Intervention de Catherine Deroche

Commission des affaires sociales — Réunion du 22 juillet 2015 à 9h00
Modernisation de notre système de santé — Examen du rapport et du texte de la commission

Photo de Catherine DerocheCatherine Deroche, rapporteure :

Plusieurs dispositions du titre Ier, consacré à la prévention, nous paraissent aller dans le bon sens : l'assouplissement des conditions d'accès à la contraception d'urgence des élèves du second degré (article 3), le renforcement de la lutte contre la consommation excessive d'alcool, en particulier chez les jeunes (article 4), la faculté d'apposer une signalétique nutritionnelle complémentaire sur les emballages alimentaires (article 5) ou encore l'encadrement de l'usage des appareils de bronzage artificiel (article 5 quinquies E).

En ce qui concerne la lutte contre la valorisation de la maigreur, nous vous proposerons de préciser l'article 5 quinquies B, relatif à l'information sur les photographies retouchées, afin d'en garantir la clarté et la constitutionnalité, et de revenir sur la création d'un délit pénal d'incitation à la maigreur excessive, que nous jugeons contre-productive (article 5 quinquies A).

Plusieurs autres dispositions de ce chapitre ne nous paraissent pas devoir être maintenues car elles prétendent faire évoluer les pratiques de manière déclaratoire, sans prévoir de moyens correspondants.

Vingt articles sont consacrés à la lutte contre le tabagisme, objectif que nous partageons. Près de quarante ans après la loi Veil et la création des zones non-fumeurs, la lutte anti-tabac reste en effet d'actualité : la France compte plus de 13 millions de fumeurs et la prévalence du tabagisme est repartie à la hausse.

Cette question de santé publique tend à se doubler d'une question sociale : le tabagisme recule chez les plus diplômés (20 %) et chez les personnes aux revenus les plus élevés (22 %) ; il reste en revanche très élevé chez les personnes au chômage (48 %) et chez celles ayant un revenu bas (36 %).

Nous connaissons l'efficacité de l'augmentation brutale de la fiscalité et des prix. En 2003, dans le cadre du premier plan cancer, une augmentation de 40 % des prix du tabac a entraîné une chute de 32 % de la consommation. Aucun ministre de la santé n'a depuis obtenu de pouvoir répéter cette opération. Au 1er janvier 2015, aucune augmentation n'est intervenue. C'est pourquoi nous soutenons la disposition, adoptée par l'Assemblée, de cosignature par le ministre de la santé de l'homologation des prix du tabac, tout en étant bien conscients que l'augmentation des taxes peut avoir pour effet d'augmenter le marché parallèle et qu'elle nécessite désormais d'obtenir une attitude moins opportuniste de la part de nos voisins européens. Cela doit aller de pair avec des mesures de prévention et une action sur l'attractivité du produit : il s'agirait de ringardiser le tabac.

Les achats de tabac hors du réseau des buralistes augmenteraient à proportion des mesures anti-tabac : le chiffre de plus d'un quart d'achats de tabac hors réseau émane d'une étude réalisée chaque année par le cabinet KPMG pour le compte d'industriels du tabac. Les douanes confirment cet ordre de grandeur avec une nuance de taille : là où l'étude KPMG estime les achats transfrontaliers légaux à 5 %, ils sont de 20 % dans une étude officielle réalisée en 2011, ce qui change assez fortement la donne sur les priorités. À mon sens, notre premier combat est celui de l'harmonisation fiscale au niveau européen, alors que nos voisins mènent clairement dans ce domaine une politique non coopérative.

Vis-à-vis des buralistes, nous devons être très clairs sur les principes : si nous ne pouvons pas soutenir la consommation de tabac, nous devons accompagner leur évolution vers la commercialisation d'autres biens et services, en repensant leur place de façon volontariste, notamment dans les services au public en zone rurale où ils souffrent particulièrement.

La traçabilité sécurise la chaîne de distribution au profit du consommateur en traçant chaque carton, cartouche ou paquet de cigarette, du producteur au dernier distributeur, avant le premier détaillant. Or en France, l'authenticité des cigarettes est d'ores et déjà garantie par le monopole de distribution des buralistes ; les cigarettes de contrebande (illicit white) n'entrent pas dans ces mécanismes de traçabilité. N'attendons par conséquent pas plus de ce mécanisme que ce qu'il peut nous offrir.

Sur la base de ces constats, nous avons abordé les articles relatifs au tabac avec détermination (interdiction de la publicité résiduelle et du mécénat, des arômes et des additifs, vente aux mineurs, tabagisme en voiture), réalisme (sanctions pénales, taxation du chiffre d'affaires, harmonisation européenne) et pragmatisme (wagons pour vapoteurs dans le RER, distance des débits de tabac à l'égard des lieux protégés).

Bien que nous ne proposions pas de solution définitive sur la transparence des cadeaux faits par les industriels du tabac, le système proposé dans le projet de loi ne nous semble pas opérationnel.

Enfin, les dispositions relatives aux données de santé, à l'action de groupe, à la place de la démocratie sanitaire et au droit à l'oubli pour les anciens malades du cancer nous paraissent aller dans le bon sens et n'appellent pas de remarques particulières à ce stade.

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