Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, le traitement de ce texte est à l’image de celui qui a été accordé à tous les projets de loi qui nous ont été soumis dernièrement et qui nous le seront encore à la rentrée. Au fil des procédures, nous voyons naître des monstres juridiques, à l’instar de la loi Macron ou du projet de loi de modernisation de notre système de santé, qui dépassent chacun la centaine d’articles.
La multiplication des procédures accélérées et les amendements de dernière minute, y compris dans le cadre de la mise en œuvre de la procédure de l’article 49, alinéa 3, de la Constitution, sont à l’origine de dysfonctionnements pour notre Parlement, comme l’a souligné Jean-Jacques Urvoas, président de la commission des lois de l’Assemblée nationale, en critiquant la propension croissante du Gouvernement à déposer des amendements tardifs et significatifs.
La tenue automatique de longues sessions extraordinaires rend nos travaux difformes et difficiles à suivre. Au-delà du travail, devenu sérieusement insoutenable, ce mode de fonctionnement nuit aussi et surtout au débat démocratique.
L’inflation législative et la multiplication des lois d’affichage réduisent plus encore le Parlement au rôle de chambre d’enregistrement. Le déséquilibre institutionnel au profit du pouvoir exécutif induit par la Constitution de 1958 devient caricatural.
Sur la forme, qui finalement empiète largement sur le fond de nos travaux, nous souscrivons à l’analyse que vient de développer notre rapporteur, François Zocchetto.
Bien que nombre de mesures ajoutées par l’Assemblée nationale soient pertinentes, bien que les exemples cités par M. le secrétaire d’État ne nous laissent pas indifférents – notamment en ce qui concerne les délais que la justice prend parfois pour s’exprimer –, leur accumulation pose une question de principe : quelles sont les prérogatives du Sénat dans de tels cas de figure ? Il ne s’agit pas simplement de se sentir « quelque peu froissé », comme l’a déclaré en commission mixte paritaire le rapporteur pour l’Assemblée nationale, M. Dominique Raimbourg, mais bel et bien de veiller au bon fonctionnement de notre Parlement bicaméral et au sérieux de ses travaux, comme l’ont dit nombre de nos collègues.
Sur le fond, mes chers collègues, comme nous vous l’avons expliqué lors de la discussion générale, nous nous opposons également à l’article 5 septdecies A. Malgré les garde-fous mis en place par la commission des lois de l’Assemblée nationale, les faits restent les mêmes : d’une part, on « sous-traite » une question judiciaire à l’administration, d’autre part, on écorne largement le principe de présomption d’innocence à valeur constitutionnelle.
Pour toutes ces raisons, le groupe communiste républicain et citoyen votera cette motion tendant à opposer l’exception d’irrecevabilité.