Intervention de Corinne Bouchoux

Réunion du 22 juillet 2015 à 14h30
Deuxième dividende numérique et modernisation de la télévision numérique terrestre — Discussion générale

Photo de Corinne BouchouxCorinne Bouchoux :

Madame la présidente, madame la ministre, madame la rapporteur, messieurs les rapporteurs pour avis, mes chers collègues, le lancement de la télévision numérique terrestre a été un véritable succès en permettant aux Françaises et aux Français de bénéficier de vingt-cinq chaînes de télévision gratuites, en leur offrant une meilleure qualité de réception et, à défaut d’une diversité de programmes, une diversité de création. La TNT a également permis de développer considérablement la télévision de rattrapage, qui a progressé de 25 % en un an. Le taux de vidéos visionnées sur les mobiles et les tablettes augmente également fortement.

Tout cela va de pair avec le développement de l’internet mobile et entraîne un accroissement des besoins des opérateurs de téléphonie. Le taux de croissance annuel du trafic mobile est de plus de 60 %.

Pour toutes ces raisons, les écologistes comprennent la nécessité de répondre à la demande et d’affecter la bande de fréquences de 700 mégahertz, afin de faire face à la hausse du volume des données échangées sur les réseaux de télécommunications.

Mais la question est d’évaluer les destinations possibles de ces fréquences, également attendues pour la télévision en haute définition.

Déjà, en 2013, Marie-Christine Blandin, alors présidente de la commission de la culture, de l’éducation et de la communication, interrogeait la ministre de la culture d’alors sur les projets d’utilisation de cette ressource hertzienne. Nous n’avions malheureusement pas obtenu les éclairages attendus.

C’est pourquoi la présente proposition de loi nous incite à être vigilants sur trois points.

En premier lieu, nous regrettons que cette bande de fréquences, qui doit être considérée comme un bien commun, finisse « marchandisée » et mise aux enchères de manière un peu précipitée.

Ces derniers temps, le secteur des télécommunications a été fortement bousculé, et l’est plus encore aujourd’hui, avec la velléité de certains opérateurs de se racheter entre eux.

Financièrement, les opérateurs de télécommunications ne sont peut-être pas dans les meilleures conditions pour procéder à ce transfert ; l’État risque donc de subir une décote sur le prix des enchères et de ne pas engranger tous les gains attendus.

En deuxième lieu, pour répondre demain aux besoins de l’audiovisuel sans nouvelles fréquences, il faudra changer de normes de compression. On ne peut écarter la question de l’obsolescence programmée du matériel actuel de réception.

Déjà, en 2005, lors de la mise en place de la TNT, les Français ont tous dû acquérir un boîtier externe ou, pour certains, une nouvelle télévision, afin de pouvoir recevoir la télévision numérique.

La généralisation de la nouvelle norme MPEG-4 nécessitera l’acquisition d’un nouveau récepteur TNT-HD pour ceux qui n’en sont pas équipés.

Madame la ministre, certes, des aides à l’équipement ont été prévues, mais n’oublions pas que le renouvellement accéléré des biens contribue fortement à la surexploitation des ressources non renouvelables et nous mène à une impasse écologique, sociale et économique.

L’abondance des déchets, notamment ceux d’équipements électriques et électroniques, se caractérise par des impacts environnementaux dramatiques. Est-il judicieux, à la veille de la conférence de décembre, de programmer ainsi un gâchis gigantesque d’appareils fonctionnant encore très bien au nom d’un changement encore assez hasardeux ?

En troisième lieu, enfin, les membres du groupe écologiste regrettent que le produit de ce transfert au privé soit intégralement reversé au budget du ministère de la défense – en tout cas, c’est ce qui était prévu à l’origine. Si l’équipement d’une armée dans un contexte difficile est crucial, n’oublions pas que le milieu culturel manque lui aussi cruellement de financements et que le présent texte ne résout en rien la question des moyens dont il a besoin. Aucune réflexion de fond n’a été menée sur le financement de la création, qui, je le rappelle, repose largement sur les contributions de la TNT.

Madame la ministre, mes chers collègues, pour l’ensemble des motifs que je viens d’invoquer, en raison également du délai de mise en œuvre pour le moins brusqué et, surtout, du recours à une pseudo-proposition de loi entraînant l’absence totale de toute étude d’impact, les membres du groupe écologiste s’abstiendront.

Nous n’avons pas déposé d’amendements, nous n’avons pas voulu vous compliquer la tâche, madame la ministre, car nous avons estimé que l’intention initiale était de rechercher un vote conforme. Toutefois, nous posons un certain nombre de questions qui sont également celles que soulève Mme Morin-Desailly dans son rapport.

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