Intervention de Olivier Schrameck

Commission d'enquête Autorités administratives indépendantes — Réunion du 7 juillet 2015 à 15h30
Audition de M. Olivier Schrameck président du conseil supérieur de l'audiovisuel

Olivier Schrameck, président du CSA :

Les télévisions locales sont d'une très grande importance, et la place qu'elles occupent me frappe à chaque fois que je me déplace sur le territoire.

C'est un monde économiquement très instable, qui connaît beaucoup de disparitions, mais aussi beaucoup de naissances. Depuis le début de l'année, nous avons fait quatre appels d'offres. À chaque fois, des candidats ont été susceptibles d'être retenus, mais toutes les procédures ne sont toutefois pas allées à leur terme.

Récemment, en Île-de-France, la renonciation à une fréquence par le groupe NRJ a donné lieu, dans un premier temps, à treize puis à onze candidatures. Nous avons passé toute une journée à auditionner les candidats, qui montraient des ambitions, des vocations et des appétits divers et variés. Il ne faut donc pas être trop pessimiste.

En revanche, il faut avoir conscience de la très grande fragilité de ces télévisions locales et, en particulier, de leur dépendance, au centre des débats à propos de Télé Toulouse, par rapport aux collectivités publiques qui les soutiennent plus ou moins : elles sont, elles aussi, aujourd'hui frappées par les contraintes des finances publiques - vous le savez mieux que quiconque.

L'appétit et le dynamisme demeurent, mais l'environnement est de plus en plus difficile. Je voudrais, sur ce point, insister sur la préoccupation qui s'est fait jour au sein du CSA concernant une meilleure coordination entre les stations régionales, qui comportent parfois des antennes départementales de France 3, et les chaînes de télévision locale. Il existe parfois de très bons exemples de coordination, mais aussi une certaine ignorance, voire des affrontements feutrés.

Il ne faut cependant pas renoncer à soutenir les télévisions locales, qui sont fondamentales pour faire vivre les territoires. Accepter leur repli, c'est s'inscrire dans une optique générale à laquelle je sais à quel point votre Haute Assemblée est hostile, à juste titre.

La problématique à propos de laquelle vous posez une question a été très présente dans l'étude d'impact concernant LCI. J'ai d'ailleurs noté des déclarations de dirigeants de TF1 qui ont fait savoir que, s'ils présentaient au CSA de nouveaux projets, ce serait dans une optique éditoriale différente. C'est une marque du débat que vous venez de soulever.

Il est sûr que l'absence de recul, la recherche de recettes publicitaires, la concurrence des réseaux sociaux, sur laquelle les intéressés insistent beaucoup, fait qu'il existe une tentation d'information à tout prix. Celle-ci peut être à nos yeux, dans certains cas, déviante.

Un contentieux devant le Conseil d'État est en cours, et je ne sais ce que celui-ci dira, mais nous avons affirmé que, pour une chaîne publique, montrer les derniers instants d'un policier assassiné et faire entendre ses cris de grâce était attentatoire à la dignité humaine - même s'il nous a été répondu que CNN ou Al Jazeera faisaient la même chose.

Nous avons pensé qu'indiquer la présence de personnes que ne connaissaient pas des assassins dans des locaux qu'ils occupaient, ou de personnes susceptibles d'être prises en otage, montrer un assaut dont risquait de dépendre la vie d'autres personnes pouvait constituer une atteinte à la préservation de la vie d'autrui, à la sauvegarde de l'ordre public, ou encore à la dignité de la personne humaine.

Nous n'avons pas entendu beaucoup de voix, en dehors du CSA, s'élever pour le dire ! Cela ne nous désoriente pas, mais nous confirme dans la vocation singulière et peut-être irremplaçable du CSA, qui est d'attirer l'attention sur les déviances et les anomalies possibles, heureusement rares, susceptibles de se manifester. Nous le faisons dans l'exercice de notre responsabilité collective, et sous le contrôle du juge.

Même si aucun sondage n'est paru sur ce point, cela peut correspondre à une sensibilité du public, pour lequel la responsabilité éditoriale, tout comme pour nous, est fondamentale. Ce qui différencie une chaîne de télévision, quelle qu'elle soit, quel que soit le type d'informations qu'elle produit, d'un réseau social sur lequel on poste des messages ou des vidéos, c'est la responsabilité éditoriale, qui consiste à analyser, à étudier, à sélectionner et à présenter les informations que l'on diffuse !

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