Intervention de Pascale Boistard

Réunion du 21 juillet 2015 à 9h30
Questions orales — Nationalité française par mariage et moment d'appréciation de la nationalité du conjoint du déclarant

Pascale Boistard, secrétaire d'État auprès de la ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes, chargée des droits des femmes :

Monsieur le sénateur Jean-Yves Leconte, je vous prie tout d’abord de bien vouloir excuser l’absence de M. le ministre de l’intérieur.

Il résulte des termes de l’article 21-2 du code civil que la faculté pour un étranger ou un apatride d’acquérir la nationalité française par déclaration à raison de son mariage avec un Français, en application de cet article, est notamment soumise au respect de la double condition suivante : le conjoint doit être français au jour du mariage et avoir conservé cette nationalité à la date de souscription de la déclaration. Ces deux exigences étaient déjà énoncées par l’article 37-1 du code de la nationalité française, dans sa rédaction issue de la loi n° 73-42 du 9 janvier 1973.

Pour permettre à l’administration de s’assurer du respect de cette double condition, l’article 14-1 du décret n°93-1362 du 30 décembre 1993 relatif aux déclarations de nationalité, aux décisions de naturalisation, de réintégration, de perte, de déchéance et de retrait de la nationalité française prévoit que le déclarant doit notamment joindre à sa déclaration « un certificat de nationalité française, les actes de l’état civil ou tous autres documents émanant des autorités françaises de nature à établir que son conjoint avait la nationalité française au jour du mariage et l’a conservée ».

Cette disposition réglementaire très ancienne ne « déplace » pas du jour de la déclaration au jour du mariage la condition de possession par le conjoint de la nationalité française : elle se borne à préciser les modalités selon lesquelles cette possession doit être justifiée par le déclarant.

Vous indiquez que cette interprétation des dispositions de l’article 21-2 empêche l’étranger dont le conjoint jouit de la possession d’état de Français au jour du mariage, sans être français juridiquement, de bénéficier du droit à acquérir la nationalité française à raison de son mariage. Selon vous, la possession d’état de Français au jour du mariage devrait être assimilée à la possession de la nationalité française pour l’application de l’article 21-2.

Je ne partage pas cette position.

La possession d’état de Français se caractérise par un ensemble de faits, dont l’appréciation est purement objective. Ces faits de possession d’état doivent traduire l’apparence du lien juridique unissant l’individu à l’État français et faire présumer la réunion de toutes les conditions légales nécessaires à l’existence de ce lien. C’est pourquoi l’article 21-13 du code civil offre la possibilité aux personnes qui ont joui, de façon constante, de la possession d’état de Français pendant une période de dix années d’acquérir la nationalité française par déclaration. Le but de cette disposition est de permettre à des personnes qui ne sont pas juridiquement françaises de régulariser leur situation après découverte de leur extranéité.

Ainsi, seuls certains éléments pertinents peuvent être retenus comme constitutifs de la possession d’état de Français, c’est-à-dire relatifs au lien juridique de nationalité, tels que les droits civiques et électoraux, les obligations militaires, les éventuelles immatriculations consulaires. En revanche, des circonstances traduisant un lien culturel, sociologique ou affectif ne sont pas pertinentes au regard de l’appréciation de la possession d’état de Français. Dès lors, cette notion de fait – et non de droit – qu’est la possession d’état de Français doit être constatée juridiquement.

Comme pour toutes les déclarations, l’acquisition de la nationalité française au titre de l’article 21-13 du code civil prend effet à compter de la date de souscription de la déclaration. Or l’article 21-2 du code civil exige que l’époux français soit juridiquement français en droit, et non, comme vous le mentionnez à juste titre, qu’il soit « considéré » comme français.

Monsieur le sénateur, s’il n’est pas envisagé de modifier les dispositions existantes, je peux en revanche vous rejoindre sur le fait que les demandes de naturalisation par décret présentées dans les conditions de droit commun par des personnes se trouvant dans cette situation doivent pouvoir faire l’objet d’un examen bienveillant. Soyez assuré que, dans ce cadre, le mariage avec un ressortissant français constitue, à l’évidence, un élément d’appréciation favorable.

Je dois également vous indiquer que la situation que vous visez est très rare : selon les données recueillies par mes services, moins d’une dizaine de cas sont identifiés chaque année.

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