Intervention de Olivier Schrameck

Commission d'enquête Autorités administratives indépendantes — Réunion du 7 juillet 2015 à 15h30
Audition de M. Olivier Schrameck président du conseil supérieur de l'audiovisuel

Olivier Schrameck, président du CSA :

Vous avez rappelé l'historique du CSA. Il est constitutif. Le choix de créer une autorité indépendante, devenue, ainsi que vous l'avez rappelé, autorité publique indépendante, fait suite à l'ouverture des fréquences audiovisuelles et radiophoniques, au début des années 1980. Il avait alors été jugé que la protection des valeurs de droit et la promotion du secteur justifiaient, tant au plan juridique que social et économique, qu'une institution s'intercale entre les pouvoirs publics exécutifs et l'autorité législative qu'est le Parlement. Ce choix, qui n'a jamais été démenti, se situe dans la tradition européenne. Dans le droit de l'Union européenne, elle répond à l'exigence d'indépendance des médias et de la production audiovisuelle, qui irrigue l'ensemble de la directive sur les services de média audiovisuels (SMA), et à laquelle il est explicitement fait référence dans le considérant 94 et l'article 30. Une organisation des régulateurs européens a en outre été créée l'an dernier, l'ERGA (European Regulators Group for Audiovisual Media Services), dont le premier acte a consisté en une déclaration d'octobre 2014 qui met l'accent sur les critères garantissant l'indépendance de ces autorités - choix hors des pressions politiques, indépendance économique, autonomie financière, capacité à régler des différends sous le contrôle du juge.

La première fonction du CSA est de garantir les droits et libertés des citoyens que sont les téléspectateurs et auditeurs face aux pouvoirs publics exécutifs et aux groupes de pression, en particulier économiques. Il lui revient également de garantir la sauvegarde et l'équilibre économiques d'un secteur sensible, où l'État est partie prenante à la fois comme autorité normative et comme opérateur économique de marché.

Les principes susceptibles de limiter la liberté de communication audiovisuelle, qui reste la règle, sont énumérés à l'article 1er et, pour ce qui concerne plus spécifiquement le CSA, à l'article 3-1 de la loi du 30 septembre 1986. Parmi eux, le principe de dignité humaine ou la sauvegarde de l'ordre public - nous en avons vu une illustration, qui fut au reste contestée, avec les attentats qui ont endeuillé notre pays en janvier dernier.

D'autres missions nous sont également confiées, comme la lutte contre les discriminations et la promotion de la diversité, certaines s'étendant à des objectifs sociaux, comme la promotion de la santé publique ou le développement durable.

Surtout, le CSA est chargé de veiller au pluralisme des médias. C'est là une mission essentielle, que nous exerçons par l'édiction de recommandations, par le contrôle des chaines et des stations, dont nous informons mensuellement le Parlement, et par la réglementation des campagnes officielles sur le service public.

En matière économique, la forte présence de l'État tient au fait que le réseau hertzien appartient au domaine public de l'État. J'ajoute que l'économie de l'audiovisuel est encore très réglementée, notamment dans le cadre de l'exception culturelle, ce qui donne lieu à régulation, laquelle s'exerce soit unilatéralement soit par le biais de conventions avec les chaines et stations. Ajoutons qu'un opérateur puissant sur le marché a pour seul actionnaire l'État : le service public de l'audiovisuel, qui fait partie des acteurs régulés par le Conseil.

Dans sa décision du 27 juillet 2000, le Conseil constitutionnel rappelait que l'objectif à réaliser consiste à s'assurer que les auditeurs et téléspectateurs, destinataires essentiels de la liberté de communication audiovisuelle, soient à même d'exercer leur libre choix sans que ni les intérêts privés ni les pouvoirs publics puissent y substituer leur propre décision, ni que l'on puisse en faire les objets d'un marché. Il en résulte toute une série de compétences économiques, qui tiennent à la régulation de l'accès au marché - autorisation des services hertziens, conventionnement des services non-hertziens, déclarations préalables des distributeurs et des services de médias audiovisuels à la demande (SMAD) - ou à la régulation du fonctionnement - contrôle de la concentration, de l'évolution des programmes, des changements de modèle économique entre payant et gratuit, résolution des litiges.

En matière de gouvernance de l'audiovisuel public, outre la compétence de nomination que vous avez rappelée, nous exerçons une compétence consultative sur le cahier des charges et les contrats d'objectifs et de moyens, à quoi s'ajoute, en vertu de la loi du 15 novembre 2013, une compétence de contrôle et d'évaluation du respect de ces instruments contractuels.

Pour cela, nous sommes soumis, j'y insiste, à un certain nombre de règles de procédure essentielles : consultation des intéressés, via des auditions, en général publiques ; études d'impact, qui se sont multipliées en vertu de la législation de 2013 ; principe de la mise en demeure préalable à l'engagement de toute procédure de sanction, affirmé par le Conseil constitutionnel dès 1989 ; exigence de motivation de toutes nos décisions et, comme il va de soi, contrôle du juge. La procédure disciplinaire a été modifiée en 2013, pour être parfaitement conforme aux jurisprudences constitutionnelle et conventionnelle, par la nomination d'un rapporteur indépendant désigné par le vice-président du Conseil d'État.

En matière d'organisation, vous avez rappelé l'essentiel. Je ne reviens donc pas sur le nombre des conseillers et les conditions requises par la législation. J'indique tout de même que l'implication du Parlement, qui nomme six membres sur sept à la majorité des trois cinquièmes, marque un lien structurel profond avec le pouvoir législatif sans équivalent dans d'autres autorités administratives indépendantes. Le collège est paritaire dans sa composition. Il compte deux juristes ayant l'expérience des affaires publiques, trois professionnels des médias, deux économistes et ingénieurs et un ancien sénateur, Nicolas About, qui fut président de la commission des affaires sociales du Sénat.

Les fonctions de membre du CSA s'exercent à temps plein ; les conseillers sont fortement mobilisés, chacun assurant la présidence ou la vice-présidence de groupes de travail qui, même si un effort de réduction a été consenti en janvier dernier, restent au nombre de dix-neuf, pour couvrir l'éventail des missions du Conseil.

Nous sommes soumis à un triple encadrement déontologique. Des dispositions législatives spécifiques de la loi de 1986 nous interdisent d'exercer dans six secteurs - l'audiovisuel, le cinéma, l'édition, la presse, la publicité et l'ensemble des communications électroniques - non seulement pour la durée de notre mandat mais un an au-delà. À quoi s'ajoute la réglementation relative aux conflits d'intérêt, l'ensemble des dispositions législatives applicables aux autorités administratives indépendantes en vertu de la loi du 11 octobre 2013 et un code de déontologie élaboré par le CSA lui-même. Quant aux collaborateurs, ils font l'objet d'une recommandation de 2008. Représentant 284 équivalent temps plein (ETP), ils sont en majorité hébergés dans la tour Mirabeau, avec d'autres services administratifs - ministère du travail, Inspection générale des affaires sociales, Bureau de recherches géologiques et minières - les autres étant en poste dans nos implantations territoriales, qui revêtent pour nous une très grande importance - 12 comités territoriaux de l'audiovisuel (CTA) en métropole et quatre outre-mer. Nous veillons là aussi à une mutualisation de nos locaux, dans une optique d'économie. Nathalie Morin, chef du service France Domaine, a évoqué, lors de son audition, cet aspect domanial.

En tant qu'autorité administrative indépendante, nous percevons une subvention de l'État sous un titre unique. Nos dépenses de fonctionnement ont diminué de 13 % depuis 2013. Nos dépenses de personnel ont également baissé, bien que nos missions aient été assez considérablement élargies, notamment par la loi de 2013.

Nous sommes attachés à entretenir un dialogue étroit avec les pouvoirs publics exécutifs. Nous avons ainsi des échanges très denses sur l'audiovisuel public ou le régime de financement de la production audiovisuelle. Nous avons également de nombreux liens avec d'autres autorités administratives indépendantes, notamment l'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes (Arcep) ou l'Autorité de la concurrence, via des demandes d'avis croisés. Mais cette audition est une occasion précieuse de rappeler que le lien essentiel reste le lien avec le Parlement - qui fixe, depuis la révision de 2008, les règles relatives au pluralisme et à l'indépendance des médias - afin d'honorer au mieux les missions que celui-ci nous a fait la confiance de nous confier. J'ai souligné, dès avant ma nomination, combien je comptais sur les relations avec le Parlement pour orienter et accompagner, en la contrôlant, la démarche du CSA. Cette relation avec le législateur, qui joue aussi le rôle d'évaluateur, est indispensable à la légitimité même du CSA. Ceci s'exprime par de nombreux rapports au Parlement : le rapport annuel, considérablement enrichi par la loi de 2013, qui constitue une évaluation ex post de l'activité du Conseil, mais aussi de nombreux rapports à l'initiative du CSA - sur la promotion de la diversité de la société française, sur l'intensité sonore des programmes de télévision, par exemple. La pratique du CSA consiste également à établir de façon systématique un bilan public de l'application de sa réglementation sur les campagnes électorales - nous vous adresserons prochainement celui qui concerne les échéances de l'an dernier. Nous avons également consacré un rapport à la situation des personnes handicapées. Deux autres, enfin, vous ont été adressés en début d'année, l'un sur la concentration dans le secteur de la radio et l'autre sur la radio numérique terrestre. J'ajoute que vous m'offrez l'occasion de me présenter fréquemment devant vous puisque cette audition est la onzième à laquelle le Parlement me convie depuis le début de l'année.

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