Le monde change...
La première valeur de la CNDP est la transparence : les citoyens doivent avoir accès à l'ensemble des informations disponibles. Nous veillons à ce que le débat public procède par échange d'arguments : il ne s'agit pas d'un référendum ou d'une enquête d'opinion, mais de mesurer la puissance des arguments. Nous devons être indépendants vis-à-vis du maître d'ouvrage, qu'il s'agisse de l'État ou d'une entreprise privée. Enfin, impartialité et neutralité sont indispensables : sans elles, la CNDP perd sa raison d'être. Cette indépendance se mesure dans les comportements, les comptes rendus, les bilans que je rédige.
Nous avons organisé le 6 juin dernier un débat citoyen planétaire sur les cinq grands thèmes de la COP 21, en partenariat avec le secrétariat de la Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques (CCNUCC), la fondation Danish Board of Technology (DBT) et Missions publiques. Dans 76 pays, 97 débats ont rassemblé plus de dix mille citoyens autour d'échanges d'une grande richesse. Il importait, en Inde ou en Chine, qu'ils soient organisés par des organismes indépendants et n'émanent pas du gouvernement.
Il y a une formidable attente des Français en matière de participation. Notre colloque de juin dernier sur « Le citoyen et la décision publique » a montré que, selon des enquêtes de TNS-Sofres, plus de 90 % de nos concitoyens souhaitaient être consultés directement avant toute décision publique : c'est la première des six propositions formulées pour améliorer le fonctionnement de notre démocratie. Ils souhaitent des garanties de neutralité : ceux qui organisent le débat public ne doivent pas être parties prenantes à la décision. Pour 57 % des Français, l'organisation du débat public doit être confiée à une AAI ; pour 16 %, au Gouvernement ; pour 12 %, à une société privée ; pour 8 %, à un organisme dépendant du Gouvernement et pour 6 % au Parlement.
Les membres des commissions particulières et les garants désignés par la CNDP signent une charte d'éthique et de déontologie, renforcée en mai 2015 : il faut désormais n'avoir pris aucune position publique sur des sujets en lien avec l'objet du débat au cours des trois années précédentes. J'ai eu deux fois à conseiller à un membre de démissionner, car, comme l'écrit le doyen Gélard, l'impartialité et l'indépendance doivent se donner à voir : il ne peut y avoir le moindre doute, sauf à porter atteinte à l'ensemble du processus.
Ce qui est en jeu, c'est la légitimité de la décision publique, le rapport entre le citoyen, l'expert et le décideur politique, le débat entre enjeux de court et de long terme, bref, le fonctionnement de notre démocratie, à un moment où la défiance envers les institutions et la parole publique atteint des niveaux inédits. Il s'agit de fonder une gouvernance publique fondée non sur les rapports de force mais sur l'écoute, la co-construction de l'intérêt général, seule à même de redonner confiance. Le sociologue Michel Callon disait du débat public : « ce qui s'y joue de plus profond, c'est la reconstruction du lien social, à partir de l'existence reconnue de minorités ». La légitimité d'une décision dépend de ses conditions d'élaboration. Transparence, rigueur et impartialité sont indispensables pour éviter conflits et blocages, et garantir une mise en oeuvre rapide des décisions. De ce fait, fonctionnement démocratique et efficacité économique sont liés. Pour que le citoyen retrouve confiance, le débat doit avoir lieu suffisamment tôt, en amont de la décision, alors qu'il y a encore des alternatives. Il doit disposer d'expertises indépendantes du maître d'ouvrage. Ce que le Conseil d'État a appelé en 2011 la démocratie délibérative doit aboutir à une action publique transparente et collaborative, comme l'a indiqué le Président de la République lors de la présentation du plan pour la France 2015-2017, dans le cadre du partenariat pour un Gouvernement ouvert, dont la France assurera la présidence l'an prochain. Nous avons lancé 21 chantiers et formulé de nombreuses propositions innovantes dans le groupe de travail présidé par M. Alain Richard sur la modernisation et la démocratisation du dialogue environnemental.
Pourquoi votre commission doit-elle être une AAI pour exercer sa mission ?