En instituant, à l’article 12, un service territorial de santé au public, le STSP, vous faisiez de ce projet de loi un texte d’hyper-administration, qui plaçait l’essentiel du pouvoir de décision entre les mains des directeurs généraux des ARS, et qui instaurait une forme de planification ambulatoire, inacceptable pour les praticiens libéraux. L’Assemblée nationale a remanié le texte en substituant au STSP une autre formule, celle de la communauté professionnelle territoriale de santé ou CPTS.
Néanmoins, la commission des affaires sociales a jugé indispensable de prendre davantage en compte les initiatives des professionnels de santé de terrain, sans lesquels rien ne peut se faire. Elle a donc remplacé les CPTS par les pôles de santé renforcés. En effet, il ne semble pas opportun de remettre en cause, lors de l’examen de chaque nouvelle loi de santé, des dispositifs qu’on a à peine eu le temps de faire fonctionner, a fortiori s’ils fonctionnent bien !
Les groupements hospitaliers de territoire prévus par l’article 27 – les fameux GHT – nous paraissent susceptibles d’offrir aux hôpitaux publics le moyen de s’adapter plus aisément aux besoins des territoires et de favoriser l’accès de tous et en toute sécurité à des soins de qualité. Cependant, compte tenu des remontées de terrain, la commission a jugé nécessaire de s’assurer que les équipes soignantes seraient à l’origine du projet médical des GHT et que ces derniers ne dépendraient pas d’une décision unilatérale des ARS. Nous estimons également important que les élus ne soient pas de simples spectateurs du fonctionnement des GHT et qu’ils puissent participer activement à la définition de leur stratégie.
D’autres modifications substantielles ont été introduites. Je pense notamment à celle apportée à l’article 26 avec le maintien des missions de service public pour les établissements de santé privés à but lucratif. Nous ne sommes certes pas opposés au rétablissement d’une étiquette « service public » pour les établissements publics ou non lucratifs, mais nous ne voyons aucune raison de pénaliser les établissements privés qui s’engagent à mener des missions de service public à tarif opposable.
J’en viens désormais à une mesure qui, pour nous, n’a pas sa place dans ce texte et qui cristallise les oppositions : il s’agit de la mise en place du tiers payant obligatoire et généralisé. La commission des affaires sociales estime que cette disposition, dont la mise en œuvre est complexe et qui rompt avec les modalités d’exercice de la médecine libérale, n’est pas véritablement nécessaire dès lors qu’elle s’applique déjà aux publics les plus fragiles et qu’elle a été largement adoptée par les médecins pour les patients atteints d’affections de longue durée.
S’agissant de l’accès aux soins, je signale d’ailleurs que la commission des affaires sociales a adopté deux amendements identiques de nos collègues Mmes Aline Archimbaud et Laurence Cohen, qui rendent automatique le renouvellement de l’aide à la complémentaire santé pour les bénéficiaires de l’allocation aux adultes handicapés et de l’allocation de solidarité aux personnes âgées.
Alors qu’elle n’apporte rien en termes d’accès aux soins des plus démunis, la généralisation du tiers payant suscite une crispation inutile, obérant tout progrès dans les discussions conventionnelles sur des sujets autrement plus urgents et importants pour notre système de santé. Pour l’ensemble de ces raisons, mais aussi pour des raisons que nous exposerons ultérieurement lors de l’examen des articles, nous avons donc supprimé l’article 18 du projet de loi.
Plus fondamentalement, on ne peut aujourd’hui discuter d’une loi de santé publique sans engager parallèlement une réforme permettant de financer durablement l’accès aux soins de tous. La réflexion ne devra pas seulement porter sur les sources de financement des dépenses sociales, mais aussi sur l’architecture même de la sécurité sociale. Cette dernière doit être pilotée par la seule autorité légitime pour définir la politique de santé dans notre pays, à savoir la ou le ministre.
À titre personnel, je suis également convaincu qu’il est possible de garantir la prise en charge intégrale des dépenses de santé par l’assurance maladie en procédant à une simplification drastique des structures de remboursement. De fait, dans la mesure où il n’aborde pas la question du financement pérenne des soins, ce texte demeure nécessairement incomplet.
Le présent projet de loi n’en demeure pas moins foisonnant, et je n’ai abordé que quelques-uns de ses nombreux aspects. Aussi, Mmes Catherine Deroche et Élisabeth Doineau, également corapporteurs de la commission des affaires sociales sur ce texte, interviendront au cours de la discussion générale pour évoquer successivement les autres chapitres de ce texte, en particulier celui de la prévention.
(Marques d’approbation sur les travées du groupe Les Républicains.) C’est cette même ligne que nous avons suivie – durement, je dois l’avouer – lors de l’examen entamé cet après-midi en commission des amendements soumis à notre assemblée.