Monsieur le président, messieurs les secrétaires d’État, madame la vice-présidente de la commission des lois, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, quelle surprise de devoir se retrouver, en nouvelle lecture, pour un texte de transposition de directives, qui, lors de son passage au Sénat en premier examen, ne posait aucune difficulté !
À l’époque, notre ancien collègue Jean-René Lecerf, tout en regrettant que cet exercice soit trop souvent réalisé dans l’urgence d’un calendrier imposé sous peine de sanctions, avait rappelé que ce texte mettait en œuvre le principe de reconnaissance mutuelle des décisions judiciaires au sein de l’Union européenne, transposant ainsi trois décisions-cadres adoptées en matière pénale.
En cela, ce texte présente donc une utilité pour nos concitoyens, et nous y souscrivons puisqu’il garantira aux Français, s’ils sont poursuivis ou condamnés dans un autre État membre, de pouvoir revenir en France se soumettre à la mesure de contrôle judiciaire ou de probation prononcée contre eux, sous condition de réciprocité, bien entendu.
Sans revenir sur le fond des dispositions transposées, je m’attacherai à évoquer devant vous le dévoiement de la procédure parlementaire auquel nous devons faire face aujourd’hui, et que nous dénoncerons devant le Conseil constitutionnel.
Je veux parler ici de l’ajout par l’Assemblée nationale, en première lecture, qui fut d’ailleurs la seule et unique lecture, puisque la procédure accélérée a été engagée, de vingt-huit articles additionnels, qui ne sont rien de moins que des cavaliers législatifs. Certes, le Sénat avait déjà ajouté cinq articles, mais il l’avait fait dès le premier passage du texte devant le Parlement, permettant ainsi à l’Assemblée nationale d’exercer sur eux un droit de regard.
Nous contestons la procédure employée pour l’ajout de ces vingt-huit mesures par l’Assemblée nationale, car le Sénat n’a pas eu la possibilité d’examiner ces dispositions nouvelles, du fait de l’engagement de la procédure accélérée, qui devient d’ailleurs une habitude pour le Gouvernement.
Nous contestons d’autant plus cette démarche que les articles additionnels en question ne sont pas des dispositions de transposition de directives. Ils sont donc sans aucun lien avec l’objet du texte. Du reste, la magistrale, mais quelque peu acrobatique démonstration de notre collègue Jean-Pierre Sueur, qui a tenté de raccrocher certains articles à d’autres directives afin de légitimer la manœuvre du Gouvernement, n’a pas convaincu, mardi matin, la commission des lois, laquelle a majoritairement suivi M. le rapporteur.
Or certains de ces articles portent des réformes lourdes sur les plans politique et juridique. Il conviendrait donc de les traiter dans le cadre de l’examen de propositions de loi spécifiques : M. le rapporteur a évoqué celles qui ont été déposées par lui-même, par nos collègues Catherine Troendlé ou Jean-Pierre Sueur.
Certaines dispositions ne sont pas opportunes, tandis que d’autres sont constitutionnellement contestables. Il en est ainsi de la sur-amende prévue à l’article 4 quater, ou encore de l’information de l’autorité administrative sur les procédures judiciaires en cours, prévue à l’article 5 septdecies A.
Alors, oui, le groupe Les Républicains soutiendra la motion présentée judicieusement par le rapporteur, afin de préserver les droits du Sénat et le bicamérisme, garant de l’équilibre des pouvoirs.
Le Sénat est un maillon fort de nos institutions, comme nous le constatons jour après jour, qu’il s’agisse des collectivités territoriales, par exemple pour éviter la liquidation institutionnelle – voulue par le Gouvernement – de la ruralité, ou des sujets touchant aux libertés individuelles, lorsqu’il se fait le rempart contre les abus auxquels pourrait ouvrir la voie le texte sur le renseignement.
Oui, nous voulons jouer pleinement notre rôle institutionnel !