Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, la plupart d’entre vous penseront sans doute que cette motion a déjà été défendue ; c’est pourquoi je me bornerai à faire quelques observations complémentaires.
Je rappelle tout d’abord le calendrier : le projet de loi a été déposé sur le bureau du Sénat le 23 avril 2014 et il n’a été étudié, à la demande du Gouvernement, qu’en novembre 2014. Entretemps, évidemment, la procédure accélérée avait été demandée par le Gouvernement, qui se réveillait un peu tard. Je procède à ce rappel, car l’on ne peut pas invoquer la procédure accélérée à tort et à travers. Il faudra sans doute veiller à ce que, désormais, les textes déposés considérés comme urgents soient inscrits le plus rapidement possible à l’ordre du jour par le Gouvernement. La logique doit prévaloir.
Je rappellerai également l’ajout de ces vingt-huit articles, qui sont purement et simplement des cavaliers législatifs pour la plupart. Certains n’apparaissent pas opportuns sur le fond, mais, surtout, leur caractère de cavaliers législatifs constitue un motif d’inconstitutionnalité.
Je voudrais également rappeler pourquoi le fameux article 5 septdecies A ne peut pas constituer une transposition de la directive du 20 novembre 2013.
Outre que je m’étonne que cet argument, qui a aussi été repris par la garde des sceaux, n’ait été soulevé que très tardivement – dès le départ, on savait qu’il s’agissait de transposer une directive européenne –, je m’élève en faux contre l’affirmation selon laquelle il s’agirait d’une transposition de la directive.
La directive du 20 novembre 2013 a pour objet non pas la procédure pénale, mais la reconnaissance des qualifications professionnelles au sein des pays membres de l’Union européenne. Certes, celle-ci fait obligation aux autorités compétentes des États membres de mettre à jour le dossier d’information concernant certaines professions réglementées avec les informations sur les sanctions disciplinaires ou pénales.
Toutefois, la directive précise bien que cette mise à jour s’effectue « sans préjudice de la présomption d’innocence ». Elle concerne donc exclusivement les condamnations et les sanctions disciplinaires. En aucun cas, elle ne pourrait concerner les affaires en cours.
Surtout, cette obligation d’information concerne les autorités des États membres entre elles ; elle ne concerne pas, comme le prévoit l’article ajouté par l’Assemblée nationale à la demande du Gouvernement, des transmissions d’informations entre l’autorité judiciaire et les autorités administratives. Je note d’ailleurs que, à aucun moment, le texte du Gouvernement et de l’Assemblée nationale n’évoque cette transmission à des autorités étrangères, puisque n’est visée dans le texte que la transmission d’informations entre des administrations de notre pays.
En conséquence, on ne peut vraiment pas affirmer sérieusement que l’article visé a vocation à transposer la directive du 20 novembre 2013.
Pour conclure, nous sommes bien sûr conscients de la réalité des faits et de la nécessité de donner une base légale à certaines dispositions réglementaires, telles que des circulaires. Cependant, il ne faudrait pas tenter de nous faire croire qu’il n’existe aucune disposition en la matière et que ces problèmes sont nouveaux. De nombreux parlementaires et plusieurs gouvernements successifs se sont penchés sur ces questions, et si le moment est venu d’y consacrer un travail serein, nous y sommes prêts !
Je demande donc que la proposition de loi de notre collègue Catherine Troendlé, par exemple, ou d’autres textes proches, puisse être inscrite à l’ordre du jour du Sénat dès la rentrée parlementaire, ce qui nous permettra d’engager un vrai débat avec l’Assemblée nationale, sur la base de nos échanges récents, et avec le Gouvernement, afin que nous puissions adopter une vraie loi, conforme aux grands principes de notre République. En effet, comme l’a rappelé notre collègue Jacques Mézard, le processus législatif ne saurait se limiter à une opération purement médiatique en réaction aux événements.