Je crois que, derrière votre intervention, se profilent deux préoccupations majeures, la diversité et la qualité. Les deux sont liées dans votre esprit, me semble-t-il.
La diversité est un problème constant auquel nous nous heurtons. Je rappelais tout à l'heure que nous y consacrerons un colloque cette année. Il s'agit d'un outil de promotion des médias. J'ai parfois employé la formule suivante, ces dernières semaines : « Pour mieux rassembler, il faut plus complètement ressembler ». Un des problèmes que connaissent les médias vient de ce que certaines catégories de la population, même si je n'apprécie guère de tronçonner une population en catégories - classes d'âge, conditions sociales ou d'habitat - ne se reconnaissent pas toujours vraiment dans les émissions qui leur sont proposées.
C'est pourquoi nous avons élaboré un prérapport, que nous avons soumis à une procédure contradictoire auprès des chaînes de télévision, qui sont en train de faire leurs observations. Nous publierons donc un rapport supplémentaire, que nous vous adresserons sur ce sujet, car nous le pensons extrêmement important.
Nous ne pouvons avoir, s'agissant de la représentation de la diversité au sein des programmes des chaînes, qu'un pouvoir de stimulation et d'incitation. Nous entrons dans la semaine du 14 juillet. Nous avons enregistré un message, à l'initiative de notre collègue Mémona Hintermann-Afféjee, ainsi libellé : « Nous sommes la France », qui sera reproduit tout au long de la journée, ainsi que sous des formes de rattrapage tout au long de la semaine, et qui sera également présent sur le site du CSA. Il sera étendu, pour la première année, à toutes les radios - et elles sont très nombreuses - qui veulent bien s'y associer.
Cela marque bien nos limites, car nous n'avons ni l'argent pour financer ces séquences, ni la force juridique pour les imposer. Sans doute d'ailleurs une méthode unilatérale ne serait-elle pas très satisfaisante.
Par ailleurs, lorsque nous nous heurtons à certaines anomalies, nous nous devons de rappeler que la loi nous a confié le pouvoir d'intervenir une fois la diffusion opérée, par crainte, bien évidemment, que nous soyons tentés d'exercer le moindre pouvoir de censure. Ce n'est nullement notre état d'esprit, mais le principe posé par la loi est cardinal.
En ce qui concerne la diversité même des chaînes et des stations à laquelle vous avez fait référence, c'est incontestablement en soi un facteur positif que d'offrir au public une gamme aussi large que possible de programmes. Cela soulève des difficultés, notamment les distinctions entre télévision payante et télévision gratuite, qui sont l'un des grands sujets des médias d'aujourd'hui. On pense en particulier aux retransmissions des manifestations sportives. Il est vrai qu'il peut y avoir des effets de doublon ; on peut avoir l'impression, face à certaines chaînes ou certaines stations dites « généralistes », « mini-généralistes » ou « semi-généralistes » - les spécialistes ne sont pas avares de termes - que la profusion n'est pas nécessairement une garantie de richesse et de liberté de choix.
J'ai personnellement insisté sur le fait qu'il y a, dans l'évolution des médias d'aujourd'hui, en particulier la télévision, un phénomène qui peut être inquiétant dans le passage d'une télévision de l'offre séquencée, programmée, dans sa diversité affichée par les différentes chaînes, à une télévision à la demande, façonnée selon les penchants antérieurement exprimés par les téléspectateurs, en particulier par l'application d'algorithmes plus ou moins complexes, susceptibles d'enfermer et de cloisonner ceux-ci dans des goûts supposés être les leurs, par nature et dans la durée, en les privant de l'ouverture, de la curiosité intellectuelle et de l'envie de voir ce qu'ils n'ont pas eu immédiatement la tentation de regarder.
Vous avez tout à fait raison : la profusion n'est pas une garantie en elle-même. Elle doit s'allier à un souci de qualité. Cette interrogation, vous l'avez aussi souligné, est au centre de nos réflexions sur la télévision publique. Je rappelle qu'en 2014, nous avons rédigé un rapport particulier sur la programmation culturelle à la télévision publique. « L'été et la nuit » est le titre de l'étude assez connue d'une personnalité sur la tentation de remplir ses obligations à des moments de faible écoute. On la retrouve chez beaucoup de nos interlocuteurs, en particulier dans des radios ou des chaînes musicales.
Nous devons sans cesse nous focaliser sur des problèmes qualitatifs plutôt que quantitatifs. C'est la raison pour laquelle la régulation me semble irremplaçable, car la réglementation ne peut fixer que des quotas généraux, permanents, stables, lesquels donnent lieu à des tentations d'évasion dans leur application concrète, alors que la régulation, réactive, interactive, immédiate, mobile, permet un véritable dialogue, fut-il un dialogue a posteriori qui permette d'orienter pour le futur les politiques des différentes chaînes et stations.
Reste que nous devons respecter la responsabilité éditoriale des chaînes et des télévisions. Si nous souhaitions nous faire programmateurs à la place des programmateurs, il nous serait justement reproché d'aller au-delà de nos pouvoirs d'autorité administrative indépendante.
Quant à la diversité des dirigeants, on a tendance à se focaliser en particulier sur le dirigeant principal de telle ou telle société, ou de tel ou tel groupe. Il existe des compétences variées - gestion financière, humaines, économique - des compétences de programmation, d'antenne, d'information. Le rôle d'un groupe important, quel qu'il soit, est de faire se réunir et s'agréger, pour la plus grande qualité possible des programmes, ces différentes compétences.
La désignation d'un président ou d'une présidente à la tête d'un grand groupe ne vaut pas garantie pour la programmation de telle ou telle des chaînes du bouquet de ce groupe.