Intervention de Brigitte Bout

Réunion du 29 juin 2011 à 14h30
Certificats d'obtention végétale — Discussion générale

Photo de Brigitte BoutBrigitte Bout :

Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, en octobre 2005, j’avais attiré l’attention du Gouvernement sur les inquiétudes des obtenteurs, des producteurs et des distributeurs de variétés végétales du Nord-Pas-de-Calais et de nombreuses autres régions.

J’avais insisté sur la nécessité d’inscrire à l’ordre du jour des assemblées parlementaires, non seulement le projet de loi autorisant la ratification de la révision de la Convention internationale pour la protection des obtentions végétales, mais également le projet de loi relatif aux obtentions végétales et modifiant le code de la propriété intellectuelle et le code rural, pour que certaines variétés protégées ne tombent pas dans le domaine public.

En effet, le certificat d’obtention végétale de certaines variétés arrivait à l’époque à échéance, notamment pour le blé tendre Galaxie, pour l’orge Flika, et pour la pomme de terre Monalisa.

J’avais donc pris l’initiative, avec mon collègue Jean Bizet, sénateur de la Manche, d’une proposition de loi dont les dispositions faisaient passer de vingt à vingt-cinq ans la durée de protection des COV pour la plupart des espèces, durée portée de vingt-cinq à trente ans pour certaines espèces comme les arbres, les vignes et les pommes de terre.

D’une part, cet allongement a permis à notre pays de s’aligner sur la réglementation communautaire et de faire disparaître ainsi l’inégalité de traitement qui existait entre les opérateurs bénéficiant d’un COV français et leurs concurrents possédant un COV communautaire, auxquels s’appliquaient déjà les durées de vingt-cinq et trente ans.

D’autre part, cet allongement a eu pour but de pérenniser, au profit de certains obtenteurs nationaux, des sources de revenus légitimes leur permettant de financer des activités de recherche onéreuses afin de mettre au point de nouvelles variétés et de demeurer compétitifs sur un marché extrêmement concurrentiel.

Grâce à cette proposition de loi devenue la loi du 1er mars 2006, les obtenteurs ont pu bénéficier de cinq années supplémentaires de protection des COV.

Sans cette loi, les obtenteurs possédant ces variétés auraient perdu une partie de leurs protections, comme cela a été le cas, en 2005, pour l’INRA avec la variété de vigne Fercal : le montant total de la perte pour la recherche publique s’est élevé à 600 000 euros.

Nous avons donc su réagir dans les temps pour protéger la filière semencière française.

Faut-il rappeler la place qu’occupe la France en matière de sélection végétale ? L’INRA est la deuxième institution mondiale pour les recherches en sciences des plantes. Quant à la profession semencière, peu connue, elle regroupe plus d’une centaine d’établissements de recherche « obtenteur », quelque 300 établissements de recherche, 30 000 agriculteurs multiplicateurs de semences, et près de 2 000 distributeurs.

La sélection végétale est aussi un enjeu en termes d’activité économique, puisque la production s’élève à 800 millions d’euros, dont 180 millions pour les exportations, 7 000 emplois étant concernés au total.

Dans ma région, le Nord-Pas-de-Calais, la filière semencière représente plus de 9 000 hectares de production de semences, avec plus de 500 agriculteurs-multiplicateurs, 11 stations de sélection, 27 entreprises de production et 14 usines de semences. C’est dire l’importance de ce secteur économique.

Comme vous le savez, notre région a contribué au développement de variétés de pommes de terre de grande qualité, notamment la Monalisa, la Charlotte et la ratte du Touquet.

Je voudrais, par ailleurs, souligner qu’à la différence du brevet, que défendent les Anglo-Saxons, le certificat d’obtention végétale concilie protection, sécurité des échanges entre sélectionneurs et incitation à l’innovation.

Le certificat d’obtention végétale, communément appelé COV, permet de financer la recherche et de maintenir la biodiversité. La France a promu ce type de propriété intellectuelle. Le COV lui permet d’être le premier producteur européen et le troisième exportateur mondial de semences et de plants.

Aussi, compte tenu d’un contexte agricole difficile, il est indispensable, d’une part, que les entrepreneurs disposent des outils juridiques nécessaires pour lutter à armes égales sur un marché européen très compétitif, d’autre part, que notre pays puisse développer la recherche, afin de promouvoir des produits de qualité.

La proposition de loi de mon collègue Christian Demuynck, inscrite à l’ordre du jour de notre assemblée sur l’initiative du groupe UMP, vise à procéder à une actualisation de la législation en matière d’obtention végétale et modifie le code de la propriété intellectuelle.

Cette proposition de loi, dont je suis cosignataire, pose une définition générale de la variété en s’inspirant de celle qui a été établie par la convention UPOV de 1991 et définit les conditions dans lesquelles les variétés peuvent faire l’objet de certificats d’obtention végétale. Elle définit, en outre, l’étendue du droit accordé à l’obtenteur d’une nouvelle variété, notamment à partir de la réglementation communautaire.

De nos jours, les progrès scientifiques et techniques nécessitent de prévoir le champ non couvert par les droits de l’obtenteur, à savoir principalement les actes privés, mais aussi les actes expérimentaux.

La disposition la plus importante de ce texte est celle qui vise à autoriser la pratique des semences de ferme, en conformité avec le droit communautaire.

On corrige ainsi une situation paradoxale : pendant des dizaines d’années, les royalties, rémunérant les nouvelles variétés, n’étaient perçues que sur les semences certifiées, et non sur les semences de ferme autoproduites par les agriculteurs.

Cette proposition de loi vise donc à accroître la liberté des agriculteurs sans mettre en danger la sélection nationale. Elle s’appuie, pour cela, sur l’expérience de l’accord interprofessionnel qui existe depuis 2001 en ce qui concerne le blé tendre, de sorte que plus aucune action en contrefaçon ne puisse être engagée à l’encontre des agriculteurs qui produisent leurs semences de variétés nouvelles.

L’innovation est l’une des clés de la compétitivité de nos filières agricoles, comme du respect de l’environnement, et elle contribue à la biodiversité. C’est pourquoi nous voulons nous attacher à donner à ce secteur de notre économie les moyens de poursuivre sa croissance.

Aussi, pour l’ensemble de ces motifs, et non sans avoir remercié notre rapporteur de la qualité de son travail, je me permets de souhaiter, monsieur le ministre, que cette proposition de loi, qui engage l’avenir de notre filière végétale et un pan de notre recherche, reçoive de votre part un avis favorable afin qu’elle puisse être adoptée par notre assemblée.

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