Ma question porte sur la situation de l’usine de production d’aluminium Rio Tinto Alcan de Saint-Jean-de-Maurienne, en Savoie.
À l’occasion du comité central d’entreprise qui s’est tenu le 13 octobre dernier, ce groupe a annoncé la suppression de 320 emplois en France, dont 179 en Maurienne, dans le cadre du plan dit de « sauvegarde de la compétitivité de la société Aluminium Pechiney ». Le site en question, qui comprend également une plateforme d’essais et de démonstration technologique, emploie quelque 700 personnes, ce qui engendre environ 3 000 emplois indirects dans une vallée forte de 40 000 habitants. C’est dire combien une telle décision touche une région industrielle déjà très durement éprouvée par la crise économique.
Si les industries électro-intensives sont frappées de plein fouet par la crise, notamment en raison d’une baisse considérable du prix de l’aluminium, les difficultés qu’elles auront à connaître s’accentueraient gravement si des mesures n’étaient pas prises pour diminuer le coût de l’énergie. En effet, l’avenir de la filière aluminium en France repose sur le coût de l’énergie électrique, qui représente l’essentiel des coûts de production, malgré les progrès technologiques imputables aux recherches entreprises par le laboratoire de recherche et des fabrications situé à Saint-Jean-de-Maurienne.
Cette industrie de l’aluminium, forte consommatrice d’énergie, a aussi été gravement touchée par la baisse du prix de l’aluminium, lequel, il faut le rappeler, est fixé par le London metal exchange. Bien que l’on observe aujourd’hui une timide reprise, ce prix reste fort éloigné de ce qu’il était ces dernières années.
Par conséquent, si des mesures n’étaient pas prises pour diminuer le coût de l’énergie, qui intervient pour plus de 30 % dans le prix du métal, c’est toute la filière française qui risquerait d’être condamnée.
Or cette industrie est tout à fait stratégique, ne serait-ce que pour la fabrication des Airbus. Au fil des OPA et des restructurations, il ne reste plus, rappelons-le, que deux sites en France : l’un se trouve à Dunkerque et l’autre à Saint-Jean-de-Maurienne. Ce dernier, grâce à son laboratoire de recherche et des fabrications, est à l’origine de toutes les économies énergétiques et de l’essentiel des progrès technologiques réalisés, nécessaires à la fabrication des cuves d’électrolyse modernes, qui équipent près de 80 % des sites de production au monde.
L’unité de Saint-Jean-de-Maurienne est, certes, une grosse consommatrice d’énergie, mais elle avait bénéficié, lors de sa modernisation en 1983, d’un contrat énergétique préférentiel.
En effet, Pechiney avait accepté d’aider EDF à investir dans le nucléaire, en contrepartie d’un contrat énergétique préférentiel dont la durée est indexée sur la durée de vie théorique des centrales nucléaires. Celui-ci doit normalement prendre fin en 2012, avec pour conséquence un fort renchérissement du coût de l’énergie.
La direction de Rio Tinto Alcan a entamé des négociations, afin d’obtenir la prolongation de ce contrat dès 2006 et, devant l’absence d’avancées significatives, a assigné EDF devant le tribunal de commerce de Paris en 2007. Il paraît en effet logique, puisque la durée de vie des centrales nucléaires dans lesquelles Pechiney a investi, initialement de trente ans, sera portée à quarante ans et plus, que le tarif préférentiel pour Rio Tinto Alcan soit prolongé d’autant.
Le dispositif dit « Exceltium », mis en place avec d’autres grosses industries, ne répond que partiellement aux attentes, puisqu’il se traduit par une augmentation de 50 % du prix de l’électricité par rapport au prix initial.
Je souhaite donc connaître les mesures que le Gouvernement entend prendre pour trouver une solution « euro-compatible » permettant d’assurer à cette industrie des coûts compétitifs en matière d’énergie.
Au lieu d’insister ou de contraindre, ne pourrait-on imaginer un contrat gagnant-gagnant avec le groupe Rio Tinto Alcan ? La France pourrait s’engager à fournir à ce dernier une électricité à un coût compétitif dans un marché très mondialisé. En retour, l’entreprise prendrait l’engagement d’investir et de maintenir les emplois. Je rappelle que les Québécois ont réussi à signer un tel contrat, liant conditions de vente de l’énergie et quantification des emplois.