Dans beaucoup de cas, elles sont nées comme la prose dans la bouche de Monsieur Jourdain. On a fait des autorités administratives indépendantes sans le savoir - et sans nécessairement le vouloir. Au reste, les premiers rapports du Conseil d'État sur la question se donnaient pour but de dénombrer ces autorités. Car si certaines ont été créées volontairement par la loi, ou par le pouvoir réglementaire, d'autres l'ont été par la pratique : un certain nombre de trait caractéristiques agrégés ont fait que l'on a considéré que telle ou telle institution entrait dans cette catégorie, sans que cela ait été le fruit d'un plan délibéré et d'une réflexion préalable sur le rôle qu'elles devaient jouer : distance par rapport au pouvoir exécutif, dans des domaines essentiels pour les droits et libertés ou dans des domaines où l'État jouait un rôle tel dans la sphère économique qu'une autorité de régulation était nécessaire au respect des équilibres économiques. Car tels sont bien les deux critères essentiels qui peuvent justifier l'existence d'une autorité administrative indépendante. Or, le foisonnement de ces AAI - il en existe une quarantaine - témoigne à lui seul d'un écart à cette aspiration fondamentale. J'ai eu l'occasion, comme membre de la commission Balladur, de me pencher sur ces questions. Nous nous étions alors beaucoup interrogés sur l'opportunité d'en fusionner certaines, et notre réflexion d'alors n'est pas étrangère à la création du Défenseur des droits, tandis qu'à l'inverse, le Conseil du pluralisme qui avait alors été envisagé est resté sans lendemain.