Intervention de Patrick Chaize

Réunion du 22 juillet 2015 à 14h30
Deuxième dividende numérique et modernisation de la télévision numérique terrestre — Discussion générale

Photo de Patrick ChaizePatrick Chaize, rapporteur pour avis :

C’est d’autant plus inacceptable qu’un aménagement numérique prioritaire de ces territoires apporterait précisément des solutions innovantes pour résoudre les difficultés rencontrées en milieu rural. Ainsi, certaines communes restent privées de toute téléphonie mobile 2G ; plus de 2 000 communes n’ont pas accès à la 3G, et le déploiement de la 4G en zone moins dense se fait encore attendre.

Ce constat se fonde également sur les critères actuels de mesures de la couverture qui ne rendent pourtant absolument pas compte de l’expérience des utilisateurs. Si 99, 9 % de la population sont théoriquement couvertes par la téléphonie mobile, force est de constater que l’on rencontre chaque jour le 0, 1 % de la population qui n’est pas couvert partout ! L’absence d’internet mobile dans des territoires ruraux, qui sont également souvent privés d’une couverture en haut débit fixe de qualité, risque de faire apparaître des isolés « multi-technologies », alors même que le développement des usages rend chaque jour plus pénalisante l’absence d’accès à internet de qualité. Les réseaux mobiles pourraient pourtant constituer des solutions à moyen terme à la difficulté de déployer rapidement des réseaux filaires très haut débit dans certains territoires ruraux.

Dans ce contexte très insatisfaisant, nous devons examiner la présente proposition de loi, qui organise la libération de la bande de fréquences des 700 mégahertz par le secteur audiovisuel, afin de procéder à sa réaffectation vers l’internet mobile. Compte tenu des propriétés physiques de ces fréquences et de la possibilité d’assortir les autorisations d’utilisation attribuées aux opérateurs d’obligations de déploiement, la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable estime qu’il s’agit là d’une opportunité à saisir pour améliorer la couverture de nos territoires.

Elle a toutefois plusieurs regrets sur la méthode et sur le contenu de cette réaffectation.

Comme vous, madame Morin-Desailly, monsieur Sido, je déplore la précipitation dans laquelle ce texte nous est présenté. Ce dernier, qui n’a de proposition de loi que le nom, revient à donner un blanc-seing à un processus qui n’a que très peu associé le Parlement, et qui sera déjà très avancé lorsque le présent texte sera définitivement adopté. Pour ce qui concerne l’impératif d’aménagement numérique du territoire, le Gouvernement a donné son interprétation s’agissant de la bande 700, avant même que nous ayons eu le temps d’adopter la mesure qui en généralise l’application.

Nous le savons, la seule urgence qui préside à cette démarche est d’ordre budgétaire. Les opérateurs de communications électroniques ont souligné l’absence d’intérêt immédiat pour l’acquisition de nouveaux blocs de fréquences, à l’exception de celui des opérateurs qui n’a pas obtenu de bloc de fréquences lors de l’attribution de la bande des 800 mégahertz.

Par ailleurs, cette précipitation est susceptible de poser des difficultés techniques pour la libération de la bande par le secteur audiovisuel et pour l’accompagnement des téléspectateurs disposant de matériel ancien, ainsi que vous l’avez souligné, madame la rapporteur.

Voilà quelques jours, le Sénat a adopté le projet de loi actualisant la loi de programmation militaire pour les années 2015 à 2019. En diminuant la part des ressources exceptionnelles dans le financement de la défense, ce texte réduit la nécessité de céder à toute vitesse les licences d’utilisation de la bande 700. Comment se justifie donc cette précipitation qui préside encore, aujourd’hui, au processus de réaffectation de ces fréquences, madame la ministre ?

Je souhaite également souligner une incohérence dans cette procédure en termes de politiques publiques. En attribuant des autorisations d’utilisation de fréquences et en mettant aux enchères des blocs de fréquences, le Gouvernement s’efforcerait de valoriser au mieux le domaine public hertzien. Nous approuvons cet objectif !

Je ne reviens pas sur l’inopportunité de procéder ainsi dès maintenant, alors même qu’une vente ultérieure de ces fréquences permettrait sans doute de dégager des ressources plus importantes. Pourtant, il n’est pas sûr que le choix actuel du Gouvernement permette réellement de valoriser au mieux le domaine public, quand bien même cela semble être votre première priorité, madame la ministre.

En revanche, il est certain que le coût d’obtention des autorisations d’utilisation de fréquences pour les opérateurs, en plus des coûts de réaménagement et d’accompagnement qui sont à leur charge, représente autant d’investissements potentiels en moins dans les infrastructures de communications électroniques. Ce sont donc plus de 2, 5 milliards d’euros qui vont être transférés du secteur des communications électroniques vers la défense !

Malgré la loi actualisant la loi de programmation militaire, la destination budgétaire des recettes reste inchangée. Je m’étonne, madame la ministre, que la totalité de ces recettes soit fléchée pour financer nos armées, et qu’une fraction ne soit pas utilisée pour financer le déploiement des réseaux d’initiative publique par les collectivités territoriales, ou pour alimenter la résorption des zones blanches mobiles…

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