Intervention de André Vallini

Réunion du 23 juillet 2015 à 10h30
Adaptation de la procédure pénale au droit de l'union européenne — Rejet d'un projet de loi en nouvelle lecture

André Vallini, secrétaire d'État auprès de la ministre de la décentralisation et de la fonction publique, chargé de la réforme territoriale :

Monsieur le président, madame la vice-présidente de la commission des lois, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, je vous prie tout d’abord de bien vouloir excuser l’absence de Mme Taubira, garde des sceaux, actuellement en déplacement officiel aux Antilles.

Au nom du Gouvernement, je remercie le Sénat des travaux menés lors de la réunion de la commission mixte paritaire afin de tenter de parvenir à un accord sur ce projet de loi portant principalement adaptation de la procédure pénale au droit de l’Union Européenne et introduisant dans notre procédure pénale diverses dispositions nouvelles qui ne figuraient pas dans le texte qu’il avait adopté en première lecture.

Le texte que vous examinez ce matin, mesdames, messieurs les sénateurs, permet non seulement la transposition de décisions-cadres qui aurait dû avoir lieu en 2011 et 2012, mais il introduit également dans notre procédure pénale, comme nous y invite la directive transposée, relative aux normes minimales pour les victimes, des dispositions améliorant la protection des victimes, précisant certaines dispositions conformément aux avis du Conseil d’État, du Conseil constitutionnel et de la Cour de cassation, et mettant en œuvre la loi pénitentiaire du 25 novembre 2009, qui prévoit l’encellulement individuel.

Ce texte est donc indispensable au respect de nos engagements nationaux et internationaux.

Depuis 2002, l’Union européenne a adopté onze décisions-cadres en matière de procédure pénale. Celles-ci ont pour objet la mise en œuvre du principe de reconnaissance mutuelle pour les décisions judiciaires les plus indispensables, en matière d’enquête comme en matière de sanctions – mandat d’arrêt européen, gel des biens, peines privatives de liberté, casier judiciaire.

La première des décisions-cadres qu’il est proposé de transposer – et qui auraient dû l’être, je le répète, dès 2011 et 2012 – vient prévenir et régler les situations dans lesquelles au moins deux États membres de l’Union européenne sont saisis de procédures pénales parallèles. Afin d’éviter les doubles poursuites, le projet de loi prévoit des mécanismes d’échanges et de consultations entre autorités judiciaires, de telle manière que les procédures parallèles soient regroupées dans l’un des deux États concernés.

Une seconde décision-cadre permet la reconnaissance mutuelle des décisions de placement sous contrôle judiciaire imposant des obligations ou des mesures de probation. Tous les citoyens de l’Union pourront bénéficier des alternatives à la détention provisoire ou de peines de probation, même lorsque ces mesures seront prononcées par les autorités judiciaires d’un État dans lequel ils ne résident pas. Le suivi des obligations dans le pays de résidence sera ainsi plus effectif et la réinsertion des personnes concernées sera facilitée, car celles-ci ne seront plus coupées de leurs proches et de leur environnement habituel.

Enfin, ce projet de loi transpose les directives relatives à la reconnaissance mutuelle des décisions de protection et celle qui établit les normes minimales concernant les droits des victimes. Les mesures de protection ordonnées par un État membre – par exemple, l’interdiction d’un contact entre une victime et l’auteur de l’infraction – seront exécutées dans le pays de résidence de la victime.

Nous avons parfois tendance à l’oublier, mais l’intégration européenne s’est d’emblée ancrée dans un attachement partagé entre ses États membres à la liberté, reposant sur le respect des institutions démocratiques, des droits de l’homme et de l’État de droit. Les citoyens ne peuvent cependant jouir de cette liberté que s’ils évoluent dans un véritable espace de justice, au sein duquel chacun peut s’adresser aux tribunaux de tous les États membres aussi facilement qu’il le ferait dans son propre pays.

Si les auteurs d’infractions ne doivent pouvoir d’aucune façon profiter des différences existant entre les systèmes judiciaires des États membres, les jugements et les décisions rendus au sein de ces mêmes États doivent être respectés et exécutés dans l’ensemble de l’Union.

Pour cela, il convient de renforcer la reconnaissance mutuelle par les États membres des décisions judiciaires rendues par les autorités judiciaires de toute l’Union européenne. Ce projet de loi y contribue et la plupart de ses dispositions ont été adoptées conformes par les deux assemblées.

J’en viens aux dispositions ajoutées au texte adopté par le Sénat en première lecture.

Les articles 4 quater A à 5 sexdecies et 5 septdecies à 6 bis sont indirectement liés à la transposition de la directive du 25 octobre 2012 établissant des normes minimales concernant les droits, le soutien et la protection des victimes de la criminalité. Le Gouvernement a en effet profité de ce vecteur législatif afin de transposer au plus tard au mois de novembre prochain la directive « Victimes ».

Il s’agit de finaliser la transposition en droit interne des droits des victimes de la criminalité, qui a été réalisée partiellement seulement au moment de la transposition de la directive B. Elle permettra notamment aux victimes de bénéficier, dès le début de la procédure pénale, d’une évaluation de leurs besoins en termes de protection, afin qu’elles puissent participer dans les meilleures conditions à la procédure et que soit prévenu tout risque de réitération des faits.

Même si la directive ne l’exige pas, les dispositions des articles 4 quater A, 4 quater et 5 bis A s’inscrivent dans cette logique de meilleure protection des victimes en permettant que, au cours de la procédure pénale, elles puissent être protégées des éventuelles pressions ou représailles par un huis clos au moment de leur témoignage et une publicité restreinte de leur identité.

Ces dispositions facilitent également l’information des victimes sur les modalités de recouvrement des dommages et intérêts alloués et met en place un financement de l’aide qui leur est accordée.

D’autres amendements ont été adoptés à l’Assemblée nationale qui sont indirectement liés à la transposition des décisions-cadre relatives à la probation.

La loi pénitentiaire du 24 novembre 2009 a posé le principe de l’encellulement individuel, conformément aux règles pénitentiaires européennes visant à harmoniser les politiques pénitentiaires des États membres du Conseil de l’Europe. Sa mise en œuvre réclame le développement de nos capacités d’accueil des détenus, mais également des mesures de probation. C’est l’objet des dispositions qui favorisent le prononcé de mesures de probation, ainsi que leur suivi, et permettent par conséquent, grâce à la transposition de la décision-cadre, leur exécution au sein de l’Union européenne.

Certains amendements étaient indispensables à la sécurisation de notre procédure pénale. Plusieurs articles ont ainsi pour objet de préciser la loi pénale, en indiquant le point de départ du caractère exécutoire de la contrainte pénale, la durée des peines de stage, les délais de détention provisoire en cas d’appel, la nécessité de motiver les décisions de renvoi de la chambre de l’instruction ou encore le délai imparti à la Cour de cassation pour statuer sur une demande de dessaisissement.

Ces précisions sont absolument nécessaires eu égard aux avis émis par le Conseil d’État, le Conseil constitutionnel ou encore la Cour de cassation.

Concernant les articles 5 septdecies A à 5 septdecies D, le rapport déposé par votre rapporteur en commission mixte paritaire a soulevé le caractère général des dispositions relatives à la transmission des informations relevant du domaine pénal par l’autorité judiciaire aux administrations, l’atteinte portée à la présomption d’innocence et le transfert de la responsabilité des mesures préventives de l’autorité judiciaire aux autorités administratives.

Un des principes directeurs de la procédure pénale est, vous le savez, le secret de l’enquête, prévu par l’article 11 du code de procédure pénale. Or l’amendement gouvernemental tendait à prévoir une dérogation uniquement pour certaines infractions commises par des professionnels travaillant en contact avec des mineurs. Pour certaines infractions, il aurait, a contrario, interdit tout autre signalement.

Est-il concevable, par exemple, qu’une personne condamnée pour abus de faiblesse sur une personne vulnérable à raison de son âge ou d’une maladie et qui travaille au sein d’un hôpital ou d’une maison de retraite ne soit pas signalée ?

Le Gouvernement est bien conscient de la nécessité de conjuguer la meilleure protection possible des publics les plus vulnérables, tout spécialement des mineurs, et le respect de la présomption d’innocence des personnes mises en cause par la justice. Ces deux exigences ont guidé les travaux du Gouvernement, comme les réflexions des deux assemblées parlementaires.

Le travail intense qui a eu lieu depuis la première lecture à l’Assemblée nationale entre les parlementaires de toutes tendances et les ministères concernés a permis, me semble-t-il, de parvenir à un compromis acceptable.

L’obligation de signalement concernant les professionnels travaillant au contact de mineurs est limitée aux situations où l’intéressé est condamné ou placé sous contrôle judiciaire, avec interdiction d’exercer. Par ailleurs, elle ne peut être relative qu’aux infractions limitativement énumérées, de nature sexuelle ou violente.

Pour ces mêmes professionnels travaillant avec des enfants, la possibilité d’informer les autorités hiérarchiques des agents pour les infractions sexuelles et violentes est prévue, dès le stade de la garde à vue, sous le contrôle du procureur, mais uniquement s’il existe des raisons sérieuses de soupçonner l’intéressé et moyennant une garantie forte : le recueil des observations de la personne concernée.

Enfin, pour les agents qui ne travaillent pas de façon habituelle avec des mineurs ou qui, travaillant avec des mineurs, commettent d’autres infractions que des infractions sexuelles ou violentes, le texte que vous examinez ce matin ouvre une possibilité de signalement, mais limitée aux hypothèses dans lesquelles l’intéressé est mis en examen, renvoyé devant une juridiction de jugement ou condamné, et il prévoit l’information systématique de ce dernier.

Ainsi, si la procédure d’examen des amendements au projet de loi qui vous est soumis ce matin a été fort contrainte, nous en sommes conscients, ce texte est de nature à améliorer la protection des victimes, notamment les plus fragiles, particulièrement les enfants, à mettre en œuvre le principe d’encellulement individuel résultant de la loi de 2009 et à sécuriser notre procédure pénale.

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