Je prendrai quelques minutes, afin de bien réexpliquer de quoi il s’agit, car on a dit et écrit sur cette mesure beaucoup de choses qui ne correspondent pas à la réalité.
Tout d'abord, la mesure n’est en rien improvisée. Elle est le fruit d’un travail méticuleux conduit à la demande du Gouvernement par Daniel Labetoulle, qu’on ne peut suspecter ni d’être le défenseur des promoteurs immobiliers ou des bétonneurs ni d’être un mauvais juriste, puisqu’il a été président de la section du contentieux du Conseil d’État
L’article 29 vise à mettre fin à une utilisation abusive de l’action en démolition, qui permet parfois de réaliser une forme de chantage et de bloquer des constructions. Selon le ministère du logement, quelque 40 000 logements sont ainsi en attente de déblocage à cause de l’utilisation abusive de l’action en démolition.
En réponse aux remarques qui ont été faites, je veux expliquer ce que ne touche pas la réforme ; cela me semble important. La mesure que nous proposons ne concerne pas la démolition de constructions édifiées sans permis de construire. Elle ne concerne donc pas, par exemple, les habitations construites en zone rouge de plan de prévention des risques ou en zone protégée, de type Natura 2000 ou autre.
L’action en démolition permet d’obtenir la démolition d’une construction si celle-ci est réalisée conformément à un permis légal et si ce permis a été annulé pour excès de pouvoir par la juridiction administrative. Dans le cas – celui-ci a été évoqué – d’une construction sans permis, la démolition pourra toujours être obtenue en saisissant le juge civil ou le juge pénal. En effet, l’article L. 480-13 du code de l’urbanisme, que nous proposons de modifier, ne s’applique pas aux constructions sans permis.
Les constructions édifiées avec permis dans une zone constructible, mais ne respectant pas les prescriptions de leur permis – cet exemple a également été cité – ne sont pas non plus concernées.
En l’état actuel du droit, l’article L. 480-13 – c'est-à-dire l’action en démolition – ne s’applique pas, et il ne s’appliquera pas davantage après la réforme, puisque nous n’étendons pas son champ ! Ce sont les mécanismes de droit commun qui continueront à s’appliquer. Le référé suspension, qui permet de demander non seulement l’arrêt des travaux, mais aussi la démolition de la construction, pourra être utilisé. Nous ne perturbons pas le droit existant.
Le seul cas concerné par la réforme, c’est celui d’une construction dans une zone constructible non sensible dont le permis délivré n’est pas conforme au plan local d’urbanisme, ou PLU. Je le répète, ni les constructions édifiées dans une zone sensible ni les constructions qui ne respectent pas les prescriptions de leur permis ne sont concernées. Le cas que je viens de citer est le seul qui est concerné par l’action en démolition.
Quel est ce cas de figure ? Un permis est délivré. La construction est édifiée conformément à ce permis. J’insiste bien sur ce point : en aucun cas ne seront couvertes les actions de promoteurs immobiliers ou de constructeurs qui ne respectent pas les prescriptions du permis qui leur a été accordé. Le référé suspension leur sera toujours applicable. Les affirmations contraires sont donc erronées !
Je reprends mon explication. Un permis est délivré. La construction est édifiée conformément à ce permis. Ce dernier fait l’objet d’un recours et il est annulé parce qu’il n’est pas conforme au PLU.
Aujourd'hui, la procédure d’annulation du permis peut durer jusqu’à cinq ans, avec l’appel, et la construction peut tout de même être édifiée tant que l’annulation du permis n’a pas été prononcée. La procédure d’action en démolition peut être engagée dans les deux ans qui suivent la décision d’annulation du permis. Toutefois, en réalité, la démolition n’est pratiquement jamais prononcée, au terme d’une procédure qui dure parfois jusqu’à six ans. Elle n’est prononcée que dans les cas, très résiduels, où le juge constate une illégalité de fond importante et ayant des effets manifestement disproportionnés.
Pourquoi proposons-nous une réforme ? Parce que ces délais extrêmement longs ont entraîné une pratique de chantage qui conduit, si je puis m’exprimer ainsi, à la mise en place d’un système de budgétisation du droit de recours par les promoteurs. Les banques invoquent par ailleurs la potentielle démolition pour ne pas octroyer les prêts permettant de financer les constructions. Comme je l’ai déjà indiqué, nous estimons que 40 000 logements – et il s’agit plutôt d’une fourchette basse – sont bloqués faute de financement.
Nous proposons donc de supprimer l’action en démolition prévue par l’article L. 480-13 pour les constructions édifiées dans une zone constructible non sensible, dont le permis n’est pas conforme au PLU.
Si le permis est annulé, la procédure d’action en démolition n’allongera plus les délais de quatre ans – deux ans pour lancer l’action et deux ans de jugement en moyenne. Seules les modalités de droit commun s’appliqueront. Le blocage des projets par les banques n’aura donc plus lieu d’être.
Mesdames, messieurs les sénateurs, veuillez m’excuser de cet exposé un peu long, mais je tenais à rappeler de quoi nous parlons exactement. En effet, sur ce sujet comme sur beaucoup d’autres, il y a eu des déformations et des transformations. Il s’agit de régler un problème important, qui bloque notre économie de manière concrète. Évitons d’agiter les peurs, de caricaturer et de faire passer le Gouvernement, ou votre serviteur, pour ce qu’il n’est pas, à savoir le serviteur d’intérêts particuliers. C’est l’intérêt général qui est lésé par la situation actuelle.