au travers de cet amendement, la suppression de l’article 2.
Nous pensons également qu’il faut maintenir le droit en vigueur et donc rejeter cet article qui prévoit de limiter le droit de renonciation des titulaires du droit de préemption au seul cas où le juge aurait fixé un prix dépassant de plus de 10 % l’estimation du service des domaines.
Il s’agit là d’une limitation excessive du droit de préemption des collectivités, qui n’est même pas de nature à garantir les droits des propriétaires et qui ne présente par conséquent aucune utilité.
Je rappelle que la préemption n’est pas un outil aussi attentatoire au droit de propriété que certains veulent nous le faire croire dans cet hémicycle. En effet, seulement 1 % des déclarations d’intention d’aliéner, les DIA, sont suivies d’une décision de préemption. De plus, certaines d’entre elles ne vont même pas jusqu’à leur terme. Le droit de préemption est donc encadré, et les collectivités ne font pas n’importe quoi.
Votre texte suffit à résoudre les principales difficultés rencontrées par les collectivités, il est donc inutile d’ajouter un verrou supplémentaire.
Nous l’avons dit à plusieurs reprises depuis le début de nos travaux : cette proposition de loi se veut équilibrée.
D’une part, ce texte renforce les pouvoirs attribués aux communes : on vient d’observer au sujet de la préemption partielle que cela pouvait heurter certains.
D’autre part, il vise à limiter certains excès constatés de la part de l’autorité exerçant le droit de préemption, à l’égard du propriétaire. Tel est l’objet de l’article 2 : éviter un usage abusif de ce droit de préemption en vertu duquel une collectivité, soit par convenance, soit à des fins plus ou moins convenables, peut dire, après plusieurs années, une fois enclenchés les mécanismes que l’on connaît et qui ont empêché une vente : « Finalement, je ne préempte plus ». Cela me semble inacceptable. Dès lors que le juge a fixé le prix, la collectivité ayant manifesté le souhait d’exercer le droit de préemption doit aller au terme de sa démarche.
Parallèlement, et vous l’avez rappelé monsieur le sénateur, ce texte érige plusieurs barrières.
Premièrement, la collectivité peut renoncer à son droit de préemption si jamais le prix dépasse de plus de 10 % l’estimation des Domaines. Fort heureusement, aucun amendement ne tend à modifier ce seuil, dont nous aurions pu discuter à l’infini alors que le temps qui nous est imparti pour l’examen de cette proposition de loi est limité.
Deuxièmement, la collectivité peut renoncer à son droit si un vice caché est découvert.
Je rappelle que lorsque l’autorité renonce à son droit de préemption avant la fixation du prix par le juge, la prérogative de la collectivité est renforcée. En effet, elle retrouve son droit de préemption au terme d’un délai de trois ans, et non plus de cinq ans comme le prévoit la législation actuelle. Cette avancée est favorable aux titulaires du droit de préemption.
On ne peut pas saluer le caractère équilibré de ce texte tout en refusant les dispositions qui ne vont pas dans le sens souhaité.
Il faut conserver à cette proposition de loi son caractère équilibré.
L’avis de la commission est donc défavorable.
Madame la présidente, le même argumentaire conduit au même avis. Cette proposition de loi exprime la volonté d’équilibrer le droit de préemption en renforçant, dans un certain nombre de cas, les droits des collectivités locales, et, dans d’autres, ceux des propriétaires. C’est cet équilibre qui constitue, à mes yeux, la richesse de ce texte.
Mesdames, messieurs les sénateurs, si ces amendements étaient adoptés, la proposition de loi s’en trouverait déséquilibrée, et elle perdrait ainsi une grande partie de sa valeur. C’est la raison pour laquelle le Gouvernement est bien sûr défavorable à ces amendements de suppression de l’article 2.
Les amendements ne sont pas adoptés.
L'article 2 est adopté.
I. – L’article L. 211–5 du même code est ainsi modifié :
1° Le troisième alinéa est ainsi rédigé :
« En cas d'acquisition, les dispositions de l’article L. 213–14 sont applicables. » ;
2° Le cinquième alinéa est abrogé.
II. – L’article L. 212–3 du même code est ainsi modifié :
1° Le troisième alinéa est ainsi rédigé :
« En cas d'acquisition, les dispositions de l’article L. 213–14 sont applicables. » ;
2° Le cinquième alinéa est abrogé.
III. – L’article L. 213–14 du même code est ainsi rédigé :
« Art. L. 213–14. – En cas d’acquisition d’un bien par voie de préemption ou dans les conditions définies à l’article L. 211–5, le transfert de propriété intervient à la date à laquelle sont intervenus le paiement et l'acte authentique.
« Le prix d'acquisition est payé ou, en cas d'obstacle au paiement, consigné dans les quatre mois qui suivent soit la décision d'acquérir le bien au prix indiqué par le vendeur ou accepté par lui, soit la décision définitive de la juridiction compétente en matière d'expropriation, soit la date de l'acte ou du jugement d'adjudication.
« En cas de non-respect du délai prévu au deuxième alinéa, le vendeur peut aliéner librement son bien, après avoir fait prononcer, si le transfert de propriété est intervenu, l’annulation de la vente. »
L'amendement n° 28, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Alinéa 12
Rédiger ainsi cet alinéa :
« En cas de non-respect du délai prévu au deuxième alinéa, le vendeur peut aliéner librement son bien, après avoir obtenu la résolution de la vente en justice. »
La parole est à M. le secrétaire d'État.
Il s’agit d’un amendement de nature rédactionnelle, qui vise à substituer au mot « annulation » le terme « résolution », qui paraît plus approprié.
Le sous-amendement n° 32, présenté par M. Maurey, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Amendement n° 28, alinéa 3
Après le mot :
obtenu
insérer les mots :
, si le transfert de propriété est intervenu,
La parole est à M. le rapporteur.
Ce sous-amendement est également de nature rédactionnelle. En effet, dans sa nouvelle rédaction de l’article, le Gouvernement a oublié un passage qui nous paraît important. Aussi, nous souhaitons ajouter après le terme « obtenu » les mots «, si le transfert de propriété est intervenu, ».
Le sous-amendement est adopté.
L'amendement est adopté.
L'article 3 est adopté.
Le premier alinéa de l’article L. 213–8 du même code est remplacé par deux alinéas ainsi rédigés :
« Si le titulaire du droit de préemption a renoncé à l’acquisition, le propriétaire peut réaliser la vente de son bien au prix indiqué dans sa déclaration révisé, s’il y a lieu, en fonction des variations du coût de la construction constatées par l’Institut national de la statistique et des études économiques depuis la date de cette déclaration.
« Si le propriétaire n’a pas réalisé la vente de son bien sous forme authentique dans le délai de trois ans à compter de la renonciation au droit de préemption, il doit déposer une nouvelle déclaration préalable mentionnée à l’article L. 213–2. » –
Adopté.
L’article L. 213–11 du même code est ainsi modifié :
1° La première phrase du premier alinéa est ainsi rédigée :
« Les biens acquis par l’exercice du droit de préemption doivent être utilisés ou aliénés à un usage visé à l’article L. 210–1 qui peut être différent de celui mentionné dans la décision de préemption. » ;
2° Au deuxième alinéa, les mots : « à d’autres fins » sont remplacés par les mots : « à d’autres usages que ceux visés à l’article L. 210–1 ».
L'amendement n° 4 rectifié, présenté par Mme Didier, MM. Danglot et Le Cam, Mmes Schurch, Terrade et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :
3° Le deuxième alinéa est complété par une phrase ainsi rédigée : « le maire rend compte au conseil municipal de tout changement d’affectation du bien acquis par l’exercice du droit de préemption ».
La parole est à Mme Évelyne Didier.
Le présent article est intéressant. En effet, il prévoit que l’usage ou la destination d’un bien acquis par préemption peut être différent de celui qui est mentionné dans la décision de préemption, à condition que le nouvel usage de ce bien entre dans le champ d’application du droit de préemption urbain, le DPU, mentionné à l’article L. 210–1.
Nous y sommes favorables. En effet, une telle disposition offre une importante souplesse aux collectivités, souplesse nécessaire au regard de la longueur de la procédure liée à l’exercice du droit de préemption comme de la difficulté pour les collectivités de mener à bien des projets d’aménagement.
Nous souhaitons avant tout assurer la transparence, et nous avons donc accepté de modifier la rédaction que nous avions proposée en commission. Cet amendement, je l’espère, trouvera un écho dans cette assemblée.
Ce matin, la commission a donné un avis défavorable sur une autre rédaction, qui posait problème, non sur le fond, mais quant au parallélisme des formes. Mme Didier ayant accepté de revoir la rédaction de son amendement, celui-ci me paraît, ainsi qu’à M. le président Emorine, tout à fait conforme à ce qu’elle souhaite et à ce qui nous semble acceptable.
À titre personnel, mais avec le soutien de M. le président, j’émets donc un avis favorable.
Après cette évolution et devant cette unanimité enthousiaste, l’avis du Gouvernement ne peut bien sûr qu’être favorable.
L'amendement est adopté.
Je constate que cet amendement a été adopté à l’unanimité des présents.
Je mets aux voix l'article 5, modifié.
L'article 5 est adopté.
Après l’article L. 213–11 du même code, il est inséré un article L. 213-11–1 ainsi rédigé :
« Art. L. 213–11–1. – Lorsque, après que le transfert de propriété a été effectué, la décision de préemption est annulée ou déclarée illégale par la juridiction administrative, le titulaire du droit de préemption propose la rétrocession du bien à l’ancien propriétaire.
« Le prix proposé pour la rétrocession vise à rétablir, sans enrichissement sans cause de l'une des parties, les conditions de la transaction à laquelle l'exercice du droit de préemption a fait obstacle. À défaut d'accord amiable, l'ancien propriétaire peut saisir le juge de l'expropriation.
« À défaut de réponse de l’ancien propriétaire dans un délai de trois mois à compter de la notification de la proposition de rétrocession, celui-ci est réputé avoir renoncé à la rétrocession.
« Lorsque la rétrocession du bien à l’ancien propriétaire est impossible, le titulaire du droit de préemption en propose la rétrocession aux ayants droits de l’ancien propriétaire ou à la personne qui avait l’intention d’acquérir le bien. »
Je suis saisie de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 29, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Alinéa 3, première phrase
Remplacer cette phrase par quatre phrases ainsi rédigées :
« Le prix de rétrocession est proposé sur la base du prix acquitté lors de la cession. Ce prix est majoré, s'il y a lieu, du coût des travaux indispensables à la conservation du bien que le titulaire du droit a supporté et de la variation de la valeur vénale du bien consécutive aux travaux utiles d'amélioration et de démolition réalisés par le titulaire du droit. En cas de dégradation du bien, le prix est diminué des dépenses que l'acquéreur devrait exposer pour remettre le bien dans l'état dans lequel il se trouvait lors de la cession initiale. Il n'y a pas lieu de tenir compte, dans la fixation de ce prix, des facteurs étrangers à la consistance et à l'état du bien qui ont modifié sa valeur vénale.
La parole est à M. le secrétaire d'État.
Le Gouvernement estime que cette nouvelle rédaction, qui est certes plus précise, pourra s’avérer judicieuse dans le cadre d’éventuels contentieux. C’est la raison pour laquelle celle-ci lui paraît préférable.
L’amendement présenté par la commission vise, après le terme « enrichissement », à remplacer les mots « sans cause » par le mot « injustifié ».
Quant à l’amendement du Gouvernement, il nous semble figer par trop la position du Conseil d’État…
Je le retire au profit de l’amendement n° 30 !
M. Hervé Maurey, rapporteur. Ce faisant, vous me retirez les mots de la bouche.
Sourires.
L'amendement est adopté.
L'article 6 est adopté.
L’article L. 213–12 du même code est ainsi rédigé :
« Art. L. 213–12. – En cas de non-respect des obligations définies au deuxième alinéa de l’article L. 213–11 ou au premier alinéa de l’article L. 213–11–1, les anciens propriétaires ou leurs ayants cause universels ou à titre universel peuvent saisir le tribunal de l’ordre judiciaire d’une action en dommages et intérêts contre le titulaire du droit de préemption.
« En cas de non-respect des obligations définies au cinquième alinéa de l’article L. 213–11 ou au dernier alinéa de l’article L. 213–11–1, la personne qui avait l’intention d’acquérir ce bien peut saisir le tribunal de l’ordre judiciaire d’une action en dommages et intérêts contre le titulaire du droit de préemption.
« Dans les cas prévus aux articles L. 213–11 et L. 213–11–1, la renonciation à la rétrocession n’interdit pas de saisir le tribunal de l’ordre judiciaire d’une action en dommages et intérêts contre le titulaire du droit de préemption.
« L’action en dommages et intérêts visée au présent article se prescrit par cinq ans :
« 1° Dans le cas prévu à l’article L. 213–11, à compter de la mention de l’affectation ou de l’aliénation du bien au registre mentionné à l’article L. 213–13 ;
« 2° Dans le cas prévu à l’article L. 213–11–1, à compter de la décision de la juridiction administrative devenue définitive. »
L'amendement n° 5, présenté par Mme Didier, MM. Danglot et Le Cam, Mmes Schurch, Terrade et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Alinéa 4
Supprimer cet alinéa.
La parole est à M. Gérard Le Cam.
Le droit actuel prévoit la possibilité d’une action en dommages et intérêts dans le cas où le titulaire du droit de préemption décide d’aliéner ou d’utiliser son bien à d’autres fins que celles qui sont prévues à l’article L. 210–1, et n’en propose pas la rétrocession à l’ancien propriétaire.
Dans ce cas, celui-ci ou l’acquéreur évincé peut saisir le tribunal de l’ordre judiciaire d’une action en dommages et intérêts contre le titulaire du droit de préemption.
Une telle disposition nous semble juste puisque l’ancien propriétaire qui ne peut récupérer son bien subit un dommage flagrant. Le présent article prévoit d’étendre ces dispositions, et donc cette possibilité d’action devant les tribunaux, au cas où la décision de préemption aurait été annulée par le juge.
Dans ce cadre, et en continuité avec la jurisprudence, il apparaît nécessaire d’instaurer cette possibilité de rétrocession au profit de l’ancien propriétaire ou de l’acquéreur évincé dans des conditions financières acceptables par l’ensemble des parties, ce que prévoit le présent article.
Pour autant, il nous semble excessif d’y stipuler, à l’alinéa 4, que le propriétaire peut agir pour obtenir des dommages et intérêts même lorsqu’il a renoncé à cette rétrocession.
En effet, si l’ancien propriétaire a renoncé à son droit, il n’y a aucune raison de prévoir qu’il pourrait obtenir des juridictions des indemnités de dommages et intérêts.
En outre, une telle disposition pourrait constituer une importante source de contentieux pour les collectivités, ce qui ne nous paraît pas en adéquation avec l’objectif de la proposition de loi portée par notre collègue M. Maurey, à savoir la sécurisation juridique de cette procédure.
Nous vous proposons donc, au travers de cet amendement, de supprimer ces dispositions.
Avis défavorable. Il s’agit, là encore, d’un amendement qui va à l’encontre de notre volonté d’un texte équilibré, en écartant des dispositions favorables aux propriétaires.
Même si le bien est rétrocédé, le préjudice causé peut être réel. Il est donc normal qu’une action en dommages et intérêts soit alors possible. Par ailleurs, le propriétaire peut ne pas souhaiter la rétrocession, soit parce que la consistance du bien a changé, soit parce que sa situation personnelle a évolué. L’avis de la commission est donc d’autant plus défavorable.
Il nous paraît très important de maintenir cet article tel que nous l’avons proposé.
Même avis que la commission, madame la présidente.
Nous nous abstiendrons sur cet amendement, en espérant que le groupe CRC-SPG ne nous en tiendra pas rigueur. La proposition de loi de M. Maurey rejoint en effet sur ce point celle qui a été rédigée par le groupe socialiste.
L'amendement n'est pas adopté.
L'article 7 est adopté.
L'amendement n° 21, présenté par MM. Raoul, Repentin, Daunis, Caffet, Godard, Courteau, Navarro et Rebsamen, Mme Bricq et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Après l’article 7, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – Le code de l’urbanisme est ainsi modifié :
1° L’article L. 123-1-5 est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« 17° Délimiter un ou plusieurs secteurs couvrant ensemble au maximum 5 % de l’ensemble de la zone urbanisable du territoire de la commune dénommés secteurs d’expérimentation urbaine. » ;
2° Après l’article L. 123-2, il est inséré un article L. 123-2-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 123–2–1. - Dans les secteurs d’expérimentation, le plan local d’urbanisme définit des normes de densité et de construction de logements, y compris sociaux, plus contraignantes que dans les autres zones urbaines ou à urbaniser.
« Il prévoit aussi la localisation et les caractéristiques des espaces publics à conserver, à modifier ou à créer ; la localisation prévue pour les principaux ouvrages publics, les installations d’intérêt général et les espaces verts.
« Dans ces secteurs, seules les normes définies dans le plan local d’urbanisme sont opposables aux tiers. »
II. – Un décret en Conseil d’État précise les conditions d’application de cet article.
La parole est à M. Daniel Raoul.
Cet amendement tend à introduire dans le code de l’urbanisme le principe de la création de secteurs d’expérimentation en matière d’urbanisme et d’habitat.
Cette proposition vous paraît peut-être anodine, mes chers collègues, mais elle ne l’est pas. Prenons l’exemple de la mixité urbaine et de la nécessaire revalorisation des quartiers. Dans certains cas, il est très difficile de convaincre les promoteurs privés de venir construire, malgré la disponibilité foncière, à cause de la dégradation de l’image du quartier ou de la très forte proportion de logements sociaux, parfois jusqu’à 90 %.
Dans ces quartiers pourraient notamment s’implanter d’autres formes d’habitat privé comme les coopératives : à ce jour, plus de cinquante projets sont en cours de montage, et quelques-uns en cours de réalisation. Ces nouvelles formes d’habitat reposent sur de nouvelles manières de vivre ensemble. Dans certains pays, singulièrement en Allemagne ou en Suisse, elles apportent des réponses innovantes, sur le plan tant architectural qu’urbanistique et social. Dans notre pays, les promoteurs de ces formules sont désireux de s’implanter là où tous les promoteurs privés renoncent à investir.
Malheureusement, le droit existant ne leur facilite pas la tâche. C’est pourquoi nous souhaitons donner la possibilité aux communes de réserver des parcelles à ce type d’opérations.
Voilà l’esprit de cette disposition, qui est de nature à faire vivre des solutions que le droit actuel ne permet pas de développer. C’est pourquoi nous suggérons de l’insérer dans ce texte, comme une amorce aux propositions que nous ferons bientôt au travers du dépôt d’une nouvelle proposition de loi destinée à faire du logement une priorité nationale. Nul doute, monsieur le secrétaire d’État, que vous accueillerez positivement ce texte !
M. le secrétaire d’État sourit.
Outre que cet amendement est assez éloigné du cœur de la proposition de loi, la commission estime que le nouvel outil qu’il prévoit n’est pas forcément nécessaire, les maires ayant déjà la possibilité, dans le cadre de leurs documents d’urbanisme, de densifier certaines zones pour construire des logements sociaux.
J’ajoute, pour vous faire plaisir, monsieur le secrétaire d’État, que cet amendement s’inscrit dans une logique radicalement opposée à celle qu’ont préconisée les groupes de travail que vous avez mis en place, qui plaident pour un allégement des PLU.
Les nombreux élus locaux qui siègent sur ces travées n’ignorent rien de la lourdeur des documents d’urbanisme ; nul besoin de les alourdir davantage !
Aussi, l’avis est défavorable.
M. Benoist Apparu, secrétaire d'État. Je me réjouis que vous vouliez à présent faire plaisir au Gouvernement, monsieur le rapporteur… Avouez que cela n’a pas toujours été le cas au cours du débat !
Sourires.
Le Gouvernement est également défavorable à cet amendement.
Cette opposition ne se justifie pas tant sur le fond que sur la forme de cette proposition.
Le principe d’un urbanisme de projets, et la définition de ce que nous appelons des secteurs de projets, nous semble en effet particulièrement intéressant.
Le Gouvernement proposera d’ailleurs dans les semaines ou les mois à venir, lorsque les travaux que nous avons engagés auront abouti, un plan d’ensemble sur l’urbanisme de projets.
La rédaction de cet amendement est beaucoup plus restrictive que ce que nous souhaitons faire. Aussi, je vous propose, monsieur le sénateur, d’attendre les propositions du Gouvernement.
De surcroît, je ne comprends pas la portée juridique de certaines des dispositions de cet amendement. Par exemple, lorsque vous indiquez que, dans ces secteurs, seules les normes définies dans le PLU sont opposables aux tiers, je ne vois pas très bien quelles normes pourraient ne pas être opposables aux tiers.
En conséquence, le Gouvernement sollicite le retrait de cet amendement ; à défaut, il émettra un avis défavorable.
L'amendement n'est pas adopté.
Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 20, présenté par MM. Raoul, Repentin, Caffet, Godard, Courteau, Navarro et Rebsamen, Mme Bricq et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Après l’article 7, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le code de l’expropriation pour cause d’utilité publique est ainsi modifié :
1° L’article L. 13-15 est ainsi modifié :
a) La seconde phrase du premier alinéa du I est complété par les mots : « ou, dans le cas de l’exercice du droit de préemption prévu par le chapitre I du titre Ier du livre II du code de l’urbanisme, un an avant la date de l’acte ayant délimité ou renouvelé le périmètre de préemption » ;
b) Le 2° du II est ainsi rédigé :
« 2° Les possibilités de construction à retenir pour l’évaluation des terrains à bâtir ainsi qualifiés conformément au 1° ci-dessus ne peuvent excéder celles qui résultent du plafond légal de densité affecté d’un coefficient tenant compte de la nature des programmes envisagés par l’expropriant ou le titulaire du droit de préemption.
« Les coefficients applicables sont fixés par décret en Conseil d’État en fonction de la catégorie d’usage des biens à construire. »
2° Après l’article L. 13-16, il est inséré un article L. 13-16-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 13–16–1. - Lorsque les biens concernés appartiennent à l’État, ou à des sociétés dont il détient la majorité du capital, aux établissements publics visés à l’article 1er de la loi n° 97-135 du 13 février 1997 portant création de l’établissement public “Réseau ferré de France” en vue du renouveau du transport ferroviaire, à l’article 18 de la loi n° 82-1153 du 30 décembre 1982 d’orientation des transports intérieurs et à l’article 176 du code du domaine public fluvial et de la navigation intérieure, ou à des établissements publics dont la liste est fixée par décret, l’estimation qui doit être demandée au service des domaines est déléguée à deux notaires choisis parmi les membres du conseil régional des notaires dont dépend le bien.
« Un décret en Conseil d’État fixe les modalités de cette consultation. » ;
3° Le premier alinéa de l’article L. 13-17 est remplacé par trois alinéas ainsi rédigés :
« Le montant de l’indemnité principale ne peut excéder l’estimation faite par le service des domaines ou celle résultant de l’avis émis par les deux notaires mentionnés à l’article L. 13-16-1, si une mutation à titre gratuit ou onéreux, antérieure de moins de cinq ans à la date de la décision portant transfert de propriété, a donné lieu à une évaluation administrative rendue définitive en vertu des lois fiscales ou à une déclaration d’un montant inférieur à ladite estimation.
« Lorsque les biens ont, depuis cette mutation, subi des modifications justifiées dans leur consistance matérielle ou juridique, leur état ou leur situation d’occupation, l’estimation qui en est faite conformément à l’alinéa précédent doit en tenir compte.
« Quand le montant de l’indemnité principale dépasse l’estimation, la décision est dûment motivée. »
La parole est à M. Michel Teston.
Cet amendement vise à modifier l’article relatif à la fixation des prix dans le code de l’expropriation pour cause d’utilité publique, afin d’encadrer les modalités d’évaluation des prix des biens lors des préemptions et des expropriations pour cause d’utilité publique.
Une erreur matérielle s’étant glissée dans la rédaction de l’amendement présenté en commission, il n’a pas été examiné. Mais comme l’enjeu nous paraît importante, nous proposons, au travers du présent amendement, une modification de l’article L. 13–15 du code de l’expropriation pour cause d’utilité publique. Il s’agit non seulement de réaffirmer l’importance de la phase d’évaluation par le juge et le rôle du service des domaines dans cette procédure, mais aussi d’introduire des critères d’estimation des terrains à bâtir en fonction de leur destination réelle, définie dans les programmes qui justifient les procédures de préemption.
Ainsi, nous pensons pouvoir éviter, comme cela se fait trop souvent, que la destination « fantasmée » de leur bien par des propriétaires ne conduise à une énorme spéculation sur des plus-values sans fondement.
Par ailleurs, vous connaissez notre combat pour permettre la libération du foncier d’État en faveur des projets collectifs, en particulier du logement. Nous pensons que, de ce point de vue, il est nécessaire de revenir sur la position de France Domaine, qui est, dans ce cas, juge et partie. Nous souhaitons lui interdire l’évaluation des terrains de l’État ou de ceux qui lui appartiennent indirectement, et proposons de lui substituer un binôme de deux notaires.
Il est fondamental de faire évoluer la situation pour faire cesser l’inflation due à des pratiques juridictionnelles qui visent à satisfaire les intérêts particuliers au détriment de l’intérêt général.
Dans tous les cas, nous parlons bien des atteintes à la propriété qui sont motivées par l’utilité publique : aménagement, travaux, logements. Les collectivités ne font pas n’importe quoi, et elles n’ont d’ailleurs aucun intérêt à agir de la sorte.
Nous souhaitions ouvrir aujourd’hui ce débat.
L'amendement n° 6, présenté par Mme Didier, MM. Danglot et Le Cam, Mmes Schurch, Terrade et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Après l'article 7, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’article L. 13-15 du code de l’expropriation pour cause d’utilité publique est ainsi modifié :
1° La seconde phrase du premier alinéa du I est complétée par les mots : « ou, dans le cas de l’exercice du droit de préemption prévu par le chapitre I du titre Ier du livre II du code de l'urbanisme, un an avant la date de l'acte ayant délimité ou renouvelé le périmètre de préemption ; » ;
2° Le 2° du II est ainsi rédigé :
« 2° Les possibilités de construction à retenir pour l'évaluation des terrains à bâtir ainsi qualifiés conformément au 1° ci-dessus ne peuvent excéder celles qui résultent du plafond légal de densité affecté d’un coefficient tenant compte de la nature des programmes envisagés par l’expropriant ou le titulaire du droit de préemption.
« Les coefficients applicables sont fixés par décret en Conseil d’État en fonction de la catégorie d’usage des biens à construire. »
La parole est à Mme Évelyne Didier.
Au travers de cet amendement, nous souhaitons appuyer l’une des propositions avancées par nos collègues socialistes lors du débat en commission.
La question, importante, des éléments que prennent en compte les Domaines pour fixer le prix du bien préempté n’est en effet pas abordée par la proposition de loi dont nous débattons.
En effet, force est de le constater, aujourd’hui, le plus souvent, l’estimation du bien soumis à procédure de préemption ne prend pas en compte la destination de celui-ci et l’intérêt général auxquels répond la préemption, mais se fonde simplement sur l’état du marché de l’immobilier, dont les prix sont quelquefois exorbitants. Parfois même, l’estimation du bien est supérieure au niveau du marché de l’immobilier.
Dans le contexte que nous connaissons de flambée de l’immobilier et de spéculation foncière, notamment en zone tendue, une telle estimation est particulièrement défavorable aux collectivités, qui se trouvent, dès lors, soit bloquées dans leurs projets d’aménagement, soit contraintes de diminuer la qualité de l’opération ou des équipements, et ce pour faire face au coût d’acquisition du terrain.
Puisque cette proposition de loi a pour objet de définir un nouvel équilibre, tout en reconnaissant l’importance de cet outil d’aménagement au profit des collectivités, il nous semble opportun de définir les critères pris en compte pour l’estimation de la valeur du bien préempté par le service des domaines.
Pour cette raison, nous considérons que la proposition faite par nos collègues socialistes est pertinente et qu’elle devrait recueillir l’assentiment de l’ensemble de notre hémicycle.
La commission émet un avis défavorable sur ces deux amendements.
Il nous semble pour le moins difficile de fixer le prix d’un terrain à bâtir en fonction de la destination de ce terrain et de son équipement, puisque le projet doit pouvoir évoluer si nécessaire.
Si l’on préempte ce terrain pour un projet déterminé, et que le bien est ensuite affecté à un autre projet, le prix ne pourra pas être fixé selon les critères suggérés par les auteurs de ces amendements.
En outre, cela reviendrait à faire peser sur un seul propriétaire le coût des équipements, ce qui pose un problème constitutionnel d’égalité devant les charges publiques.
Par ailleurs, je comprends les réserves qui peuvent être émises sur le rôle de France Domaine, qui évalue pour le compte de l’État et qui peut, de ce fait, se trouver dans une situation délicate. Mais il ne me semble pas plus satisfaisant de faire appel à des notaires, cette solution posant un problème d’harmonisation globale des évaluations au niveau national.
L'amendement n'est pas adopté.
L'amendement n'est pas adopté.
L'amendement n° 26 rectifié, présenté par MM. Navarro, Raoul, Repentin, Daunis, Caffet, Godard, Courteau et Rebsamen, Mme Bricq et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Après l’article 7, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le code général des collectivités territoriales est ainsi modifié :
1° Après l’article L. 4231–8, il est inséré un article L. 4231–8–1–1 ainsi rédigé :
« Art. L. 4231–8–1–1.- Le président du conseil régional peut, par délégation du conseil régional, être chargé d’exercer, au nom de la région, les droits de préemption dont elle est titulaire ou délégataire en application du code de l’urbanisme » ;
2° Dans la première phrase de l’article L. 3221–12, les mots : « le droit de préemption dans les espaces naturels sensibles, tel qu’il est défini à l’article L. 142–3 du code de l’urbanisme » sont remplacés par les mots : « les droits de préemption dont celui-ci est titulaire ou délégataire en application du code de l’urbanisme ».
La parole est à M. Yves Chastan.
Pour être en capacité de mettre en œuvre cette stratégie, la région doit pouvoir réagir rapidement quand elle est délégataire du droit de préemption. Pour cela, il est indispensable de sécuriser le droit pour le président de la région d’exercer le droit de préemption au nom de la région.
C’est la raison pour laquelle nous proposons de clarifier les conditions de délégation du conseil régional à son président, en modifiant l’article du code général des collectivités territoriales concerné.
Nous proposons également d’offrir la même opportunité aux présidents de conseil général pour ce qui concerne le droit de préemption dans les espaces naturels sensibles.
L’avis est favorable, dans la mesure où il s’agit de travailler à droit de préemption constant. Je le précise car, dans la proposition de loi du groupe socialiste, il est également question d’étendre le droit de préemption des régions, ce à quoi nous ne sommes pas favorables, en tout cas pas dans n’importe quelle condition.
En l’occurrence, vous souhaitez simplement préciser – et c’est pourquoi cet amendement recueille un avis favorable de la commission – que lorsque la région détient le droit de préemption, ce qui est notamment le cas pour les ZAD, ou lorsque le droit de préemption lui a été délégué, le président de la région puisse exercer ce droit. Vous proposez, ce qui nous paraît cohérent, la même chose pour les départements.
Pour les mêmes raisons, le Gouvernement est favorable à cet amendement.
L'amendement est adopté.
En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans la proposition de loi, après l’article 7.
L'amendement n° 9 rectifié bis, présenté par M. Béteille, Mme Bout, M. Milon, Mme G. Gautier, MM. Cointat et Faure, Mme Deroche, MM. Alduy, Hérisson, Grignon, Laurent, Doublet et P. Blanc, Mme Bruguière, MM. Dufaut, Vasselle et Beaumont, Mme Mélot et MM. Dulait et Houel, est ainsi libellé :
Après l’article 7, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Au 3° de l'article L. 514-3 du code forestier, après le mot : « inclus », est inséré le signe de ponctuation : «, ».
La parole est à M. Laurent Béteille.
Il s’agit de corriger une erreur matérielle.
Les travaux parlementaires ont malencontreusement entraîné la suppression d’une virgule, qui change complètement la signification de l’article L. 514-3 du code forestier, en laissant penser que le droit de préférence ne s'applique pas lorsque la vente intervient « au profit de parents ou alliés jusqu'au quatrième degré inclus du conjoint » du vendeur. Une telle interprétation n’est pas conforme à la volonté initiale du législateur.
M. Hervé Maurey, rapporteur. D’aucuns pourraient dire que cet amendement est un cavalier législatif qui risque d’être censuré par le Conseil constitutionnel…
Sourires.
Je me contenterai pour ma part de penser que la rectification matérielle qu’il contient est parfaitement justifiée.
En conséquence, l'avis est favorable.
M. Benoist Apparu, secrétaire d'État. Soyez rassuré, monsieur le rapporteur, je n’utiliserai pas « l’arme nucléaire » cette fois !
Sourires.
Mais je me permettrai de rappeler que nous l’avons l’un comme l’autre utilisée…
Nouveaux sourires.
L'amendement est adopté.
En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans la proposition de loi, après l’article 7.
Avant de mettre aux voix l'ensemble de la proposition de loi, je donne la parole à M. Thierry Repentin, pour explication de vote.
Je voudrais, avant de vous dire quel sera le vote de notre groupe, souligner la qualité du travail effectué en commission et des échanges qui ont eu lieu avec M. le rapporteur et M. le président de la commission, même si, bien évidemment, la déception est au rendez-vous sur un certain nombre d’amendements qui nous semblaient particulièrement importants.
Nous l’avions indiqué, mais M. le rapporteur en était lui-même convaincu, ce n’est pas le Grand Soir de l’évolution du droit de préemption urbain ; il s’agit d’un toilettage d’un certain nombre de dispositions.
Il y aura quelques avancées : une nouvelle utilisation du droit de préemption pour les établissements publics fonciers locaux dans des communes en constat de carence ; une sécurisation de son utilisation pour les présidents des conseils régionaux et départementaux – nous avons renoncé à déposer un amendement visant à élargir les compétences pour être sûr que cette sécurisation puisse être votée – ; une meilleure connaissance du bien préempté ; la lutte contre les ventes déguisées. Ce sont des avancées importantes.
Hélas ! monsieur le rapporteur, nous sommes totalement opposés à l’article 2 car il vise en quelque sorte à limiter l’utilisation du droit de préemption par les communes, puisqu’il les oblige à aller jusqu’au bout de la procédure dès lors que l’estimation des Domaines ne dépasse pas 10 % du prix convenu entre les deux particuliers. À partir du moment où vous bridez l’utilisation, vous créez une obligation. Nous avons voté contre cet article, ce qui devrait nous conduire à voter contre l’ensemble de la proposition de loi.
Cela étant, le groupe socialiste ne votera pas contre cette proposition de loi. Il s’abstiendra en souhaitant que cela permette son inscription à l’ordre du jour de l’Assemblée nationale, dans une niche parlementaire, pour que ce texte puisse être débattu – et pourquoi pas amélioré, y compris sur cet article 2, auquel nous sommes défavorables – et adopté.
Enfin, monsieur le secrétaire d'État, vous avez été battu, je ne dirai pas « sévèrement », mais quatre fois de suite de façon massive. Ce n’est pas très grave puisque c’était finalement sous le gouvernement précédent !
Sourires.
Conformément à ce que j’ai indiqué lors de la discussion générale, nous voterons unanimement ce texte, considérant qu’il s’agit d’une avancée, mais aussi d’une étape parce qu’il faudra certainement – nous le souhaitons profondément – aller encore de l’avant pour faciliter l’exercice du droit de préemption.
Nous parvenons au terme de cette discussion. J’avais dit au départ que nous voulions trouver un équilibre entre le droit de propriété et l’intérêt général représenté par les collectivités, et nous avions indiqué très clairement, comme l’a dit M. Repentin, que nous n’acceptions pas l’article 2.
Nous aboutissons finalement à deux décisions différentes, puisque le groupe socialiste, au vu des avancées, décide de s’abstenir, et nous, nous allons voter contre ce texte.
Malgré le geste de M. le rapporteur, qui a accepté la rectification prévue dans l’amendement que nous avons proposé, nous sommes, me semble-t-il, face à des équilibres très fragiles et nous aurons de plus en plus de difficultés financières.
On ne le mesure peut-être pas encore assez, mais mener à bien des projets d’intérêt général sera de plus en plus compliqué pour les collectivités. Elles ont besoin d’être soutenues dans cette défense de l’intérêt général, pour disposer des outils qui leur permettent de faire de l’aménagement urbain. On aurait pu, me semble-t-il, aller nettement plus loin dans ce sens. Telle est la raison de notre vote contre.
Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'ensemble de la proposition de loi.
La proposition de loi est adoptée.
Je dirai quelques mots pour remercier mes collègues qui, quelles que soient les travées sur lesquelles ils siègent, ont tous participé de manière constructive à ce débat.
Je remercierai bien sûr plus particulièrement ceux qui ont voté le texte. J’exprimerai une petite déception à l’égard de nos collègues du groupe socialiste, qui ont reconnu que nous avions été ouverts à leurs propositions, mais qui n’ont pas été jusqu’à voter ce texte.
Monsieur Repentin, vous avez dit que l’article 2 limitait le droit de préemption urbain. Permettez-moi simplement de vous faire remarquer qu’il vise à limiter les utilisations abusives du droit de préemption urbain et que c’est un des articles clés de cette proposition de loi, puisqu’il permet justement cet équilibre que nous avons recherché. Mais nous n’allons pas refaire le débat.
Je remercie tous les sénateurs présents cet après-midi, qui ont participé aux débats ici même et précédemment en commission et, bien évidemment, le président Emorine, qui m’a apporté tout son soutien, ainsi que l’ensemble des membres de la commission et nos collaborateurs.
Mes remerciements vont également à M. le secrétaire d'État et à ses collaborateurs, avec lesquels nous avons pu réaliser un travail tout à fait constructif.
M. Repentin disait que, concernant l’évolution du droit de préemption, ce n’était pas le Grand Soir. Je terminerai sur une confidence : le Grand Soir, ce n’est pas forcément dans ma culture politique. Ma volonté, c’est de faire avancer le droit sur ce sujet qui est important pour les collectivités locales.
M. Jean Boyer applaudit.
Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux jusqu’à dix-huit heures trente, heure à laquelle nous aborderons la discussion de la proposition de loi relative aux certificats d’obtention végétale.
La séance est suspendue.
La séance, suspendue à dix-sept heures cinquante-cinq, est reprise à dix-huit heures quarante.
M. le président du Sénat a reçu de M. le Premier ministre la demande de constitution de la commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi organique relatif aux collectivités régies par l’article 73 de la Constitution.
Je rappelle au Sénat que la liste des candidats établie par la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale a été affichée conformément à l’article 12 du règlement.
Je n’ai reçu aucune opposition.
En conséquence, cette liste est ratifiée et je proclame représentants du Sénat à cette commission mixte paritaire :
Titulaires : MM. Jean-Jacques Hyest, Christian Cointat, Jean-Pierre Vial, Bernard Frimat, Richard Tuheiava, Yves Détraigne et Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.
Suppléants : M. Laurent Béteille, Mme Anne-Marie Escoffier, MM. Dominique de Legge, Jean-Claude Peyronnet, Simon Sutour, Mme Catherine Troendle et M. François Zocchetto.
L’ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi relative aux certificats d’obtention végétale (proposition de loi n° 720 [2009-2010], texte de la commission n° 619, rapport n° 618).
Dans la discussion générale, la parole est à M. Christian Demuynck, auteur de la proposition de loi.
Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, je souhaite, en premier lieu, remercier le président du Sénat, Gérard Larcher, ainsi que le président de la commission de l’économie, du développement durable et de l’aménagement du territoire, Jean-Paul Emorine, d’avoir activement contribué à faire inscrire cette proposition de loi à l’ordre du jour de notre assemblée.
Permettez-moi, en second lieu, de saluer notre collègue rapporteur Rémy Pointereau, qui a considérablement amélioré la rédaction du texte proposé. Je tiens tout particulièrement à souligner son engagement, ainsi que le travail qu’il a réalisé au sein de la commission.
En 2050, notre planète comptera près de 10 milliards d’habitants. Derrière ce chiffre impressionnant se présente une série de défis que l’homme va devoir relever. Parmi ceux-ci, nourrir la population mondiale est, nous en sommes tous conscients, l’enjeu capital, crucial, même, d’autant que les contraintes sont déjà nombreuses avec « seulement », si je puis dire, 6 milliards d’êtres humains.
Les difficultés climatiques – sécheresses ou pluies diluviennes – contribuent à la spéculation sur les produits agricoles. Par ailleurs, le développement de l’urbanisation réduit chaque jour les surfaces agricoles, et des États se meurent de ne pouvoir accéder à certaines matières premières à des prix raisonnables.
Ces contraintes ont entraîné l’absence de sécurités alimentaires, et certains pays ont dû faire face à des « guerres du pain ».
Dans l’état actuel des choses, la pénurie de blé viendra avant celle du pétrole.
Je sais, monsieur le ministre, que le Gouvernement partage ces préoccupations ; il s’est d’ailleurs fortement engagé en faveur du redéveloppement des productions agricoles.
La semaine dernière, à l’occasion du G20 agricole, le Président de la République a déclaré : « Pour produire plus et mieux, nous devons réinvestir dans l’agriculture. [...] Nous devons également encourager la recherche et l’innovation, par des programmes de coopération internationale. »
Vous-même, monsieur le ministre, avez inscrit l’importance du développement des outils de la protection intellectuelle des variétés végétales dans votre déclaration ministérielle de ce même G20 agricole, et je vous cite : « Nous favoriserons l’innovation dans la sélection variétale, y compris en renforçant les mécanismes juridiques agréés au niveau international concernant les variétés végétales. »
Ces ambitions que nous avons au niveau international, nous devons également les avoir pour notre pays. Et il ne faut pas être un « spécialiste », ce qui est loin d’être mon cas, pour savoir que, pour relancer la recherche agricole en France, il faut lui en donner les moyens.
L’amélioration des plantes, qui a débuté il y a des milliers d’années et a permis, par exemple, de transformer le téosinte en maïs, est cruciale. Elle doit donc être non seulement reconnue, mais soutenue, et c’est tout l’objectif de ce texte.
En France, au xixe siècle, la recherche s’est développée et spécialisée, donnant naissance à notre filière semencière, qui fait aujourd’hui référence.
Avec un chiffre d’affaires de 2, 5 milliards d’euros, dont 1 milliard d’euros à l’exportation, 75 entreprises de sélection, dont 70 % de PME de type familial ou coopératif, 15 000 emplois directement liés à la filière « semences » et 18 000 agriculteurs multiplicateurs de semences, cette filière nous permet d’occuper une place prépondérante sur l’échiquier mondial, puisque la France est le deuxième exportateur et le troisième producteur mondial, derrière les États-Unis et la Chine. Néanmoins, elle est en danger.
Quand le budget consacré à la recherche par l’ensemble des entreprises françaises semencières atteint chaque année 200 millions d’euros, la seule entreprise américaine Monsanto dispose, elle, d’un budget de 1 milliard d’euros, soit cinq fois plus !
En outre, dans les années soixante, l’importance de la création variétale a été reconnue en accordant aux créateurs de nouvelles variétés le bénéfice de l’article 27 de la Déclaration universelle des droits de l’homme, dans laquelle il est affirmé que : « Chacun a droit à la protection des intérêts moraux et matériels découlant de toute production scientifique, littéraire ou artistique dont il est l’auteur. ».
De même, désireuse de prendre en compte la particularité de l’amélioration des plantes, la France a créé, en 1961, un droit spécifique de propriété intellectuelle sur les obtentions végétales : le certificat d’obtention végétale, ou COV.
Toutes ces initiatives ont été à l’origine de progrès agricoles spectaculaires. Ainsi, le rendement du blé a été multiplié par trois et plus de cent cinquante variétés de blé sont aujourd’hui cultivées en France.
Néanmoins, les nouveaux enjeux apparus au XXe siècle - changements climatiques, souveraineté alimentaire, développement durable, génomique des plantes, pour ne citer que ceux-là - nous obligent.
La recherche est cruciale. Elle doit donc disposer d’un cadre réglementaire et d’un mode de financement à la hauteur des enjeux de notre époque.
Cette proposition de loi vient combler un retard anormal pris par notre pays dans la transposition de la Convention internationale pour la protection des obtentions végétales de 1991, dite « convention UPOV », dont la France avait pourtant pris l’initiative.
Elle conforte les spécificités du certificat d’obtention végétale, qui reposent sur trois principes fondamentaux.
Le premier principe fondamental est de reconnaître la nouveauté dans les champs et non dans les tribunaux.
Le deuxième principe fondamental est de maintenir l’accès à la variété nouvelle pour la sélection : c’est l’exception de sélection.
Ce concept, indispensable aux chercheurs, permet à ces derniers d’utiliser librement et gratuitement comme ressources génétiques dans leur travail d’amélioration des plantes l’ensemble des variétés protégées par un certificat d’obtention végétale.
Remarquons-le, depuis que la Convention sur la diversité biologique a reconnu la souveraineté des États sur leurs ressources génétiques, les 70 000 variétés protégées dans le monde par un certificat d’obtention végétale sont les seules ressources totalement libres et disponibles pour la sélection.
Cette philosophie que nous défendons par le biais de ce texte est à l’opposé de celle du brevet, qui bloque totalement l’accès à la variété brevetée.
Mis en place aux USA et dans les pays du Pacifique, le brevet est une menace contre notre certificat d’obtention végétale, synonyme de liberté, de gratuité et de partage.
Enfin, le troisième principe fondamental inscrit dans cette proposition de loi vise à empêcher l’appropriation indue de la variété par l’introduction d’un gène breveté.
Sur l’initiative de notre collègue Jean Bizet, le Sénat a déjà pris une première disposition à l’occasion de la transposition en droit français de la directive 98/44/CE du Parlement européen et du Conseil du 6 juillet 1998 relative à la protection juridique des inventions biotechnologiques.
Cette disposition que nous avons votée, tout comme l’Assemblée nationale, introduit une exception de sélection partielle sur ces inventions, ainsi qu’une exception pour les semences de ferme.
En nous engageant en faveur de cette proposition de loi, nous franchirons une seconde étape avec l’introduction du concept de « variété essentiellement dérivée », qui évitera que les multinationales des biotechnologies ne puissent s’approprier totalement la variété d’origine en demandant un certificat d’obtention végétale sur la forme modifiée de la variété après avoir simplement introduit un gène breveté dans une variété protégée existante, par exemple un gène Bt, le gène de résistance à la larve de la pyrale, qui attaque le maïs.
Ainsi les droits du sélectionneur d’origine seront préservés.
Enfin, cette proposition de loi améliore la pratique du certificat d’obtention végétale en renforçant la rémunération de la recherche, tout en la répartissant mieux entre tous les bénéficiaires.
Vous l’aurez compris, je vais parler des semences de ferme.
Aujourd’hui, force est de constater que l’effort de financement – obtenu grâce au paiement, par les agriculteurs, de droits de propriété intellectuelle, via des royalties sur les semences certifiées – n’est pas porté équitablement et n’est pas suffisant.
Si tous les exploitants du monde agricole souhaitent des semences qui leur assurent une production de qualité, certains ne contribuent pas au financement de l’innovation.
Je prendrai l’exemple du financement de la recherche par un producteur de blé tendre, car il est symbolique.
Cultivé sur près de 4, 5 millions d’hectares par plus de 175 000 agriculteurs, le blé tendre compte au nombre des céréales les plus exploitées sur notre territoire.
L’agriculteur qui est payé aujourd’hui 200 euros par tonne de blé, avec un rendement moyen de 7 tonnes à l’hectare, est rétribué à hauteur de 1 400 euros par hectare.
S’il a utilisé des semences de blé tendre certifiées pour assurer sa production, il contribue au financement de la recherche à hauteur de 10 euros, sur 1 400 euros par hectare.
S’il a utilisé des semences de ferme issues de variétés nouvelles protégées pour assurer sa production, grâce à l’accord trouvé entre obtenteurs et producteurs de blé, il contribue au financement de la recherche à hauteur de 3, 50 euros, toujours sur 1 400 euros par hectare.
S’il a en revanche utilisé des semences de ferme issues de variétés « anciennes » non protégées pour assurer sa production, logiquement il ne finance plus la recherche.
Les agriculteurs contribuent ainsi, chaque année, à ce financement pour près de 27 millions d’euros à partir des semences certifiées et pour plus de 8, 5 millions d’euros à partir des semences de ferme, grâce à l’accord interprofessionnel pour la mise en place d’une cotisation volontaire obligatoire – CVO – sur le blé tendre, signé en 2001.
Tout en faisant des semences de ferme et en participant au financement de la recherche, les agriculteurs souhaitent utiliser l’innovation apportée par ces nouvelles variétés.
Ce texte s’inscrit dans cette volonté et vise à autoriser enfin les semences de ferme et à donner un cadre légal à cet accord sur le blé tendre et l’étendre à d’autres espèces.
Il offre ainsi un cadre réglementaire à cette pratique ancestrale, aujourd’hui très répandue sur des espèces comme les céréales à paille – blé, orge, avoine –, le colza ou les plants de pommes de terre.
La proposition de loi que j’avais déposée se voulait à la fois équilibrée et ambitieuse. Le travail mené depuis son dépôt permet à tous les acteurs du monde agricole de sortir « gagnants ».
Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, face aux enjeux qui se présentent à nous, je crois en la force et en la réussite de la recherche française.
C’est toute la philosophie du texte que j’avais déposé et qui a été fortement confortée par la commission et le travail du rapporteur que de contribuer à défendre la compétitivité de notre agriculture dans le monde et à en partager équitablement les fruits avec tous.
Attendue par l’ensemble des obtenteurs français et une large majorité des agriculteurs qui ont su se retrouver autour d’un texte faisant l’unanimité, cette proposition de loi apporte, me semble-t-il, des réponses équilibrées et ambitieuses à une série de problématiques cruciales pour notre agriculture, pour notre recherche et pour la population mondiale.
Certains de nos collègues doutent de ce texte, au prétexte de la reconnaissance que nous devons aux paysans sélectionneurs qui nous ont conduits du téosinte au maïs, alors que ces mêmes collègues n’ont aucune reconnaissance pour ceux qui, demain, nous permettront de nous nourrir comme ils nous le permettent aujourd’hui !
En d’autres termes, nos collègues souhaitent que nous nous nourrissions de téosinte, alors que la majorité agit pour que la population puisse se nourrir de maïs. Entre les deux, mon choix est fait !
Les mêmes, sous prétexte de lutter contre la brevetabilité du vivant, veulent affaiblir le seul système équilibré qui garantit le droit du créateur comme celui de la société. Leur vision nous livrerait ainsi pieds et poings liés aux multinationales des biotechnologies.
J’aimerais à cette occasion reprendre quelques mots d’un auteur apprécié par nos collègues installés sur les travées de gauche : « Ni le blé ni la vigne n’existaient avant que quelques hommes, les plus grands des génies inconnus, aient sélectionné et éduqué lentement quelque grain ou quelque cep sauvage. »
Je ne doute pas que nos collègues de l’opposition auront reconnu le style et apprécié la vision avant-gardiste de Jean Jaurès, qui, bien avant ce débat, avait conscience de l’importance de la recherche et de l’importance qu’il y a à la défendre.
Cette pensée pleine de vérité s’inscrit totalement dans cette proposition de loi, qui est une modeste reconnaissance du travail de nos sélectionneurs, nos « génies inconnus », ainsi qu’une contribution à la sécurité alimentaire mondiale face aux défis que nous avons à relever en la matière.
En outre, cette proposition de loi est conforme aux valeurs que porte la France et que, bien entendu, je partage. Depuis que je l’ai déposée, elle a été très largement améliorée par le rapporteur et la commission. Il est bien évident que je voterai ce texte.
Applaudissements sur les travées de l ’ UMP, ainsi qu’au banc des commissions.
Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, les obtentions végétales constituent un système original de propriété intellectuelle sur les plantes qui est différent du brevet ; il est plus ouvert et finalement plus adapté.
Nous fêterons cette année le cinquantième anniversaire de la Convention internationale pour la protection des obtentions végétales, dite « convention de Paris », qui a été conclue à Paris le 2 décembre 1961 et qui a créé à l’échelon international une reconnaissance du droit de propriété intellectuelle des créateurs de variétés végétales nouvelles.
Chaque État membre de l’Union internationale pour la protection des obtentions végétales, ou UPOV – ils sont désormais soixante-neuf à travers le monde – a donc mis en place sur les végétaux des titres de propriété intellectuelle que l’on appelle des certificats d’obtention végétale.
La convention de Paris a été modifiée en 1972, puis en 1978, et, de manière plus substantielle, en 1991 pour être adaptée aux changements technologiques, mais toujours dans le souci de préserver la spécificité du système de l’obtention végétale par rapport à celui du brevet, la différence tenant essentiellement à l’existence d’une exception de l’obtenteur, ou exception du sélectionneur.
Avec cette exception, chacun peut librement utiliser les variétés existantes, même les variétés protégées, pour en créer une nouvelle, ce qui serait impossible avec le brevet. En effet, l’utilisation d’un brevet implique toujours de payer des droits à son titulaire, et cela ad vitam aeternam !
La proposition de loi déposée par notre collègue Christian Demuynck vise tout simplement à adapter le droit français à la nouvelle version de la convention UPOV de 1991.
Le sujet ne nous est pas inconnu ; au Sénat, nous avions déjà voté en 2006 un texte sur le même sujet - le rapporteur était M. Jean Bizet - mais il est devenu caduc après le changement de législature, en 2007.
Or, si le Parlement a autorisé en 2006 la ratification par la France de la convention de 1991, cette ratification ne peut pas intervenir tant que notre pays n’a pas modifié son droit national pour le rendre compatible avec le texte international. La France reste l’un des rares États membres de l’Union européenne dans cette situation, avec l’Irlande, l’Italie et le Portugal.
Il est vrai que le sujet est très technique.
Il faut aujourd’hui avancer sur la question des obtentions végétales, et ce pour quatre raisons principales.
D’abord, il s’agit de conforter le système du certificat d’obtention végétale face au brevet, système alternatif qui gagne du terrain, cela a été dit tout à l’heure. Près d’une centaine de pays n’ont pas encore choisi leur système de protection intellectuelle sur les plantes. Or la tentation est forte chez certains d’adopter le système du brevet, qui est plus simple. La France est fragilisée lorsqu’elle défend le certificat d’obtention végétale, alors que son droit interne n’a pas été modifié pour être rendu conforme à une convention signée voilà maintenant vingt ans !
Ensuite, il s’agit de mettre en cohérence le droit national et le droit européen. Au niveau de l’Union européenne, un règlement adopté en 1994 met en place un dispositif de protection communautaire des obtentions végétales.
Des certificats européens sont délivrés par l’Office communautaire des variétés végétales, ou OCVV. Ils offrent une protection des droits de propriété intellectuelle de l’obtenteur conforme au cadre fixé par la convention UPOV de 1991 Un obtenteur peut donc indifféremment solliciter un COV national ou européen, le certificat d’obtention végétale européen étant, il est vrai, plus coûteux.
Or l’existence de discordances entre les deux régimes, national et européen, est source de confusion dans un domaine, la propriété intellectuelle, qui n’est déjà pas simple.
L’objectif de ce texte est également de donner – enfin ! – un cadre juridique aux semences de ferme. Si surprenant que cela puisse paraître, la pratique de la semence de ferme sur des variétés protégées par un titre de propriété intellectuelle est aujourd’hui illégale. Aucune disposition de la loi de 1970 ne l’autorise. Plusieurs agriculteurs, en particulier des producteurs de pommes de terre, ont été condamnés, et parfois très lourdement, pour s’être livrés à cette pratique.
Enfin, ce texte vise à encourager la recherche sur les nouvelles variétés végétales. La progression des rendements a été rendue en grande partie possible depuis les années cinquante grâce à la sélection végétale. Cependant, nous constatons depuis dix, vingt ans, une tendance à la stagnation de ces rendements, toutes espèces confondues. Cette stagnation est due en partie aux aléas climatiques, en partie à la diminution des intrants, mais aussi à une baisse de la recherche. Celle-ci s’est orientée vers d’autres priorités : une meilleure résistance des plantes à certains parasites, une meilleure capacité à se développer avec moins d’intrants.
Face aux enjeux de l’alimentation mondiale et de l’adaptation de notre appareil de production agricole au changement climatique, aux nouveaux impératifs de gestion plus économe en eau, en fertilisants ou en produits phytosanitaires, la recherche doit apporter des solutions. À cet effet, les entreprises de sélection doivent pouvoir tirer les fruits de leur travail pour, ensuite, financer la recherche.
Nos entreprises proposent chaque année 500 à 600 variétés nouvelles, toutes espèces confondues, céréales, légumes et, à hauteur de 60 %, plantes ornementales.
La proposition de loi reprend pour l’essentiel, en l’adaptant à la marge, le dispositif voté en 2006 par le Sénat. Ses apports principaux par rapport au droit existant sont de trois ordres.
D’abord, la proposition de loi étend le droit de l’obtenteur d’une variété à une variété différente mais dite « essentiellement dérivée » Il s’agit d’éviter, conformément à l’une des principales avancées de la convention de 1991, que, par des rétrocroisements ou des modifications à la marge d’une variété existante, le droit de propriété de l’obtenteur ne soit contourné.
Ensuite, la proposition de loi autorise la production de semences de ferme à des fins de réensemencement sur la même exploitation et sous réserve du paiement d’une indemnité à l’obtenteur.
Cette « dérogation en faveur des agriculteurs » s’explique par une pratique ancienne. Il convenait toutefois de faire évoluer une situation particulièrement curieuse : alors que la pratique des semences de ferme se poursuit dans les campagnes, le droit l’interdit pour les variétés protégées par un COV national, mais l’autorise pour les variétés protégées par un COV européen…
La proposition de loi procède à une clarification bienvenue, en s’appuyant sur la pratique mise en place par les professionnels eux-mêmes, dans le cadre de l’accord interprofessionnel sur le blé tendre.
Cet accord permet la collecte d’une contribution dite « contribution volontaire obligatoire », ou CVO, sur toutes les ventes de blé tendre pour un montant de 0, 50 euro par tonne. Les agriculteurs ayant acheté des semences certifiées sont remboursés, car ils ont déjà payé des royalties aux obtenteurs en achetant les semences. Les petits agriculteurs, qui ne sont pas redevables d’une indemnité pour utilisation de semences de ferme, sont aussi remboursés. Le produit net de la contribution est ensuite reversé aux obtenteurs et une fraction de 15 % alimente un fonds permettant de soutenir la recherche dans un cadre plus collectif.
Critiqué à ses débuts, le dispositif fonctionne désormais correctement et est relativement bien accepté. Les auteurs de la proposition de loi s’appuient sur cette expérience pour définir un régime d’autorisation des semences de ferme, en contrepartie d’une indemnité.
Enfin, la proposition de loi procède à divers ajustements du code de la propriété intellectuelle sur des points mineurs, pour l’adapter à la convention UPOV de 1991. La définition de la variété végétale est ainsi précisée, mais sans que soient modifiées les conditions dans lesquelles ces variétés peuvent faire l’objet d’un certificat. Pour bénéficier d’un COV, un obtenteur devra toujours prouver que sa variété est nouvelle, distincte des variétés qui existent déjà, homogène et stable : il s’agit des fameux critères « DHS ».
Au titre des modifications mineures, le texte prévoit aussi un nouveau cas de licence obligatoire pour faciliter l’exploitation d’une variété nouvelle si le propriétaire de la variété n’est pas capable de fournir lui-même le marché.
Le texte prévoit également les cas de nullité du certificat lorsque la variété ne correspond plus aux critères qui avaient permis d’attribuer le COV initial.
Au terme des dix-sept auditions que j’ai menées sur ce sujet, je n’ai pas proposé de remettre en cause l’économie générale de la proposition de loi. La commission a toutefois apporté quelques modifications qui permettent de l’adapter et de l’enrichir.
Ainsi, l’article 1er a été modifié pour restreindre la définition de la notion de « variété » au seul champ de la propriété intellectuelle. L’idée était de ne pas empêcher les évolutions futures du catalogue des variétés commercialisables et de permettre éventuellement, demain, l’inscription de variétés dites « population ».
L’article 2 a également été modifié, à la demande de notre collègue Daniel Raoul, pour préciser qu’il n’est pas permis de s’approprier une ressource naturelle existante et que l’on aurait seulement découverte. Il faut un vrai travail de l’obtenteur pour bénéficier d’une obtention végétale.
L’article 14 relatif aux semences de ferme a été légèrement remanié afin de prévoir une place pour les accords interprofessionnels définissant les conditions d’utilisation des semences de ferme, sur le modèle de l’accord de 2001 concernant le blé tendre.
Quelques retouches rédactionnelles, que je ne détaillerai pas ici, ont également été apportées.
Un article a été ajouté pour permettre une évolution du statut de l’organisme qui attribue aujourd’hui les certificats, à savoir le Comité pour la protection des obtentions végétales, le CPOV.
Le texte initial a été complété par un article permettant d’aller plus loin dans la mise en œuvre du traité international sur les ressources phylogénétiques pour l’agriculture et l’alimentation, lequel prévoit la conservation de variétés anciennes du domaine public, ce que j’appellerai les « semences paysannes », dans un but d’intérêt général. Cette conservation ne va pas de soi, car les végétaux sont des organismes vivants. Si personne ne se soucie de les reproduire, ils disparaissent.
La proposition de loi met donc en place les bases d’un système de conservation de ces ressources au niveau national, et en renvoie les modalités à un décret d’application.
Enfin, je signale qu’un article additionnel numéroté 11 bis figurait bizarrement dans le texte de la proposition de loi. Dans le texte adopté par la commission, nous avons renuméroté les articles à partir de celui-ci, qui est devenu l’article 12.
Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, vingt ans après la signature par la France de la dernière version en date de la convention UPOV, il est plus que temps d’en tirer les conséquences dans notre code de la propriété intellectuelle.
L’existence d’un système efficace de protection de la propriété intellectuelle est une condition du maintien de l’effort de recherche sur les végétaux.
Nos obtenteurs, qui sont souvent de petites et moyennes entreprises, ont besoin d’être confortés.
Le secteur semencier français est dynamique. La France est le premier producteur européen et le deuxième exportateur mondial de semences, avec 74 entreprises de sélection, 257 stations de multiplication et près de 19 000 agriculteurs multiplicateurs, pour un chiffre d’affaires de 2, 4 milliards d’euros.
Conserver nos atouts et trouver un juste équilibre, telle est l’ambition de ce texte, et je la partage pleinement, comme je vous invite, mes chers collègues, à la partager, en adoptant, à l’issue de nos travaux, cette proposition de loi.
Applaudissements sur les travées de l ’ UMP.
Vingt-trois amendements ont été déposés sur l’article 14, mais un amendement visant à rédiger l’article nous contraint à les examiner ensemble dans le cadre d’une discussion commune. Aussi, pour la clarté de nos débats, madame la présidente, je demande la disjonction de l’amendement n° 47 déposé par M. Le Cam.
Mes chers collègues, je suis saisie par la commission d’une demande de disjonction de l’amendement n° 47 à l’article 14.
Il n’y a pas d’opposition ?...
Pas de la part du Gouvernement !
Mme la présidente. Dans la suite de la discussion générale, la parole est à M. le ministre.
Applaudissements sur les travées de l ’ UMP.
Madame la présidente, mesdames, messieurs les sénateurs, je suis très heureux de vous retrouver ce soir pour l’examen de cette proposition de loi relative aux certificats d’obtention végétale.
La presse s’en est fait l’écho, Paris était, la semaine dernière, la capitale de l’agriculture mondiale. À l’issue de quatorze mois de négociations, nous sommes parvenus, avec mes homologues du G20, à établir un plan d’action historique destiné à relever le défi de l’agriculture et de la sécurité alimentaire mondiales.
Les objectifs sont clairs : il s’agit de réinvestir dans l’agriculture mondiale, de permettre une plus grande transparence s’agissant des stocks et de la production agricole mondiale ainsi que de prévoir une meilleure coopération entre les États membres du G20 en cas de crise et une régulation, à nos yeux indispensable, des marchés agricoles financiers.
Face à la pression croissante de la demande agricole mondiale, nous devons réinvestir dans l’agriculture mondiale, et cela doit se manifester dans notre agriculture nationale. Je suis à la fois très heureux et très fier de pouvoir poursuivre mon travail au ministère de l’agriculture, au service, précisément, de cette agriculture nationale.
Il nous faut produire plus, ce qui impossible sans le développement de la recherche. L’augmentation de la productivité agricole en France se heurte en effet à de nouvelles réalités que vous connaissez, mesdames, messieurs les sénateurs : des crises sanitaires de plus en plus fréquentes, un réchauffement climatique qui fait baisser les rendements et un problème de terres agricoles qui rend d’autant plus nécessaire l’augmentation de la productivité.
La proposition de loi qui nous réunit aujourd’hui, bien qu’elle puisse paraître technique à certains, est une réponse très concrète pour faire face à l’enjeu.
En France, la recherche agronomique est assise sur un modèle original de protection de la propriété intellectuelle, le certificat d’obtention végétale, que Christian Demuynck a évoqué à l’instant de façon juste et détaillée. Ce modèle permet de défendre un juste équilibre entre protection du propriétaire et intérêt de l’utilisateur.
Avec cette proposition de loi, monsieur le rapporteur, nous avons la possibilité de consolider ce modèle, en créant les conditions de la pérennité de notre recherche agronomique et en clarifiant la situation de nos agriculteurs à l’égard du produit de cette recherche.
C’est la raison pour laquelle le Gouvernement y est favorable. Je m’étais engagé, lors du débat sur le projet de loi de modernisation de l’agriculture et de la pêche, à ce que nous examinions ensemble cette proposition de loi. Or j’ai l’habitude de tenir mes engagements et de respecter un certain nombre de valeurs et de principes qui fondent ma vie politique. J’assume donc aujourd’hui la décision qui avait été prise à cette occasion, puisque vous êtes sur le point d’adopter, mesdames, messieurs les sénateurs, cette proposition de loi, qui permet d’améliorer encore notre dispositif en matière de recherche agronomique.
Améliorer notre dispositif, c’est d’abord, comme l’a dit tout à l’heure Christian Demuynck, cesser d’opposer l’intérêt des obtenteurs et celui des agriculteurs : la recherche agronomique n’est pas au service de quelques agriculteurs ; elle doit être au service de l’ensemble des agriculteurs.
Une recherche forte, c’est une agriculture forte. Je regrette, à cet égard, que, dans un passé qui n’est pas si lointain, on ait voulu opposer les intérêts de la recherche à ceux de l’agriculture.
L’agriculture, ce n’est pas le retour au Moyen Âge, à un temps dépassé où il n’y avait ni crise sanitaire, ni crise climatique, ni problème de rendement.
Le progrès, c’est être capable de concilier recherche et agriculture. Nous sommes, nous, majorité, dans le camp du progrès, car nous assumons le fait qu’il puisse y avoir, d’un côté, une recherche responsable et, de l’autre, une agriculture moderne. Nous refusons les visions caricaturales, idéologiques ou passéistes de l’agriculture, qui ne correspondent aux besoins ni du consommateur français ni de la population mondiale.
M. Bruno Le Maire, ministre. Les récents événements en matière de sécurité sanitaire nous le montrent suffisamment, il faut renoncer à une vision parfois irénique de la production agricole.
Exclamations sur les travées du groupe socialiste.
Il n’y aura pas d’amélioration des rendements sans recherche agronomique.
Ce n’est pas de la provocation, monsieur le sénateur, c’est tout simplement du réalisme ! Or ce gouvernement sera toujours du côté du réalisme et de la lucidité, surtout en ce qui concerne la production agricole mondiale et la sécurité alimentaire de nos compatriotes.
Pas contre, monsieur le sénateur, pour... C’est tout l’objet de cette proposition de loi !
Aujourd’hui, la sélection végétale est le seul moyen de maintenir les rendements à un niveau stable. S’il n’y avait pas eu de recherche génétique sur le blé en Europe, les rendements auraient chuté après la Seconde Guerre mondiale, et nous n’aurions pas été en mesure de nourrir correctement notre population.
Tout cela est important non seulement pour la France, mais aussi pour les pays en développement. Je souhaite profiter de cette tribune, mesdames, messieurs les sénateurs, pour vous faire part de mon expérience de cette année de négociations menées au titre du G20.
J’ai pu constater que ces pays demandent avant tout une coopération dans le domaine de la recherche, …
… une amélioration des rendements et de la génétique en matière de semences, les moyens pour pouvoir produire dans des conditions climatiques particulièrement difficiles, notamment en période de sécheresse.
Il est donc aussi de notre devoir de les aider en matière de recherche agricole, d’autant qu’ils nous sollicitent en ce sens.
N’ayons pas une vision trop étroite de l’agriculture française. Les pays d’Afrique, d’Asie du Sud-Est, les pays les plus pauvres de la planète nous demandent non pas la fourniture de blé produit sur notre territoire, mais aide et coopération en matière de recherche pour pouvoir produire chez eux à un coût le moins élevé possible. C’est bien ce que nous sommes décidés à faire.
Il n’y a pas non plus d’agriculture durable sans innovation agronomique.
Pour concilier productivité et respect de l’environnement, le meilleur moyen est de changer de modèle. C’est l’innovation qui nous permettra de faire le saut qualitatif nécessaire en créant des variétés moins consommatrices d’engrais et de pesticides.
Les engagements pris de réduction de 50 % de l’utilisation des produits phytosanitaires d’ici à 2018 doivent être tenus. Ils répondent à la volonté des consommateurs, mais il y va de notre intérêt à tous, car l’agriculture tant en France qu’en Europe doit être un modèle en matière de réduction du recours aux engrais et de consommation de pesticides pour tous les autres pays de la planète.
Je le répète, sans recherche performante, il n’y a pas d’agriculture compétitive, pas d’agriculture durable, pas d’agriculture productive dans le respect des conditions que j’ai indiquées.
Mais la recherche agronomique a un coût. Il suffit de se déplacer au Brésil, aux États-Unis, en Argentine, ou encore en Allemagne - notre grand voisin a investi massivement dans le domaine agricole -, pour constater que toutes les puissances agricoles, anciennes ou émergentes, consacrent des sommes considérables à leur recherche agronomique.
À titre d’exemple, le développement de nouvelles variétés végétales prend en moyenne dix ans et nécessite un effort financier de l’ordre de 100 millions d’euros, somme ô combien élevée pour des agriculteurs.
Il faut donc soutenir l’effort de recherche. C’est l’objet de la présente proposition de loi, qui garantit la juste rémunération de la recherche par le paiement de droits sur les semences protégées.
Avec ce texte, mesdames, messieurs les sénateurs, vous donnez un nouveau signal concret de l’engagement de notre pays aux côtés de la recherche et de l’innovation.
Cette proposition de loi est dans l’intérêt des agriculteurs eux-mêmes, parce qu’elle permet de clarifier et de simplifier les conditions d’utilisation de semences de variétés protégées.
Vous connaissez tous ici la situation actuelle, et vous savez combien elle est ubuesque : un agriculteur ayant acheté des semences n’a pas le droit de ressemer les graines récoltées ; il est dans l’obligation d’acheter au prix fort de nouvelles semences.
Les agriculteurs s’étonnent, et il y a de quoi ! C’est tout à fait dommageable du point de vue des coûts de production, et très compliqué à expliquer en droit.
Évidemment, dans les faits, cette interdiction, comme toute interdiction malencontreuse, est largement contournée, étant trop contraignante et trop coûteuse.
Si l’on devait, en cette période de baccalauréat, mener une réflexion philosophique sur l’autorité
Sourires
Cette interdiction pose aussi un problème aux sélectionneurs, qui ne peuvent pas tirer le juste bénéfice de leur travail. Dans des espèces comme les céréales à paille, la pratique du réensemencement concerne 50 % des semences utilisées. Or les sélectionneurs ne perçoivent de droits que sur les semences certifiées, soit un manque à gagner considérable, qui se chiffre à plus de 30 millions d’euros par an, alors qu’ils investissent près de 14 % de leur chiffre d’affaires en recherche et développement.
Grâce au présent texte, nous reconnaissons, pour la première fois, le droit des agriculteurs à sortir de cette situation ubuesque et à ressemer des graines protégées par un certificat d’obtention végétale. Cela relève du bon sens, mais le bon sens n’allant pas toujours de soi, il était temps que le Sénat se saisisse de la question.
Cette faculté sera autorisée moyennant une contribution bien inférieure aux droits complets normalement dus à l’obtenteur.
Pour les « petits agriculteurs » au sens de la PAC – ceux qui produisent moins de 92 tonnes de céréales ou l’équivalent –, ce droit aux semences de ferme sera désormais totalement gratuit.
Pour les autres, et conformément à ce qui se fait pour le blé depuis 2001, le texte prévoit la négociation d’un accord entre obtenteurs et agriculteurs destiné à arrêter ce que vous appelez un « juste niveau de rémunération ».
La proposition de loi que nous examinons permet de consolider le modèle français de protection de la propriété intellectuelle face aux tenants du système du brevet.
Christian Demuynck et Rémy Pointereau l’ont rappelé avant moi, ce qui fait la différence entre le certificat d’obtention végétale et le brevet, c’est la liberté qui est laissée à l’utilisateur de la variété.
Dans le cas du certificat, il existe un équilibre entre les droits du propriétaire et ceux de l’utilisateur.
Dans le cas du brevet, le propriétaire a tous les droits. Voilà qui est évidemment plus simple !
Dans le cas du certificat, la protection est limitée aux usages commerciaux de la variété et de ses dérivés. Il reste cependant possible d’utiliser la variété comme base pour développer de nouvelles variétés.
Dans le cas du brevet, toutes les utilisations d’une variété brevetée ou de ses fruits sont suspendues à l’accord du propriétaire et au versement de droits. L’inventeur a des droits sur tous les produits développés à partir de son invention, même s’ils sont différents.
Pour parler simplement, le brevet met tous les droits du côté du propriétaire privé, au détriment des utilisations futures, tandis que le certificat d’obtention végétale empêche cette privatisation des ressources naturelles par un petit nombre de firmes, grâce à un concept de dérivation essentielle introduit dans la proposition de loi.
Ainsi, si une entreprise privée comme Monsanto décide de breveter quelques gènes bien placés sur des variétés qui font l’identité de notre agriculture, nous serons incapables de continuer à développer ces variétés, car nous ne pourrons pas régler la facture. Le certificat évite cette issue tout en permettant de défendre la variété de l’agriculture française.
J’aimerais à cet instant remercier les membres de la commission, en particulier son rapporteur, Rémi Pointereau, des améliorations apportées au texte, notamment deux d’entre elles.
Premièrement, l’insertion de l’article 15 bis permet de favoriser la conservation des collections de variétés anciennes, point très important. Ce qui fait la force de notre agriculture, ce sont la diversité et la qualité de ses produits.
M. Bruno Le Maire, ministre. Il faut continuer à la défendre, comme l’attendent d’ailleurs les consommateurs. Grâce à cet article, la bonnotte de Noirmoutier sera défendue comme elle le mérite, même si, pour ma part, j’ai une petite préférence pour la ratte du Touquet
Sourires
M. Rémy Pointereau, rapporteur. Je préfère, quant à moi, la belle de Fontenay !
Nouveaux sourires.
M. Bruno Le Maire, ministre. Deuxièmement, alors que, dans l’intitulé initial proposé par l’article 14, la section 2 bis du code de la propriété intellectuelle faisait de la pratique des semences de ferme une « dérogation en faveur des agriculteurs », elle est désormais intitulée « Semences de ferme ». C’est un message fort en faveur du monde agricole, car il s’agit d’une reconnaissance du droit des agriculteurs à utiliser des semences de ferme, ce qui me paraît une excellente chose.
Applaudissementssur les travées de l’UMP et de l’Union centriste.
Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, la proposition de loi qui nous est soumise aujourd’hui est un texte ancien, qui traite d’une question importante.
Ancien, ce texte reprend, en effet, un texte déposé sur le bureau du Sénat le 11 décembre 1996 et adopté par la Haute Assemblée le 2 février 2006, soit dix ans plus tard, mais qui n’a jamais abouti. De 1996 à 2011, nous avons donc pu bénéficier d’un certain délai de réflexion pour améliorer, perfectionner et actualiser le dispositif.
La question est importante, puisqu’elle concerne les obtentions végétales, qui, certes, présentent quelques aspects techniques, mais constituent en fait un enjeu essentiel pour notre agriculture et pour bien des territoires ruraux et agricoles, à commencer par le mien !
Pendant des millénaires, les semences ont été exclues du système marchand : les agriculteurs se les échangeaient. Cette pratique a permis l’évolution des variétés agricoles, leur sélection au regard des besoins du terrain, ainsi que, plus récemment, la sauvegarde de nombreuses variétés anciennes jugées sans intérêt par l’industrie semencière.
Avec l’arrivée de nouvelles techniques de sélections variétales, un nouvel acteur est apparu dans le monde agricole : le semencier.
Celui-ci a voulu protéger ses innovations ; ainsi est né le certificat d’obtention végétale, version « soft » du brevet, et qui s’en distingue, d’une part, par la procédure de reconnaissance d’une variété nouvelle expérimentée en plein champ, et, d’autre part, par la possibilité offerte à des tiers d’utiliser la variété pour en créer de nouvelles, ce que l’on appelle l’« exception du sélectionneur ».
La présente proposition de loi vise à adapter notre droit national et à permettre ainsi la ratification par la France de la convention UPOV de 1991, qui a apporté des modifications substantielles à la convention initiale de 1961.
Cette ratification s’est heurtée au conflit entre obtenteurs et agriculteurs sur les semences fermières. L’accord interprofessionnel sur les semences de blé tendre, conclu en 2001, a ouvert des perspectives plus favorables, sans pour autant régler le problème en son entier. Encore aujourd’hui, des agriculteurs sont menacés de poursuites en contrefaçon devant les tribunaux pour avoir ressemé leur propre récolte, ce qui est inacceptable, comme M. le ministre vient de le rappeler. En 2010, le plan protéine, découlant du bilan de santé de la PAC, n’aurait pu atteindre ses objectifs sans le concours des trieurs et de la semence de ferme.
Faut-il rappeler que la totalité des semences industrielles sont issues des variétés sélectionnées par des centaines de générations de paysans sans que la moindre rémunération leur ait jamais été versée ? La multiplication d’une partie de la récolte à la ferme est aussi le seul moyen de pouvoir adapter les variétés à la diversité des terroirs et aux changements climatiques de plus en plus brutaux ; elle permet de répondre aux nécessités de l’agriculture locale.
Les membres du groupe du RDSE sont, bien entendu, favorables à certaines des évolutions proposées par la présente proposition de loi.
Le certificat d’obtention végétale protège la propriété intellectuelle et rend possible la rémunération du travail des chercheurs, ce qui est à la fois tout à fait légitime et nécessaire, dans un pays en pointe sur les obtentions végétales.
La place qu’occupe la recherche française dans le secteur « semences et plants » est très dynamique et remarquable. Je pense notamment à l’INRA, l’Institut national de la recherche agronomique, aux instituts techniques, au pôle de compétitivité du végétal spécialisé d’Angers.
La recherche a permis d’élaborer des variétés végétales nouvelles favorisant la hausse des rendements agricoles, tout en réduisant la consommation d’intrants, tels que les engrais, les produits phytosanitaires ou l’eau, grâce à une résistance accrue aux maladies et à une meilleure adaptation à l’environnement.
En reconnaissant les efforts fournis par les entreprises pour créer ces variétés, le présent texte leur ouvre de nouvelles perspectives de marché. Nos entreprises, présentes dans le monde entier, doivent disposer des mêmes droits que leurs concurrents. C’est tout à fait normal.
Néanmoins, plusieurs questions se posent. Quelle recherche voulons-nous ? Dans quel but ? Et par qui ? Les conditions de l’équilibre entre obtenteurs et agriculteurs sont-elles réunies dans le présent texte ?
Il est clair que l’obtention doit sanctionner un réel travail de recherche, en d’autres termes, l’innovation.
Aujourd’hui, le secteur semencier, en raison de ses bons résultats, assure le financement de la recherche. Mais l’orientation de cette dernière ne répond pas toujours aux besoins des agriculteurs. Une telle profusion de variétés de blé génétiquement très proches est-elle réellement nécessaire pour satisfaire les besoins des réseaux commerciaux, alors que les rendements plafonnent depuis quinze ans ?
De surcroît, la recherche se dirige vers le verrouillage des semences par la sélection de variétés hybrides ou modifiées. Récemment, certaines grandes firmes ont décidé d’orienter 100 % de leurs programmes de recherche sur des variétés hybrides, non reproductibles à la ferme. Va-t-on assister au contrôle de la totalité des semences et de la nourriture par une poignée de multinationales ?
La contribution volontaire obligatoire prélevée sur le blé tendre des agriculteurs qui reproduisent leurs semences à la ferme rapporte entre 7 et 10 millions d’euros chaque année. Or cette rente ne garantit en rien le réinvestissement dans la recherche. En tout cas, il y a de quoi alimenter une recherche axée sur l’amélioration des variétés au profit des agriculteurs et de l’environnement !
Nous nous interrogeons également sur la durée de protection. Il est proposé, dans le texte que nous examinons, de la porter à vingt-cinq ans, et à trente ans pour certaines espèces. Un tel laps de temps est énorme eu égard à la durée de vie actuelle d’une variété, qui s’établit entre cinq et six ans ! De surcroît, il n’existe que très peu de variétés « génériques » libres de droits sur le marché.
La présente proposition de loi met fin à une situation choquante : l’utilisation illégale, mais tolérée, des semences de ferme. Comme je l’ai déjà indiqué, la semence de ferme est une pratique incontournable pour faire face aux défis futurs et doit être reconnue comme un droit inaliénable de tous les agriculteurs ! Soit dit en passant, le démantèlement des aides de la PAC et les réglementations européennes en matière d’environnement ne sont pas étrangères au recours accru à ce type de semences.
Les agriculteurs qui produisent du blé, du soja et assurent une couverture végétale de tous les sols pendant la période hivernale doivent également faire des marges ! Or, quand le prix des céréales baisse, le prix des semences certifiées, lui, ne diminue pas.
Entre une semence de ferme à 20 euros par hectare et une semence certifiée à 120 euros, vous l’aurez compris, l’arbitrage est vite fait !
De prime abord, le texte paraît équilibré, puisqu’il reconnaît aux agriculteurs le droit de ressemer leur récolte et organise les modalités d’une indemnisation équitable des obtenteurs.
Toutefois, à y regarder de plus près, je ne suis pas tout à fait sûr qu’il soit si équilibré... Qu’en est-il exactement de l’autoconsommation et de l’alimentation du bétail ? Quelles seront les espèces autorisées ? À défaut de prendre en compte toutes les espèces, il faudrait se fonder au minimum sur les vingt et une que comprend la liste communautaire.
Quel sera le montant de la rémunération ? Ce sera certes aux acteurs d’en décider dans le cadre d’accords interprofessionnels, mais encore faut-il donner une indication... Comment s’assurer que les cotisations volontaires obligatoires prélevées sur les agriculteurs servent bien à financer la recherche ?
Nous sommes tentés de voter ce texte, à condition, toutefois, que ces questions trouvent des réponses. À cette fin, il serait judicieux que soient adoptés au moins certains des amendements de notre collègue Daniel Raoul.
Le certificat d’obtention végétale ne doit pas être le premier pas vers la brevetabilité de la nature. Or l’orientation prise par la Commission européenne en matière de droit de la propriété intellectuelle et de brevets nous inquiète.
Plusieurs pays en développement s’interrogent également sur les mérites respectifs du brevet et du COV.
Vous me répondrez sans doute que la France pourra agir plus efficacement, au sein de l’Union européenne et des instances internationales, contre la brevetabilité des variétés végétales, si notre législation nationale est conforme à notre message. Je peux vous l’accorder, surtout s’il s’agit de lutter contre des prédateurs qui veulent s’approprier ce patrimoine commun qu’est la nature. Toutefois, j’aimerais que vous me rassuriez sur les points que j’ai évoqués.
MM. Daniel Raoul et Charles Revet applaudissent.
Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, la proposition de loi relative aux certificats d’obtention végétale dont nous débattons aujourd’hui aborde un sujet complexe, tant dans son volet scientifique que dans son volet juridique. Par exemple, la référence aux notions de taxon botanique, de transgénèse, de mutagénèse, d’homogénéité, de stabilité ou encore de variété, implique un examen attentif du texte.
Au-delà de sa technicité, ce sujet nous rappelle qu’il existe un principe, largement remis en cause au niveau international, que nous devons pourtant toujours défendre : l’interdiction de la brevetabilité du vivant. C’est d’ailleurs au nom de ce principe que vous défendez le certificat d’obtention végétale, un COV que vous présentez comme l’alternative vertueuse au brevet.
Toutefois, en l’absence d’une réflexion plus globale sur le droit des brevets, le système du COV risque d’avoir des effets pervers et de porter atteinte aux droits des agriculteurs et des obtenteurs. C’est là notre premier grief contre la proposition de loi.
En effet, si les droits conférés par les articles L. 613-2-2 et L. 613-2-3 du code de la propriété intellectuelle, issus de la loi du 8 décembre 2004 relative à la protection des inventions biotechnologiques, ne s’étendent pas aux actes accomplis en vue de créer ou de découvrir et de développer d’autres variétés végétales – c’est une bonne chose –, la protection associée au dépôt d’un brevet s’étend en revanche à tout acte de commercialisation.
Cela signifie que, si un obtenteur peut librement utiliser une variété contenant un gène breveté pour la recherche ou la sélection, il doit, avant de commercialiser des semences d’une nouvelle variété ainsi obtenue, demander l’accord du détenteur du brevet et lui verser des droits de licence, ou extraire les gènes brevetés de sa nouvelle variété.
Le brevet sur le gène limite donc l’accès des agriculteurs à l’exception de sélection.
En outre, la coexistence du brevet et du COV, combinée aux dispositions du texte relatives à la contrefaçon, est susceptible d’entraîner des sanctions disproportionnées pour les agriculteurs. C’est notre deuxième grief.
Il est vrai que l’article L. 613-5-1 du code de la propriété intellectuelle accorde aux agriculteurs le droit d’utiliser des semences de ferme d’une variété contenant un gène breveté, à condition de payer des royalties au détenteur du COV, et non au détenteur du brevet. Toutefois, le gène breveté est facilement identifiable par marquage moléculaire dans la récolte de l’agriculteur.
Ainsi, un gène qui ne produit plus d’effet juridique au regard de la propriété intellectuelle n’en constitue pas moins un outil pour faire naître une présomption de contrefaçon. Je rappelle que, en cas de contrefaçon, le COV s’étend également à la récolte et aux produits issus de la récolte.
Enfin, dans l’hypothèse de la contamination de sa récolte, l’agriculteur n’est pas concerné par la dérogation de l’article L. 613-5-1. En effet, si l’agriculteur ne prend pas les mesures nécessaires après avoir été informé de l’existence de cette contamination, on considère qu’il a, de manière intentionnelle, mal utilisé des semences de ferme, ce qui entraîne encore la qualification de contrefaçon. L’agriculteur ne peut donc plus utiliser ses semences de ferme si elles sont contaminées.
Cela n’est pas une hypothèse d’école : deux agriculteurs du Missouri ont récemment poursuivi le géant des produits pharmaceutiques et chimiques Bayer AG, l’accusant d’avoir contaminé leurs cultures par les gènes modifiés d’une souche expérimentale de riz transformée pour être résistante à l’herbicide de marque Liberty, produite par la même entreprise. Celle-ci a été condamnée à payer 2 millions de dollars aux agriculteurs. Lors du procès, ses avocats eux-mêmes ont admis qu’il n’existait aucun moyen d’arrêter la propagation incontrôlée des cultures génétiquement modifiées.
Notre troisième grief concerne les semences de ferme : nous ne sommes pas favorables au dispositif prévu à l’article 14.
Les agriculteurs, les paysans jouent un rôle essentiel dans la préservation de la biodiversité et la garantie de l’indépendance alimentaire. À travers les échanges de semences, la transmission de savoirs et la diversification des cultures, les agriculteurs ont permis la conservation et l’utilisation durable des semences et des sols.
En commission, les sénateurs de la majorité ont largement évoqué les problèmes de rendement. Toutefois, nous ne partageons pas leur opinion quant aux causes du phénomène constaté. À notre sens, l’érosion, l’épuisement des sols en est l’une des causes majeures, davantage que l’utilisation d’engrais ou de produits phytosanitaires, qui est désormais encadrée.
La politique menée aujourd'hui vise à homogénéiser les sols et les plantes, avec la tentation grandissante de recourir aux plantes génétiquement modifiés, les PGM. Par exemple, contrairement à ce qu’il nous a été répondu en commission, certaines aides européennes demeurent conditionnées et subordonnées à l’utilisation de semences certifiées. Je pense notamment à l’aide à la qualité pour le blé dur : pour qu’un agriculteur y ait droit, les semences certifiées doivent représenter au moins 110 kilogrammes par hectare.
En ce qui concerne les PGM, que la majorité parlementaire a largement défendues en commission, il faut être extrêmement prudent, même en termes de conséquences économiques. Savez-vous que, si Limagrain souhaite vendre des semences de maïs de ses propres variétés aux États-Unis, il est obligé d’y intégrer les gènes RR et/ou Bt de Monsanto ? Le résultat est simple : Limagrain reverse à Monsanto, sous forme de droits de licence, près de 50 % du produit de ses ventes aux États-Unis. Sinon, il ne vendrait rien !
Ce modèle agricole, qui repose sur une monoculture intensive et l’introduction de PGM, qui met notre agriculture aux mains de l’agrobusiness, ne nous convient pas. Or la proposition de loi s’inscrit dans cette logique, ou, du moins, ne donne pas aux agriculteurs et aux obtenteurs les armes suffisantes pour défendre leurs droits.
Nos craintes sont cependant légèrement apaisées par l’article 15 bis de la proposition de loi. En effet, les travaux de la commission ont finalement permis d’introduire dans le texte, en application de nos engagements internationaux, l’enjeu premier que constitue la diversité biologique.
En 1992, la Convention sur la diversité biologique a défini les principes du consentement préalable et du partage des bénéfices issus des exploitations des agriculteurs. Le traité international sur les ressources phytogénétiques pour l’alimentation et l’agriculture, le TIRPAA, approuvé par l’Union Européenne en 2004 et dont la ratification a été autorisée par le Parlement français en 2005, a mis en place un système multilatéral d’accès qui permet à chaque partie d’avoir un accès facilité aux ressources des autres parties, sous réserve de réciprocité. Ces échanges constituent une véritable richesse.
Il est fondamental de prendre en compte les droits garantis par ces traités dans la législation tant européenne que nationale. Or l’autorisation très encadrée des semences de ferme ne nous semble précisément pas conforme à nos engagements internationaux.
En outre, la généralisation de la cotisation volontaire obligatoire, la CVO, risque d’augmenter les charges, déjà lourdes, des agriculteurs ; le prix d’achat élevé des semences certifiées devrait largement suffire. Au vu des services que rendent les agriculteurs en produisant des semences de ferme, cette pratique comportant des avantages tant du point de vue environnemental – absence de transport, diversité cultivée, traitements phytosanitaires non systématiques – qu’en termes d’indépendance alimentaire, nous défendons le principe de la gratuité de l’utilisation des semences de ferme.
Enfin, notre quatrième et dernier grief tient au fait que le système mis en place ne permet pas de garantir que la recherche se fera au service de l’intérêt public.
Il est tout à fait acceptable que les recherches menées par les obtenteurs soient protégées et rémunérées ; ce peut être le cas lors de l’achat de la semence certifiée. Cependant, les sommes fléchées par les obtenteurs vers les postes de recherche ne sont pas connues avec précision, et, d’autre part, l’objectif premier de l’obtenteur est non pas de faire de « la » recherche mais de faire « des » recherches qui lui permettront d’optimiser son activité commerciale.
C’est pourquoi il est essentiel de donner à la recherche publique les moyens nécessaires à l’exercice de ses missions. Or c’est loin d’être le cas : à cause de la révision générale des politiques publiques, qui s’est traduite, pour l’INRA, par le gel de 40 postes en 2011 et la baisse très importante du soutien de base alloué aux départements de recherche, ainsi que l’ont dénoncé les quatre syndicats de l’organisme au début de l’année, l’Institut national de la recherche agronomique n’est plus en mesure d’assumer ses missions de recherche agronomique publique.
Enfin, nous sommes sceptiques quant à l’utilité de légiférer en urgence, alors que de nouvelles règles seront bientôt proposées par la Commission européenne. À ce titre, l’amendement n° 57 rectifié, déposé par le Gouvernement, qui est censé préfigurer ces évolutions potentielles, actuellement en discussion dans le cadre de la révision de la réglementation européenne sur les semences et plants, nous paraît inopportun en l’état.
Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG.
Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, la proposition de loi que nous examinons aujourd’hui revêt plusieurs intérêts majeurs pour les semenciers français, mais aussi pour la « ferme France » en général, qui, à défaut de pouvoir augmenter ses surfaces agricoles, s’efforce d’améliorer constamment leurs rendements.
Dans cette optique, la sélection végétale est une activité majeure. En effet, la compétitivité des rendements de notre agriculture dépend, outre des conditions météorologiques, de la sélection des semences et du travail sur leurs propriétés génétiques, qui permet de multiplier les variétés et, surtout, de les adapter pour améliorer leurs qualités – leurs rendements ou leur résistance, notamment –, et ainsi mieux répondre à la demande des marchés.
La France est le premier producteur et le deuxième exportateur mondial de semences, grâce à ses 74 entreprises de sélection de semences, dont certaines sont très anciennes. C’est dire l’enjeu économique du sujet qui nous occupe.
Dans cette filière, les agriculteurs tiennent une place importante, puisqu’ils multiplient ces semences. Toutefois, la recherche joue également un rôle crucial, ce qui implique que les fruits du travail des chercheurs jouissent d’une protection juridique efficace ; d’où l’importance des certificats d’obtention végétale.
Or notre cadre juridique national de certification végétale n’est pas adapté aux cadres international et européen. Et les progrès de la recherche sur les variétés ne seront possibles que s’il existe un cadre juridique adapté pour protéger les chercheurs et les entreprises, notamment grâce à ces COV, qui sont distincts des brevets.
Ces certificats sont régis par la convention internationale de 1961 pour la protection des obtentions végétales, qui garantit la protection, pendant une durée limitée, des droits du créateur d’une nouvelle variété issue du croisement de plusieurs variétés. En d’autres termes, le certificat donne à l’obtenteur le monopole de l’exploitation commerciale des nouvelles variétés, pour une durée de vingt à vingt-cinq ans, selon les espèces.
En 1991, la convention sur les obtentions végétales a été révisée de manière substantielle. La convention ainsi révisée réaffirme tout d’abord la primauté du système de protection de la propriété intellectuelle par les COV sur le système de protection par les brevets, ce qui constitue notre revendication fondamentale. En outre, elle applique le système des certificats à toutes les espèces végétales et étend les droits de l’obtenteur aux différents actes permettant l’exploitation de la semence. Enfin, elle légitime et encadre la pratique des semences de ferme, que la France ne reconnaissait pas jusqu’à aujourd’hui, mais qui est nécessaire au fonctionnement de la filière.
En 1994, l’Union européenne, membre de l’Union internationale pour la protection des obtentions végétales, l’UPOV, a adopté un règlement qui s’applique à titre subsidiaire : les obtenteurs peuvent choisir l’un ou l’autre cadre juridique.
La position de la France est paradoxale : d’un côté, en tant que champion des semences, nous avons développé un cadre juridique adopté maintenant par les soixante-neuf membres de l’UPOV, mais, de l’autre, nous n’avons pas voulu nous adapter aux standards internationaux. En France, les espèces pouvant faire l’objet d’un certificat sont donc limitées ; parmi les espèces non concernées par le COV, on trouve notamment les variétés essentiellement dérivées et les semences de ferme.
Notre assemblée a déjà eu l’occasion de se prononcer sur le sujet en 2006, lors de l’examen du projet de loi relatif aux obtentions végétales et modifiant le code de la propriété intellectuelle et le code rural. Toutefois, le processus est demeuré inachevé. Nous ne pouvons donc que nous féliciter que la question des COV soit remise à l’ordre du jour. Il faut en effet soutenir la recherche variétale et la rémunérer.
Monsieur le ministre, nous comptons sur vous : si vous pouviez user de votre influence, qui est grande
Sourires
Enfin, je tiens à féliciter et à remercier de son travail le rapporteur, Rémy Pointereau, qui est parvenu à présenter d’une manière compréhensible par le commun des parlementaires ce texte « serpent de mer » qui porte sur un sujet quelque peu difficile à comprendre pour les non-initiés.
Au regard de l’importance et de l’urgence qu’il y a à traiter ce sujet fondamental pour assurer la compétitivité de notre agriculture, le groupe de l’Union centriste apportera son soutien au texte tel qu’il est issu des travaux de la commission, dans l’espoir que nous aboutissions dans les années qui viennent, monsieur le ministre.
Applaudissements sur les travées de l ’ UMP.
Tout d’abord, monsieur le ministre, je n’ai pas très bien compris pourquoi, tout à l’heure, tel Don Quichotte partant à l’assaut des moulins à vent, vous avez cru bon de convoquer dans notre débat pour mieux les pourfendre les passéistes et les idéologues !
Je vous le dis calmement mais fermement, personne dans cet hémicycle n’est contre la recherche ou contre la propriété intellectuelle.
La proposition de loi qui nous est soumise, mes chers collègues, s’inscrit dans la logique du projet de loi relatif aux obtentions végétales et modifiant le code de la propriété intellectuelle et le code rural de 2006.
Comme vous le savez, ce texte est devenu caduc en raison de sa non-transmission à l’Assemblée nationale. Pour autant, même si les dispositions envisagées ne sont pas dénuées de pertinence et même s’il est nécessaire de légiférer à propos du certificat d’obtention végétale, plusieurs éléments pourraient plaider en faveur d’une certaine temporisation en fonction de l’évolution des décisions prises à l’échelon européen.
Pour ma part, c’est à plusieurs titres que je m’exprime sur la présente proposition de loi.
Je le fais en tant que parlementaire bien évidemment soucieux de voir traitée une question qui touche à l’avenir d’un secteur clé de notre économie nationale et dans lequel nous avons un leadership à pérenniser.
Je le fais aussi en qualité de scientifique sensibilisé aux dangers de la brevetabilité du vivant.
Je le fais enfin, et ce n’est pas le moindre des intérêts en cause, en qualité d’élu d’un territoire où sont installées de nombreuses entreprises spécialisées dans l’obtention et la sélection de variétés végétales.
Se trouvent ainsi à Angers l’OCVV, l’Office communautaire des variétés végétales ; la SNES, la Station nationale d’essais de semences – ; le GEVES, le Groupe d’étude et de contrôle des variétés et des semences, groupement d’intérêt public français regroupant le ministère de l’agriculture, l’INRA, l’Institut national de la recherche agronomique, et le GNIS, le groupement national interprofessionnel des semences et plants.
Sur ces mêmes terres d’Anjou opèrent des obtenteurs mondialement connus, et tout le Val-de-Loire contribue au développement du secteur. La labellisation du pôle de compétitivité angevin du végétal spécialisé témoigne d’ailleurs d’un dynamisme qui ne s’est pas démenti depuis 2006.
La création variétale et la production de semences et plants sont des secteurs stratégiques pour la France et, sans doute, pour l’Europe, mais aussi pour la planète tout entière, dont il faut assurer l’alimentation.
Comme vous le savez, notre pays est le premier exportateur de semences et plants au niveau européen et le deuxième au niveau mondial.
L’invention d’une nouvelle variété exige en moyenne 100 millions d’euros et dix ans de préparation. Le secteur des semences consacre à des activités de recherche et développement plus de 13 % – on a même dit 14 %, tout à l’heure – de son chiffre d’affaires, qui s’élève à 2, 4 milliards d’euros.
Il faut toutefois garder à l’esprit que les entreprises privées qui affectent une partie de leurs recettes à la recherche ont droit à des défiscalisations via le crédit d’impôt recherche, créé par le gouvernement Jospin et étendu en 2008, avec des effets remarquables.
On comprendra donc que je sois convaincu de l’utilité du COV, pour ce qu’il véhicule et par comparaison avec le système du brevet.
L’amélioration des variétés végétales, c’est l’enrichissement du patrimoine, l’amélioration de la qualité et de la sécurité alimentaire et sanitaire, dans le respect de l’environnement.
Le COV constitue une juste reconnaissance de la propriété industrielle sur l’innovation dans le domaine du végétal. Il se distingue du brevet, qui entraînerait, on l’a dit, la mainmise de certaines entreprises sur le patrimoine génétique mondial.
Comme je l’ai plusieurs fois expliqué, il s’agit de favoriser et de dynamiser les processus de création, et non de découverte. À cet égard, je sais gré aux membres de la commission de l’économie, en particulier à son président et à M. le rapporteur, d’avoir accepté de faire disparaître du texte le mot « découverte », évitant ainsi toute confusion entre le COV et le brevet. À défaut, on en serait pratiquement venu à breveter le patrimoine génétique mondial.
Néanmoins, si le contenu de la proposition de loi suscite notre intérêt, voire une certaine approbation de notre part, la séquence actuelle ne semble pas propice, et cela pour plusieurs raisons. C’est donc sur ce dernier aspect que j’insisterai davantage.
Je souhaiterais, monsieur le ministre, que vous preniez l’engagement que ce texte ne finira pas dans les catacombes, entre le Sénat et l’Assemblée nationale, comme cela s’est produit pour le projet de loi qui l’a précédé.
Comme ce projet de loi, la proposition de loi que nous examinons tendrait donc à conforter l’équilibre entre les droits de l’obtenteur, des sélectionneurs ainsi que des exploitants agricoles. Il s’agit de mettre la France en conformité avec la législation internationale relative à la protection des obtentions végétales, protection dans laquelle elle a été pourtant pionnière.
Notre pays, qui a été à l’initiative de la convention UPOV, dispose depuis le 11 juin 1970 d’une législation relative à la protection des obtentions végétales. Cependant, les dispositions françaises n’ont pas été mises en conformité avec les dernières évolutions du droit sur les COV au niveau international et européen. La France a mis quinze ans à ratifier la révision de la convention UPOV de 1991.
Reste que les problématiques des « variétés essentiellement dérivées » et des « semences de ferme » n’ont jusqu’à présent pas été réglées en droit français, comme vous l’avez dit, monsieur le rapporteur.
À ce propos, j’en profite pour dire que je ne suis pas certain que le concept tel qu’il est entendu aujourd’hui de « variétés essentiellement dérivées » ne soit pas à revisiter.
J’ai en effet pu constater dans un laboratoire de l’INRA qu’avec un même génotype on pouvait avoir des phénotypes, c'est-à-dire des expressions des gènes, complètement différents, y compris avec les mêmes conditions pédoclimatiques. Cela m’a troublé… Des approfondissements sont donc nécessaires s’agissant de ce que l’on appelle les variétés essentiellement dérivées ; c’est en tout cas un axe de recherche de l’INRA à l’heure actuelle.
Je ne vais pas refaire l’historique de la convention internationale du 2 décembre 1961, sinon pour relever que l’on célébrera bientôt son cinquantième anniversaire.
Quant à notre législation nationale, si elle est à l’heure actuelle incomplète, elle a, en quelque sorte a contrario, le mérite de donner le champ libre à la négociation interprofessionnelle, comme cela c’est d’ailleurs produit pour le blé tendre.
Vu le cadre normatif international et européen, le nœud du problème est de trouver un accord sur les conditions de rémunération des obtenteurs. Cela permettrait d’autoriser officiellement les semences de ferme, monsieur le rapporteur, et aussi de favoriser l’accès des agriculteurs à des semences libres de droits.
Reste à ce sujet un petit problème que ne règle pas la proposition de loi. Je connais des personnes qui, pour leur loisir, cultivent des variétés anciennes, notamment de légumes, chez qui même l’INRA, qui a une station à proximité, vient « se servir ». Je peux vous indiquer l’endroit : c’est à Savennières, où il ne pousse pas que de la vigne, mes chers collègues.
Sourires
Il nous semble qu’il est possible d’appliquer à d’autres espèces que le blé tendre la démarche de l’accord interprofessionnel, à condition bien sûr que le montant de la rémunération ne soit pas trop élevé.
Une partie assez importante des sommes prélevées doit permettre de soutenir la recherche, en faveur de laquelle nous sommes tous : je ne sais pas, monsieur le ministre, où sont les esprits obscurantistes que vous dénonciez…
La recherche publique notamment devrait pouvoir disposer de moyens supérieurs. Un de nos amendements vise donc précisément à « dériver » une partie du produit de la CVO, la cotisation volontaire obligatoire, vers la recherche publique, en particulier vers l’INRA.
Soulignons que le 26 juin 2001 a été conclu un accord interprofessionnel pour le financement de la recherche variétale pour tous les utilisateurs de semences de blé tendre.
J’estime qu’avant d’utiliser l’artillerie lourde, en l’occurrence le décret en Conseil d'État, ce modèle pourrait être généralisé : trouver des accords interprofessionnels serait en effet plus simple, plus sain et moins polémique.
Il faudrait donc que nous nous inspirions dans la proposition de loi de cet accord collectif pour la mise en place de dispositifs de rémunération lors de la multiplication d’autres espèces et variétés protégées, car la mise en place par voie de décret d’une rémunération sans l’accord des différents acteurs est difficilement applicable, on le sait bien, sur le terrain.
La même observation vaut d’ailleurs pour l’autoconsommation. J’espère, monsieur le ministre, que vous suivrez l’avis de la commission et des différents défenseurs de ce texte, à commencer par Charles Revet, qui m’a soutenu peut-être même plus que je ne l’aurais souhaité puisque, à un moment, il m’a débordé, je ne dirai pas sur la gauche, mais, pour parler en termes de rugby, sur l’aile !
Sourires
L’autoconsommation est l’un des éléments qui conditionneront notre vote et j’attends avec impatience de connaître le sort qui sera réservé à nos amendements.
Applaudissements sur les travées de l ’ UMP.
Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, en octobre 2005, j’avais attiré l’attention du Gouvernement sur les inquiétudes des obtenteurs, des producteurs et des distributeurs de variétés végétales du Nord-Pas-de-Calais et de nombreuses autres régions.
J’avais insisté sur la nécessité d’inscrire à l’ordre du jour des assemblées parlementaires, non seulement le projet de loi autorisant la ratification de la révision de la Convention internationale pour la protection des obtentions végétales, mais également le projet de loi relatif aux obtentions végétales et modifiant le code de la propriété intellectuelle et le code rural, pour que certaines variétés protégées ne tombent pas dans le domaine public.
En effet, le certificat d’obtention végétale de certaines variétés arrivait à l’époque à échéance, notamment pour le blé tendre Galaxie, pour l’orge Flika, et pour la pomme de terre Monalisa.
J’avais donc pris l’initiative, avec mon collègue Jean Bizet, sénateur de la Manche, d’une proposition de loi dont les dispositions faisaient passer de vingt à vingt-cinq ans la durée de protection des COV pour la plupart des espèces, durée portée de vingt-cinq à trente ans pour certaines espèces comme les arbres, les vignes et les pommes de terre.
D’une part, cet allongement a permis à notre pays de s’aligner sur la réglementation communautaire et de faire disparaître ainsi l’inégalité de traitement qui existait entre les opérateurs bénéficiant d’un COV français et leurs concurrents possédant un COV communautaire, auxquels s’appliquaient déjà les durées de vingt-cinq et trente ans.
D’autre part, cet allongement a eu pour but de pérenniser, au profit de certains obtenteurs nationaux, des sources de revenus légitimes leur permettant de financer des activités de recherche onéreuses afin de mettre au point de nouvelles variétés et de demeurer compétitifs sur un marché extrêmement concurrentiel.
Grâce à cette proposition de loi devenue la loi du 1er mars 2006, les obtenteurs ont pu bénéficier de cinq années supplémentaires de protection des COV.
Sans cette loi, les obtenteurs possédant ces variétés auraient perdu une partie de leurs protections, comme cela a été le cas, en 2005, pour l’INRA avec la variété de vigne Fercal : le montant total de la perte pour la recherche publique s’est élevé à 600 000 euros.
Nous avons donc su réagir dans les temps pour protéger la filière semencière française.
Faut-il rappeler la place qu’occupe la France en matière de sélection végétale ? L’INRA est la deuxième institution mondiale pour les recherches en sciences des plantes. Quant à la profession semencière, peu connue, elle regroupe plus d’une centaine d’établissements de recherche « obtenteur », quelque 300 établissements de recherche, 30 000 agriculteurs multiplicateurs de semences, et près de 2 000 distributeurs.
La sélection végétale est aussi un enjeu en termes d’activité économique, puisque la production s’élève à 800 millions d’euros, dont 180 millions pour les exportations, 7 000 emplois étant concernés au total.
Dans ma région, le Nord-Pas-de-Calais, la filière semencière représente plus de 9 000 hectares de production de semences, avec plus de 500 agriculteurs-multiplicateurs, 11 stations de sélection, 27 entreprises de production et 14 usines de semences. C’est dire l’importance de ce secteur économique.
Comme vous le savez, notre région a contribué au développement de variétés de pommes de terre de grande qualité, notamment la Monalisa, la Charlotte et la ratte du Touquet.
Je voudrais, par ailleurs, souligner qu’à la différence du brevet, que défendent les Anglo-Saxons, le certificat d’obtention végétale concilie protection, sécurité des échanges entre sélectionneurs et incitation à l’innovation.
Le certificat d’obtention végétale, communément appelé COV, permet de financer la recherche et de maintenir la biodiversité. La France a promu ce type de propriété intellectuelle. Le COV lui permet d’être le premier producteur européen et le troisième exportateur mondial de semences et de plants.
Aussi, compte tenu d’un contexte agricole difficile, il est indispensable, d’une part, que les entrepreneurs disposent des outils juridiques nécessaires pour lutter à armes égales sur un marché européen très compétitif, d’autre part, que notre pays puisse développer la recherche, afin de promouvoir des produits de qualité.
La proposition de loi de mon collègue Christian Demuynck, inscrite à l’ordre du jour de notre assemblée sur l’initiative du groupe UMP, vise à procéder à une actualisation de la législation en matière d’obtention végétale et modifie le code de la propriété intellectuelle.
Cette proposition de loi, dont je suis cosignataire, pose une définition générale de la variété en s’inspirant de celle qui a été établie par la convention UPOV de 1991 et définit les conditions dans lesquelles les variétés peuvent faire l’objet de certificats d’obtention végétale. Elle définit, en outre, l’étendue du droit accordé à l’obtenteur d’une nouvelle variété, notamment à partir de la réglementation communautaire.
De nos jours, les progrès scientifiques et techniques nécessitent de prévoir le champ non couvert par les droits de l’obtenteur, à savoir principalement les actes privés, mais aussi les actes expérimentaux.
La disposition la plus importante de ce texte est celle qui vise à autoriser la pratique des semences de ferme, en conformité avec le droit communautaire.
On corrige ainsi une situation paradoxale : pendant des dizaines d’années, les royalties, rémunérant les nouvelles variétés, n’étaient perçues que sur les semences certifiées, et non sur les semences de ferme autoproduites par les agriculteurs.
Cette proposition de loi vise donc à accroître la liberté des agriculteurs sans mettre en danger la sélection nationale. Elle s’appuie, pour cela, sur l’expérience de l’accord interprofessionnel qui existe depuis 2001 en ce qui concerne le blé tendre, de sorte que plus aucune action en contrefaçon ne puisse être engagée à l’encontre des agriculteurs qui produisent leurs semences de variétés nouvelles.
L’innovation est l’une des clés de la compétitivité de nos filières agricoles, comme du respect de l’environnement, et elle contribue à la biodiversité. C’est pourquoi nous voulons nous attacher à donner à ce secteur de notre économie les moyens de poursuivre sa croissance.
Aussi, pour l’ensemble de ces motifs, et non sans avoir remercié notre rapporteur de la qualité de son travail, je me permets de souhaiter, monsieur le ministre, que cette proposition de loi, qui engage l’avenir de notre filière végétale et un pan de notre recherche, reçoive de votre part un avis favorable afin qu’elle puisse être adoptée par notre assemblée.
Applaudissements sur les travées de l ’ UMP et de l ’ Union centriste.
La France semble se tenir à l’écart de la brevetabilité du vivant, mais elle évolue dans un environnement européen et mondial plus complaisant aux aspirations des multinationales.
Une première raison de regarder ce texte, c’est donc de voir sur quels intérêts il veille.
Depuis Beaumarchais, la France défend la propriété intellectuelle, dont je rappelle les deux volets en matière de création artistique : le droit moral, qui reconnaît le créateur, et le droit patrimonial, qui engendre rémunération.
En matière d’innovation technologique, le brevet protège l’inventeur et informe en partie le citoyen.
Mais, en matière d’obtention végétale, nous entrons dans la complexité d’une œuvre collective, dont il ne faudrait pas que seul le dernier acteur devienne ayant droit.
Une deuxième raison d’évaluer ce texte, c’est donc de voir s’il prévoit la juste part de revenu, et pas plus, pour l’obtenteur.
Enfin, jamais les droits d’auteur n’ont empêché d’autres peintres de se nourrir des mêmes sources d’inspiration. Et jamais prix Nobel n’a revendiqué qu’après lui plus personne ne se penche sur la résonance magnétique ou la lumière cohérente, à moins de lui verser des royalties.
Le vivant ne saurait être un domaine dans lequel seul le marché ferait la règle. Tel est le troisième critère du débat.
Alors, que vend-on ?
Il a fallu 3, 5 milliards d’années d’interactions du vivant pour engendrer la diversité génétique, cette palette de possibilités et d’expressions de caractères. Cela ne saurait être la propriété de quiconque !
Puis, les sociétés paysannes ont identifié, sélectionné, transporté, échangé durant quelques dizaines de milliers d’années.
Ce savoir collectif a contribué à la survie et à faire civilisation.
Convenons-en aussi, ce bien commun naturel et culturel ne saurait être confisqué : il est patrimoine de l’humanité. Le « découvreur » d’une variété ne saurait se l’accaparer !
Mais alors, de quoi parlons-nous ici ? D’un travail « d’obtention », c’est-à-dire d’une mise au point par reproduction d’une variété végétale si sélectionnée qu’elle en devient « distincte, homogène et stable ».
Tout travail mérite rémunération. Tout service vendu mérite rémunération.
Je dis bien le « service » et non la matière, car, nous l’avons démontré, la matière vivante première, fruit de l’évolution et des sociétés, appartient à tous.
Mais quel est le « service » ? Une garantie d’uniformité des graines, l’assurance de plantes conformes à la description.
Cela peut rassurer les cultivateurs soucieux d’orienter leur production vers tel ou tel type de céréales. Cela convient aux distributeurs et publicitaires chargés de promouvoir ces « nouveautés ».
Mais la tendance à la réduction des types de plantes et grains comestibles que nous observons depuis que les firmes semencières sont à l’œuvre et harcèlent le législateur pour gagner des droits ne va pas forcément dans le sens de l’intérêt général.
En effet, la fixité souhaitée des caractères, exigée pour l’inscription, tend davantage vers le clone que vers la biodiversité et mérite mal son appellation de « variété ».
Or l’humanité a besoin de diversité : c’est un facteur d’adaptation au climat, au sol, à l’hygrométrie. Si la nature avait été aussi rigide que le cahier des charges de l’UPOV, eh bien, l’humanité ne serait plus là !
Si vous vendez une invention, un moteur hybride et qu’un utilisateur ou un concurrent la reproduise, il y a acte de spoliation. Mais les firmes semencières ont beau faire, la nature réveille toute seule ses fonctions vitales, et du grain semé sort une plante qui porte des grains que l’on peut ressemer !
Heureusement, en France, un certain sens de l’éthique a garanti les semences fermières.
Ces limites vertueuses à la mainmise de quelques-uns sur le vivant et à la négation du métier de paysan doivent être consolidées, et non fragilisées.
C'est pourquoi je trouve inacceptable que les articles 3 et 14 entravent les autres pratiques, celles des paysans qui échangent régulièrement de petites quantités de semences, renouvelant la variabilité des populations indispensable à l’adaptation aux milieux.
Il est du devoir du législateur de garantir le respect des droits de l’ensemble des acteurs, petits ou grands, ainsi qu’un modèle agricole durable tel que les générations futures pourront disposer de ressources nécessaires à leur alimentation.
En conclusion, les écologistes pensent que nous avons besoin d’une recherche ambitieuse, attentive aux différences des territoires, à l’humus, à l’emploi rural et au climat à venir.
La légitimité de l’obtenteur doit se limiter à la vente d’un service, qu’il ajoute à un bien commun. Pour ce service, et seulement pour ce service, il mérite rémunération.
Le champ de ses prérogatives ne saurait donner la règle pour les autres semences qui sont utilisées et qui circulent.
Les intérêts ici défendus ne sont pas, en l’état du texte, ceux de tous les paysans, ni ceux des générations futures, dont l’alimentation dépendra de la souplesse d’adaptation et de la réelle variété, sans jeu de mots, des céréales, légumes et fruits, ce qui ne figure pas actuellement parmi les priorités des industries semencières !
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.
Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?…
La discussion générale est close.
Mes chers collègues, la conférence des présidents, qui s’est réunie aujourd’hui, a établi comme suit l’ordre du jour des prochaines séances du Sénat :
SEMAINE SÉNATORIALE D’INITIATIVE(SUITE)
Jeudi 30 juin 2011 (jour supplémentaire de séance)
De 9 heures à 13 heures :
Ordre du jour réservé au groupe UMP :
1°) Proposition de loi visant à renforcer l’attractivité et à faciliter l’exercice du mandat local, présentée par M. Bernard Saugey et Mme Marie-Hélène Des Esgaulx (texte de la commission, n° 622, 2010-2011) ;
De 15 heures à 19 heures :
Ordre du jour réservé au groupe socialiste :
2°) Proposition de loi visant à instaurer un nouveau pacte territorial, présentée par M. Jean Jacques Lozach et les membres du groupe socialiste et apparentés (n° 541, 2010-2011) ;
3°) Proposition de loi relative au développement des langues et cultures régionales, présentée par M. Robert Navarro et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés (n° 251 rectifié, 2010-2011) ;
Ordre du jour fixé par le Sénat :
À 19 heures :
4°) Conclusions de la commission mixte paritaire sur la proposition de loi visant à interdire l’exploration et l’exploitation des mines d’hydrocarbures liquides ou gazeux par fracturation hydraulique et à abroger les permis exclusifs de recherches comportant des projets ayant recours à cette technique (texte de la commission, n° 641, 2010-2011) (demande de la commission de l’économie) ;
Conformément au droit commun défini à l’article 29
Le soir :
5°) Deuxième lecture de la proposition de loi, modifiée par l’Assemblée nationale, modifiant certaines dispositions de la loi n° 2009-879 du 21 juillet 2009 portant réforme de l’hôpital et relative aux patients, à la santé et aux territoires (texte de la commission, n° 668, 2010-2011) (demande du Gouvernement) ;
La conférence des présidents a fixé à une heure la durée globale du temps dont disposeront, dans la discussion générale, les orateurs des groupes ou ne figurant sur la liste d’aucun groupe ; le délai limite pour les inscriptions de parole est expiré.
6°) Clôture de la session ordinaire 2010-2011.
SESSION EXTRAORDINAIRE 2010-2011
Vendredi 1er juillet 2011
À 9 heures 30, à 14 heures 30, le soir et, éventuellement, la nuit :
1°) Ouverture de la session extraordinaire 2010-2011 ;
2°) Suite de la deuxième lecture de la proposition de loi modifiant certaines dispositions de la loi portant réforme de l’hôpital.
Lundi 4 juillet 2011
À 14 heures 30, le soir et, éventuellement, la nuit, jusqu’à 1 heure maximum :
1°) Conclusions de la commission mixte paritaire sur le projet de loi sur la participation des citoyens au fonctionnement de la justice pénale et le jugement des mineurs (texte de la commission, n° 683, 2010-2011) ;
Conformément au droit commun défini à l’article 29
2°) Conclusions de la commission mixte paritaire sur la proposition de loi de libéralisation des ventes volontaires de meubles aux enchères publiques (texte de la commission, n° 681, 2010-2011) ;
Conformément au droit commun défini à l’article 29
3°) Projet de loi fixant le nombre des conseillers territoriaux de chaque département et de chaque région (Procédure accélérée) (n° 689, 2010-2011) ;
La commission des lois se réunira pour le rapport le jeudi 30 juin 2011, le matin.
Mardi 5 juillet 2011
À 10 heures :
1°) Questions orales ;
L’ordre d’appel des questions sera fixé ultérieurement.
- n° 1272 de M. Christian Cambon à M. le ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l’État, porte-parole du Gouvernement ;
- n° 1304 de M. Marc Laménie à Mme la ministre des solidarités et de la cohésion sociale ;
- n° 1324 de Mme Anne-Marie Escoffier à Mme la ministre de l’économie, des finances et de l’industrie ;
- n° 1327 de M. Yannick Botrel à M. le ministre de l’éducation nationale, de la jeunesse et de la vie associative ;
- n° 1331 de M. Jean-Jacques Lozach à M. le garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés ;
- n° 1332 de M. Jean Boyer à Mme la ministre de l’économie, des finances et de l’industrie ;
- n° 1333 de M. Alain Fauconnier à M. le ministre de l’agriculture, de l’alimentation, de la pêche, de la ruralité et de l’aménagement du territoire ;
- n° 1335 de Mme Dominique Voynet à Mme la ministre de l’écologie, du développement durable, des transports et du logement ;
- n° 1339 de M. Yves Détraigne à M. le ministre chargé des collectivités territoriales ;
- n° 1340 de M. Rachel Mazuir à M. le ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l’État, porte-parole du Gouvernement ;
- n° 1341 de Mme Christiane Hummel à M. le ministre chargé des collectivités territoriales ;
- n° 1343 de Mme Nicole Borvo Cohen-Seat à M. le ministre du travail, de l’emploi et de la santé ;
- n° 1345 de M. Jean-Léonce Dupont à Mme la ministre de l’écologie, du développement durable, des transports et du logement ;
- n° 1348 de M. Jean-Claude Carle à M. le garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés ;
- n° 1355 de Mme Anne-Marie Payet à Mme la secrétaire d’État chargée de la santé ;
- n° 1356 de M. Pierre Martin à Mme la ministre de l’écologie, du développement durable, des transports et du logement ;
- n° 1360 de M. Jean-Jacques Mirassou à M. le ministre de l’intérieur, de l’outre-mer, des collectivités territoriales et de l’immigration ;
- n° 1363 de M. Jean-Pierre Chauveau à M. le ministre du travail, de l’emploi et de la santé ;
- n° 1366 de M. Jean-Pierre Vial à Mme la ministre de l’écologie, du développement durable, des transports et du logement ;
À 14 heures 30 et le soir :
2°) Projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, de financement rectificative de la sécurité sociale pour 2011 (n° 653, 2010-2011) ;
La conférence des présidents a fixé :
Mercredi 6 juillet 2011
À 14 heures 30 et le soir :
1°) Suite du projet de loi de financement rectificative de la sécurité sociale pour 2011 ;
2°) Proposition de loi, adoptée par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, relative à l’engagement des sapeurs-pompiers volontaires et à son cadre juridique (texte de la commission, n° 656, 2010-2011) ;
La conférence des présidents a fixé :
3°) Conclusions de la commission mixte paritaire sur le projet de loi de finances rectificative pour 2011 (texte de la commission, n° 694, 2010-2011) ;
Conformément au droit commun défini à l’article 29
Jeudi 7 juillet 2011
À 9 heures 30 :
1°) Projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, de règlement des comptes et rapport de gestion pour l’année 2010 (n° 672, 2010-2011) ;
La conférence des présidents a fixé :
À 15 heures et le soir :
2°) Questions d’actualité au Gouvernement ;
3°) Suite du projet de loi de règlement des comptes ;
4°) Débat d’orientation des finances publiques pour 2012 ;
Vendredi 8 juillet 2011
À 9 heures 30, à 14 heures 30 et le soir :
1°) Sous réserve de sa transmission, deuxième lecture de la proposition de loi relative à l’organisation de la médecine du travail (A.N., n° 3120) ;
2°) Éventuellement, suite de la proposition de loi relative aux certificats d’obtention végétale (texte de la commission, n° 619, 2010-2011).
Lundi 11 juillet 2011
À 10 heures, à 15 heures et, éventuellement, le soir :
1°) Sous réserve de leur dépôt, conclusions des commissions mixtes paritaires sur le projet de loi organique relatif aux collectivités régies par l’article 73 de la Constitution et le projet de loi relatif aux collectivités de Guyane et de Martinique ;
Conformément au droit commun défini à l’article 29 ter du règlement, les orateurs des groupes ou ne figurant sur la liste d’aucun groupe disposeront, dans la discussion générale commune, d’un temps global de deux heures ; les inscriptions de parole devront être faites à la division de la séance et du droit parlementaire, avant dix-sept heures, le vendredi
2°) Sous réserve de leur dépôt, conclusions de la commission mixte paritaire sur le projet de loi organique relatif au fonctionnement des institutions de la Polynésie française ;
Conformément au droit commun défini à l’article 29
3°) Sous réserve de leur dépôt, conclusions de la commission mixte paritaire sur le projet de loi organique modifiant l’article 121 de la loi organique n° 99-209 du 19 mars 1999 relative à la Nouvelle-Calédonie ;
Conformément au droit commun défini à l’article 29
4°) Deuxième lecture du projet de loi constitutionnelle, adopté avec modifications par l’Assemblée nationale en deuxième lecture, relatif à l’équilibre des finances publiques (n° 687, 2010-2011) ;
Mardi 12 juillet 2011
À 9 heures 30 :
1°) Questions orales ;
L’ordre d’appel des questions sera fixé ultérieurement.
- n° 1286 de Mme Maryvonne Blondin à M. le ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l’État, porte-parole du Gouvernement ;
- n° 1290 de Mme Patricia Schillinger à Mme la ministre de l’écologie, du développement durable, des transports et du logement ;
- n° 1301 de M. Gérard Bailly à Mme la ministre de l’écologie, du développement durable, des transports et du logement ;
- n° 1314 de M. Jacques Mézard à M. le garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés ;
- n° 1328 de M. Thierry Foucaud à M. le ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l’État, porte-parole du Gouvernement ;
- n° 1330 de Mme Nicole Bonnefoy à Mme la ministre des solidarités et de la cohésion sociale ;
- n° 1336 de M. Ronan Kerdraon à M. le ministre de l’éducation nationale, de la jeunesse et de la vie associative ;
- n° 1338 de M. Claude Domeizel à Mme la ministre de l’écologie, du développement durable, des transports et du logement ;
- n° 1342 de M. Didier Guillaume à M. le ministre de l’intérieur, de l’outre-mer, des collectivités territoriales et de l’immigration ;
- n° 1344 de M. Robert Navarro à Mme la ministre de l’écologie, du développement durable, des transports et du logement ;
- n° 1346 de Mme Esther Sittler à Mme la ministre de l’écologie, du développement durable, des transports et du logement ;
- n° 1349 de Mme Catherine Morin-Desailly à M. le ministre du travail, de l’emploi et de la santé ;
- n° 1353 de M. Alain Gournac à M. le secrétaire d’État chargé des transports ;
- n° 1358 de M. Michel Boutant à Mme la ministre des solidarités et de la cohésion sociale ;
- n° 1365 de M. Serge Andreoni à Mme la ministre de l’économie, des finances et de l’industrie ;
- n° 1368 de M. Philippe Madrelle à M. le ministre du travail, de l’emploi et de la santé ;
À 14 heures 30 :
2°) Sous réserve de leur dépôt, conclusions de la commission mixte paritaire sur le projet de loi relatif à la répartition des contentieux et à l’allégement de certaines procédures juridictionnelles ;
Conformément au droit commun défini à l’article 29
3°) Sous réserve de leur dépôt, conclusions de la commission mixte paritaire sur la proposition de loi relative à l’engagement des sapeurs-pompiers volontaires et à son cadre juridique ;
Conformément au droit commun défini à l’article 29
À 18 heures :
4°) Débat et vote sur la demande du Gouvernement d’autorisation de prolongation de l’intervention des forces armées en Libye, en application du troisième alinéa de l’article 35 de la Constitution ;
La conférence des présidents :
Le soir :
5°) Sous réserve de leur dépôt, conclusions de la commission mixte paritaire sur le projet de loi de règlement des comptes et rapport de gestion pour l’année 2010 ;
Conformément au droit commun défini à l’article 29
Mercredi 13 juillet 2011
À 9 heures 30 :
1°) Sous réserve de leur dépôt, conclusions de la commission mixte paritaire sur la proposition de loi modifiant certaines dispositions de la loi n° 2009-879 du 21 juillet 2009 portant réforme de l’hôpital et relative aux patients, à la santé et aux territoires ;
Conformément au droit commun défini à l’article 29
2°) Projet de loi autorisant l’approbation de l’accord sous forme d’échange de lettres entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement d’Anguilla relatif à l’échange de renseignements en matière fiscale (texte de la commission, n° 629, 2010-2011) ;
3°) Projet de loi autorisant l’approbation de l’accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Royaume des Pays-Bas, au titre des Antilles néerlandaises, relatif à l’échange de renseignements en matière fiscale (texte de la commission, n° 630, 2010-2011) ;
4°) Projet de loi autorisant l’approbation de l’accord sous forme d’échange de lettres entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Belize relatif à l’échange de renseignements en matière fiscale (texte de la commission, n° 631, 2010-2011) ;
5°) Projet de loi autorisant l’approbation de l’accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de Sa majesté le Sultan et Yang Di-Pertuan de Brunei Darussalam relatif à l’échange de renseignements en matière fiscale (texte de la commission, n° 632, 2010-2011) ;
6°) Projet de loi autorisant l’approbation de l’accord sous forme d’échange de lettres entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République du Costa Rica relatif à l’échange de renseignements en matière fiscale (texte de la commission, n° 634, 2010-2011) ;
7°) Projet de loi autorisant l’approbation de l’accord sous forme d’échange de lettres entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Commonwealth de la Dominique relatif à l’échange de renseignements en matière fiscale (texte de la commission, n° 635, 2010-2011) ;
8°) Projet de loi autorisant l’approbation de l’accord sous forme d’échange de lettres entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement des îles Cook relatif à l’échange de renseignements en matière fiscale (texte de la commission, n° 633, 2010-2011) ;
9°) Projet de loi autorisant l’approbation de l’accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la Région administrative spéciale de Hong Kong de la République populaire de Chine en vue d’éviter les doubles impositions en matière d’impôts sur le revenu et sur la fortune et de prévenir l’évasion et la fraude fiscales (texte de la commission, n° 627, 2010-2011) ;
10°) Projet de loi autorisant l’approbation de l’accord sous forme d’échange de lettres entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République du Libéria relatif à l’échange de renseignements en matière fiscale (texte de la commission, n° 636, 2010-2011) ;
11°) Projet de loi autorisant l’approbation de l’accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de l’Ile de Man en vue d’éviter la double imposition des entreprises exploitant, en trafic international, des navires ou des aéronefs (texte de la commission, n° 625, 2010-2011) ;
12°) Projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, autorisant l’approbation de l’accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République fédérative du Brésil dans le domaine de la lutte contre l’exploitation aurifère illégale dans les zones protégées ou d’intérêt patrimonial (n° 414, 2010-2011) ;
13°) Projet de loi autorisant la ratification de l’accord de stabilisation et d’association entre la Communauté européenne et ses États membres, d’une part, et la Serbie, d’autre part (texte de la commission, n° 609, 2010-2011) ;
14°) Projet de loi autorisant l’approbation de l’accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République slovaque relatif à la coopération en matière administrative (n° 137, 2010-2011) ;
Pour les treize projets de loi ci-dessus, la conférence des présidents a décidé de recourir à la procédure simplifiée ;
15°) Projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, autorisant l’approbation de l’accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement des Émirats arabes unis relatif à la coopération en matière de défense ainsi qu’un échange de lettres (n° 613, 2010-2011) ;
La commission des affaires étrangères se réunira pour le rapport le mercredi 6 juillet 2011, le matin.
16°) Sous réserve de sa transmission, deuxième lecture de la proposition de loi tendant à faciliter l’utilisation des réserves militaires et civiles en cas de crise majeure (A.N., n° 3299) ;
Conformément au droit commun défini à l’article 29
À 14 heures 30 :
17°) Suite éventuelle de la deuxième lecture de la proposition de loi tendant à faciliter l’utilisation des réserves militaires et civiles en cas de crise majeure ;
18°) Sous réserve de leur dépôt, conclusions de la commission mixte paritaire sur le projet de loi de financement rectificative de la sécurité sociale pour 2011 ;
Conformément au droit commun défini à l’article 29
19°) Sous réserve de leur dépôt, conclusions de la commission mixte paritaire sur la proposition de loi sur le développement de l’alternance et la sécurisation des parcours professionnels ;
Conformément au droit commun défini à l’article 29
20°) Navettes diverses.
Y a-t-il des observations en ce qui concerne les propositions de la conférence des présidents relatives à la tenue des séances ?...
Ces propositions sont adoptées.
Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt-deux heures quinze.
La séance est suspendue.
La séance, suspendue à vingt heures quinze, est reprise à vingt-deux heures quinze, sous la présidence de M. Jean-Léonce Dupont.