Intervention de Catherine Procaccia

Commission des affaires sociales — Réunion du 15 juillet 2015 à 18h00
Dialogue social et à l'emploi — Examen en nouvelle lecture du rapport et du texte de la commission

Photo de Catherine ProcacciaCatherine Procaccia, rapporteur :

Nous retrouvons, en nouvelle lecture, le projet de loi relatif au dialogue social et à l'emploi, trois semaines après son adoption par le Sénat. La commission mixte paritaire, réunie deux heures après notre vote solennel, avait rapidement constaté qu'aucun compromis entre les deux chambres n'était possible ; le lendemain, en commission, nos collègues députés n'ont pas fait grand cas de la position du Sénat et sont revenus à leur rédaction, même là où celle-ci posait problème.

J'avais pourtant abordé ce texte - mes collègues de l'opposition sénatoriale le reconnaîtront - non pas dans une optique idéologique ou d'opposition systématique mais plutôt en cherchant à l'améliorer, au bénéfice des employeurs et des salariés. Certains amendements reflétaient les idées de la majorité sénatoriale mais les grands équilibres n'avaient été bouleversés que sur un point : l'article 1er, qui propose la création de commissions paritaires régionales interprofessionnelles pour représenter les salariés des TPE. Nous en avions modifié la logique en commission afin d'apaiser les craintes, parfois quelque peu exagérées, des employeurs, le tout sur fond de rivalités entre organisations patronales.

Toutes ces modifications sont restées purement théoriques, puisqu'en séance publique l'article 1er n'a pas été adopté par le Sénat. En conséquence, l'Assemblée nationale a rétabli son texte sans s'inspirer de nos propositions, y compris celles qui avaient retenu l'attention du ministre Pour éviter un débat stérile, je respecterai la décision de notre assemblée en proposant la suppression de l'article.

Nous avions également un point de désaccord sur la représentation des salariés dans les organes de gouvernance des grandes entreprises, que l'Assemblée nationale souhaitait étendre très largement sans étude d'impact préalable ni évaluation des dispositions de la loi du 14 juin 2013 relative à la sécurisation de l'emploi, qui est issue de l'accord national interprofessionnel (ANI) du 11 janvier de la même année.

Les députés avaient initialement souhaité maintenir leur position initiale, c'est-à-dire un abaissement du seuil de l'effectif des entreprises concernées ainsi que le passage à deux administrateurs salariés dans tous les conseils d'administration, quelle que soit leur taille. Sur ce point, le Gouvernement a réussi à les ramener partiellement à la raison, en obtenant le maintien des règles actuelles concernant le nombre d'administrateurs en fonction de la taille des conseils et une mise en oeuvre différée de ces nouvelles obligations.

Il n'en reste pas moins qu'en abaissant ainsi les seuils, avec cette fois-ci l'accord du Gouvernement, les députés reviennent sur l'accord des partenaires sociaux sans concertation et sans avoir mesuré l'effet de ces dispositions sur la gouvernance des entreprises concernées, ni réfléchi aux éventuelles stratégies de contournement que les entreprises ne manqueront pas de mettre en oeuvre. C'est pourquoi je vous proposerai de revenir à la position du Sénat, qui est fidèle à l'ANI.

Nous avions longuement débattu de la place des suppléants. L'Assemblée nationale reste attachée au droit existant, c'est-à-dire à leur participation à toutes les réunions des instances représentatives du personnel, même en présence des titulaires ; le Sénat, en accord avec le Gouvernement, veut la restreindre au seul cas de l'absence de ces derniers. Les députés n'ont donné aucun signe d'ouverture sur ce point : je ne ferai pas non plus de compromis et vous proposerai de rester fidèle à notre position.

Nous avions également souhaité placer sur un pied d'égalité les accords signés avec les délégués syndicaux et ceux conclus avec les membres élus du comité d'entreprise afin d'adapter ses procédures de consultation et définir les délais préfix dans lesquels il doit rendre ses avis. Les députés ont repoussé cette initiative qui évitait, là encore, de revenir sur une disposition de la récente loi de sécurisation de l'emploi. De même, ils ont conservé, malgré nos travaux en commission, des dispositions qui complexifient la conclusion des accords modifiant la périodicité des négociations obligatoires en entreprise.

La question du financement des organisations patronales a refait son apparition dans le texte, à l'initiative du Gouvernement. Suite au refus marqué sur tous les bancs du Sénat de prendre en compte le nombre de salariés des entreprises adhérentes pour l'attribution des crédits et des sièges au sein du conseil d'administration de l'association qui chapeaute le fonds de financement des partenaires sociaux, le Gouvernement a, en effet, revu sa copie et décidé de recourir à une ordonnance après une phase de concertation.

Si j'approuve la concertation préalable, qui n'était pas prévue au départ, je suis en revanche hostile au recours à une ordonnance sur un sujet sur lequel le législateur s'est penché récemment et qui pourrait remettre en cause la vitalité du dialogue social que le Gouvernement et le ministre du travail prétendent pourtant faire vivre.

Les députés sont, en outre, revenus sur toutes les modifications que nous avions apportées aux dispositions relatives aux intermittents du spectacle malgré nos avertissements sur la fragilité juridique du dispositif de négociation enchâssée, prévu pour fixer les règles des annexes 8 et 10, qui deviendra, j'en suis sûr, une source de contentieux pour le régime d'assurance chômage dans son ensemble.

La litanie du mauvais sort réservé à nos amendements continue. Si la commission des affaires sociales de l'Assemblée nationale avait, pour une fois, reconnu l'intérêt des clarifications que nous avions apportées aux modalités de calcul de la prime d'activité, le Gouvernement a tenu à rétablir son texte initial en séance publique, estimant que le Sénat avait commis une erreur en établissant un lien entre prime d'activité et RSA-socle dans la formule de calcul. Je vous proposerai de reprendre notre rédaction tout en tenant compte de cette remarque du Gouvernement. Si le Gouvernement souhaite à nouveau revenir à son texte initial en séance publique, il conviendra qu'il nous expose clairement comment il envisage le calcul de la prime d'activité et pourquoi les commissions des affaires sociales et des finances des deux chambres ont une autre lecture de l'étude d'impact.

Je vous proposerai deux autres amendements. Le premier est identique à celui que nous avions adopté en séance publique concernant l'ouverture de la prime d'activité aux apprentis. Le second revient, en partie, sur un amendement adopté en nouvelle lecture par l'Assemblée nationale, qui ouvre le bénéfice de la prime aux personnes en congé parental d'éducation, en congé sabbatique, sans solde ou en disponibilité, dès lors qu'elles perçoivent des revenus professionnels. Tout cela nous paraît propice aux effets d'aubaine.

Pour une personne qui ferait le choix d'être assistante maternelle, en parallèle d'un congé parental d'éducation, la mesure me paraît légitime. Elle me semble, en revanche, moins opportune dans le cas d'un individu qui, ayant pris un congé sabbatique, déciderait malgré tout de travailler ponctuellement, par exemple pour créer une entreprise. Nous n'avons aucune idée du nombre de personnes concernées, du coût de la mesure, ni des effets d'aubaine qu'elle entraînera. Or, comme l'a confirmé le Gouvernement, la réforme a été conçue à partir d'une enveloppe fermée : toute ouverture à un nouveau public se fera au détriment d'autres bénéficiaires.

Vous avez compris ma déception. Ce projet était annoncé comme une réforme majeure des règles du dialogue social en entreprise mais le Gouvernement semble tiraillé entre les deux pôles de sa majorité : s'agit-il de simplifier la vie des entreprises, ainsi que les plus hautes autorités de l'État l'annoncent régulièrement depuis deux ans ou de céder face à tous ceux qui freinent les réformes ?

Le texte aggrave l'instabilité juridique et législative que nous dénonçons ici en permanence et sur tous les bancs. Est-il raisonnable de revenir sur des lois adoptées il y a à peine deux ans, alors que les entreprises attendent, à défaut d'une simplification des normes, au moins une stabilité de la réglementation ?

Je vais vous proposer, par plusieurs amendements, de revenir à la position du Sénat, qui n'était pas toujours la mienne, sur les points essentiels du projet de loi. Sur d'autres, y compris rédactionnels ou purement juridiques dont l'Assemblée nationale n'a pas tenu compte, j'invite le Gouvernement à assumer ses responsabilités et à procéder, dans les mois à venir, à la correction des coquilles et imprécisions que les délais qu'il nous impose rendent inévitables.

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