Intervention de Denis Prieur

Commission d'enquête Autorités administratives indépendantes — Réunion du 22 juillet 2015 à 14h36
Audition de M. Denis Prieur président du comité d'indemnisation des victimes des essais nucléaires civen

Denis Prieur, président du comité d'indemnisation des victimes des essais nucléaires (CIVEN) :

Parmi les novations introduites par les articles 53 et 54 de la loi de 2013 figure la nomination d'un médecin désigné sur proposition des associations de victimes. Au moment où j'ai pris la présidence du CIVEN, j'ai interrogé les membres, dont les compétences techniques sont supérieures aux miennes, quant à la pertinence de la méthode suivie. À l'unanimité, ceux-ci, y compris donc le médecin désigné sur proposition des associations, ont décidé d'en poursuivre l'utilisation ! Et il me paraissait essentiel qu'une telle orientation figurât parmi les premières décisions prises par le CIVEN puisqu'à ce jour, aucune décision scientifique n'a remis en cause la méthode suivie.

Sur le plan contentieux, certains recours ont été formés à l'encontre de décisions ministérielles de rejet et plusieurs d'entre eux concernent le premier échelon de la juridiction administrative et ont abouti à des décisions d'annulation. À la lecture que j'ai pu en avoir, ces décisions du tribunal administratif ne se fondent pas sur un défaut inhérent à la méthodologie qui est généralement validée. En revanche, la loi fait obligation au comité d'examiner chaque dossier individuel de manière exhaustive afin de fonder en droit la décision. Ainsi, on ne traite pas de la même manière le dossier d'un technicien qui était affecté au travail de décontamination d'aéronefs et le militaire, appelé du contingent, qui était cuisinier dans la base vie des personnels qui assuraient la logistique des essais nucléaires. Sur le plan des données quantitatives dont on peut disposer, les livrets médicaux peuvent parfois attester que ces deux personnes peuvent avoir toutes deux reçues de très faibles doses de radioactivité du fait de leur situation particulière. Nous prenons ainsi en compte ces différents éléments afin d'être à la fois le plus fidèle à l'esprit de la loi et le plus objectif possible, tout en essayant de faire jouer l'hypothèse la plus favorable à l'intéressé.

Pourquoi ces liens maintenus avec l'État ? Comment le CIVEN peut-il travailler, sinon avec les archives et les documents conservés sur les personnes en contact, d'une manière ou d'une autre, avec les essais nucléaires ? Ceux-ci sont détenus, pour l'essentiel, par le ministère de la défense et tous les dossiers individuels des anciens militaires sont conservés par le service des pensions de la défense implanté à La Rochelle et l'ensemble des éléments sur lesquels le CIVEN fonde ses décisions s'y trouve. C'est d'ailleurs l'une des raisons de l'implantation dans cette localité de son secrétariat.

En dehors des neuf membres que compte son collège, le CIVEN comprend sept agents qui se répartissent ainsi : deux agents de catégorie A, un agent de catégorie B et quatre agents de catégorie C. Notre structure est ainsi extraordinairement fragile ! Est-il vraiment défendable que deux de ces agents se trouvent basés à Arcueil, tandis que les autres le sont à La Rochelle ? Ceux-ci ne pourraient pas changer de localisation sans mettre en péril le fonctionnement de notre comité. Il faut tenir compte des réalités humaines et je ne vois pas en quoi recruter de nouveaux agents présenterait un gage d'efficience, car il nous faudrait alors attendre plus de dix-huit mois avant de retrouver un CIVEN opérationnel et capable de traiter un dossier ! Je ne pense absolument pas que le choix consistant à utiliser les compétences là où elles se trouvent actuellement soit attentatoire à son indépendance.

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