Intervention de Jean-Lou Blachier

Mission commune d'information sur la commande publique — Réunion du 21 juillet 2015 à 16h10
Audition de M. Jean-Lou Blachier médiateur national des marchés publics

Jean-Lou Blachier, Médiateur national des marchés publics :

Chef d'entreprise, voilà mon métier, et c'est en tant que numéro deux de la CGPME nationale que cette fonction m'a été proposée, ce qui m'a éloigné de mon entreprise.

En tant que médiateur, j'ai deux fonctions, l'une défensive (aider à régler des conflits) et l'autre offensive (diffuser les bonnes pratiques).

Il est en effet très intéressant de mettre en relation la sphère publique et les entreprises. La médiation, c'est aussi la rencontre, le dialogue. J'ai rencontré de multiples chefs d'entreprise afin de montrer que la commande publique - 200 milliards d'euros ! - peut être un levier de croissance.

Le chiffre d'affaires de la restauration collective (19 milliards d'euros, 10 millions de repas tous les jours) doit par exemple profiter aux entreprises territoriales et à l'emploi. Encore faut-il savoir comment s'y prendre car seuls 20 % de la commande publique sont assurés par nos PME-PMI.

L'aspect défensif de ma mission, ce sont les 264 cas traités en 2013. En deux ans et demi, j'ai rencontré plus de 15 000 chefs d'entreprises au cours de 74 déplacements sur le terrain. À ce jour, nous avons été saisis de plus de 700 dossiers de médiation. Dans environ 80% des cas, nous avons résolu les conflits. Nous avons informé les entreprises que nos interventions étaient gratuites et nous résolvons les dossiers en moyenne en deux mois et demi, ce qui est très important parce cela évite de casser les relations entre l'acteur public et l'entreprise. Nos interventions ont impacté 120 000 emplois.

Près de 85 % des saisines proviennent d'entreprises de moins de 250 salariés, mais de très grandes entreprises nous ont également saisis, dont certaines cotées au CAC 40. En outre, 3% des saisines sont le fait de la sphère publique : le médiateur est des deux côtés. Concernant ces saisines « publiques », 25 % proviennent des communes, 10 % des intercommunalités, 11 % des établissements publics locaux, 7 % des conseils régionaux, 13 % de l'État, 15 % des entreprises à participation publique.

Les secteurs ayant le plus recours à la médiation sont le bâtiment et les travaux publics (31%). Viennent ensuite les services (27 %), l'industrie (7 %) et le numérique (5 %).

Les principaux motifs de saisine tiennent aux conditions de paiement. Les retards de paiement sont le plus souvent dus à des insuffisances de trésorerie, mais aussi à des erreurs matérielles. Enfin, lorsque des ajouts aux marchés sont réalisés sans accord sur le prix, certaines collectivités refusent de les payer.

La directive « marchés publics » me convient en ce qu'elle facilite l'accès des PME à ces marchés. En outre, elle prévoit des simplifications - le travail de Thierry Mandon, ancien Secrétaire d'État à la Réforme de l'État et à la Simplification, a été extrêmement intéressant -, soutient l'innovation et fait de la commande publique un levier de croissance.

Ma position sur le projet de transposition est plus mesurée, car si la volonté de rationalisation mérite d'être saluée, je m'inquiète des sur-transpositions : nous sommes les champions en ce domaine et faisons des textes compliqués à partir de directives simples. Pourquoi porter l'obligation d'archivage de trois à dix ans ? De même, certains marchés qui font l'objet de régimes spécifiques chez nos voisins n'en bénéficient pas chez nous, ce qui pénalise nos entreprises. Résultat, le tramway entre Strasbourg et Kehl a été attribué à une entreprise allemande.

En outre, les Allemands savent mieux se protéger que nous. L'intervention de leurs assureurs impose le critère GS (qualité allemande), ce qui favorise leurs entreprises. Ne faudrait-il pas que la France se penche sur cette question ? Les nombreuses exceptions à l'obligation d'allotissement nuisent à la lisibilité : ne comprenant pas le marché proposé, les entreprises ne soumissionnent pas. En outre, la massification des achats est peu favorable aux TPE-PME. Oui, il faut durcir les règles pour conforter l'utilisation stratégique de la commande publique et lutter contre le dumping social et financier. Les collectivités doivent aller vers le mieux disant.

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