Les démembrements de l'État constituent une question ancienne, qui se pose pour l'État comme pour les collectivités territoriales. Bien entendu, elle est extrêmement légitime et importante. C'est le fonctionnement même des pouvoirs publics qui est en jeu.
À mon sens, de tels liens ne remettent pas en cause l'exigence d'indépendance.
En réalité, contrairement à d'autres AAI, le médiateur du livre n'est pas une administration, mais bien un médiateur, presque un tiers stricto sensu : pour parler de manière un peu prosaïque, ce sont deux personnes qui interviennent pour réunir les acteurs autour de la table. Il ne s'agit donc pas d'une administration au sens technique du terme.
Bien sûr, il ne serait pas sain que cette instance dispose d'un budget séparé, alors que des moyens supplémentaires ne seraient pas nécessaires.
Je l'ai dit d'une manière qui a peut-être paru un peu naïve. Je crois beaucoup aux institutions et à leur fonctionnement. C'est pourquoi j'ai choisi d'être fonctionnaire. C'est pourquoi je le suis restée, et pourquoi je le suis toujours.
Toutefois, j'en suis consciente, le mode d'intervention des pouvoirs publics exige une réflexion permanente, portant sur le contour des autorités publiques, sur le meilleur moyen d'assurer les services publics.
À ce titre, la création des établissements publics a suscité beaucoup de débats. Si j'en crois mon expérience, je constate que certaines de ces structures sont des établissements au sens concret du terme, tandis que d'autres ont pour mission de gérer des procédures. Cette distinction pose, d'entrée de jeu, un certain nombre de questions quant à la nature de l'intervention de l'État.
Au reste, dans le secteur que je connais le mieux, à savoir celui de la culture, le CNL et le CNC sont bien antérieurs aux autorités administratives indépendantes. Ces centres n'en sont pas moins des formes de démembrement de l'État : il s'agit d'établissements publics gérant des procédures de subvention ou de financement.
Au sujet du livre, l'enjeu qui fait débat depuis un certain nombre d'années et qui, aujourd'hui, se trouve réactivé, avec l'essor du livre numérique, c'est la régulation. L'État, dans toutes ses dimensions, fixe un certain nombre de principes. Il décide d'intervenir pour réguler divers secteurs et développe des outils pour assurer cette régulation. Cette action relève-t-elle ou non du pouvoir exécutif, dans l'acception la plus classique du terme ? Telle est la question soulevée au sujet des autorités administratives indépendantes.
Je le répète, il faut distinguer un ensemble de cas de figure, impliquant éventuellement des transferts de compétences. Dans le cas du médiateur du livre, il n'y a pas de transfert de cette nature. Cette instance a pour vocation d'assurer le fonctionnement d'outils de régulation déjà créés. L'administration, en tant qu'organe exécutif, n'est pas la mieux à même d'exercer cette mission. À mon sens, la notion de tiers est importante.
Vous m'avez interrogée au sujet de mes fonctions de directrice de cabinet. Je vous avoue que, lorsque j'occupais ce poste, je ne m'étais pas posé ces questions de manière aussi poussée qu'aujourd'hui.
En revanche, j'avais déjà à l'esprit l'adaptation de la régulation, dans le secteur culturel, à l'ère du numérique. Il s'agit là d'une question sur laquelle je reviens sans cesse et que nous avons beaucoup travaillée, d'une réflexion consciente et active, menée par le Gouvernement comme par le législateur.
À ce titre, si le médiateur du livre a été créé par le biais d'un amendement, c'est parce que le Gouvernement n'a pas voulu attendre le projet de loi relatif à la liberté de création, dont l'examen parlementaire ne commence que maintenant.
En tant que médiateur, je vise l'efficacité d'une intervention permettant de garantir l'effectivité de la loi sans nécessairement produire de nouveaux textes législatifs - cette méthode n'est pas nécessairement la plus efficace dans le secteur du numérique.
Il faut assurer le respect d'un principe fixé de longue date par l'État.