Intervention de Jacques Mézard

Réunion du 23 juillet 2015 à 10h30
Adaptation de la procédure pénale au droit de l'union européenne — Rejet d'un projet de loi en nouvelle lecture

Photo de Jacques MézardJacques Mézard :

Ces dispositions ont été introduites, disais-je, au mépris du bicamérisme et du débat démocratique, dans une matière qui est loin d’être anodine, car elle soulève des questions de principe : la procédure pénale. Elles appellent, pour nous, plusieurs sortes de commentaires.

L’article 5 septdecies A fait suite à l’ « affaire de Villefontaine ». Or la création législative française en matière de droit pénal a été très prolixe, tout autant que brouillonne, ces dernières années. Monsieur le secrétaire d'État, je me souviens de ce que nous disions ensemble – vous étiez alors sénateur – de certaines lois d’un précédent gouvernement : nous les qualifiions de « lois médiatiques », adoptées en réaction à des faits divers ; l’une d’entre elles avait par exemple été votée à la suite de morsures de chien…

Vous vous éleviez, plus encore que moi, contre ces lois médiatiques ! Je vous vois cependant, aujourd'hui, faire comme les gouvernements d’avant 2012. Vous me répondrez peut-être que c’est l’exercice du pouvoir qui l’exige, mais ce qui n’était pas bon il y a trois ans ne saurait le devenir aujourd'hui. Je m’efforce pour ma part de faire preuve de constance dans mes positionnements.

Cette politique pénale réagissant à l’actualité est la partie émergée, publique, d’un iceberg beaucoup plus important : l’édifice pénal. Celui-ci doit garder sa stabilité, sans succomber aux assauts du réchauffement de l’actualité, pour un plus grand respect des libertés publiques et de nos concitoyens.

Monsieur le secrétaire d'État, il est nécessaire que l’Assemblée nationale entende la sagesse du Sénat. Le procédé qui a été utilisé n’est pas bon. Il existe d'ailleurs des risques d’inconstitutionnalité, voire d’inconventionnalité. À tout le moins, si le texte était adopté en l’état, il aurait des conséquences inacceptables, tant sur le plan des principes que pour la vie de nos concitoyens.

Quant à la suramende destinée à financer l’aide des victimes – j’en terminerai sur ce point –, le projet de loi prévoit qu’elle sera calculée à partir du montant des amendes pénales et des sanctions pécuniaires prononcées par certaines autorités administratives indépendantes.

Ce matin, en compagnie notamment de notre excellent collègue Pierre-Yves Collombat, je participais aux travaux de la commission d’enquête sur les autorités administratives indépendantes, dont je suis le rapporteur, et dans le cadre de laquelle nous organisons en ce moment des auditions chaque semaine.

Or vouloir financer l’aide des victimes au moyen de la suramende prononcée par l’Autorité des marchés financiers, l’Autorité de régulation des jeux en ligne, l’ARJEL, ou l’Autorité de la concurrence, c’est tout de même une drôle d’idée, monsieur le secrétaire d’État !

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