Intervention de Francis Delattre

Réunion du 21 juillet 2015 à 21h30
Règlement du budget de l'année 2014 — Rejet d'un projet de loi en nouvelle lecture

Photo de Francis DelattreFrancis Delattre :

Inquiétant est le ralentissement des dépenses affiché par l’exécutif. En effet, celui-ci repose surtout sur des économies de constatation ou des réductions forfaitaires de crédits et non sur la mise en œuvre de réformes pérennes. Le ralentissement ténu de la dépense publique est en grande partie imputable à quelques effets d’aubaine liés notamment à la réduction des dépenses des collectivités territoriales et à un nouveau recul bienvenu de la charge de la dette, dû aux conditions particulièrement favorables d’emprunt sur les marchés.

J’en viens au budget de l’État. L’apparente réduction des dépenses sous la norme « zéro valeur » cache d’importantes débudgétisations, notamment au travers du programme d’investissements d’avenir, le PIA. En effet, 20 % des crédits du PIA, soit environ 2, 5 milliards d’euros, ont été substitués à des crédits budgétaires.

Tout aussi inquiétants – sans doute est-ce d’ailleurs le plus inquiétant – sont les effets à retardement du matraquage fiscal des années 2012 et 2013 sur le rendement des impôts et taxes. L’optimisme excessif du Gouvernement a été contrarié en 2014 par la moins-value de près de 10 milliards d’euros qui a affecté les recettes fiscales de l’État.

En outre, des reports de charges se sont accrus, laissant craindre des difficultés budgétaires pour les années à venir. L’augmentation des dettes de fonctionnement montre que, pour afficher des économies cette année, le Gouvernement repousse sur les années suivantes un certain nombre de dépenses inéluctables.

La reprise de la hausse des dépenses de personnel est également préoccupante, d’autant que le Gouvernement prévoit de créer plus de 8 000 postes l’an prochain, alors même que, comme vient de le souligner excellemment mon collègue du groupe UDI-UC, la France vient de battre tous les records en termes tant de dépenses publiques que de prélèvements obligatoires.

Plus grave encore, monsieur le secrétaire d'État, alors que des facteurs extérieurs sont porteurs d’espoir et profitent à nos voisins – parité entre le dollar et l’euro, coût de l’énergie, taux d’intérêt extrêmement bas –, notre économie est en panne de croissance et a produit en 2014 plus de 200 000 chômeurs supplémentaires. Cette conjoncture a naturellement entraîné des dépenses substantielles et une baisse des recettes, sans qu’affleure la moindre réforme de fond susceptible de redresser la situation, par exemple celle du marché du travail, si peu accessible aux jeunes demandeurs d’emploi notamment.

Le crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi, le CICE, souvent présenté comme la panacée rédemptrice de notre compétitivité, a permis une légère amélioration des marges des entreprises. Toutefois, il s’est révélé nettement insuffisant pour relancer les investissements, qui sont les emplois de demain.

Le retrait de la loi, dévastatrice en termes de confiance, ayant supprimé en 2013 et 2014 la déductibilité fiscale des intérêts d’emprunts contractés par les PME-PMI pour leurs investissements aurait sur cette question cruciale bien plus d’impact.

Monsieur le secrétaire d’État, votre tentative, amorcée voilà quelques semaines, de relance des investissements des entreprises à hauteur de 200 millions d’euros ne parviendra pas à compenser les milliards d’euros en jeu. La décision que j’évoque serait un signe fort en direction des PME-PMI de ce pays, dont, il faut s’en souvenir, les banques permettent 90 % des investissements. Il s’agit là d’un important problème que nous signalons régulièrement, sans que, pour autant, sur ce dossier, l’« audace », que vous prônez, l’emporte.

Pour éviter que d’aucuns ne considèrent mon intervention comme un énième discours d’opposition, je citerai un extrait de la synthèse du rapport de la Cour des comptes : « La situation des finances publiques de la France reste plus déséquilibrée que celle de nombreux pays européens. » En effet, les déficits publics effectifs se sont réduits en Europe à un rythme supérieur à celui de la France. La moyenne de la zone euro est de 2, 4 points de PIB, contre 4 points de PIB pour notre pays.

En outre, l’endettement de la France suit une trajectoire divergente de celle de l’Allemagne. Alors que le niveau de la dette publique en parts de PIB de la France et de l’Allemagne était proche en 2010 – 2010, mes chers collègues ! –, l’endettement de l’Allemagne est inférieur de plus de 20 points de PIB à celui de la France en 2014.

Avec ce raccourci, monsieur le secrétaire d'État, tout est dit du sérieux de votre gestion et du peu de crédit qu’elle génère auprès de nos partenaires européens. Ceux-ci se montrent d’ailleurs assez dubitatifs sur notre prétention à assurer un quelconque leadership.

Mes chers collègues, pour toutes ces raisons et à la suite de l’échec de la commission mixte paritaire sur ce texte, je ne vous étonnerai pas en annonçant que le groupe Les Républicains, au regard de la politique conduite par le Gouvernement dont ce texte est la traduction, juge néfastes les choix du Gouvernement pour l’avenir du pays. Par conséquent, monsieur le secrétaire d'État, comme en première lecture, il ne votera pas ce projet de loi de règlement du budget et d’approbation des comptes de l’année 2014, qui reflète une réalité : votre échec !

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