Intervention de Jean-François Longeot

Commission des affaires sociales — Réunion du 22 juillet 2015 à 9h00
Modernisation de notre système de santé — Examen du rapport et du texte de la commission

Photo de Jean-François LongeotJean-François Longeot, rapporteur pour avis de la commission de l'aménagement du territoire :

Sur 209 articles, la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable ne s'est saisie que des dix-sept qui entrent directement dans le champ de sa compétence : seize articles, pour l'essentiel ajoutés lors du débat à l'Assemblée nationale, traitant des questions de santé et d'environnement et un article - le seul - relatif à la lutte contre les déserts médicaux.

En ce qui concerne les aspects santé-environnement, la commission soutient la plupart des avancées du projet de loi : la prise en compte de la notion d'exposome, le renforcement de la surveillance des pollens et moisissures de l'air extérieur, l'amélioration des remontées d'information sur l'amiante et le plomb, la mise en place de valeurs de référence pour l'exposition au radon, l'encadrement des brumisateurs d'eau dans l'espace public ou encore l'interdiction des jouets au bisphénol A.

Nous souhaitons en revanche d'aller plus loin en ce qui concerne les appareils de bronzage : à mon initiative, la commission a adopté un amendement à l'article 5 quinquies E afin d'interdire purement et simplement les cabines UV. Il est prouvé qu'une seule exposition en cabine UV avant l'âge de 35 ans augmente de 59 % le risque de cancer de la peau ; le nombre de mélanomes a triplé entre 1980 et 2005 en France pour atteindre 9 780 nouveaux cas et 1 620 décès. Il est temps d'agir : au demeurant, l'interdiction, déjà mise en oeuvre au Brésil et en Australie, est recommandée par l'Académie de médecine depuis de nombreuses années.

En matière de lutte contre les déserts médicaux, les mesures mises en oeuvre par le Gouvernement dans le cadre du pacte territoire-santé sont utiles mais elles ne résoudront pas à elles seules l'épineuse équation de la démographie médicale à horizon 2020. Il faut, là aussi, aller plus loin conformément aux recommandations du rapport Maurey de 2013.

La France n'a jamais compté autant de médecins - 198 365 en exercice régulier en 2015, dont 44,7 % de libéraux - mais ils n'ont jamais été aussi mal répartis sur le territoire. Les écarts de densité varient de 1 à 4 entre le département de l'Eure, qui compte 167 médecins pour 100 000 habitants et Paris qui recense 678,2 médecins pour 100 000 habitants.

Globalement, l'exode médical du centre de la France vers les régions littorales et la façade ouest continue de s'aggraver. Même la région Ile-de-France enregistre une diminution de 6 % de ses médecins entre 2007 et 2015. Je vous rappelle enfin qu'il y a des déserts médicaux dans tous les départements, y compris les mieux dotés.

Les écarts de densité sur le territoire varient également en fonction des spécialités : en 2014, ils sont de 1 à 2 pour les médecins généralistes, de 1 à 8 pour les médecins spécialistes, de 1 à 9 pour les infirmiers libéraux.

La situation constatée par Hervé Maurey en 2012 n'a pas changé - trois millions de Français vivent dans un désert médical. Elle pourrait même s'aggraver : le nombre de médecins généralistes est passé de 64 778 en 2007 à 58 104 en 2015, soit une baisse de 10,3 %, et une diminution supplémentaire de 6,8 % est à prévoir d'ici 2020. Quatre autres spécialités sont également en souffrance : la rhumatologie (-10,3 % depuis 2009), la dermatologie (-7,7 %), la chirurgie générale (-24,7 %) et l'ORL (-7,8 %). Ces difficultés vont encore s'accentuer si aucune réponse forte n'est apportée : le creux démographique est attendu pour 2020.

Les incitations mises en place par presque tous les gouvernements successifs depuis le début des années 1990 n'ont pas eu les effets escomptés. Par conséquent, la commission a adopté, à l'unanimité, deux amendements qui mettent en oeuvre les propositions du rapport Maurey de 2013.

Le premier consiste à avancer vers la professionnalisation des études de médecine. Chaque année, environ 25 % des médecins diplômés d'une faculté française décident finalement de ne pas s'inscrire au tableau de l'ordre des médecins pour exercer d'autres professions. Ce sont autant d'années d'études de médecine coûteuses financées en pure perte par la société. De plus, la médecine générale ne séduit toujours pas les futurs praticiens : seulement 46 % des places ouvertes en médecine générale sont occupées par des internes.

Pour éviter ces abandons de vocation, la commission souhaite offrir aux étudiants la possibilité d'appréhender le plus tôt possible les contours de leur futur métier, grâce à une expérience de terrain en amont de leur cursus. La France accuse un véritable retard en matière de professionnalisation des études de médecine, alors que le Canada ou l'Estonie ont déjà complètement réorienté leurs mécanismes de formation vers l'immersion précoce. La commission souhaite par conséquent favoriser « l'immersion précoce des étudiants dans un environnement professionnel ». Elle traduit cette volonté dans les faits en rendant obligatoire un stage d'initiation à la médecine générale dès le deuxième cycle des études de médecine.

Le second amendement met en place un dispositif de régulation de l'installation des médecins, sur le modèle du conventionnement sélectif en vigueur dans la plupart des professions de santé depuis 2008 et plus anciennement chez les pharmaciens. En complément d'aides à l'installation dans les zones classées comme très sous-dotées, il propose une régulation des nouveaux conventionnements dans les zones sur-dotées en vertu de la règle d'une entrée pour un départ, dont l'efficacité n'est plus à démontrer. Chez les infirmiers, elle a entraîné une progression des effectifs dans les zones très sous-dotées de 33,5 % entre 2008 et 2011, ainsi qu'une diminution de 2,8 % dans les zones sur-dotées, après une progression de 8,5 % entre 2006 et 2008. Une évolution analogue est constatée chez les sages-femmes.

Inversement, lorsque le conventionnement sélectif prend fin, le solde des installations s'inverse à nouveau. L'annulation par le Conseil d'Etat, le 17 avril 2014, du dispositif de régulation mis en place fin 2011 pour les masseurs-kinésithérapeutes a ainsi entraîné une reprise presque immédiate des installations en zone sur-dotée, avec une augmentation de 25 % entre 2013 et 2014.

Le conventionnement sélectif complète utilement les mécanismes d'incitation en faveur des zones sous-dotées : ce sont les deux piliers d'une même stratégie, qui ne peut fonctionner correctement si l'un vient à manquer.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion