Intervention de Emmanuel Macron

Réunion du 30 juin 2015 à 14h30
Croissance activité et égalité des chances économiques — Suite de la discussion en nouvelle lecture d'un projet de loi dans le texte de la commission

Emmanuel Macron :

Je suis seulement animé par la volonté assumée de réaliser une réforme équilibrée et d’avancer de manière efficace. Je tenais à lever ici toute ambiguïté pouvant subsister sur ce point.

J’ai entendu les réserves exprimées sur la réforme des professions réglementées. On ne saurait me reprocher d’avoir stigmatisé quiconque. J’aurais d’ailleurs apprécié que, dans certaines de ces professions, on emploie avec moi le ton sur lequel j’ai présenté cette réforme… Leur comportement est le signe qu’il y a tout de même quelque chose de pourri au royaume de Danemark, pour prendre d’autres références !

Ces professions n’ont pas voulu avancer d’elles-mêmes. Certaines d’entre elles avaient pris des engagements en 2009, sous une autre majorité gouvernementale, mais elles ne les ont pas tenus. Depuis des années, avec une complicité administrative que nous reconnaissons pleinement, elles corsètent l’installation des jeunes professionnels sur le territoire. La situation actuelle n’est pas satisfaisante, reconnaissez-le ! Ce non-respect des engagements pris il y a maintenant six ans nous a poussés à agir. C’est ce que nous faisons au travers de ce texte, avec mesure, en prenant en compte les propositions du Sénat et de l’Assemblée nationale. Que l’on ne me parle pas de maillage territorial alors que, aujourd'hui, il n’existe aucune péréquation entre les structures, en particulier notariales ! La réforme que je promeus ne fragilisera pas les plus petites d’entre elles puisqu’elle facilitera l’installation dans les déserts notariaux, dans les zones manquant de professionnels, et qu’elle créera un fonds de péréquation. On ne cesse d’invoquer la péréquation la main sur le cœur, mais je n’en ai trouvé nulle trace dans le droit existant ! Il existe juste une péréquation entre les beaux offices, d’un côté, et entre les petits offices qui dispensent des conseils gratuits, de l’autre… Cette conception de la péréquation n’est pas la mienne !

La réforme que nous proposons permettra d’ouvrir l’accès à ces professions, en particulier aux plus jeunes. Des garde-fous, qui n’existaient peut-être pas dans le texte initial, ont été instaurés. L’objectif de cette réforme est de permettre une plus grande transparence dans les tarifs, de faciliter l’installation des jeunes professionnels. Si le dispositif peut encore être amélioré, nous y travaillerons ensemble, mais, je le répète, je n’ai à aucun moment eu la volonté de stigmatiser ou de maltraiter quiconque. On ne peut pas postuler que la réforme ne saurait concerner certaines activités : ce n’est pas justifiable. Les professions réglementées du droit ont une activité économique : leur réforme est donc légitime.

En ce qui concerne la mobilité, j’ai également entendu les craintes et les réserves de certains d’entre vous, mais regardons comment les choses se passent ailleurs et demandons-nous si les interdictions, les verrous qui ont été posés dans le passé ont suffi à protéger le rail. De récents rapports parlementaires ont montré que tel n’était pas le cas.

Nous instaurons des garde-fous. Certes, on peut débattre à loisir du seuil glissant de 100 kilomètres ou du seuil fixe de 200 kilomètres, mais un équilibre a été trouvé. Je défends cette réforme parce qu’elle permet de simplifier les choses et d’améliorer la mobilité, bien au-delà de la seule libéralisation des transports par autocar, sans aucunement porter atteinte à l’ambition que nous devons avoir pour le ferroviaire.

Nous avons été trop longs à le comprendre, mais la multimodalité n’est pas l’ennemie du rail. Par ailleurs, nous devons faire preuve d’une véritable ambition industrielle, qui dépasse largement le sujet qui nous occupe.

Monsieur Zocchetto, hormis deux dispositions relatives aux bons de souscription de parts de créateur d’entreprise et aux actions de performance, qui avaient été annoncées par le Président de la République voilà plusieurs mois et faisaient suite aux assises de l’entreprenariat, le Gouvernement a choisi de ne pas faire de ce projet de loi un texte fiscal. Les débats sur la fiscalité auront lieu lors de l’examen des textes financiers. Je sais que certains veulent aller plus loin, en particulier sur l’ISF-PME. Je rappelle que de tels dispositifs font l’objet de discussions au niveau communautaire, compte tenu des difficultés qui ont été soulevées. Les modifier au travers de ce texte alors même que nous en sommes en train d’en débattre avec la Commission européenne et que nous devrons de toute façon y revenir en septembre serait nous exposer inconsidérément au risque qu’évoquait tout à l’heure M. Pillet. Il ne me semble donc pas qu’il faille ici aller plus loin en ce qui concerne la fiscalité.

En matière de droit du travail et de réformes sociales, nous avançons et nous agissons. La réforme de la justice prud’homale est fondamentale ; elle vient compléter les dispositions prises en 2013. C’est la première fois depuis des décennies que l’on touche au fonctionnement de cette justice, que l’on facilite la conciliation, que l’on raccourcit les délais et que l’on accroît la visibilité. Pour certains, ce n’est jamais assez : que n’ont-ils agi quand ils étaient aux responsabilités ! Les dysfonctionnements de la justice prud’homale ne sont pas apparus au cours de ces derniers mois…

Je n’ai aucun regret à ce sujet. La réforme proposée est équilibrée et n’est pas le fait des lobbies. D’ailleurs, nombre de représentants des différents acteurs, à commencer par ceux du patronat, étaient opposés à cette réforme quand nous l’avons engagée, précisément parce qu’ils ont coproduit les dysfonctionnements. En revanche, nombre de petits chefs d’entreprise et de salariés qui ont eu affaire à la justice prud’homale en souhaitent la réforme. Celle-ci n’est donc pas promue par les corps intermédiaires ou les lobbies. C’est une réforme extrêmement importante, pragmatique et de bon sens, au cœur du Jobs Act du président du Conseil italien, Matteo Renzi, qui a su remettre en cause des rigidités n’existant pas dans le droit français et instaurer une subvention accélérée pour les nouveaux contrats à durée indéterminée. La dynamique actuelle du marché du travail italien tient pour partie à la mise en œuvre de cette subvention aux nouveaux CDI : le mois dernier, 150 000 CDI ont été détruits et 200 000 ont été créés. Le flux est positif, mais le coût d’opportunité est colossal. Enfin, Matteo Renzi a organisé une vraie réforme de la justice prud’homale : c’est l’élément le plus structurel de la réforme du marché du travail italien.

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