Intervention de Denis Prieur

Commission d'enquête Autorités administratives indépendantes — Réunion du 22 juillet 2015 à 14h36
Audition de M. Denis Prieur président du comité d'indemnisation des victimes des essais nucléaires civen

Denis Prieur, président du comité d'indemnisation des victimes des essais nucléaires (CIVEN) :

Tout à fait. La possibilité de demander réparation est ouverte aux victimes elles-mêmes, qui ont été exposées à des rayonnements ionisants consécutifs à des essais nucléaires, ainsi qu'à leurs ayant-droits pendant une période qui a d'abord été fixée à cinq ans à compter de la promulgation de la loi de 2010 avant de se voir prorogée pour une nouvelle période de cinq ans coïncidant avec la loi de programmation militaire 2014-2019. Les dossiers qui nous arrivent actuellement sont plus souvent déposés par des ayant-droits que par les victimes elles-mêmes. Mais nous traitons également des dossiers de victimes lesquelles, tout en souffrant de maladies graves, sont encore en vie.

Tout ce système repose sur une présomption de causalité inscrite dans la loi : ainsi, se trouver sur un territoire où se sont déroulés des essais nucléaires, en y exerçant des fonctions susceptibles d'exposer à des rayonnements ionisants, crée une présomption de causalité expliquant le développement ultérieur de l'une des vingt-et-une maladies relatives à l'exposition nucléaire et figurant à l'annexe du décret. Dans de telles conditions, la loi prévoit que l'État apporte une réparation intégrale au préjudice subi. Toutefois, cette présomption ne s'applique pas si, au regard de la nature de la maladie et des conditions d'exposition, le risque relatif à l'exposition aux essais nucléaires peut être considéré comme négligeable. Tout tient dans cette restriction.

Par ailleurs, la loi ne détermine pas de seuil ni n'établit de présomption irréfragable, car si tel était le cas, il n'y aurait pas besoin d'un comité chargé d'examiner les dossiers. La loi instaure une présomption de causalité qui peut être renversée si le lien entre la situation des personnes et le déclenchement d'une des vingt-et-une maladies n'est pas fermement établi. Le décret d'application de la loi indique clairement que la détermination de la méthode, destinée à établir cette causalité, incombe au CIVEN. Comment le comité a-t-il fait depuis sa création ? Il s'est inspiré des méthodes utilisées notamment aux États-Unis qui ont également pris la décision d'indemniser les personnes exposées à la radioactivité provoquée par les essais. Ces derniers ont ainsi développé un système, qui ne s'adresse pas aux vétérans, mais aux personnes qui exercent des activités les mettant en contact avec les rayonnements ionisants. Cette méthode, qui a été reconnue valide par la communauté scientifique mondiale et par l'Agence internationale de l'énergie atomique, est désignée sous le label de NIOSH-IREP. Elle procède par un calcul de probabilités à partir des données individuelles, dans lesquelles figurent des données de dosimétrie et une série de paramètres normés, et permet d'assigner à chaque cas une probabilité de causalité, s'agissant notamment de pathologies comme des cancers qui peuvent par ailleurs être considérées comme des maladies « sans signature », c'est-à-dire difficilement explicables par l'imputation d'une seule causalité possible. On ne peut donc raisonner qu'en termes statistiques à partir de données épidémiologiques.

Cette application NIOSH-IREP permet de définir un taux de probabilité et le CIVEN a considéré que, dès que le taux d'imputation d'une maladie à l'exposition aux éléments ionisants atteignait 1 %, la présomption de causalité devait être prise en compte. On n'a jamais de certitude quant à une causalité directe. Cette méthode a eu pour résultat jusqu'à présent que rares sont les cas présentant un taux de probabilité supérieur à 1 %.

L'un des objectifs de la loi était de simplifier les dispositifs d'indemnisation qui étaient différents pour les militaires comme pour les civils, que ce soient celles qui assumaient des fonctions sur les sites où se déroulaient les essais ou les populations préalablement évacuées. Certes, certains nuages radioactifs ont pu se déplacer par rapport à la trajectoire qui en avait été initialement calculée. En outre, la loi a unifié les systèmes d'indemnisation qui étaient différents en prévoyant un même dispositif pour les militaires, les civils et les populations. Cette loi avait pour objectif également de rendre plus aisé l'accès à l'indemnisation et aux réparations, tout en posant les règles de la méthodologie appliquée en la matière. Puisque ce constat a été réalisé, il est apparu que l'image donnée par ce comité d'indemnisation auprès des personnes qui n'avaient pu obtenir réparation devait être modifiée afin qu'aucune suspicion ne pèse sur l'efficacité de la loi et sur le dispositif d'indemnisation qu'elle unifie.

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