Intervention de Catherine Génisson

Réunion du 14 septembre 2015 à 16h00
Modernisation de notre système de santé — Discussion en procédure accélérée d'un projet de loi dans le texte de la commission

Photo de Catherine GénissonCatherine Génisson :

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, moderniser notre système de santé pour le rendre plus juste et mieux adapté aux réalités d’aujourd’hui : tel est l’objet du projet de loi dont nous devons débattre, et cela dans un contexte marqué par un paradoxe très prégnant : malgré son excellence, notre médecine se heurte, dans son organisation, aux inégalités sociales et territoriales.

La France peut s’enorgueillir d’un excellent système de santé. L’Organisation mondiale de la santé, l’OMS, le considère comme l’un des meilleurs. Ce classement reflète la qualité des soins qu’offre la communauté soignante à nos concitoyens. Notre pays innove constamment et ouvre la voie sur le front des technologies nouvelles. À ce titre, il figure au troisième rang mondial pour les brevets de robotique médicale. Ce sont là des atouts, que nous devons concrétiser de manière plus offensive sur le plan économique.

Toutefois, reconnaissons que l’organisation de notre système de santé est trop cloisonnée, voire crispée et hospitalo-centrée, même si, sur le terrain, l’innovation, la transversalité et la coopération interprofessionnelle se développent davantage que ce qu’affirment les délégués des organisations professionnelles et les représentants syndicaux, d’autant que les jeunes générations s’expriment à la fois avec exigence et esprit d’ouverture.

Le paradoxe réside donc dans le fait suivant : notre excellence médicale se heurte aux inégalités sociales qui perdurent – Mme la ministre l’a rappelé : à soixante ans, l’espérance de vie d’un ouvrier est inférieure de sept ans à celle d’un cadre –, ainsi qu’aux inégalités territoriales qui se creusent – les déserts médicaux sont inégalement répartis sur notre territoire.

Par ailleurs, les besoins de santé et l’exercice des professions médicales ont évolué, face au développement des maladies chroniques comme au vieillissement de la population.

Garantir l’égalité de nos concitoyens au regard de la modernisation de notre système de santé et des progrès de la recherche : telle est la colonne vertébrale du texte dont nous allons débattre. À cet égard, j’évoquerai, à ce stade, les trois piliers sur lesquels repose le présent projet de loi.

Le premier pilier est celui de la prévention, qui, Mme la ministre l’a rappelé, constitue le socle de notre système de santé. Je songe à la prévention des maladies évitables, des pratiques addictives, notamment l’alcoolisme et le tabagisme, et des problèmes de nutrition, se traduisant tant par l’obésité que par la très grande maigreur ; ou encore à la prise en compte des enjeux de santé environnementale.

L’ensemble des mesures en question forme un programme très complet et structuré, au cœur duquel le public jeune est particulièrement ciblé. La lutte contre le tabagisme alimentera nos débats : ces derniers, j’en suis sûre, seront francs, loyaux et constructifs.

Le deuxième pilier pourrait s’intituler : « Le citoyen, acteur de sa santé, avec, comme premier correspondant, son médecin traitant ».

Le présent texte donne toute sa place aux soins primaires, permettant, grâce à la mise en place de communautés professionnelles de territoires de santé, aux acteurs de la médecine ambulatoire d’être les initiateurs de leur organisation. Ce dispositif lève d’emblée le reproche d’une organisation verticale, menée sur l’initiative des agences régionales de santé, les ARS. Néanmoins, ces dernières devront s’assurer du bon fonctionnement du dispositif.

Le tiers payant généralisé sera mis en place. Cette disposition technique, qui est également une mesure de justice, doit garantir, sans imposer un nouveau temps de travail administratif aux médecins, que l’argent ne soit pas un obstacle à l’entrée dans le cabinet médical. Les médecins traitants savent prendre en compte les difficultés financières de leurs patients.

Le Sénat consacrera, je l’espère, un grand débat à l’examen de l’article 18, que nous proposons de rétablir, au nom de la justice sociale. Madame la ministre, à cet égard, vous nous avez rassurés quant à l’application technique de cette disposition.

Le service public hospitalier est rétabli et donne toute sa force aux devoirs de notre nation envers ses concitoyens. Les groupements hospitaliers de territoire, les GHT, doivent optimiser l’offre hospitalière. De leur côté, les médecins et la communauté soignante dans son ensemble doivent prendre toute leur part à la constitution de ces structures.

Par ailleurs, les relations entre les médecines hospitalière et libérale vont être approfondies, autour de la notion du parcours de soins des malades – je songe en particulier à la lettre de liaison, qui deviendra obligatoire à la sortie de l’hôpital.

Le troisième et dernier pilier du présent texte renforce la démocratie sanitaire. Il s’agit d’offrir de nouveaux droits à tous les patients, à tous les citoyens, par la mise en œuvre des actions de groupe et la modernisation de l’open data, c’est-à-dire la possibilité d’accéder à des données anonymisées propices à la recherche et au progrès. Dans ce pilier, figure également le droit à l’oubli. L’enjeu, en l’espèce, c’est le respect de la dignité des patients guéris, aujourd’hui, du cancer, et, à l’avenir, d’autres maladies. Ces sujets ont d’ores et déjà donné lieu à des débats constructifs.

Les membres du groupe auquel j’appartiens n’ont pas voté ce texte à l’issue de l’examen mené par notre commission. En effet, si ces travaux préparatoires ont été de qualité – j’en remercie M. Milon, président de la commission et corapporteur de ce projet de loi, ainsi que les autres corapporteurs –, le débat en commission s’est souvent révélé contraint et idéologique. La majorité sénatoriale a cassé les principes de justice et de solidarité figurant dans le texte issu de l’Assemblée nationale.

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