Beaucoup a déjà été dit sur l’engagement de la responsabilité du Gouvernement à propos d’un tel texte. N’aurait-il pas été plus simple de découper ce projet de loi en plusieurs volets, selon les principales thématiques abordées ? Cela aurait permis une plus grande continuité de travail et favorisé la participation aux débats. La question reste ouverte. J’ajoute qu’il y a en quelque sorte un jeu de navette entre le texte du Gouvernement, quelque peu modifié par l’Assemblée nationale, et celui du Sénat. Notre travail s’en trouve ainsi compliqué.
Disons-le d’emblée, les écologistes n’étaient pas et ne sont toujours pas favorables aux mesures contenues dans le texte issu des travaux de l'Assemblée nationale, même si, monsieur le ministre, nous avons apprécié l’adoption de quelques amendements environnementaux par la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire de l'Assemblée nationale. En effet, le projet de loi prévoit de déverrouiller un certain nombre de secteurs, dans l’objectif affiché de créer de l’activité, donc de trouver le Graal de la croissance. Ouverture de lignes privées d’autocar, liberté d’installation et regroupement des professions réglementées, simplification du droit de l’environnement, ouverture facilitée des commerces le dimanche et la nuit : telles sont les grandes réformes proposées.
Nous, écologistes, ne souscrivons pas à l’analyse présentée à l’appui du texte. Nous considérons que ces réformes se traduiront par un recul pour les salariés, pour les consommateurs, pour les acteurs des secteurs concernés, sans pour autant engendrer un surplus d’activité notable. §Nous en reparlerons, madame Bricq, et nous verrons si la mise en œuvre de ce texte suscite une progression notable de la croissance et de l’activité. Nous estimons pour notre part que certaines dispositions considérées par certains comme des obstacles représentent souvent des garanties, voire des moteurs du développement économique.
À ce titre, l’article 29 est parfaitement emblématique. Supprimé en première lecture au Sénat, puis réintroduit à l’Assemblée nationale, il prévoit que, sur une très grande partie du territoire, y compris dans les parcs naturels régionaux et nationaux, la démolition des bâtiments dont le permis de construire aura été annulé par une décision de justice ne sera plus possible. En d’autres termes, le Gouvernement est prêt à sacrifier le cadre de vie pour relancer l’activité dans le bâtiment ! Nous considérons au contraire que l’environnement est un pilier majeur du développement économique durable, sur lequel il n’est pas possible de transiger.
Monsieur le ministre, mesurez-vous la portée de cet article ? Il permettra à celui qui aura fait construire un bâtiment illégalement de passer outre une décision de justice. Une telle disposition ne peut qu’encourager les activités illégales ! Je ne comprends vraiment pas l’intérêt d’un tel article.
Il faut pourtant reconnaître que le Gouvernement encadre la plupart des réformes contenues dans le projet de loi en prévoyant des contreparties, telles que l’obligation d’un accord collectif pour l’ouverture des commerces le dimanche.
Le texte tendait donc à un certain équilibre, mais la majorité sénatoriale a rompu ce dernier en introduisant ses propres réformes, comme la remise en cause des 35 heures avec les accords de maintien dans l’emploi « offensifs », l’instauration de trois jours de carence dans la fonction publique ou encore la réintroduction du projet CIGEO de centre industriel de stockage géologique de déchets nucléaires. Sur ce dernier point, au moins sommes-nous prévenus : si cette disposition est examinée à 5 heures du matin, je demanderai cette fois un scrutin public !