Intervention de Emmanuel Macron

Réunion du 30 juin 2015 à 14h30
Croissance activité et égalité des chances économiques — Discussion en nouvelle lecture d'un projet de loi dans le texte de la commission

Emmanuel Macron :

La co-construction législative a été un autre principe retenu pour l’élaboration de ce texte, comme en témoigne la durée totale des débats dans les deux chambres : plus de 400 heures. Ils ont permis un enrichissement constant, à l’Assemblée nationale comme au Sénat, puisque, sur plus de 8 000 amendements discutés, plus de 2 000 ont été intégrés au texte.

Ce projet de loi répond à cinq engagements indispensables en vue de l’amélioration du fonctionnement de notre économie : c’est un texte pour l’activité, pour l’emploi, pour l’investissement, pour les TPE et les PME, pour l’égalité des chances économiques.

C’est d’abord un projet de loi tendant à promouvoir l’activité et l’entrepreneuriat. En effet, nous allons ouvrir des secteurs de notre vie économique où l’activité était jusqu’alors entravée. Ainsi, en permettant l’ouverture de lignes de transport par autocar sur l’ensemble de notre territoire, ce texte contribuera à faciliter la mobilité et à développer un secteur d’activité économique. Cette mesure d’ouverture a souvent été jugée anecdotique, voire traitée par la dérision : si l’on parvient à créer par ce biais, comme l’indiquent les études, plusieurs dizaines de milliers d’emplois, je défie quiconque de la dire encore anecdotique, surtout dans la période que nous vivons. Je souhaite que l’on puisse mettre en œuvre rapidement cette mesure après la promulgation de la loi : c’est une des priorités fortes du Gouvernement.

Ce texte va aussi faciliter le travail et l’ouverture des commerces de détail le dimanche. La création des zones touristiques internationales engendrera mécaniquement de l’activité, compte tenu de leur conception et de leur localisation mêmes.

Ce texte permettra également aux maires qui le souhaiteront, dans les territoires qui en éprouveront le besoin, d’autoriser les commerces de leur commune à ouvrir jusqu’à douze dimanches par an. L’équilibre entre les territoires sera préservé grâce au mécanisme de consultation de l’intercommunalité que prévoit le projet de loi, dans un esprit de justice puisqu’il ne pourra y avoir d’ouverture dominicale sans accord, lequel fixera les termes d’une compensation qui, aujourd’hui, n’existe pas toujours.

Parce qu’il a pour objectif de stimuler l’activité, ce texte fait le choix du risque contre la rente : c’est l’un des éléments constitutifs de sa philosophie même.

Demain, les entrepreneurs qui se lancent pourront recruter très vite les meilleurs talents en les associant à leur capital, grâce aux bons de souscription de parts de créateur d’entreprise, les BSPCE. Les entreprises pourront attirer ou conserver les salariés les plus méritants ou les plus indispensables grâce à l’alignement du système des actions de performance sur les standards européens.

C’est ainsi que nous entendons encourager la prise de risque, tandis que, pour lutter contre la rente, nous rénovons le dispositif des retraites chapeaux en introduisant plus de contraintes et de contrôle, afin qu’elles ne puissent plus se constituer trop rapidement ou sans lien aucun avec la performance de leurs bénéficiaires.

Deuxièmement, il s’agira d’une loi pour l’emploi.

Pour embaucher, il faut de la visibilité, de la stabilité et de l’agilité. C’est dans cet esprit que le Gouvernement a enrichi ce texte, lors de son examen par la commission spéciale de l’Assemblée nationale, des mesures annoncées par le Premier ministre le 9 juin dernier.

Le souci de visibilité nous a conduits à parachever la réforme des prud’hommes contenue dans ce projet de loi au travers de dispositions additionnelles. Nous avons longuement discuté de cette réforme en première lecture ; je n’y reviendrai pas. Ce texte doit permettre de raccourcir les délais, en les encadrant et en empêchant les manœuvres dilatoires qui sont le lot commun de ces procédures. M. Pillet, qui a longuement travaillé avec nous sur ce texte, le sait : je suis prêt à avoir un débat sincère et dépassionné sur ce sujet, afin que nous nous assurions collectivement que toutes les garanties procédurales figurent bien dans la loi. Je suis d’ailleurs disposé à accepter que certaines procédures qui devraient figurer dans les textes réglementaires soient inscrites dans le présent projet de loi, si cela vous paraît plus simple et plus efficace. En effet, notre objectif est que la justice prud’homale fonctionne mieux, plus rapidement et de manière plus satisfaisante à la fois pour les salariés, en particulier les plus fragiles, et pour les employeurs, notamment les plus petits d’entre eux.

En outre, concernant les indemnités prud’homales, nous avons introduit, par rapport à la première lecture au Sénat, qui avait prévu un plafond unique s’appliquant à l’ensemble des entreprises, un plancher et un plafond en fonction de l’ancienneté du salarié et de la taille de l’entreprise. À la lumière des expériences allemande ou italienne, entre autres, il apparaît qu’un tel système est plus efficace, plus sécurisé. Le plafond étant fixé au-dessus de la moyenne observée, la volatilité du montant des indemnités versées se trouvera réduite, mais pas les droits des salariés. Ce plafond ne s’appliquera pas dans les cas les plus graves de licenciement sans justification, qu’il s’agisse de harcèlement ou d’autres circonstances ; nous aurons l’occasion d’y revenir.

Pour embaucher, il faut aussi de la stabilité, pour les salariés comme pour les entreprises. Apporter de la stabilité est l’objectif des dispositions majeures concernant la sécurisation des licenciements collectifs.

Enfin, l’agilité est également nécessaire, de manière que le licenciement et la destruction d’emplois soient uniquement un dernier recours pour l’entreprise. Nous avons trop souvent eu l’occasion de l’observer, la rigidité qui existe parfois dans le fonctionnement de notre économie, l’impossibilité, pour les acteurs et les partenaires sociaux, sur le terrain, de s’adapter aux circonstances, est l’une des explications des plus fortes destructions d’emplois survenant en cas de difficultés économiques. En 2009, alors que la France a connu une récession deux fois moins grave que l’Allemagne, nous avons détruit sept fois plus d’emplois ! Alors, tout va bien ? Non ! L’une des forces de l’économie allemande tient à sa faculté, par le dialogue social, et non au travers d’une dérégulation échevelée, d’adapter l’organisation du travail au sein de l’entreprise pendant un temps donné afin d’éviter de détruire des emplois et des capacités productives.

C’est dans cet esprit qu’il est proposé d’aménager les accords de maintien dans l’emploi dits « défensifs » au travers de l’ensemble des mesures que le Gouvernement a annoncées le 9 juin dernier. Il s’agit notamment d’étendre la durée de ces accords, d’en permettre l’aménagement selon l’évolution de la situation de l’entreprise et de revenir au texte même de l’accord des partenaires sociaux de janvier 2013 concernant les modalités du licenciement de qui refuserait l’accord de maintien dans l’emploi défensif, défini, je le rappelle, par un accord majoritaire dans l’entreprise.

Visibilité, stabilité et agilité : voilà les moyens de traiter vraiment au fond les problèmes qui rendent notre marché du travail si injuste et si peu efficace.

Troisièmement, il s’agira d’une loi pour l’investissement.

Vous le savez, notre croissance a redémarré, mais elle reste trop faible et, surtout, insuffisamment riche en investissements. Or ce sont les investissements productifs, en particulier, qui feront les emplois de demain.

Il importe de rallumer les moteurs de l’investissement privé. C’est pourquoi la mesure annoncée par le Premier ministre le 8 avril dernier a été intégrée dans le texte, grâce au soutien de l’ensemble des groupes de votre assemblée lors de la première lecture, ce dont je veux de nouveau vous remercier. Cette mesure offre aux entreprises la possibilité d’opérer un suramortissement de leurs investissements productifs. Je le précise de nouveau, toutes les entreprises pourront en bénéficier. Il s’agit d’une avancée extrêmement importante.

Rallumer les moteurs de l’investissement privé, c'est redonner, secteur par secteur, les moyens aux acteurs économiques d’engager plus rapidement des investissements productifs. C’est ainsi pour stimuler l’investissement privé que cette loi contient les mesures indispensables au déploiement à marche forcée du très haut débit sur l’ensemble de notre territoire. Il y va de l’efficacité de l’investissement et de l’égalité entre nos régions et nos départements. C'est l’un des apports substantiels de la première lecture à la Haute Assemblée : le débat nourri que nous avons eu sur les moyens d’assurer la meilleure couverture en matière de téléphonie mobile comme de très haut débit a débouché sur l’octroi de davantage de pouvoirs à l’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes, l’ARCEP, en cas de non-respect par les opérateurs de leurs obligations. Deux réunions organisées après la première lecture au Sénat ont permis d’obtenir, pour la première fois, la conclusion d’une convention signée de l’ensemble des opérateurs, par laquelle ils s’engagent à couvrir en termes d’internet mobile, au-delà des centres-bourgs, les 800 zones prioritaires que nous définirons.

C’est également pour stimuler l’investissement privé que le texte permettra d’abaisser les seuils de mise en concurrence pour les marchés de travaux autoroutiers et de rééquilibrer les contrats passés avec l’État. Là aussi, ce sont des dispositions qui ont été introduites à la Haute Assemblée en première lecture.

Stimuler l’investissement privé, c'est encore intégrer dans le texte les dispositions nécessaires à l’augmentation de la production de logements intermédiaires. Le Sénat avait renforcé ce dispositif important en première lecture.

C’est toujours pour stimuler l’investissement privé que le projet de loi reprend les conclusions des travaux menés par le préfet Duport et celles de la mission du sénateur Richard. Il s’agira de réformer la consultation du public et de favoriser une meilleure articulation des différentes procédures pour réduire significativement le temps nécessaire à la mise en œuvre d’un projet, d’un plan ou d’un programme.

Enfin, dans la même perspective, ce texte permettra un arbitrage plus simple dans les participations de l’État, dont celui-ci pourra se défaire à un prix plus favorable tout en préservant ses intérêts. Nous avons, sur ce point aussi, eu des débats nourris en première lecture. L’Assemblée nationale a d’ailleurs conservé les ajouts introduits par le Sénat : je pense notamment aux dispositions relatives aux privatisations des sociétés de gestion aéroportuaire.

Les TPE et les PME constituent le quatrième axe prioritaire du projet de loi. Ce volet revêt une importance toute particulière en cette période de redémarrage économique et industriel : il s’agit là des entreprises les plus fragiles, mais aussi de celles qui créent le plus d’emplois.

Le texte leur donne plus de visibilité : les TPE et les PME seront les premières bénéficiaires de la réforme de la justice prud’homale. Il tend aussi à leur simplifier la vie avec deux mesures phares : l’absence d’obligation de publication des comptes de résultat pour les entreprises de moins de 50 salariés et l’aménagement des modalités de recouvrement des petites créances. Enfin, il ouvre la voie à un meilleur financement, en permettant aux entreprises de se prêter entre elles directement, sans recourir à une banque. Cette mesure de simplification est utile pour les PME et les TPE, qui sont souvent, surtout en matière de financement de court terme, entravées par certaines contraintes régulatoires du système bancaire. Dans un espace encadré et sécurisé, nous offrons ici d’autres perspectives de financement, ce qui constitue l’un des apports importants de ce texte.

Enfin, c’est une loi pour l’égalité des chances économiques, faite pour celles et ceux qui sont les plus éloignés de l’activité ou les plus fragilisés par les rigidités de notre droit ou de nos systèmes. Il n’y a pas de bonne réforme économique qui se fasse aux dépens des uns ou des autres.

C'est donc d’abord une loi pour les jeunes, qui leur permettra en particulier d’accéder plus simplement, demain, aux professions réglementées du droit. Sans doute peut-on faire encore mieux, mais nous levons, me semble-t-il, des barrières.

De manière plus générale, la réforme du permis de conduire profitera à tous les jeunes. La commission spéciale de l’Assemblée nationale a rétabli cette réforme avec l’accord du Gouvernement, car nous estimons que toutes dispositions doivent être prises pour que le temps séparant les deux examens ne dépasse pas quarante-cinq jours, en aucun point du territoire, d’ici à deux ans. Plusieurs mesures ont déjà été mises en œuvre, mais cette loi permettra d’aller beaucoup plus vite et de prendre des dispositions très concrètes en matière d’organisation de l’examen du code et de l’examen pratique. Ces mesures sont attendues par les jeunes.

Par ailleurs, l’extension, d’ici à la fin de 2016, de la couverture en téléphonie mobile, en 2G mais surtout en 3G, est aussi un élément absolument décisif pour les jeunes et, plus largement, pour l’égalité des chances économiques entre les territoires, qui attendaient cette mesure.

Ce texte introduit de la justice là où il en manquait. Il établit un nouveau principe fondamental pour le travail dominical : celui de la compensation. On n’a pas suffisamment dit qu’il faudrait un accord, ou un référendum pour les entreprises de moins de onze salariés, et que la compensation serait discutée et prévue dans toutes les entreprises ; c'est un apport important du projet de loi en termes de justice.

C’est enfin un texte qui rétablit l’égalité des chances économiques, par le biais d’une lutte féroce contre le travail détaché illégal. Les mesures qui avaient été débattues lors de la première lecture ont été amplement enrichies à la suite des annonces faites au début du mois par le Premier ministre. Le projet de loi prévoit, par exemple, que les lieux d’hébergement puissent désormais être inspectés. Surtout, il vise à rendre les donneurs d’ordres responsables des pratiques de leurs sous-traitants.

Madame la présidente, mesdames, messieurs les sénateurs, voilà l’ensemble des éléments que je souhaitais mettre en exergue. J’ai rappelé plusieurs des apports du Sénat en première lecture qui ont été confirmés par les députés. Le texte a été enrichi, à l'Assemblée nationale, essentiellement sur les points que j’ai mentionnés en matière d’emploi.

Il demeure sans doute des désaccords entre nous : je fais confiance aux rapporteurs pour me les rappeler ! J’espère en tout cas que nos débats seront d’aussi bonne tenue qu’en première lecture. C’est grâce à vos propositions d’amélioration que ce projet de loi sortira encore enrichi de cette nouvelle lecture, afin de pouvoir être mis en œuvre dans les toutes prochaines semaines. Nous devons travailler collectivement pour que les mesures attendues et utiles qu’il contient puissent devenir une réalité pour notre économie, pour nos concitoyens.

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