Intervention de Vincent Delahaye

Réunion du 21 juillet 2015 à 21h30
Règlement du budget de l'année 2014 — Rejet d'un projet de loi en nouvelle lecture

Photo de Vincent DelahayeVincent Delahaye :

Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, en matière budgétaire et financière, on consacre beaucoup de temps au virtuel et trop peu au réel. Cette loi de règlement porte sur le réel, et c’est pourquoi elle m’intéresse tout particulièrement.

Monsieur le secrétaire d’État, si l’on vous suit – ce n’est pas ce que fera le groupe UDI-UC, et je préfère le dire tout de suite pour vous épargner une déception ! –, la loi de règlement est un document technique, un constat d’exécution – une photographie pour certains – et il n’y a aucune raison de ne pas la voter. Pourquoi alors a-t-il fallu prévoir le vote de ce type de loi ? S’il ne s’agit que d’une formalité technique, supprimons-le !

Je ne partage pas cette opinion. Pour moi, la loi de règlement établit le constat d’une politique et d’une gestion. La politique budgétaire et financière que le Gouvernement a appliquée depuis le début du quinquennat s’est caractérisée par une augmentation massive des impôts, en 2012 et en 2013, une absence de réduction de la dépense publique, une croissance atone et un chômage record. Dans ces conditions, on ne voit pas quels arguments politiques pourraient justifier l’approbation de ce texte.

On parle beaucoup de déficit structurel et de déficit conjoncturel, ce qui est plutôt aimable, puisque, en l’absence de croissance, le déficit conjoncturel est automatiquement plus important. Cela contribue à dédouaner le Gouvernement, victime de la conjoncture. On ne peut évidemment pas vous suivre sur ce terrain.

On ne peut pas non plus vous suivre lorsqu’il s’agit du constat de votre gestion. Il est établi par la Cour des comptes, car nous sommes sans doute l’un des rares pays demandant une certification de ses comptes à un organisme indépendant. D’une année sur l’autre, on s’aperçoit que cette certification relève assez peu d’améliorations, la Cour des comptes émettant toujours cinq réserves majeures. C’est toujours mieux que ce qui se fait à l’étranger, où il n’est même pas question de certification. D’ailleurs, si la Grèce avait eu des comptes certifiés au moment de son entrée dans la zone euro, cela aurait pu aider à la décision, mais tel n’a pas été le cas.

Dans le secteur privé, monsieur le secrétaire d’État, si les commissaires aux comptes émettaient autant de réserves, ils ne certifieraient pas les comptes des sociétés, surtout si leur système d’informations était aussi déficient que le nôtre. Nous avons de la chance, la Cour des comptes certifie les comptes en émettant des réserves majeures, ce qui signifie que nous avons encore de gros progrès à faire en matière de gestion.

Finalement, pour 2014, le constat est celui de l’année de tous les records : pour les prélèvements obligatoires – on a chargé la barque des particuliers et des entreprises, et comment s’étonner que l’économie française n’avance pas plus vite ? –, pour la dépense publique – nous sommes champions du monde ! – et pour l’endettement. Tout cela pour arriver à l’un des déficits les plus importants de notre histoire.

Avec un tel constat, il faut faire preuve d’un certain culot pour affirmer que les efforts des Français paient ! En disant cela, on ne relève le niveau ni de la politique ni de la crédibilité des élus. En effet, je ne crois pas que les Français aient aujourd’hui le sentiment que leurs efforts portent leurs fruits. Les comptes de 2014 prouvent malheureusement que tel n’est pas le cas.

Dans ces conditions, vous comprendrez, monsieur le secrétaire d’État, que notre groupe ne votera pas ce projet de loi de règlement. Je suis d’ailleurs étonné que d’autres groupes de l’opposition sénatoriale n’agissent pas de même.

Je viens d’entendre Yvon Collin. En première lecture, Jean-Claude Requier, avec son sympathique accent, nous avait dit la même chose : il regrettait les évolutions anticipées du taux de prélèvements obligatoires et de la dépense publique, qui resteront à peu près constants, à un niveau très élevé, en 2015 et en 2016. Ils constituent le véritable « mal français ». André Gattolin, qui s’exprimera tout à l’heure, a dit, en première lecture, que « les écologistes partagent le constat du caractère préoccupant de la situation de nos finances publiques » et « contestent les moyens aujourd’hui mis en œuvre pour y répondre ». Comment peut-on voter ce projet de loi de règlement quand on tient de tels propos ? Je ne peux donc que manifester un certain étonnement.

Bien sûr, cette loi de règlement établit le constat d’une politique et d’une gestion. Il convient d’en tirer des conclusions et des perspectives pour nos finances publiques.

Certains pays ont adopté des mesures d’austérité : ils ont baissé le niveau des salaires et fait subir à leur population des pertes de pouvoir d’achat élevées. Heureusement, tel n’a pas été le cas de la France. Si nous voulons éviter ces mesures d’austérité, nous devons prendre rapidement des mesures de rigueur, monsieur le secrétaire d’État. Je ne connais pas d’autre manière de gérer l’argent public que la rigueur, car il s’agit de l’argent de nos concitoyens !

Vous nous dites que la dépense publique n’a jamais été aussi bien maîtrisée. Or nous avons besoin non pas de la maîtriser, mais de la faire baisser ! Actuellement, nous bénéficions de conditions exceptionnelles pour obtenir cette baisse.

Tout d’abord, le taux d’inflation, qui s’établit à 0, 5 %, n’a presque jamais été aussi faible – même s’il était de 0 % l’an dernier. Vous établissez souvent une comparaison avec le niveau des dépenses au cours des années précédentes, mais l’inflation était alors à 2 % ou à 2, 5 %. Ensuite, les taux d’intérêt sont inférieurs à 1 %, alors qu’ils étaient il n’y a pas si longtemps à 2 %. Enfin, le prix du baril de pétrole est descendu à 50 dollars, alors qu’il atteignait auparavant 100 dollars.

Ces conditions devraient nous permettre de dépenser moins et de faire baisser par conséquent la dépense publique. Or tel n’est pas le cas ! En effet, la masse salariale de l’État a augmenté de 0, 9 % en 2014, alors que l’inflation s’établissait à 0, 5 %. Autre exemple de manque de rigueur : je n’ai jamais entendu dire que les opérateurs de l’État étaient prioritaires du point de vue de la dépense publique. Or leurs effectifs, qui s’élevaient à environ 385 000 emplois en équivalents temps plein en 2013, ont représenté plus de 391 000 ETP en 2014. L’augmentation s’établit donc à 6 000 emplois équivalent temps plein, soit près de 2 % des effectifs totaux des opérateurs de l’État. Peut-on dès lors parler de rigueur, monsieur le secrétaire d’État ?

Je le répète, nous demandons non pas une maîtrise de la dépense publique, mais une baisse, et celle-ci n’interviendra qu’au moyen de réformes de fond. Malheureusement, vous ne les avez pas engagées depuis le début du quinquennat et je vois mal comment vous pourriez les entreprendre maintenant. Aujourd’hui, le Président de la République espère que le chômage baissera légèrement avant 2017, afin de pouvoir affirmer que nous sommes sur la bonne voie. Après avoir fait augmenter le nombre de chômeurs de près de un million, il pourra peut-être se targuer de l’avoir ensuite réduit de cinquante mille !

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