Intervention de Victor Haïm

Commission d'enquête Autorités administratives indépendantes — Réunion du 16 juillet 2015 à 9h00
Audition de M. Victor Haïm président et de M. Eric Girard-reydet secrétaire général de l'autorité de contrôle des nuisances aéroportuaires acnusa

Victor Haïm, Président de l'Autorité de contrôle des nuisances aéroportuaires :

Permettez-moi tout d'abord de vous remercier pour votre invitation qui constitue une première. Il y a eu, par le passé, plusieurs rapports parlementaires sur les autorités administratives indépendantes pour lesquels nous n'avions pas été auditionnés.

L'ACNUSA a été créée en 1999 et s'occupait alors uniquement de nuisance sonore d'origine aérienne. Son champ de compétences a été élargi en 2010 pour aborder l'ensemble des pollutions liées à l'activité aéroportuaire. L'ensemble de la procédure de sanction lui a également été affecté à cette date, elle ne disposait jusqu'alors que d'une compétence partielle en la matière.

Le collège de l'ACNUSA est composé de dix membres. Trois d'entre eux, dont le président, sont nommés par le président de la République et les présidents des deux chambres. Les sept autres membres le sont par les ministères compétents dans son champ d'activité : transports, environnement ou santé. Il s'agit essentiellement d'experts, de techniciens et non de fonctionnaires généralistes : un psychanalyste spécialiste des effets du bruit, un ancien pilote, un médecin spécialiste du sommeil, un ancien directeur du département acoustique du Centre scientifique et technique du bâtiment (CSTB) ou un ancien responsable du pôle Modélisation environnementale à l'Institut national de l'environnement industriel et des risques (INERIS). Leur mandat est de six ans, non renouvelable. Les membres du collège ne peuvent pas être révoqués mais ils peuvent démissionner. Il peut également être mis fin à leur fonctions si un manquement à l'impartialité ou à l'indépendance était constaté. C'est notamment le cas s'ils ont un lien avec une activité aéroportuaire ou s'ils sont simplement riverains. Chacun prête serment. Le collège est renouvelé par moitié tous les trois ans, ce qui évite le risque de carence. Il ne peut délibérer qu'à la condition que cinq au moins de ses membres soient présents.

Dans le cadre de la procédure de sanction, sept personnes peuvent être associées aux travaux d'enquête. Il s'agit de deux représentants des professions aéronautiques, de deux représentants d'associations de riverains, d'un membre d'une association de protection de l'environnement, d'un représentant d'activités riveraines d'un aéroport et d'un représentant du ministère chargé de l'aviation civile. Toutes ces personnes sont en lien avec les activités concernées par l'ACNUSA. Ils participent aux auditions, font des propositions mais ne n'assistent pas aux délibérations sur les sanctions. Il s'agit simplement d'un éclairage complémentaire et pertinent sur les situations abordées.

Le collège est assisté d'un service, qui comprend onze agents, trois, dont le secrétaire général, étant des fonctionnaires détachés et les huit autres des agents contractuels, recrutés directement par l'ACNUSA. Tous sont placés sous l'autorité du président de l'ACNUSA et sont tenus au secret professionnel.

Les autorités administratives indépendantes sont souvent classées en fonction de leur rôle en matière de régulation ou de leur pouvoir de sanction. L'ACNUSA remplit les deux rôles. Son activité diffère néanmoins selon le type d'aéroport. Elle dispose de pouvoirs complets sur les aéroports dont le trafic dépasse 20 000 mouvements d'avions de plus de 20 tonnes. Onze aéroports sont concernés auquel il convient d'ajouter celui du Bourget, compte tenu de sa proximité avec celui de Roissy. Ces aéroports sont dits « acnusés ». L'ACNUSA y contrôle les mesures, l'installation des éléments de mesure et les indicateurs. Pour les autres aéroports, l'autorité dispose d'un avis consultatif. Elle intervient comme autorité de contrôle a priori puisque tous les plans d'exposition au bruit (PEB) ou tous les plan de gêne sonore (PGS) doivent lui être soumis préalablement ainsi que tous les textes relatifs à des règlements sur des procédures. Tous les plans de protection de l'atmosphère ou les schémas régionaux du climat, de l'air et de l'énergie lui sont également présentés à partir du moment où ils concernent un territoire où est installé un aéroport « acnusé » ou si ce territoire est impacté par les pollutions atmosphériques d'un tel aéroport. L'ACNUSA rend une quinzaine d'avis par an. Neuf ont déjà été rendus au premier trimestre 2015.

Dans le domaine des nuisances sonores, l'ACNUSA dispose également d'un pouvoir de contrôle a posteriori, qui vise les mesures et les installations de mesures. Il s'agit de vérifier si ce que nous avons souhaité est bien mis en place.

Nous disposons enfin d'un pouvoir de sanction visant toute personne exerçant une activité aérienne rémunérée ou non, de personnes au profit desquelles cette activité est rémunérée et des fréteurs. Cette sanction s'impose dès lors que ces personnes ne respectent pas les mesures de restrictions ou les procédures prises par l'ACNUSA. Ces amendes peuvent atteindre 1 500 euros pour une personne physique et 20 000 euros pour des personnes morales. Elle peut même, dans certains cas, être portée à 40 000 euros, en application d'une loi adoptée en 2012 et entrée en vigueur le 1er janvier 2014. Il s'agit de manquements qui ne peuvent pas ne pas être volontaires et concernent surtout les vols de nuit. Les contrevenants n'utilisent pas les créneaux qui leurs sont attribués ou ne respectent pas l'interdiction qui les vise spécifiquement quand ils sont trop bruyants. Ces amendes font l'objet d'une décision motivée. Celle-ci est prise à l'issue d'une procédure équitable respectant l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'Homme. Le montant de ces amendes est versé au budget de l'État. Plus de 40 millions d'euros d'amende ont été infligés depuis la création de l'ACNUSA, dont 3 millions environ en 2014. Le changement de législation abordé tout à l'heure contribuer à majorer ces amendes, 2,4 millions d'euros ont déjà été récupérés au premier semestre 2015.

L'ACNUSA intervient également dans les procédures d'arbitrage et de concertation, dans un souci de recherche de transparence. Il s'agit sans doute de sa mission la plus délicate. Nous informons le public, alors que la direction générale de l'aviation civile (DGAC) ou les aéroports sont plutôt enclins à une certaine opacité. Nous avons du mal à obtenir des informations sur le trafic des avions. Nous souhaitons que les aéroports se dotent d'instruments de suivi des vols accessibles au public ou que la DGAC les impose, à l'instar de la plupart des pays développés, je pense notamment au Royaume-Uni ou aux États-Unis. Or les aéroports estiment que c'est à la DGAC d'intervenir en ce sens et la DGAC considère qu'il s'agit d'une obligation incombant aux aéroports. Nous veillons dans le même temps à ce que le public puisse avoir accès aux PEB ou aux PGS. Nous participons également à un travail de médiation et de dialogue. Nous sommes ainsi à l'origine des chartes en vigueur au sein des aéroports de Cannes et de Bron. Nous en assurons également le respect.

L'ACNUSA adopte enfin des recommandations. Il s'agit de sa première mission si on consulte le code des transports. Elle les élabore de sa propre initiative ou pour répondre à la demande d'un ministre, d'une commission consultative, d'un établissement public de coopération intercommunale ou d'une commune présents dans une zone impactée par un aéroport. Les recommandations portent sur les sources de la pollution, c'est-à-dire les avions, les procédures au sol ou en l'air et les conditions et modalités d'utilisation des territoires survolés. L'ACNUSA intervient peu dans le premier cas, essentiellement de nature technique et faisant déjà l'objet de discussions aux niveaux national et international. Nous n'avons pas trop notre place dans ce débat. Elle intervient beaucoup plus sur les procédures, notamment sur le survol des communes ou de zones particulières. Sur la question de l'utilisation des territoires survolés, nous sommes confrontés à une double augmentation celle du trafic aérien et celle de la population et donc de l'augmentation des logements. En 2003, l'ACNUSA considérait qu'il y avait 2 millions de personnes survolées en région parisienne. Aujourd'hui ce chiffre s'établit entre 4 et 5 millions de personnes.

Pour accomplir ces missions, nous disposons de moyens d'investigations. Notre budget s'établit ainsi à 1,1 million d'euros affectés aux dépenses de personnel et de 440 000 euros dédiés aux frais de fonctionnement. Ces crédits nous permettent de publier un certain nombre d'études, je pense à celles en 2012 sur le roulage, le bâti ou en 2014 sur les populations vivant dans les PEB. Ces études nous sont utiles faute de transmission d'information par la DGAC et nous sommes donc obligés de les financer, ce qui n'est pas toujours facile.

Nous publions également un rapport annuel, que nous essayons de transmettre le plus rapidement possible. Il contient l'état de nos recherches et nos recommandations. L'administration est tenue d'apporter une réponse écrite et motivée à celles-ci dans les six mois. La DGAC doit notamment justifier son refus de suivre nos recommandations.

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