La réunion est ouverte à 14 h 40
Mes chers collègues, nous ouvrons nos travaux aujourd'hui en recevant Mme Isabelle Falque-Pierrotin, présidente de la Commission nationale de l'informatique et des libertés (CNIL), la commission ayant souhaité procéder à une revue exhaustive de toutes les autorités administratives indépendantes et autorités publiques indépendantes.
Votre audition est particulièrement intéressante, car avec la création de la CNIL, la loi du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés est la première à consacrer la notion d'autorité administrative indépendante. De plus, la résonance de ce texte dans ces murs est spécifique, l'amendement créant cette nouvelle entité ayant été présenté par Jacques Thyraud, au nom de la commission des lois du Sénat. L'Assemblée nationale envisageait plutôt de créer un service au sein du ministère de la justice.
La CNIL a un collège qui comprend dix-sept membres, dont quatre parlementaires. Le mandat des membres du collège, renouvelable une fois, est de cinq ans. Le président exerce ses fonctions à temps plein.
Par ailleurs, il existe la formation restreinte de la Commission, dont vous nous préciserez la composition et le rôle.
Enfin, les missions de la CNIL n'ont cessé de croître au fil des années, ce qui justifie une présentation détaillée de votre part.
Avant de vous donner la parole, le formalisme des commissions d'enquête me conduit à vous demander de prêter serment. Je suis également tenue de vous indiquer que tout faux témoignage devant notre commission serait passible des peines prévues aux articles 434-13 à 434-15 du code pénal.
Conformément à la procédure applicable aux commissions d'enquête, Mme Isabelle Falque-Pierrotin et M. Edouard Geffray prêtent successivement serment
Je vous remercie de donner la possibilité à la CNIL de s'exprimer cet après-midi et d'apporter sa contribution à cette « galerie de portraits » d'autorités administratives indépendantes (AAI) que vous avez commencé à constituer depuis maintenant quelques semaines.
Sur la base du dossier très complet que nous vous avons envoyé, je souhaiterais tout simplement mettre en avant quelques points caractéristiques de la CNIL.
Premier point, la CNIL est la première des AAI à avoir été consacrée comme telle, en l'occurrence par la loi de 1978. À l'époque, c'est la création de ce fameux fichier SAFARI, dans le cadre de l'informatisation de l'administration, qui suscitait la crainte. Et la création de la CNIL visait par conséquent à protéger l'individu par rapport à l'arbitraire public, et donc à défendre les libertés publiques.
Progressivement, la justification de cette autorité s'est un peu modifiée et, désormais, s'ajoute à la défense des libertés publiques la dimension plus économique des données. La CNIL devient ainsi un régulateur des données personnelles dans un univers numérique qui se dématérialise et qui croît de plus en plus.
Ce modèle français de l'autorité administrative indépendante a essaimé et a été copié. Il a été copié d'abord en Europe, puisqu'on compte des « CNIL » dans les vingt-huit pays membres de l'Union européenne - moi-même, je préside le G29, le groupe des « CNIL » européennes
L'existence de ces autorités administratives indépendantes est consacrée à la fois par la directive de 1995, mais aussi et surtout par le traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, dont l'article 16 prévoit expressément une autorité administrative indépendante.
L'existence de ces autorités est strictement contrôlée par la Cour de justice de l'Union européenne. Nous l'avons vu récemment dans plusieurs affaires concernant l'Allemagne ou la Hongrie : la Cour se livre à un contrôle aussi matériel du fonctionnement des autorités concernées pour vérifier qu'elles sont bien des autorités administratives indépendantes et pour s'assurer de leur réelle indépendance.
Ce modèle a aussi essaimé au niveau international puisque, par exemple, dans l'univers de la francophonie, le principe d'une autorité administrative indépendante est ce qui réunit les autorités francophones au sein de l'Association francophone des autorités de protection des données personnelles, l'AFAPDP, dont la CNIL assure le secrétariat général depuis 2007 et qui à ce jour réunit quinze autorités. Son rôle est tout à fait important puisqu'elle permet de promouvoir dans l'espace francophone la création d'une loi sur la protection des données personnelles et la constitution d'autorités indépendantes pour assurer le respect de cette loi.
Notre modèle français est progressivement devenu un modèle de référence au niveau européen, mais aussi au niveau international.
Deuxième point, la CNIL est une autorité en pleine métamorphose, qui a changé depuis sa création en 1978 et la loi de 2004. Cette métamorphose va bien au-delà de ces changements législatifs, et ce à cause du changement d'environnement auquel nous assistons depuis maintenant un peu moins d'une dizaine d'années, majoritairement depuis les cinq dernières années.
Que s'est-il passé au cours de ces cinq dernières années ? Les données, les données personnelles en particulier, ont pris une importance qu'elles n'avaient évidemment pas au moment de la création de la CNIL. À l'époque, on a voulu encadrer les fichiers, notamment les fichiers publics. Aujourd'hui, nous sommes dans l'ère des données, qui sont partout : elles sont dans nos activités personnelles, dans les réseaux sociaux, elles sont dans nos activités professionnelles quelles qu'elles soient, elles sont dans les modèles économiques des entreprises, dans l'innovation, elles sont en fait dans l'ensemble des métiers. Le rôle du régulateur ne peut pas être exactement le même dans un univers où la donnée est partout.
Concrètement, quelle en est la conséquence pour la CNIL ? La première conséquence de cette explosion des données, qui illustre la transition numérique dans laquelle sont engagés tous les acteurs individuels, publics et privés, c'est une pression quantitative considérable sur notre institution : 6 000 plaintes par an, 450 contrôles, 130 000 appels téléphoniques.
Nous avons très récemment lancé une sorte de SVP de la privacy, de la protection des données personnelles, sans aucune publicité sur notre site. Ce petit bouton d'aide, en l'espace d'un mois, reçoit plus de 700 questionnements par jour. C'est vous dire l'appétence du public et l'extraordinaire diversité des questions qui maintenant intègrent une dimension protection des données personnelles.
Voici un autre exemple, celui-ci en matière de sanctions : alors que nous sommes au mitan de l'année, j'ai, à ce jour, adressé autant de mises en demeure que l'an passé.
On sent bien que cette digitalisation de la société et cette place nouvelle des données personnelles conduisent à une pression quantitative en termes de sollicitations sur le régulateur qui est absolument sans précédent. La pression est d'autant plus forte que le législateur nous a assigné de nouvelles missions : les failles de sécurité, le contrôle des sites appelant au terrorisme ou des sites pédopornographiques, pour ne mentionner que ces deux nouveautés apparues au cours des dernières années.
La conséquence de cette très forte pression quantitative sur le régulateur est la nécessité de repenser notre métier.
Le métier de la CNIL, jusqu'à présent, a été construit sur des formalités préalables - déclarations, autorisations - et sur des sanctions. Il est évident que, dans un univers où les données occupent la place que je viens de décrire, les simples formalités préalables ne permettent pas d'accompagner la donnée dans tout le cycle qui va être le sien : la donnée n'est plus fixe dans un fichier, elle circule. Nécessairement, le métier de la CNIL doit continuer à mobiliser l'outil de la sanction, activité essentielle, même si notre pouvoir en la matière est modéré et se limite à une quinzaine de sanctions par an, pour un montant maximal de 150 000 euros par infraction.
Pour essentielle qu'elle soit, cette activité ne suffit pas. Dans l'univers numérique, il faut absolument que nous puissions nous repositionner dans ce que nous appelons le « pilotage de la conformité » et que nous puissions intervenir en tant que régulateur dans cette nouvelle activité consistant à accompagner la transition numérique des acteurs et leur utilisation nouvelle des données personnelles.
Troisième point, c'est l'importance pour cette AAI des enjeux internationaux, notamment des enjeux européens.
Nous sommes à un moment où les données personnelles sont au coeur de toutes les stratégies économiques et, dans le fond, au coeur de l'économie de demain. Pour cette raison, les différents espaces géographiques - Europe, États-Unis et Asie - se livrent à une concurrence normative sans précédent pour accueillir cette économie numérique.
En la matière, l'Europe avait une certaine avance grâce à la directive de 1995. Celle-ci fait actuellement l'objet d'une révision et, à l'occasion de cette révision et de l'élaboration du règlement européen - qui, je l'espère, sera finalisé d'ici à la fin de l'année -, tous les acteurs internationaux se livrent à un lobbying effréné pour faire en sorte que le règlement européen qui sortira du trilogue soit le plus ouvert.
Cela veut dire que nous devons consacrer dans cette présence et dans cette négociation à Bruxelles un temps extrêmement important pour être certains que le texte qui sera élaboré permette au modèle européen de rester fort et rénové dans la période actuelle.
Ne pensons pas que ce que nous faisons en France, que ce qui est fait en Europe, que nos principes soient éternels. Ces principes sont fortement sollicités dans le débat international, comme l'est la structure de nos autorités. Il faut donc que nous soyons extrêmement présents dans cette négociation européenne et internationale.
Je vais vous citer un exemple de risque qui peut concerner le modèle français et européen.
Cette notion d'autorité administrative indépendante nous paraît aller de soi en Europe : elle est inscrite dans nos traités. Au niveau mondial, il existe toute une série d'autorités qui, bien que membres de la conférence internationale annuelle des commissaires à la protection des données et à la vie privée, ne sont pas des autorités administratives indépendantes, même si elles sont « chargées » de la mise en oeuvre des règles de protection des données dans les pays. Je pense, par exemple, à la FTC, la Federal Trade Commission : cette autorité n'est pas une AAI spécifiquement dédiée à la protection des données et, pourtant, elle est membre de la conférence internationale.
Il existe au niveau international une volonté de diluer ce qui fait la spécificité des autorités administratives indépendantes européennes au sein d'une instance beaucoup plus large - qui regrouperait notamment le ministère japonais ou chinois de l'économie -, chargée de la protection des données personnelles et, éventuellement, d'engager des poursuites et de prononcer des sanctions en cas de violation des données personnelles, mais n'ayant pas le statut d'autorité indépendante. On voit bien les risques que cela représenterait pour les individus si, véritablement, on allait dans ce sens.
Dans ce paysage en profonde métamorphose, marqué par une dimension internationale, notamment européenne, de plus en plus prononcée, la CNIL a évidemment dû s'adapter ; la manière dont elle y est parvenue est le quatrième point que je souhaite aborder dans ce propos liminaire.
La première réponse aux mutations a été, bien sûr, l'augmentation des ressources : une augmentation nécessaire, car on ne peut pas s'adapter à la transition numérique en cours depuis cinq ans sans disposer de ressources, en particulier d'effectifs, en rapport avec les nouvelles sollicitations. Aujourd'hui, la CNIL emploie 189 agents. Au reste, au cours des dernières années, la croissance substantielle de nos effectifs a été relativement soutenue par le Gouvernement.
Reste que l'augmentation des ressources ne peut pas être la seule réponse ; si elle l'était, elle serait infinie, car la transition numérique fait naître incessamment de nouveaux besoins. Aussi avons-nous commencé par nous livrer à une analyse drastique de nos dépenses. À cet égard, peut-être avez-vous remarqué, à la lecture du dossier que nous vous avons transmis, que, en dépit de notre croissance, nos dépenses hors titre 2 - en d'autres termes, nos frais de fonctionnement - ont diminué de manière très importante. Cette baisse est le fruit d'un examen et d'un toilettage systématiques de l'ensemble de nos dépenses, jusqu'à la bouteille d'eau consommée par les commissaires en séance plénière, destinés à réaliser toutes les économies possibles.
Ensuite, nous nous sommes attachés à innover, conscients que l'effort d'innovation serait absolument nécessaire pour « digérer » la transition numérique.
Ainsi, en ce qui concerne nos méthodes, nous avons développé les contrôles en ligne récemment autorisés par la loi, grâce auxquels nous procédons à certaines opérations beaucoup plus facilement qu'avant, et à un coût moindre. Nous avons également entrepris, de manière extrêmement volontariste, de simplifier nos formalités préalables qui, si elles sont très importantes du point de vue de la régulation, n'apportent pas, dans bien des cas, de valeur ajoutée immédiate ; je pense aux autorisations uniques, aux dispenses et aux déclarations simplifiées, qui représentent de réelles simplifications pour les acteurs.
Ce travail d'innovation en matière de formalités demeurera une priorité en 2016. Au demeurant, le règlement européen va dans le sens de la simplification, puisqu'il supprime quasiment toutes les formalités préalables, pour les remplacer à la fois par la sanction et par l'accountability, c'est-à-dire la responsabilisation des responsables de traitement.
En ce qui concerne notre organisation, nous avons essayé de la rendre plus agile et plus fluide, afin d'être plus réactifs face aux attentes de ceux qui traitent des données personnelles. C'est ainsi que, récemment, nous nous sommes réorganisés en fonction de nos publics : nous disposons désormais, pour un certain nombre de thématiques, d'un responsable sectoriel, qui est l'interlocuteur des responsables de traitement ; il est capable de comprendre ce que ces derniers veulent et de mobiliser à leur service l'ensemble des outils de conformité que la CNIL peut offrir. Je prendrai l'exemple de notre pôle régalien des collectivités territoriales, dont le responsable est l'interlocuteur privilégié de ces acteurs dans leurs relations avec la CNIL.
Nous avons également innové en ce qui concerne nos outils, car on ne peut pas réguler l'univers numérique aujourd'hui de la même manière qu'il y a vingt ans. Par exemple, au cours des dernières années, nous avons mis au point des « packs de conformité » : il s'agit de sortes d'ombrelles, négociées entre un secteur et le régulateur, qui abritent l'ensemble des usages de ce secteur acceptés par le régulateur en tenant compte très en amont de la problématique « informatique et libertés ». Ainsi, un « pack de conformité » a été conçu avec les assurances, et un autre au sujet des compteurs communicants, qui seront installés dans toutes les maisons : vivement inquiets que ces compteurs puissent être considérés par leurs différents clients comme des « mouchards », les industriels électriques et électroniques ont demandé à la CNIL que soit élaboré en commun une sorte de code de conduite, grâce auquel les compteurs communicants, parce qu'ils intégreraient les problématiques « informatique et libertés », seraient acceptés par leurs clients. Ces outils nouveaux, beaucoup plus souples et beaucoup plus durables, permettent au régulateur d'entretenir un dialogue avec les responsables de traitement tout au long de l'évolution de la donnée.
Toutes ces adaptations ont permis à la CNIL de faire son métier, c'est-à-dire de défendre les libertés individuelles, et aussi, dans le contexte issu de la transition numérique, de réguler les données personnelles. Elles ont nécessité un effort considérable de notre institution, tant du point de vue culturel que du point de vue de son fonctionnement et des compétences qu'elle réclame de ses agents ; de fait, vous vous rendez bien compte que les métiers que nous pratiquons aujourd'hui sont beaucoup plus compliqués que ceux auxquels nous étions habitués il y a une dizaine d'années.
Cette métamorphose de la CNIL, qui ne se terminera, je pense, que dans un an ou deux, c'est-à-dire au moment de l'adoption du règlement européen, a déjà permis des gains de productivité considérables, puisque nous prenons désormais 2 500 décisions par an, contre 1 900 il y a trois ans. Nous avons donc réussi à nous adapter tout en conservant une capacité importante à agir et à décider.
Vous venez de prononcer un panégyrique de l'autorité administrative indépendante. Jusqu'ici, aucun président ni aucune présidente d'une telle institution ne nous a déclaré que le système des autorités administratives indépendantes ne fonctionnait pas bien, et qu'il mériterait d'être supprimé ou réformé...
Toujours est-il que la CNIL présente la caractéristique d'avoir été la première de ces autorités ; elle possède donc la plus longue expérience de ce statut, dont il est sans aucun doute pleinement justifié qu'il lui soit reconnu - il ne s'agit nullement de faire le procès d'un système. À la lumière de cette expérience, que pensez-vous de l'élargissement continuel de la catégorie d'autorité administrative indépendante à une pléthore d'autres organismes ?
Je n'ai pas prononcé un panégyrique de la catégorie d'autorité administrative indépendante de manière générale. Parlant de la CNIL en particulier, j'ai tâché d'expliquer que ce modèle fonctionnait, et qu'il avait acquis une dimension européenne et internationale. Sur un plan général, mon avis est beaucoup plus nuancé.
Deux motivations peuvent présider à la création d'une autorité administrative indépendante : protéger l'individu et les libertés publiques contre l'arbitraire de l'État ou instaurer une régulation économique la plus neutre possible dans un domaine où la puissance publique avait des intérêts. Si vous passez en revue l'ensemble des autorités administratives indépendantes existantes à l'aune de ces deux critères, j'imagine que vos conclusions prendront, pour certaines d'entre elles, la forme d'interrogations. C'est là la responsabilité de votre commission d'enquête, et non la mienne.
Pour ma part, je puis ajouter que la création d'une autorité administrative indépendante, dont il ne faudrait pas oublier qu'elle résulte le plus souvent de la loi, répond à la volonté d'accomplir un acte symbolique en faveur d'une certaine cause, alors que, dans un certain nombre de cas, il est vrai, le statut d'autorité administrative indépendante n'est peut-être pas justifié.
Je vous ai bien entendue...
L'indépendance est l'une des caractéristiques principales des autorités administratives indépendantes, peut-être même la principale, en particulier lorsqu'il s'agit de défendre les libertés de nos concitoyens. De qui pensez-vous que votre institution doive aujourd'hui être indépendante ? En effet, on parle souvent de l'indépendance à l'égard de l'État et du Gouvernement, mais je présume que, dans le secteur dont vous vous occupez, cette indépendance-là n'est pas la seule qui importe.
Vous avez tout à fait raison de souligner cette caractéristique de la CNIL. L'intérêt que présente pour elle le statut d'autorité administrative indépendante tient à cette forme d'équidistance entre la puissance publique et les acteurs économiques. En vérité, je crois que ce statut est aussi important pour elle vis-à-vis du secteur privé, à l'égard duquel elle prend aujourd'hui près de 90 % de ses décisions, que vis-à-vis de l'État.
Nous savons que la CNIL est engagée dans un de bras de fer avec certaines structures, ce pourquoi j'estime, à titre personnel, qu'on ne peut que vous féliciter. Lorsque vous discutez avec, par exemple, Google, trouvez-vous avantage à être une autorité administrative indépendante, distincte de l'État ?
Oui, il y a là un avantage, car les rapports que nous entretenons avec ces grands acteurs économiques ne sont de nature ni idéologique ni politique. Le rôle de la CNIL dans ses relations avec eux est de faire respecter la loi, en leur disant : que vous soyez Google ou la plus petite des entreprises, vous êtes comptable de la manière dont vous respectez la loi. Or je crois qu'il est plus facile pour une autorité administrative indépendante que pour une autorité politique d'adopter cette position sans donner prise à quelque soupçon que ce soit.
De fait, nous nous situons sur un terrain technique où les acteurs internationaux ont beaucoup plus de mal à nous résister. Ainsi, lorsque nous leur expliquons que, pour opérer en France et en Europe, sur le marché qui est probablement pour eux le plus intéressant de la planète, ils doivent simplement respecter nos lois, de même que nos entreprises doivent respecter celles des pays où elles s'implantent, ils ont un peu de mal à récuser ce discours, car il est question non pas d'une croisade politique, par exemple anti-Google, mais simplement du respect de la loi.
Comme je vous écoutais, une question totalement spontanée m'est venue à l'esprit : n'avez-vous pas de concertation avec l'État en ce qui concerne les relations avec une structure comme Google ?
Vous comme moi lisons la presse ; nous savons donc quelles sont les orientations générales des pouvoirs publics à l'égard des grands acteurs internationaux, que nous connaissons tous parfaitement. Pour le reste, en tant que présidente de la CNIL, je ne me concerte pas avec les pouvoirs publics pour savoir si je puis ou non dialoguer avec ces grandes sociétés internationales.
S'agissant des relations avec ces acteurs, les autorités des différents pays se coordonnent au niveau européen ; il y a donc bien une coordination, mais entre autorités indépendantes.
Je ne vous demandais pas si l'État voulait que vous agissiez de telle ou telle façon à l'égard de Google, mais, à l'inverse, si vous jouiez un rôle de conseil au bénéfice de l'État, à tel ou tel niveau.
Nous jouons, bien sûr, un rôle de conseil ; nous pouvons partager des analyses. Je vais vous faire une déclaration qui va peut-être vous choquer,...
mais il me paraît important d'être réaliste : si les autorités administratives indépendantes jouent sur ces questions un rôle particulier, tout à fait distinct de ceux du Gouvernement et du Parlement, rien n'interdit de se parler pour assurer une forme de cohérence. Voyez les Américains : ils sont particulièrement efficaces pour mobiliser tous les acteurs d'une chaîne au service des intérêts de la puissance américaine. Il est donc très important que, sans tomber dans la collusion, qui n'est pas du tout ce que je préconise, nous adoptions une vision globale, étant entendu que chacun doit jouer son rôle.
Mon idée est bien illustrée par ce qui s'est passé il y a quelques mois à propos du projet de règlement européen.
Dans cette affaire, la CNIL est montée assez vite au combat, si je puis dire, contre le projet initial de Mme Reding, alarmée de constater qu'il conduisait inéluctablement à la centralisation de la régulation entre les mains d'un nombre très limité de pays - Grande-Bretagne, Irlande et Luxembourg - qui auraient attiré l'établissement principal des grands acteurs internationaux de l'internet. Nous avons rapidement fait savoir que ce projet n'était pas raisonnable, non seulement au regard des compétences de la CNIL, mais aussi, de façon plus générale, parce que tout le dynamisme de l'économie numérique aurait été localisé dans un petit nombre de pays. Là-dessus, le Sénat et l'Assemblée nationale ont adopté une résolution épousant ces orientations et apportant une autorité politique aux positions que la CNIL avait défendues en tant qu'autorité administrative indépendante. Il me semble qu'une telle cohérence entre des institutions restant chacune dans son rôle est très productive.
Ce que vous dites n'a rien qui puisse choquer un parlementaire. La loi relative au renseignement, que du reste je n'ai pas votée, fait référence aux intérêts fondamentaux de la Nation : je ne suis nullement choqué qu'une autorité administrative indépendante défende les intérêts fondamentaux de la Nation ; c'est l'inverse qui serait regrettable !
En ce qui concerne le fonctionnement des autorités administratives indépendantes, il arrive souvent - certes pas toujours - que l'on soit à juste titre interpellé par les processus de nomination des membres des collèges et des présidents des autorités. De ce point de vue, votre situation est un peu atypique - ce n'est pas un défaut -, puisque vous avez été élue par le collège de cette autorité. Quel est votre sentiment sur ce sujet, notamment par rapport à un passé récent ?
Cette particularité renforce bien entendu l'indépendance de la CNIL, pour deux raisons. D'abord, les membres du collège sont d'origines très diverses, puisqu'ils sont choisis par sept autorités de nomination différentes ; sans doute toutes les sept peuvent-elles être d'accord, mais une diversité de sensibilités peut potentiellement s'exprimer. Ensuite, que le président ou la présidente soit élu par ses pairs, et non pas désigné ab initio par une autorité publique, est pour l'institution un gage de collégialité et d'indépendance renforcées.
J'en viens à un sujet tout à fait différent, à propos duquel c'est moi qui vais peut-être vous choquer...
À l'origine, si je ne m'abuse, vous avez été nommée à la CNIL comme représentante du Conseil d'État.
J'ai été nommée à la CNIL comme personnalité qualifiée, non pas en tant que représentante du Conseil d'État mais en tant que déléguée générale et présidente du Forum des droits sur l'internet. C'est seulement depuis 2014 que je siège à la CNIL sur le quota du Conseil d'État, pour des raisons qui ne vous ont pas échappé.
Non, monsieur le rapporteur.
Vous avez été, dans un passé un peu moins récent, directrice adjointe du cabinet de M. Toubon, ministre de la culture. Envisageriez-vous de devenir, en tant que responsable de la CNIL, adjointe du Défenseur des droits ? Ma question est un peu provocatrice !
L'existence d'une autorité administrative indépendante spécifique chargée de la protection des données personnelles est prévue par le droit européen ; faire de la CNIL un sous-ensemble d'une autorité plus large poserait donc de sérieux problèmes de ce point de vue.
Peut-être voulez-vous me demander si je suis favorable ou hostile à des rapprochements entre la CNIL et d'autres autorités administratives indépendantes. Je suis évidemment favorable à tout ce qui peut rendre l'action de la puissance publique lisible et simple pour ceux qu'elle concerne.
J'ai le souvenir d'avoir, il y a plusieurs années, défendu devant l'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes la notion d'interrégulation. En effet, il me paraît très important d'éviter que chaque autorité administrative indépendante n'élabore un corpus de règles et de normes indépendamment du travail accompli par les autres. Sans doute, chacune s'occupe d'un champ spécifique ; mais l'action d'ensemble doit rester compréhensible par le citoyen et par les acteurs.
Par exemple, en ce qui concerne le traitement de données dans le cadre de la lutte contre le blanchiment, nous avons proposé à l'Autorité des marchés financiers d'offrir aux banques un outil commun. C'est ainsi que nous avons conçu ensemble l'autorisation unique, qui est un facteur de cohérence de la normativité publique.
Reste que, au-delà des outils, on peut évidemment rapprocher des institutions. La CNIL a d'ailleurs conclu des conventions avec le Défenseur des droits ; l'une, relative à la gestion des plaintes, garantit que les citoyens, qu'ils s'adressent à l'une ou à l'autre institution, trouveront sur les mêmes sujets un front uni. Nous sommes également liés par convention avec le Contrôleur général des lieux de privation de liberté. Il serait un peu excessif d'affirmer que les relations avec d'autres autorités administratives indépendantes font partie de notre quotidien, mais c'est un ordre de questions auquel nous réfléchissons régulièrement.
Je partage le souci d'être plus simple et plus lisible pour les citoyens, parce que notre maquis administratif est insupportable pour certains d'entre eux.
Vous avez bel et bien compris quelle est l'une de nos préoccupations. À propos de lisibilité pour nos concitoyens, il me semble que ce n'est pas en multipliant les structures qu'on sert l'objectif de simplification.
À ceux qui penseraient que la solution réside dans la possibilité pour les membres des autorités administratives indépendantes de siéger dans plusieurs d'entre elles pour assurer une meilleure coordination de l'action de celles-ci, un certain nombre d'entre nous pourraient objecter qu'il existe un risque de consanguinité - certains ont utilisé le terme : le risque que se constitue, je n'ose pas dire une nomenklatura, mais un ensemble de personnalités siégeant de par la loi dans plusieurs autorités, un ensemble constitué, toujours de par la loi, de membres de la haute fonction publique, en particulier du Conseil d'État, de la Cour des comptes et de la Cour de cassation. Si l'on retrouve ces personnes dans la plupart des autorités administratives indépendantes et que, de surcroît, elles siègent dans plusieurs d'entre elles, un problème peut se poser ; en tout cas, c'est une question que nous nous posons.
Il ne me paraît pas souhaitable que les différentes autorités administratives indépendantes s'hybrident mutuellement en désignant des représentants les unes dans les autres, notamment parce que cette pratique rend assez difficile l'identification des responsabilités de chacun. À titre personnel, j'ai toujours été très réservée à ce sujet, à tel point que, lorsqu'il a été question, au cours du débat parlementaire sur le projet de loi relatif à la transition énergétique pour la croissance verte, qu'un représentant de la CNIL siège au sein d'une autre autorité, j'ai considéré que cette idée n'était guère compatible avec l'existence de deux institutions disposant chacune d'un territoire clair. Comme vous, donc, je pense que là n'est pas la bonne réponse.
Les différentes autorités administratives indépendantes sont-elles constituées des mêmes gens, en tout cas de personnes puisées dans le même vivier, en sorte qu'il y régnerait une endogamie excessive ? L'entre-soi est un mal français. Nous avons besoin de sang neuf, dans tous les secteurs. Par ailleurs, compte tenu de la complexité croissante de tous les sujets qu'elles traitent, les différentes institutions doivent absolument ouvrir leurs horizons pour faire appel à de nouveaux talents.
Reste qu'en ce qui concerne les magistrats - puisque c'est d'eux que vous avez parlé, monsieur le rapporteur, en mentionnant le Conseil d'État, la Cour des comptes et la Cour de cassation -, le cas de la CNIL appelle une réponse un peu plus nuancée. De fait, les conseillers d'État sont tout de même de bons juristes, si vous me permettez cet auto-satisfecit qui n'en est d'ailleurs pas un, puisque cela fait un certain temps que j'ai quitté le Conseil d'État. En outre, les membres des trois institutions que vous avez mentionnées ont une expérience concrète et réelle de l'indépendance, une expérience qui à mes yeux n'a pas de prix, car l'indépendance et la collégialité sont notre quotidien.
Il ne me semble donc pas excessif que, dans une institution comportant dix-sept membres, six d'entre eux correspondent à cette école de pensée et à ce mode de fonctionnement.
Dernier élément : on critique les membres des hautes cours, mais on est bien content de les avoir, dans un certain nombre de cas, pour exercer des fonctions nécessitant une compétence de magistrat. Par exemple, la loi dispose que le droit d'accès indirect, ou DAI, aux fichiers de police, doit être mis en oeuvre par un magistrat de la CNIL. Chaque année, nous recevons environ 6 000 plaintes au titre du DAI, qui s'ajoutent aux plaintes du tout-venant. Nous ne pourrions pas remplir cette mission sans les six magistrats de la CNIL.
Autre exemple : pour la compétence confiée à la CNIL en matière de contrôle du blocage administratif des sites faisant l'apologie du terrorisme ou à caractère pédopornographique, tout le monde s'est félicité que la CNIL ait pu désigner un magistrat au sein du collège pour assumer le contrôle démocratique du filtrage par le ministère de l'intérieur.
Il y a un équilibre à trouver ; c'est un peu une réponse de Normand. Une certaine idéologie conduit à ne pas vouloir de ce type de populations, mais je crois que, dans un certain nombre de cas, nous avons besoin de leurs compétences, qui sont utiles. Il faut trouver un équilibre entre ce type de composition et des compositions plus ouvertes, avec d'autres talents, et notamment des talents techniques, économiques, qui correspondent réellement à des besoins de la CNIL.
Ce qui peut poser d'autres problèmes ; je pense aux conflits d'intérêts possibles ou réels.
Absolument.
Je précise qu'il ne s'agit pas de faire la critique de nos grands corps, dont on connaît la compétence. Nous auditionnons des gens de qualité.
On peut se demander si le vivier ne va pas se vider à force de nommer les membres des grands corps ailleurs que dans leur corps ou de leur permettre de cumuler leurs fonctions dans leur corps et des fonctions au sein d'une AAI.
Je ne pense pas que, s'agissant des magistrats de la CNIL, on puisse parler de contrôle « démocratique ».
Concernant le filtrage des sites faisant l'apologie du terrorisme, qui est réalisé par une autorité administrative, en l'occurrence le ministère de l'intérieur, l'objectif est qu'il y ait un contrôle démocratique, c'est-à-dire un contrôle extérieur.
J'accepte de le remplacer par le terme « indépendant ».
Je remercie Mme Isabelle Falque-Pierrotin de la clarté et de la qualité de ses réponses.
Loin de moi - et, je pense, loin de nous - l'idée de remettre en cause le caractère adéquat du statut d'AAI pour la CNIL. Cependant, le statut d'AAI ne convient pas à toutes les activités.
L'indépendance est une chose. Le contrôle de la structure en est une autre. Je me demande quelle est la bonne manière de contrôler les AAI, notamment pour les parlementaires. Des parlementaires siègent au sein de la CNIL. Pensez-vous qu'il est possible d'être à la fois membre et contrôleur de l'institution ?
Par ailleurs, il semblerait que, depuis sa création, la CNIL n'ait été entendue que par les commissions des lois - mais je dispose peut-être d'une information insuffisante. Quelle serait, selon vous, la bonne nature du contrôle parlementaire des AAI ?
Je crois que les parlementaires peuvent à la fois contrôler la CNIL et en être membres, parce que la posture n'est pas du tout la même. J'espère que Loïc Hervé, ici présent, ne me contredira pas.
Quatre parlementaires sont membres de la CNIL. Pourquoi leur présence est-elle fondamentale ? Parce que le métier de la CNIL consiste à essayer de sentir le pacte social sur les questions extrêmement complexes qu'elle doit traiter. Il ne s'agit pas de questions purement quantitatives, économiques, techniques, pour lesquelles un expert vous donne la réponse, la vérité. Dans la plupart des cas, il n'y a pas de vérité. Nous essayons de nous approcher le plus près possible de ce que nous estimons être le pacte social sur un sujet donné. De ce point de vue, les parlementaires ont un avantage fondamental : ils sont proches du terrain, des gens. Ce qu'ils apportent à la CNIL, c'est cette connaissance du terrain, cette connaissance quotidienne des personnes. Leur apport est un apport de substance.
Cela n'interdit en rien au Parlement de contrôler l'activité de la CNIL. Nous sommes contrôlés de différentes manières par le Parlement. Vous avez mentionné les auditions. En moyenne, nous sommes auditionnés une trentaine de fois chaque année par les différentes commissions parlementaires : par les commissions des lois, mais aussi par les commissions des affaires européennes et des affaires économiques. Nous recevons plusieurs types de demandes.
Néanmoins, institutionnellement, nous n'avons pas, malgré nos demandes insistantes, d'occasion annuelle emblématique de nous rendre à l'Assemblée nationale et au Sénat pour présenter nos activités et, le cas échéant, pour répondre aux questions des parlementaires. Depuis que je suis présidente de la CNIL, tous les ans, c'est une sorte de course à l'échalote pour que je puisse présenter officiellement notre rapport annuel aux présidents des deux assemblées. C'est également moi qui demande - sans être toujours entendue, malheureusement - aux différentes commissions permanentes de m'auditionner. Je souhaite que le contrôle de la CNIL par le Parlement soit institutionnalisé, afin que les parlementaires puissent nous dire ce qu'ils pensent de notre action et exprimer leurs attentes à notre égard.
J'ai trois questions, ou préoccupations. Vous avez probablement suivi les débats parlementaires sur le projet de loi relatif au renseignement. Vous connaissez en particulier le sort réservé aux amendements qui visaient à charger la CNIL du contrôle des fichiers pouvant être créés à l'occasion des opérations des services de renseignement. Quel est votre sentiment sur la crédibilité de la puissance publique, après la promulgation de la loi, quant à sa capacité à garantir aux citoyens que les fichiers qui les concernent sont tous correctement contrôlés ?
Il a été refusé que la CNIL puisse avoir accès à un certain nombre de fichiers, dont on peut supposer qu'ils ont été créés, puisque des amendements visant à permettre la transmission d'informations, en particulier concernant les prestations sociales, à des services de l'État, ont été déposés. Dans quelle mesure cela affaiblit-il votre capacité à garantir que la puissance publique respecte les données personnelles des citoyens ?
Ma deuxième question a trait à votre pouvoir de sanction et au financement des AAI. Au fur et à mesure que nous auditionnons ces dernières, nous nous apercevons que certaines sont financées par les prestations qu'elles offrent : à chaque fois qu'une entreprise a le besoin ou le devoir d'interroger une AAI, elle paye. La CNIL, quant à elle, est entièrement financée par l'État. Quel est votre avis sur ce sujet ? Faudrait-il élargir l'assiette, trouver d'autres sources de financement ? Cela menacerait-il votre indépendance ? Cela influerait-il sur votre capacité à appliquer des sanctions financières et sur le versement au budget de l'État des sommes ainsi récupérées ?
Ma troisième question concerne votre rôle. En réalité, vous en avez deux : garantir aux citoyens que leurs données personnelles sont protégées et s'assurer que les entreprises qui agissent dans ces matières utilisent des procédures garantissant le respect des données personnelles. J'entends quelques entreprises se plaindre que vous privilégiiez peut-être un peu trop les citoyens par rapport aux entreprises et que, par conséquent, les habilitations ou réponses qu'elles attendent de votre part n'arrivent pas à temps, si bien que les solutions sont offertes par des entreprises étrangères. Que pouvez-vous dire sur ce sujet ? C'est la capacité des entreprises françaises à être présentes partout, à offrir leurs solutions de protection des données hors de France, qui est en jeu. Si vous privilégiez trop votre rôle de protection des données des citoyens, au point de répondre trop lentement aux entreprises, celles-ci risquent d'être affaiblies.
On peut également se demander si votre rôle auprès des entreprises doit vraiment être confié à une AAI. Il en va de même de votre rôle dans les négociations internationales, que vous avez évoqué tout à l'heure. Ne serait-ce pas le rôle du Gouvernement de le faire ? Que vous jouiez un rôle en France, c'est ce qu'on attend de vous, mais est-ce votre rôle - au-delà des partages d'expériences, qui sont normaux - de prendre des positions sur la manière dont les données personnelles doivent être protégées dans d'autres pays, y compris hors de l'Union européenne ? Considérez-vous que c'est votre rôle de le faire, ou le faites-vous parce que le Gouvernement ne le fait pas, ou encore le faites-vous en accompagnement du Gouvernement ?
En ce qui concerne la loi relative au renseignement, le fait que nous n'ayons pas obtenu le droit de contrôler les fichiers en aval fragilise-t-il la protection des individus par rapport aux nouvelles techniques de collecte et aux nouveaux fichiers ? La réponse est sûrement oui.
La CNIL a été saisie de l'avant-projet de loi, sur lequel elle a fait un certain nombre de remarques. Elle a notamment souligné que les nouvelles techniques de collecte envisagées constituaient un filet dont les mailles, à ce stade, étaient trop larges. Elle a donc formulé toute une série de propositions de différentes natures pour resserrer les mailles du filet ; ce qui a été fait pour partie par le Gouvernement.
Nous avons également proposé, dans le but d'apporter une garantie supplémentaire, que les fichiers de renseignement alimentés par les nouvelles techniques de collecte - boîtes noires, sonorisations, IMSI-catchers, etc. - fassent l'objet d'un contrôle externe. Ces fichiers existent déjà, mais ils vont être alimentés par ces nouvelles techniques de collecte. Aujourd'hui, ils ne font l'objet d'aucun contrôle externe, car ils bénéficient d'un régime extrêmement dérogatoire par rapport aux fichiers publics et de police, que nous contrôlons normalement. Leur acte de création n'est pas rendu public. Leur dossier d'autorisation par la CNIL est extrêmement restreint, notamment sur le plan technique. Enfin, nous ne les contrôlons pas ; je ne peux pas décider d'envoyer une équipe pour contrôler les fichiers de la Direction générale de la sécurité extérieure (DGSE), ou de la Direction générale de la sécurité intérieure (DGSI).
Bien avant le débat sur le projet de loi relatif au renseignement, dès le début de l'affaire Snowden, nous avions demandé au ministre de l'intérieur de l'époque d'instituer un contrôle de ces fichiers. Nous lui avions dit que, dans la période nouvelle qui s'ouvrait avec les révélations d'Edward Snowden, il devait apporter des garanties supplémentaires quant au fonctionnement de ces fichiers, qu'il ne pouvait pas se contenter de maintenir lestatu quo, parce que, sinon, il y aurait des Snowden partout, car il y aurait un risque de défiance à l'encontre de ces fichiers.
J'avais déclaré publiquement qu'il fallait imaginer un contrôle de la CNIL sur ces fichiers. Il s'agirait évidemment d'un contrôle spécifique ; nous nous rendons bien compte que les caractéristiques de ces fichiers nécessitent une vigilance et des modalités de contrôle particulières. Nous sommes capables de nous faire habiliter secret défense ; c'est d'ailleurs le cas aujourd'hui. Nous avions beaucoup avancé dans la préparation d'un éventuel contrôle de ce type.
Le législateur n'a pas souhaité répondre à notre proposition. Dont acte. La responsabilité politique a été prise. Pour notre part, nous resterons extrêmement vigilants quant à la manière dont le Gouvernement et les services mettront en pratique la loi relative au renseignement. En effet, même si sa rédaction n'est pas ambiguë, elle peut être mise en pratique de différentes manières. Il est donc très important que nous puissions, en tant qu'autorité de régulation, être vigilants à l'avenir.
J'ajoute que nous pouvons exercer notre contrôle sur certains fichiers de renseignement ; tous ne sont pas concernés par l'exception au principe du contrôle par la CNIL. Par exemple, nous pouvons contrôler les fichiers du renseignement pénitentiaire.
Pour répondre de manière synthétique à votre première question, je regrette que la loi relative au renseignement ne prévoie pas la mise en place d'un contrôle par la CNIL, mais cela ne nous empêchera pas, à l'avenir, et en coopération avec la Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement (CNCTR), de faire notre métier en vertu de nos habilitations législatives.
Votre deuxième question portait sur le financement de la CNIL. Nous avons réfléchi à un financement autre que budgétaire. Lorsque j'ai pris mes fonctions, en septembre 2011, il y avait un projet dans les tiroirs de la CNIL. Il s'agissait de travailler sur la notion d'autorité publique indépendante (API) et d'étudier la possibilité de disposer d'une ressource spécifique à partir de laquelle accorder une personnalité morale indépendante à la CNIL. À l'époque, la ressource envisagée était la facturation des déclarations et autorisations. La difficulté est que le régime des formalités préalables va pour l'essentiel disparaître avec le nouveau règlement européen. Par conséquent, je ne vois pas quelle pourrait être la base d'une éventuelle « redevance CNIL ».
En outre, le passage à un tel mode de financement nécessiterait un réaménagement complet de la structure institutionnelle. Le collège de la CNIL devrait être transformé en une sorte de directoire ; il ne serait plus un collège « politique » - au sens d'une impulsion politique - se réunissant en séance plénière. Peut-être pourrons y réfléchir à nouveau demain, lorsque le règlement européen sera adopté, mais, aujourd'hui, cela déstabiliserait considérablement l'institution.
La question de l'indépendance de la CNIL se poserait également. Le statut actuel nous garantit - je l'ai dit à plusieurs reprises - une équidistance entre le public et le privé. Il y aurait plus d'inconvénients que d'avantages à monnayer nos avis. L'avantage du statut actuel est que les sanctions sont versées au budget de l'État. Aujourd'hui, leur niveau est très faible, mais il peut être relativement intéressant de conserver le statut actuel pour le cas où elles seraient portées demain à 2 %, voire à 5 %, du chiffre d'affaires mondial des sociétés.
Votre troisième question concernait les deux rôles de la CNIL, et plus particulièrement sa relation avec les entreprises. On entend très souvent ce discours : la CNIL empêcherait les entreprises d'innover et handicaperait par ses délais les acteurs français dans leur conquête des marchés internationaux. Je ne le crois pas du tout. Nous n'avons pas été saisis une seule fois - et ce n'est pas faute d'avoir sollicité ceux qui se plaignaient - d'un projet ou d'une solution qui auraient été rendus plus difficiles à cause de l'inertie de la CNIL.
Je reconnais que, dans un domaine - celui des autorisations de recherche -, nos délais sont trop longs. Cependant, ce n'est pas uniquement de notre fait. L'avis de la CNIL n'est sollicité qu'au terme d'un processus auquel participent successivement plusieurs organismes consultatifs. Les équipes de recherche peuvent ainsi attendre pendant un an l'avis de la CNIL, ce qui constitue effectivement un handicap.
En revanche, pour ce qui est des acteurs économiques classiques, je n'ai pas connaissance de ce que vous dites. Je dirais même que c'est l'inverse. Toutes les études - une enquête Eurobaromètre a récemment été publiée par les institutions européennes - montrent que les clients et les citoyens sont de plus en plus préoccupés par l'utilisation de leurs données personnelles dans l'univers numérique. Même s'ils acceptent de confier leurs données aux acteurs économiques, car ils considèrent que c'est une sorte de fait de la modernité, ils sont un peu inquiets et voudraient avoir de la maîtrise. C'est pourquoi, aujourd'hui, la protection des données personnelles est un argument concurrentiel pour les acteurs. Elle peut leur permettre de souligner qu'ils construisent une relation de confiance avec leurs clients, leurs usagers, parce qu'ils les respectent en respectant leurs données. Cela fait trois ou quatre ans que nous développons cet argument et il commence à être entendu.
Pour vous donner un exemple concret, tous les ans, un grand salon de l'électronique, où sont présentées de nombreuses innovations dans le domaine des nouvelles technologies, se tient aux États-Unis. Toute une série de start-up et d'acteurs français de l'internet des objets se sont rendus à ce salon et ont mis en avant la protection des données personnelles comme argument de vente.
Il ne faut pas que la protection des données personnelles abrite la frilosité de certains. Encore une fois, la protection des données personnelles ne doit pas être excessive. Il est important de trouver un équilibre. La CNIL recherche un équilibre entre la protection des personnes et l'accompagnement de l'innovation. En tant que régulateurs des données personnelles, notre métier est d'élaborer cet équilibre. Si nous le faisons correctement, nous apportons aux acteurs un avantage concurrentiel qui est très déterminant aujourd'hui.
Sur ce dernier point, je ne suis pas totalement d'accord avec vous. Tout le monde est interpellé par les problèmes de délais qui existent en France. Les formalités administratives exigées des entreprises qui veulent s'installer, qui doivent se reconvertir ou développer leurs activités, sont beaucoup plus longues que dans les autres pays. Cela ne concerne pas simplement la CNIL. Nous devons tous, plutôt que de nous féliciter d'apporter une plus-value, nous interroger sur cet élément essentiel en matière de concurrence internationale et de compétitivité.
Je souhaite vous poser une question plus personnelle. En tant que présidente de la CNIL, vous êtes amenée à vous prononcer en droit, mais aussi en éthique. Or voici ce que je lis sur Wikipedia : « En juin 2007, pour se maintenir à la tête du Forum des droits sur l'internet, dont elle cumulait les postes de présidente et déléguée générale, elle fait passer en force une réforme des statuts. »
J'aimerais que vous fassiez un sort à cette affirmation, qui me paraît un peu dérangeante. Je sais qu'elle n'a pas valeur de vérité, car les articles de Wikipedia peuvent être rédigés par n'importe qui, mais il serait utile que vous nous éclairiez afin d'éviter qu'une fausse information ne soit véhiculée.
Nous devons, collectivement, simplifier les formalités et lutter contre les blocages administratifs. La réponse est oui. À la CNIL, nous nous y attelons depuis trois ans à travers un programme de simplification drastique des formalités préalables. Effectivement, nous ne pouvons pas nous battre au niveau international si nos acteurs sont handicapés par des boulets accrochés à leurs pieds. La CNIL participe à l'orientation générale de simplification des formalités.
J'ajoute que le règlement européen apportera une aide substantielle aux acteurs économiques français dans cette remise à niveau en termes de concurrence, puisqu'il prévoit de soumettre au droit européen tous les acteurs étrangers, qu'ils soient ou non implantés en Europe. Cette disposition, dont on n'a pas beaucoup parlé dans la négociation sur le règlement européen, remet à égalité de concurrence les acteurs européens, qui sont déjà soumis au droit européen, et les acteurs internationaux proposant des biens ou des services en Europe. Avec la simplification des formalités telle que nous l'opérons à la CNIL et cette disposition du règlement européen, nous remettons les acteurs nationaux et européens à égalité de concurrence avec les acteurs mondiaux.
Quant à votre question plus personnelle, les articles de Wikipedia sont rédigés par toute une série de gens. À l'époque, le Forum des droits sur l'internet possédait un conseil d'orientation et un conseil de surveillance, dont les périmètres étaient différents. Je cumulais en effet les postes de présidente du conseil d'orientation et de déléguée générale, c'est-à-dire opérationnelle au quotidien, de la structure. Les statuts ont effectivement été modifiés, mais il n'y a pas eu de passage en force. La modification des statuts a été votée par l'assemblée générale du Forum. C'est tout ce que je peux dire. Je n'avais même pas connaissance du passage que vous avez cité.
Sur votre parcours au sein de la CNIL, il me semble que la durée du mandat des membres de la CNIL est de cinq ans, renouvelable une fois. Or, si je calcule bien, vous en seriez à votre troisième mandat.
C'est exact mais ma situation est quelque peu atypique. J'ai été élue une première fois présidente de la CNIL par mes pairs, en septembre 2011. J'ai été réélue en septembre 2012, parce que l'article 4 de la loi n° 2011-334 du 29 mars 2011 relative au Défenseur des droits prévoyait expressément qu'une nouvelle élection du président de la CNIL serait organisée « au cours de la première quinzaine de septembre 2012 ».
En février 2014, mon mandat de membre de la CNIL venait à expiration, alors que mon mandat de présidente n'était pas achevé...
J'ai été désignée cette fois-ci membre de la CNIL par le Conseil d'État, ce qui n'était pas le cas auparavant. La nouvelle commission a procédé à l'élection de son président en février 2014. Sous l'empire de la nouvelle loi, ce mandat est le dernier, je vous rassure...
Madame la présidente, il s'agit non pas de nous rassurer, mais de répondre à une interrogation, car nous nous demandions quel était le processus à l'origine de cette situation que vous avez qualifiée d'atypique.
Je m'explique : si, dans les collèges de toutes les autorités administratives indépendantes, des membres peuvent être nommés ou désignés successivement par des autorités différentes, ce qui fait que leur mandat est considéré comme nouveau à chaque renouvellement, certains d'entre eux vont pouvoir siéger pendant un demi-siècle, voire parfois plus !
La règle du non-renouvellement du mandat date de 2004, mais ne s'applique pas aux personnes dont le mandat était en cours à l'époque - ce qui était mon cas. J'ai été membre de la CNIL de 2004 à 2009, mais la règle ne s'applique pas à cette période ; de 2009 à 2014, j'ai exercé mon premier mandat, et, depuis 2014, j'en suis à mon deuxième mandat.
Vous allez bientôt pouvoir conseiller le président de la Russie pour ses prochains mandats !
Ce n'est pas moi qui fais la loi, monsieur le rapporteur !
Nous entendons très souvent cette réponse lors de nos auditions, mais sachez que nous saurons en tenir compte, au moins en ce qui me concerne !
Je souhaite aborder le sujet de la vidéoprotection. Comment s'articule le rôle de la CNIL avec celui de la Commission nationale de la vidéoprotection, créée par le décret du 25 juillet 2011 ? Cette commission ne constitue-t-elle pas un doublon administratif par rapport à la CNIL ?
Je crois déjà connaître la réponse à cette question, et c'est pourquoi je souhaiterais que vous m'indiquiez également quels moyens humains vous consacrez aux nouvelles missions de la CNIL que sont la surveillance de la vidéoprotection et la réception des notifications des feuilles de sécurité. Ces moyens sont-ils suffisants ? La CNIL intervient en effet beaucoup, et j'en ai l'expérience. Le nombre d'installations est passé de 30 000 à 600 000, soit une augmentation énorme.
Comment gérez-vous les nouvelles compétences attribuées à la CNIL : procédez-vous en redéployant les moyens existants ?
Ce champ de compétences concerne particulièrement les collectivités territoriales. Les élus font des efforts considérables pour installer des équipements de vidéoprotection sur le domaine public, en accord avec la gendarmerie et tous les services concernés, après toute une série de diagnostics. Or, quand il leur vient l'idée de déclarer leur installation à la CNIL - car nombreux sont ceux qui ne déclarent rien ! -, ils se font « casser » - passez-moi l'expression. Par exemple, des techniques innovantes, comme le système de lecteur automatique de plaques d'immatriculation (LAPI), sont très mal considérées par votre instance.
Ce sujet est très important et nos concitoyens y sont très sensibles. Une part importante des plaintes que nous recevons portent sur ces questions, car il s'agit de dispositifs visibles qui suscitent énormément d'intérêt, voire d'alarmes.
La CNIL est compétente pour la vidéosurveillance, c'est-à-dire pour les dispositifs installés dans les lieux privés. La Commission nationale de la vidéoprotection est compétente pour les dispositifs installés dans des lieux publics ou des lieux accueillant du public. Par ailleurs, la CNIL exerce un contrôle global sur la vidéoprotection.
Il paraît difficile d'orchestrer un contrôle portant sur 600 000 installations, voire un million d'installations. Sur les 450 contrôles que nous effectuons chaque année, un tiers porte sur la vidéoprotection et la vidéosurveillance, qui se mêlent bien souvent.
Ensuite, la CNIL a signé une convention avec l'Association des maires de France, pour travailler en amont avec les maires qui veulent installer un dispositif de vidéoprotection. Nous leur fournissons une sorte de kit des questions à se poser et des réflexes à avoir dans un tel cas. Nous produisons également du matériel pédagogique et des guides. Cette action, loin d'être parfaite, nous permet de répondre à la demande que nous a adressée le législateur, à savoir l'encadrement et la régulation des dispositifs de vidéoprotection.
Sommes-nous suffisamment innovants et modernes face à l'évolution des techniques ? Vous avez mentionné un dispositif sur lequel nous avons pu avoir des différences d'appréciation par rapport aux collectivités locales. Encore une fois, ce n'est pas la CNIL qui rédige la loi : les dispositifs que vous avez évoqués ne s'inscrivent pas dans le cadre de la loi, selon son analyse - mais peut-être a-t-elle tort. Quoi qu'il en soit, le Conseil d'État en jugera...
Je ne comprends pas votre remarque !
Nous devons intervenir dans le cadre de la loi. Selon notre analyse, un certain nombre de dispositifs ne sont pas fixes et ne sont pas non plus des dispositifs de vidéosurveillance : ils sont nouveaux, et une réponse législative spécifique doit être apportée au problème qu'ils posent. Encore une fois, il se peut que la CNIL se trompe, mais chacun doit prendre ses responsabilités. Quoi qu'il en soit, notre idée n'est certainement pas d'entraver le développement de ces nouvelles technologies qui sont très intéressantes, pour les collectivités locales et un certain nombre d'acteurs.
Elles sont intéressantes pour les gendarmes et pour la police nationale, pas pour les collectivités territoriales ! Ces dernières réalisent et paient l'équipement, mais elles n'ont pas accès aux images. Seules y ont accès, sur réquisition, la gendarmerie et la police nationale. Il me semble un peu fort de café de ne pas pouvoir utiliser ces installations, alors que nous les avons mises en place sur la voie publique et payées, pour le seul bénéfice des services de l'État. Ce sujet devra forcément évoluer, mais nous en reparlerons !
En revanche, en ce qui concerne les moyens, vous ne m'avez pas tout à fait convaincue !
Comme je vous l'ai dit, notre équipe de contrôle compte vingt-cinq contrôleurs, dont un tiers environ est affecté au contrôle des installations de vidéoprotection. Ces contrôles sont moins consommateurs de ressources humaines que les autres : en général, une ou deux personnes suffisent, ce qui explique que ces contrôles peuvent s'exercer de manière relativement aisée. Ensuite, l'aspect pédagogique est également important, et nous lui consacrons une partie de nos ressources éditoriales : vous voyez qu'il existe plusieurs types de réponses, qui ne se limitent pas aux seuls contrôles.
Pour en revenir aux questions d'indépendance, nous avons vu que le Gouvernement était indépendant vis-à-vis de la CNIL, comme la loi relative au renseignement l'a largement démontré !
J'ai constaté que, lorsque vous étiez vice-présidente de la CNIL, vous aviez accepté une mission du Premier ministre. Pensez-vous qu'il s'agisse d'un exemple à renouveler ?
Voulez-vous parler de la mission sur le racisme et l'antisémitisme ? Je ne sais plus si j'étais déjà vice-présidente à cette époque...
Il me semble que si, mais peu importe, car nous avons pu relever bien d'autres exemples. Je profite de votre présence pour vous poser cette question par rapport au principe de l'indépendance des autorités administratives.
Une autorité administrative indépendante peut tout à fait avoir une mission de conseil du Gouvernement et de recommandation dans certains cas. En revanche, vous paraît-il souhaitable que les membres de ces autorités puissent être chargés, à titre personnel, d'une mission par le Gouvernement ?
À part le président de la CNIL, les autres membres du collège ne sont pas des permanents : ils exercent tous des activités professionnelles diverses. Dans le cadre de ces activités, on ne peut pas leur interdire d'accepter une mission du Premier ministre ou d'une autre autorité, à une réserve près : il serait difficile que cette mission porte sur la protection des données personnelles. En revanche, si cette mission porte sur un champ très particulier distinct de celui de la CNIL, elle ne me paraît pas poser de problème, sous réserve du respect de l'exigence de modération.
J'en reviens à la notion d'équilibre : si l'on veut attirer au sein du collègue de la CNIL des personnalités compétentes et dynamiques, il ne faut pas s'étonner que celles-ci soient sollicitées par ailleurs. Il me semble qu'il faut trouver un équilibre, mais c'est possible avec un peu de bonne volonté.
Voilà une excellente conclusion.
On peut malgré tout avoir le sentiment que la CNIL souhaite étendre ses compétences. La loi relative au renseignement a été évoquée : dans ce cas, le fait d'accorder de nouvelles compétences à la CNIL non seulement ne m'a pas choqué, mais il m'a paru tout à fait logique. En revanche, jusqu'où faut-il aller ? Lorsque l'on préside une autorité administrative indépendante qui exerce des responsabilités aussi importantes, n'est-on pas amené à vouloir étendre ses compétences - outre celles que le législateur ajoute régulièrement ? Cette tendance peut se concevoir, du point de vue de la technicité et des nouvelles questions qui se posent.
La CNIL n'a jamais été demandeuse d'une extension de ses compétences. Pour ne rien vous cacher, elle a été sollicitée sur un certain nombre de points, mais, compte tenu de l'ampleur des tâches qui lui incombent déjà, elle ne s'est jamais trouvée en position de demande.
Personnellement, je suis très opposée à l'idée selon laquelle, en regroupant un certain nombre d'activités, celles-ci sont nécessairement mieux assurées. Dans certains cas, cependant, des synergies peuvent s'établir et il n'est pas « idiot » de confier une nouvelle compétence à une autorité qui existe déjà.
Au risque de vous décevoir, je n'ai pas de position de principe sur ce point. Je ne considère pas, a priori, qu'une institution doive nécessairement croître pour être puissante. Ce que l'on demande d'abord à la CNIL, c'est de faire correctement son métier, et nous voyons bien que celui-ci connaît un bouleversement considérable. Nous devons déjà « digérer » cette transformation, et notre priorité n'est pas de partir à la recherche de nouvelles compétences.
La déconcentration des services de la CNIL dans des antennes régionales a été un moment envisagée. Où en êtes-vous, ce projet est-il abandonné ?
Je n'y suis pas très favorable. Il faut être cohérent : ces antennes régionales coûteront une fortune ! Ce projet était à l'étude depuis quelques mois lorsque j'ai pris mes fonctions en septembre 2011 : très honnêtement, il ne me paraît pas prioritaire.
En revanche, il faut que nous disposions d'interlocuteurs et de relais, au sein des collectivités locales, des chambres locales et des acteurs enracinés dans le terrain local. Je crois beaucoup plus en cette solution. Construire une CNIL dans chaque région ou département pose un problème de ressources, ne serait-ce qu'au regard des missions qui nous incombent déjà.
Puisque vous avez évoqué les relais locaux, pouvez-vous nous dire si vous disposez de moyens suffisants pour les faire vivre ? Nous rencontrons souvent ce problème : on peut souhaiter non seulement que ces relais existent, mais qu'ils soient efficaces et ne se sentent pas perdus, sinon ce sont des relais morts.
Vous avez tout à fait raison. Un des chantiers importants de la CNIL dans les mois à venir consistera à animer la communauté des correspondants informatique et libertés (CIL) dans les différentes institutions publiques ou privées.
Il existe aujourd'hui environ 15 000 correspondants, mais il en faudrait beaucoup plus ! En effet, ces correspondants seront demain les acteurs centraux de la mise en conformité, qu'il s'agisse des acteurs publics ou privés. Le métier de correspondant informatique et libertés va changer complètement : le correspondant ne sera plus simplement chargé de gérer les formalités préalables et de les alléger, mais il devra être le chef d'orchestre de la culture et des pratiques « informatique et libertés » au sein de son institution.
Nous entretenons d'ores et déjà une relation assez étroite avec ces acteurs, puisqu'il ne se passe pas de semaine sans que nous organisions une séance de formation de ces correspondants à la CNIL ; nous les réunissons une fois par an, un service téléphonique d'appui leur est spécifiquement dédié. Nous sommes donc à leur écoute, mais nous devons faire encore plus, parce que la régulation passera de plus en plus par eux. Le correspondant informatique et libertés joue un rôle clé dans la responsabilisation en matière de protection des données personnelles.
Au niveau des collectivités locales, la situation n'est pas si mauvaise, puisque 75 % des régions, 50 % des départements et 450 collectivités locales importantes ont un CIL. À la différence des administrations centrales, les collectivités locales ont pris le virage. En effet, nous avons beaucoup de mal à avoir des correspondants dans les grands ministères, ce qui est paradoxal. Nous disposons en revanche de ces relais au niveau local et nous devons les traiter encore mieux et leur donner des outils de mise en conformité. Nous sommes en train de bâtir, à l'image de ce que je vous décrivais au sujet du « pack de conformité », des packs de conformité pour les collectivités locales, sujet par sujet.
Je confirme que ces correspondants font un très bon travail au sein des collectivités locales. C'est un soulagement pour les élus qu'une personne dédiée soit en relation avec la CNIL et gère toutes les questions relatives aux données personnelles. Cette action mérite vraiment d'être développée.
Je vous remercie de vos réponses très complètes et très intéressantes.
La réunion est levée à 16 h 15
La réunion est ouverte à 16 h 20
Mes chers collègues, nous recevons maintenant Mme Laurence Engel, médiateur du livre, poursuivant ainsi une revue exhaustive de toutes les autorités administratives indépendantes et des autorités publiques indépendantes.
Le médiateur du livre a été créé par l'article 144 de la loi du 17 mars 2014 relative à la consommation. En réalité, c'est l'objet de l'amendement n° 651 rectifié présenté par le Gouvernement en séance publique, lors de la première lecture de ce projet de loi devant le Sénat, qui précise que le médiateur du livre est une autorité administrative indépendante. Le ministre Benoît Hamon en justifiait la nécessité par les spécificités du secteur de l'édition. Vous nous en direz certainement plus lors de votre présentation.
Le médiateur du livre exerce une activité de conciliation et de régulation dans des conditions précisées par un décret du 19 août 2014. Il est chargé de la conciliation des litiges portant sur l'application de la législation relative au prix du livre. Il intervient également dans le règlement des différends portant sur l'activité éditoriale des éditeurs publics.
Avant de vous donner la parole, le formalisme des commissions d'enquête me conduit à vous demander de prêter serment. Je suis également tenue de vous indiquer que tout faux témoignage devant notre commission serait passible des peines prévues aux articles 434-13 à 434-15 du code pénal.
Conformément à la procédure applicable aux commissions d'enquête, Mme Laurence Engel prête serment.
Madame la présidente, vous avez déjà présenté en partie la fonction que j'exerce et je m'efforcerai donc d'être brève. J'ai été nommée médiateur du livre le 5 septembre 2014. Comme vous le savez, je suis la première à exercer cette fonction et je dispose donc d'un recul assez limité pour esquisser un bilan. Toutefois, après quelques mois d'exercice, il me semble possible d'évoquer le rôle de cette autorité de manière concrète et non plus seulement théorique.
Il me semble important de replacer la création récente du médiateur du livre dans la perspective historique non pas des autorités administratives indépendantes, mais du secteur du livre. En effet, la création de cette fonction avait été évoquée au tout début des années quatre-vingt-dix : un médiateur avait alors été nommé intuitu personae pour régler une question. À l'issue de ses travaux, les professionnels avaient évoqué pour la première fois l'hypothèse de l'institutionnalisation de cette fonction. Depuis le début des années 2000, chaque fois que la situation du secteur du livre est évoquée, l'hypothèse de la création d'un médiateur du livre l'est également ; elle a même fait l'objet d'une formalisation juridique assez précise en 2003.
Cependant, la fonction n'a été créée qu'en 2014. Je pense que deux éléments déclencheurs ont joué pour que les professionnels, notamment les libraires, réinscrivent la question à l'ordre du jour.
Premier élément déclencheur : les libraires se sont mobilisés en 2012 pour rappeler les difficultés qu'ils rencontraient : le Gouvernement a alors engagé une réflexion qui s'est traduite par un certain nombre de dispositions législatives, dont celle créant le médiateur du livre, constituant ce que l'on a appelé le « plan librairie » - ce n'est pas le premier et je crains que ce ne soit pas le dernier. Quoi qu'il en soit, un lien a toujours été établi entre la situation de la librairie et la création d'un médiateur, puisque les lois sur le livre avaient toutes pour vocation de préserver le tissu existant de librairies. Or leurs dispositions ne sont pas toujours parfaitement respectées par les professionnels eux-mêmes. C'est pour cette raison que les libraires souhaitaient la création d'un médiateur chargé de veiller à la bonne application de la loi.
Dans le cadre du « plan librairie », les libraires ont reformulé leur demande qui a prospéré davantage qu'elle ne l'avait fait précédemment, parce que les enjeux du numérique ont conduit l'ensemble de la filière, y compris les éditeurs, à se poser un certain nombre de questions sur la viabilité de la loi et la manière de la faire respecter, en particulier la loi du 26 mai 2011 relative au prix du livre numérique - selon moi, c'est le deuxième élément déclencheur. En 2012 et en 2013, ce qui ne s'était jamais vu jusque-là, l'ensemble des acteurs de la filière du livre sont tombés d'accord pour demander la création d'un médiateur pour discuter de l'avenir de la filière et de la bonne application de la loi.
En toile de fond, un exemple s'imposait, celui du cinéma où un médiateur existe depuis une trentaine d'années - vous avez sûrement eu l'occasion de le rencontrer dans le cadre de vos travaux. Le recul dont nous disposons pour évaluer son activité a permis d'observer que son activité ne fluctue pas tant en fonction du nombre de litiges à régler qu'en fonction de leur importance qualitative : selon l'évolution des pratiques, de la vie économique des différents secteurs, le besoin d'une intervention est plus ou moins fort.
La fonction de médiateur du livre, telle qu'elle a été créée dans ce contexte, consiste, premièrement, à résoudre des conflits au niveau préjuridictionnel, puisque sa médiation est subsidiaire, par rapport aux instances professionnelles existantes, mais obligatoire, dans la mesure où elle est un préalable nécessaire avant la saisine du juge - les lois sur le livre comportant en effet des dispositions pénales. Le médiateur du livre n'a que peu de pouvoirs, puisqu'il ne peut adresser d'injonction. Il exerce simplement un pouvoir de recommandation, les parties ayant la possibilité de saisir ensuite les autorités judiciaires.
Deuxièmement, le médiateur ne joue pas uniquement un rôle préjuridictionnel, mais il joue aussi un rôle de régulateur, compte tenu de ses modalités d'intervention. Ce rôle de régulation apparaît dans le cadre du pouvoir de recommandation, qui résulte nécessairement d'un dialogue, dans l'obligation de rendre un rapport annuel d'activité au ministre et dans la possibilité de suggérer des évolutions du cadre réglementaire et législatif qui organise la filière du livre. Il joue donc un rôle d'instance de dialogue à deux niveaux : au sein de la profession et entre les professionnels et les autres organes de l'État, qu'il s'agisse du pouvoir exécutif ou législatif.
Troisièmement et enfin, le médiateur du livre a repris les fonctions de médiateur de l'édition publique, qui existait précédemment. D'une certaine manière, le médiateur de l'édition publique a vu ses fonctions étendues en 2014, pour devenir médiateur du livre. En outre, dans le secteur de l'édition publique, son intervention a été élargie au livre numérique.
Le contexte actuel est marqué par la réflexion portant sur la modernisation de l'action publique et sur une éventuelle redéfinition de ses contours. Il est important que les acteurs publics éditent et publient au format numérique. L'État a décidé de soutenir cette politique de manière consensuelle. De son côté, le médiateur du livre est chargé de résoudre un certain nombre de problèmes qui demeurent.
Le médiateur du livre doit être à disposition de la filière. Il constitue, à mon sens, un outil au service d'un secteur économique.
C'est d'ailleurs toute la logique du « plan librairie » : réactiver ou étendre un certain nombre d'outils mis à la disposition des professionnels du secteur. Ces outils peuvent être de nature économique, comme l'Institut pour le financement du cinéma et des industries culturelles, l'IFCIC. Ils peuvent également être de nature juridique. Je pense au médiateur du livre, ou encore aux agents assermentés, qui, sur l'ensemble du territoire, peuvent dresser des procès-verbaux constatant l'ineffectivité ou le non-respect des dispositions législatives.
De plus, il faut veiller à ce que les différents outils mis à la disposition de la filière soient bien articulés - je songe aux services du ministère de la culture, au Centre national du livre, le CNL, et à cette nouvelle institution qu'est le médiateur du livre.
Sur cette base, il me semble possible de distinguer trois critères d'appréciation.
Tout d'abord, en créant le médiateur du livre, le législateur a visé un objectif d'efficacité et d'effectivité de la loi. Je le répète, les professionnels constatent régulièrement qu'en la matière, les dispositions législatives ne sont pas strictement appliquées. Parallèlement, dans ce domaine comme dans bien d'autres, les différents acteurs sont placés dans des rapports de pouvoirs très inégaux.
En particulier, les libraires - ce sont précisément eux qui ont demandé la création du médiateur du livre - ne disposent pas, à leurs yeux, de moyens juridiques suffisamment solides pour saisir le juge. Il va sans dire que ces procédures coûtent très cher et exigent beaucoup de temps avant d'aboutir à une solution. Cet outil doit permettre d'assurer la bonne application de la loi, en évitant d'aller jusqu'aux procédures juridictionnelles : nous sommes donc bien face à une logique d'effectivité.
Il ne s'agit pas de retirer à l'État, ou du moins au pouvoir exécutif, une part de ses compétences - je sais que c'est là une question que se pose votre commission d'enquête. Au contraire, le but est d'assurer la bonne application de la loi et, ainsi, d'affirmer le rôle des pouvoirs publics.
Ensuite, les dispositions législatives suivent une logique d'économies. Le questionnaire que vous m'avez adressé consacrait une large part à cet enjeu. Vous le savez, le médiateur du livre dispose de moyens tout à fait restreints. Au demeurant, son action est moins coûteuse que le recours aux tribunaux, qui est rarement la solution la moins onéreuse, étant donné les coûts qu'elle représente en termes de temps et de procédures.
Enfin, la création du médiateur du livre répond à une logique d'adaptation des modes d'intervention de l'État, notamment à l'ère du numérique. Les professionnels du secteur se sont penchés attentivement sur cette question en 2012, à la suite de la loi relative au prix du livre numérique, votée en 2011. Tous les professionnels se posent cette question, notamment dans le secteur culturel.
Les outils de régulation existant dans tel ou tel domaine sont souvent vieux de trente ou quarante ans. Parfois, ils sont même beaucoup plus anciens, notamment dans les secteurs du cinéma et du livre - le CNL et le Centre national de la cinématographie, le CNC, ont été créés au lendemain de la Libération. Aussi, l'interrogation est la suivante : comment préserver ces outils de régulation, gages de l'exception culturelle française, face aux contestations dont ils font l'objet ? À mes yeux, ces dispositifs doivent être revisités à l'aune du numérique.
Le numérique impose de veiller en permanence à l'évolution du fonctionnement des divers secteurs économiques. Ces transformations sont extrêmement rapides. Pour des raisons d'efficacité, on imagine mal revenir constamment sur les textes législatifs ou réglementaires, dans le but d'en réviser tel ou tel point. Ou bien la norme deviendrait largement incompréhensible, ou bien elle se révélerait beaucoup trop précise et, dès lors, assez rapidement inadaptée. Ce sont là, je le sais, des enjeux auxquels le Sénat est attentif.
Tous les acteurs publics se posent la question de la régulation à l'ère du numérique, c'est-à-dire dans un univers extrêmement mouvant.
Dans ce cadre, l'intervention d'un médiateur favorise l'élaboration de textes plus larges, moins précis, fixant un certain nombre de principes tout en permettant une interprétation co-construite - pardonnez-moi ce barbarisme ! - et débattue avec les professionnels. C'est cette notion de dialogue, de discussion et d'adaptation, fondée sur une vision vivante des textes normatifs, qui a prévalu lors de la préparation de la loi, pour la création du médiateur du livre.
En tout cas, c'est ainsi que j'ai compris la création de cette instance et que j'ai exposé son rôle aux professionnels lors de ma prise de fonctions. De plus, c'est ainsi, pour tirer un premier bilan de ces quelques mois d'activité, que le médiateur du livre a fonctionné dans les faits.
Les professionnels m'assurent que cette instance leur permet de répondre aux questions qu'ils se posent, quant à la manière d'appliquer la loi aujourd'hui et quant aux moyens d'en préserver l'effectivité de manière rapide, productive et souple, ce presque au quotidien.
Le questionnaire de votre commission d'enquête m'a permis de détailler mon activité au cours de ces quelques mois. J'ai été sollicitée pour un certain nombre de petits dossiers du quotidien, ainsi que pour quelques grands sujets qui intéressent l'ensemble de la filière. Celui des offres d'abonnements a déjà abouti. Celui du fonctionnement des places de marché est en cours. Enfin, pour le dossier de l'édition publique, je m'emploie actuellement à formaliser un programme de travail, en lien avec les professionnels et les administrations.
Avant tout, madame la présidente, je tiens à vous remercier de cette présentation.
Permettez-moi de préciser que je n'ai pas, à proprement parler, le titre de présidente, même s'il me flatte beaucoup. (Sourires.)
Je vous appellerai donc madame le médiateur, même si, sauf erreur de ma part, vous présiderez bientôt une autre instance.
Je vous avoue ne pas savoir ce à quoi vous faites allusion.
Vous lisez certainement, comme moi, le Bulletin quotidien...
Toujours est-il que vous êtes, en tant que médiateur du livre, un objet administratif assez inédit. En effet, la qualité d'autorité administrative indépendante du médiateur du livre figure non pas dans la loi, mais simplement dans l'objet de l'amendement du Gouvernement par lequel cette instance a été créée, et dans l'argumentaire développé en séance publique par Benoît Hamon, alors ministre délégué à l'économie sociale et solidaire et à la consommation.
Or la loi en question date du 17 mars 2014, époque à laquelle vous dirigiez le cabinet de Mme la ministre de la culture. C'est là le premier constat qui m'interpelle, surtout quant au critère d'indépendance.
La création du médiateur du livre résulte d'un amendement du Gouvernement déposé alors que vous assumiez ces fonctions de directrice de cabinet. Quelques mois plus tard, vous êtes appelée à diriger cette autorité administrative indépendance. Considérez-vous qu'il s'agit là d'un mécanisme d'indépendance ?
Monsieur le rapporteur, vous le savez, la nomination des membres des AAI est soumise au contrôle de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique. Cette institution peut être appelée à intervenir, si elle relève telle ou telle difficulté.
En l'espèce, les faits ne sont pas contestables : j'étais effectivement directrice de cabinet de Mme la ministre de la culture au moment où la loi a été votée. Je précise néanmoins que je n'occupais plus ce poste lors de la publication des décrets d'application, et que ce n'est pas en tant que directrice de cabinet que j'assume les fonctions de médiateur du livre.
Encore heureux !
J'ajoute que vous avez réintégré la Cour des comptes, où vous avez le grade de conseiller maître.
Je ne sais si ce processus de création d'une autorité administrative indépendante vous interpelle. Personnellement, il me pose problème.
Peut-être vous demandez-vous si j'ai personnellement pu intervenir dans cette nomination, parce que j'avais pour projet de devenir médiateur du livre.
J'ai, il y a bien longtemps, prêté serment comme magistrat. Je viens de prêter serment devant vous au titre de cette audition. Aussi, je vous le déclare sous double serment : tel n'était pas le cas.
Par ailleurs, vous pointez le fait que cette autorité administrative indépendante a été créée par le biais d'un amendement gouvernemental. Mais, pour autant, ce dernier n'a pas été voté par le Gouvernement.
Je crois sincèrement aux institutions, y compris avec le formalisme que leur fonctionnement implique. Lorsqu'un texte de loi est voté, c'est par le législateur. En l'espèce, il s'agit bien d'une loi, et non d'un décret pris par la seule ministre de la culture, à l'époque où j'étais sa directrice de cabinet.
Au demeurant, l'historique que j'ai retracé le prouve : la création de cette fonction, dans les formes qui sont aujourd'hui les siennes, est demandée depuis fort longtemps.
L'indépendance des AAI est appréciée au regard des autres éléments constitutifs des pouvoirs publics. Les professionnels qui se tournent vers ces instances doivent disposer de certaines garanties. Si celles et ceux qui peuvent saisir le médiateur du livre estimaient qu'il existe un problème, ils l'auraient, à mon sens, signalé d'emblée.
Parallèlement, la loi fixe d'autres garanties, qui me semblent respectées.
J'ai quelque peu suivi les débats de votre commission d'enquête. Vous semblez considérer que, par principe, les magistrats sont trop liés aux pouvoirs exécutif ou législatif pour exercer d'autres fonctions. Cette question renvoie au fonctionnement même des institutions démocratiques. Le métier de magistrat implique la prestation de serment. Il est tel que le législateur puisse permettre à ce type d'agents publics d'occuper des fonctions de tiers. Ce sont, en l'occurrence, des fonctions de tiers destinées à résoudre des différends.
Madame le médiateur, vous saurez ce que nous pensons en lisant les conclusions de notre rapport...
Cela étant, nous ne faisons en rien le procès de l'indépendance des magistrats. Ce n'est pas du tout l'objet de cette commission d'enquête, laquelle porte sur la multiplication des autorités administratives indépendantes. Quel « plus » ces dernières apportent-elles ? Pour certaines d'entre elles, existe-t-il tout simplement un plus ? Nous nous interrogeons par ailleurs sur les mécanismes de nomination des membres des collèges, des présidents ou médiateurs institués dans le cadre de ces autorités administratives indépendantes.
J'insiste sur ce point, même si ce n'est pas lui qui changera la face du monde. Le médiateur du livre a été créé via un amendement déposé, assez tardivement, par le Gouvernement. À ce moment-là, vous étiez directrice de cabinet de Mme la ministre de la culture. Or, dès que vous avez quitté le ministère, vous êtes devenue médiateur du livre.
En l'occurrence, il ne s'agit pas de votre cas personnel, mais d'un ensemble de processus. Manifestement, certaines autorités administratives indépendantes renforcent l'équilibre de nos institutions, apportent un « plus » à nos concitoyens et donnent entière satisfaction. Mais d'autres cas interpellent le législateur, à très juste titre : vous l'avez rappelé vous-même, nous votons la loi. Nous pouvons donc, nous aussi, chercher à savoir si nous avons voté de bonnes lois !
Monsieur le rapporteur, vous m'assurez que cette question n'est pas personnelle. Néanmoins, c'est bien la forme qu'elle prend...
Sauf erreur de ma part, cette nomination a présenté les garanties exigées par la loi. En l'occurrence, votre interrogation n'est pas liée à la fonction de médiateur du livre.
Certes, mais il est normal que la question soit soulevée et que nous vous la posions.
Des questions similaires se posent pour d'autres autorités administratives indépendantes. A-t-on le temps d'exercer des fonctions à la Cour des comptes tout en étant médiateur du livre et, sinon à compter d'aujourd'hui, du moins bientôt, présidente de la commission financière de l'Agence France-Presse, l'AFP ? Il est normal que l'on s'interroge à ce sujet.
Je vous remercie de cette précision, car j'ignorais de quelle présidence vous parliez.
Non, monsieur le rapporteur, vous ne me l'apprenez pas, mais je croyais que vous évoquiez des attributions permanentes. Cela étant, je peux vous fournir des précisions quant aux fonctions de président de la commission financière de l'AFP.
Vous êtes aujourd'hui devant nous en tant que médiateur du livre. Il est légitime que nous nous demandions si le mode de fonctionnement que je viens d'évoquer vous paraît le meilleur pour nos institutions. Nous poserons sans doute cette question à d'autres représentants d'autorités administratives indépendantes.
Par ailleurs, la circulaire du 9 décembre 1999 a institué un médiateur de l'édition publique, chargé d'observer l'activité des éditeurs publics, de veiller à la cohérence de leur politique éditoriale et au respect des règles énoncées dans la circulaire du 20 mars 1998. Vous avez à l'évidence repris ces fonctions. En quoi consistent-elles concrètement ?
Je note que, jusqu'en 2014, ces attributions ne relevaient pas d'une autorité administrative indépendante. Ce statut est-il réellement une avancée dans la médiation pour les éditeurs publics ?
À mon sens, le statut juridique d'autorité administrative indépendante ne change pas fondamentalement l'exercice de ces missions. En revanche, ces dernières ont acquis un fondement législatif qu'elles n'avaient pas précédemment - elles étaient définies par de simples circulaires.
De plus, ce champ de compétences a été étendu au numérique. Cette modification est importante, même si elle aurait pu être opérée par le biais d'une circulaire.
Vous le savez sans doute, le médiateur de l'édition publique articule son action avec celle des services dépendant directement du Premier ministre, notamment de la direction de l'information légale et administrative, la DILA. Ces structures sont censées intervenir en première instance, pour assurer la cohérence de l'action éditoriale des administrations.
Vous avez évoqué la mission de régulation exercée par le médiateur du livre. Mais le suivi du secteur de l'édition ne pourrait-il pas être confié à l'Autorité de la concurrence ?
Dès mon entrée en fonctions, j'ai pris contact avec l'Autorité de la concurrence pour voir comment nos actions devaient et pouvaient s'articuler.
Lorsque les questions posées au médiateur du livre relèvent du droit de la concurrence, c'est à l'Autorité de la concurrence d'intervenir.
De son côté, le médiateur du livre exerce un rôle très précis. Il n'a pas vocation à résoudre tous les litiges. Il n'intervient que dans les cas relevant des lois de 1981 et de 2011. Ces textes, relatifs au prix du livre, ne traitent pas du droit de la concurrence.
En revanche, divers sujets exigent bel et bien une articulation entre les deux instances. Voilà pourquoi j'ai pris contact avec l'Autorité de la concurrence. Pour sa part, celle-ci m'a assuré que le prix du livre ne relevait pas de sa compétence, et que les sujets en question étaient généralement trop ponctuels pour qu'elle puisse intervenir.
L'Autorité de la concurrence brasse des enjeux extrêmement larges.
Dans le domaine que je connais le mieux, à savoir les secteurs culturels, y compris celui des industries culturelles, où les enjeux économiques, même à l'échelle de chaque entreprise, sont assez importants, le constat est unanime : les acteurs économiques transversaux confrontés à ce secteur, banques ou autorités de régulation, connaissent mal les outils de régulation qui lui sont propres. Les échanges s'en trouvent quelque peu compliqués.
L'Autorité de la concurrence elle-même est très attentive à ce que le médiateur du livre n'intervienne pas de manière trop générale et systématique. Mais elle est désireuse d'établir des échanges avec lui, pour alimenter sa propre réflexion.
Dans cet ordre d'idées, je songe aux travaux engagés au titre des abonnements illimités. Dans le secteur cinématographique, l'Autorité de la concurrence a pu intervenir pour réguler le fonctionnement de la carte de cinéma illimitée. Il fallait veiller à ce que le prix moyen de la séance à laquelle assistent les spectateurs détenteurs de cette carte ne soit pas trop bas par rapport à la rémunération du producteur.
Fait assez rare dans les secteurs culturels, l'Autorité de la concurrence est intervenue pour prévenir d'éventuelles démarches prédatrices. Au sujet de ces abonnements illimités, ou faussement illimités, elle disposera d'une base juridique lui permettant d'intervenir.
Or, pour le secteur du livre, sa première réaction a été d'affirmer qu'elle ne disposait pas de base juridique pour agir au titre du droit de la concurrence.
Ainsi, peut-être sera-t-il possible de raviver le regard porté sur ce secteur particulier.
Quoi qu'il en soit, il faut veiller à cette articulation. Dans un secteur donné, il faut se demander ce que peuvent apporter une autorité administrative indépendante ou, plus largement, un régulateur, et des régulateurs transversaux, tout particulièrement lorsqu'un droit spécifique est en vigueur - c'est le cas pour le livre. Il s'agit d'articuler convenablement les différents pans du droit.
Madame Engel, peut-on avoir une idée du volume horaire que vous consacrez à vos fonctions de médiateur du livre ? Ces dernières représentent-elles un cinquième, deux cinquièmes de votre temps de travail ? Votre rémunération de base fait-elle l'objet d'une décharge, ou bien ces divers traitements se cumulent-ils ?
La rémunération des magistrats de la Cour des comptes est régie par le statut de la fonction publique. Quant aux primes que ceux-ci perçoivent, elles varient selon leur activité effective. Ces magistrats sont tenus d'effectuer un certain nombre de « vacations » correspondant à leur programme de travail, qu'ils sont libres d'organiser. Certains acceptent de travailler au-delà de ces fonctions de contrôle, ou de siège, pour ce qui concerne les conseillers maîtres. Dès lors, leur rémunération varie en fonction de leur activité.
Il n'y a donc pas de décote...
Bien entendu, pour ma part, au-delà de mon activité de magistrat rapporteur ou de magistrat de siège, je n'assume pas de charge de travail supplémentaire à la Cour des comptes, comme responsable de secteur, de section, ou au titre des missions administratives.
Quant au temps effectif que je consacre à mes fonctions de médiateur du livre, je ne l'ai pas décompté de manière précise. J'avais prévu qu'il représenterait environ un cinquième de mon temps de travail total. Néanmoins, tout dépend de la manière dont on le comptabilise. On ne peut appliquer aux cadres des référentiels comptables comparables à celui des 35 heures.
Certains de vos homologues nous ont assuré qu'ils travaillaient le week-end.
C'est tout à fait conforme à la réalité.
Par ailleurs, je ne sais si l'on peut comparer cette charge de travail aux fonctions de directeur de cabinet,...
ou aux autres fonctions que j'ai exercées.
Je le répète, j'avais envisagé de consacrer une journée par semaine à mes fonctions de médiateur du livre. Évidemment, il était difficile d'anticiper précisément cette charge de travail avant d'avoir un minimum d'expérience, d'autant que cette instance venait d'être créée.
J'ajoute que ce volume d'activité est susceptible de varier selon les années. Dans une certaine mesure, les professionnels étaient dans une situation d'attente. J'ai perçu qu'ils gardaient de côté un certain nombre de sujets qu'ils souhaitaient aborder. Aussi, j'ai été sollicitée pour trois gros dossiers, qui ont exigé et vont exiger beaucoup de temps. Je ne suis pas certaine que, à l'avenir, des questions aussi larges que l'impact de l'arrivée des abonnements dans la régulation du secteur du livre se poseront tous les ans.
Je me permets de rebondir sur la question de notre excellent collègue Jean-Léonce Dupont. Vous allez très prochainement présider la commission financière du conseil supérieur de l'AFP.
Je précise qu'il ne s'agit pas d'une activité permanente.
J'entends bien. Toutefois, je note que la nouvelle présidente du conseil supérieur de l'AFP a été, précédemment, directrice de cabinet de Mme la garde des sceaux. De telles situations peuvent tout de même interpeller les parlementaires : dans un certain nombre de cas, on cesse d'être membre ou directeur d'un cabinet ministériel pour devenir illico président d'une autorité administrative indépendante...
Monsieur le rapporteur, j'ai peut-être réagi un peu vivement à votre précédente question. Toutefois, à mes yeux, on ne peut employer le mot illico.
Tel n'était pas le cas pour ce qui me concerne. J'étais désireuse d'assumer cette mission du fait de mon intérêt pour le secteur culturel, qui ne se limite pas aux fonctions de directeur d'un cabinet ministériel, que j'ai exercées pendant deux ans, aussi importantes soient-elles.
Nous ne remettons nullement en cause vos compétences en la matière : au regard de votre expérience, elles sont tout à fait évidentes !
La commission financière de l'AFP est composée de trois magistrats, auxquels s'ajoutent, jusqu'à présent, deux rapporteurs et des commissaires aux comptes. Elle est chargée d'examiner des comptes de cette agence, ce qui correspond précisément au métier de ses membres.
Un certain nombre de textes indiquent, du reste, que les magistrats de la rue Cambon assument diverses attributions dans les domaines comptables et fiscaux, et qu'ils sont à ce titre tenus de siéger dans telle ou telle instance. La Cour des comptes organise ses travaux en fonction de l'ensemble de ces missions, notamment de toutes celles que le législateur lui confie.
Ainsi, en créant de plus en plus d'autorités administratives indépendantes, le législateur doit poser de plus en plus de problèmes au Premier président de la Cour des comptes : il doit faire face à une demande croissante !
Monsieur le rapporteur, si vous me permettez une touche d'humour, il ne me semble pas que les administrations actives aient le sentiment d'être oubliées par les contrôles de la Cour des comptes...
Nous n'en doutons pas !
J'en reviens au médiateur du livre. Toutes les fonctions support dont il dispose relèvent du ministère de la culture : son budget, ses bureaux, etc. Ce médiateur n'est-il pas, sous le statut d'AAI, un appendice du ministère de la culture ?
Les démembrements de l'État constituent une question ancienne, qui se pose pour l'État comme pour les collectivités territoriales. Bien entendu, elle est extrêmement légitime et importante. C'est le fonctionnement même des pouvoirs publics qui est en jeu.
À mon sens, de tels liens ne remettent pas en cause l'exigence d'indépendance.
En réalité, contrairement à d'autres AAI, le médiateur du livre n'est pas une administration, mais bien un médiateur, presque un tiers stricto sensu : pour parler de manière un peu prosaïque, ce sont deux personnes qui interviennent pour réunir les acteurs autour de la table. Il ne s'agit donc pas d'une administration au sens technique du terme.
Bien sûr, il ne serait pas sain que cette instance dispose d'un budget séparé, alors que des moyens supplémentaires ne seraient pas nécessaires.
Je l'ai dit d'une manière qui a peut-être paru un peu naïve. Je crois beaucoup aux institutions et à leur fonctionnement. C'est pourquoi j'ai choisi d'être fonctionnaire. C'est pourquoi je le suis restée, et pourquoi je le suis toujours.
Toutefois, j'en suis consciente, le mode d'intervention des pouvoirs publics exige une réflexion permanente, portant sur le contour des autorités publiques, sur le meilleur moyen d'assurer les services publics.
À ce titre, la création des établissements publics a suscité beaucoup de débats. Si j'en crois mon expérience, je constate que certaines de ces structures sont des établissements au sens concret du terme, tandis que d'autres ont pour mission de gérer des procédures. Cette distinction pose, d'entrée de jeu, un certain nombre de questions quant à la nature de l'intervention de l'État.
Au reste, dans le secteur que je connais le mieux, à savoir celui de la culture, le CNL et le CNC sont bien antérieurs aux autorités administratives indépendantes. Ces centres n'en sont pas moins des formes de démembrement de l'État : il s'agit d'établissements publics gérant des procédures de subvention ou de financement.
Au sujet du livre, l'enjeu qui fait débat depuis un certain nombre d'années et qui, aujourd'hui, se trouve réactivé, avec l'essor du livre numérique, c'est la régulation. L'État, dans toutes ses dimensions, fixe un certain nombre de principes. Il décide d'intervenir pour réguler divers secteurs et développe des outils pour assurer cette régulation. Cette action relève-t-elle ou non du pouvoir exécutif, dans l'acception la plus classique du terme ? Telle est la question soulevée au sujet des autorités administratives indépendantes.
Je le répète, il faut distinguer un ensemble de cas de figure, impliquant éventuellement des transferts de compétences. Dans le cas du médiateur du livre, il n'y a pas de transfert de cette nature. Cette instance a pour vocation d'assurer le fonctionnement d'outils de régulation déjà créés. L'administration, en tant qu'organe exécutif, n'est pas la mieux à même d'exercer cette mission. À mon sens, la notion de tiers est importante.
Vous m'avez interrogée au sujet de mes fonctions de directrice de cabinet. Je vous avoue que, lorsque j'occupais ce poste, je ne m'étais pas posé ces questions de manière aussi poussée qu'aujourd'hui.
En revanche, j'avais déjà à l'esprit l'adaptation de la régulation, dans le secteur culturel, à l'ère du numérique. Il s'agit là d'une question sur laquelle je reviens sans cesse et que nous avons beaucoup travaillée, d'une réflexion consciente et active, menée par le Gouvernement comme par le législateur.
À ce titre, si le médiateur du livre a été créé par le biais d'un amendement, c'est parce que le Gouvernement n'a pas voulu attendre le projet de loi relatif à la liberté de création, dont l'examen parlementaire ne commence que maintenant.
En tant que médiateur, je vise l'efficacité d'une intervention permettant de garantir l'effectivité de la loi sans nécessairement produire de nouveaux textes législatifs - cette méthode n'est pas nécessairement la plus efficace dans le secteur du numérique.
Il faut assurer le respect d'un principe fixé de longue date par l'État.
Pardonnez-moi d'insister sur les conditions de création de cette autorité administrative indépendante. Bien sûr, le législateur est responsable de tous ses votes. Mais un amendement tardif déposé par le Gouvernement ne me semble pas le meilleur moyen de lui communiquer tous les éléments lui permettant d'opérer un choix de qualité.
Même si Jean-Louis Tourenne vient de partir, je me permets de vous poser cette dernière question : envisageriez-vous une délocalisation en province, par exemple à Brive-la-Gaillarde, en Corrèze, où a lieu chaque année la foire du livre ? Je précise qu'une liaison aérienne est assurée, deux fois par jour, entre Paris et Brive... C'est une touche d'humour !
Monsieur le rapporteur, je vous répondrai brièvement, au risque de relancer vos interrogations. Le médiateur du livre est une instance permanente, mais elle ne correspond pas à un temps complet. Sa délocalisation serait donc un peu compliquée.
Pas nécessairement : vous pourriez prévoir, par exemple, une réunion par mois à Brive ?
Le souci, c'est que je n'auditionne pas à jour fixe...
Nous allons conclure sur cette note d'humour, madame le médiateur. Au nom de la commission d'enquête, je vous remercie d'avoir répondu à nos questions.
La réunion est levée à 17 h 10