Intervention de Aline Archimbaud

Réunion du 14 septembre 2015 à 16h00
Modernisation de notre système de santé — Discussion en procédure accélérée d'un projet de loi dans le texte de la commission

Photo de Aline ArchimbaudAline Archimbaud :

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, les membres du groupe écologiste ont été très déçus du sort réservé, en commission, au texte venu de l’Assemblée nationale.

Certes, nous sommes satisfaits de l’adoption de notre amendement tendant à assurer le renouvellement automatique de l’aide au paiement d’une complémentaire santé, l’ACS, pour les bénéficiaires de l’allocation aux adultes handicapés, l’AAH, et de l’allocation de solidarité en faveur des personnes âgées, à savoir l’allocation personnalisée d’autonomie, l’APA.

De même, nous sommes satisfaits de voir maintenue l’interdiction du bisphénol A dans les jouets, comme de la position responsable adoptée par la commission au sujet de l’expérimentation des salles de consommation à moindre risque, du secret médical en prison ou encore du dépistage rapide des mineurs.

Néanmoins, nous restons très déçus par ce projet de loi dans son ensemble.

Sous couvert de « simplification de la loi », les amendements de suppression présentés par la majorité sénatoriale tendent à altérer le sens profond et les objectifs fondamentaux de ce texte. Je songe à la lutte contre les inégalités sociales et pour l’accès aux droits, à la prévention, à la santé environnementale, à l’égalité entre les hommes et les femmes ou encore à la solidarité envers les personnes handicapées.

Pour les membres du groupe auquel j’appartiens et, je le présume, pour d’autres sénateurs, ce sont là des objectifs stratégiques essentiels, qui donnent son sens à ce projet de loi. À nos yeux, ces sujets exigent un engagement de la part des parlementaires : nous ne pouvons pas rester muets. Je songe notamment aux articles 1er et 2.

Nous déplorons par exemple que le concept d’exposome ait disparu de la définition stratégique de la politique de santé. Nous y reviendrons au cours de nos discussions.

Nous déplorons les immenses reculs opérés sur le front de la prévention. Dans ce domaine, la disparition de diverses dispositions touchera directement la jeunesse, notamment les jeunesses étudiante et populaire.

Nous déplorons les attaques en règle menées contre l’IVG – d’autres orateurs les ont mentionnées –, sous le prétexte fallacieux que ces dispositions trouveraient mieux leur place dans un texte de loi relatif à la bioéthique.

Plus généralement, nous déplorons la disparition du principe d’égalité entre les hommes et les femmes : ce dernier a été tout simplement rayé des objectifs de notre politique de santé. Toutes ses occurrences ont été effacées du présent texte, en particulier au sujet des données sexuées figurant dans les rapports des médecins du travail.

Nous déplorons également la suppression de l’article 18, relatif à la généralisation du tiers payant. Ce choix a été opéré par pure idéologie, sans chercher à étudier les solutions techniques nécessaires à une prise en main facile par les médecins. Or, en ce moment même, un groupe de travail est à l’œuvre pour élaborer ces solutions techniques, de nature à rassurer les professionnels.

Nous déplorons, de surcroît, la suppression du paquet neutre – je reviendrai sur ce sujet.

Toutefois, ces regrets ne nous découragent pas pour autant. Les élus du groupe écologiste ont résolument fait le choix de continuer à jouer le jeu du travail parlementaire, en déposant plus de 200 amendements. En effet, l’opinion publique, souvent à travers l’expérience douloureuse de la maladie, est en train de prendre conscience de la réalité des alertes lancées, depuis des dizaines d’années, en matière de santé publique.

En France, plus de 80 % des dépenses remboursées par l’assurance maladie sont attribuables à des affections chroniques – cancer, diabète, maladies cardio-vasculaires, allergies, maladies respiratoires, etc. Ce sont là autant de pathologies dont l’apparition et l’aggravation sont, le plus souvent, liées à nos modes de vie et à la pollution de notre environnement. Si notre politique de santé ne s’adapte pas radicalement à cette réalité, le pire est à craindre, pour la santé de nos concitoyens et pour la survie de notre système d’assurance maladie.

Mes chers collègues, gardons cette réalité à l’esprit : pour une période d’à peine vingt ans, le surcoût dû aux maladies chroniques représente environ quatre fois la dette de l’assurance maladie, laquelle s’élève à 108 milliards d’euros, et deux fois l’intégralité de la dette sociale, laquelle s’établit à 209 milliards d’euros.

C’est sur la base de ces considérations préoccupantes que les membres du groupe écologiste ont choisi de faire entendre, lors de ces débats, leurs propositions, regroupées en quatre grands volets.

Bien entendu, je ne présenterai ces dispositions que très brièvement – en effet, mon temps de parole s’écoule –, mais nous les détaillerons au cours de nos débats.

Le premier volet comprend l’accès aux soins et aux droits, la lutte contre les inégalités sociales, la nécessité de simplifier les démarches administratives pour soulager à la fois les bénéficiaires des prestations de santé et les services de l’État, la lutte contre le non-recours et les refus de soins, la généralisation du tiers payant et le droit à l’oubli.

Le deuxième volet, c’est la santé environnementale. Nous avons déposé divers amendements à ce titre, ayant par exemple pour objet les perturbateurs endocriniens, les particules fines, la qualité de l’air intérieur, l’amiante, le mercure dentaire, les pesticides ou les nanomatériaux.

Le troisième volet est relatif à la prévention : il s’agit, entre autres enjeux, du renforcement de l’étiquetage nutritionnel, de la lutte contre l’obésité, du soutien à la protection maternelle et infantile et à la médecine scolaire, à la mobilisation contre le tabagisme, à la promotion du sport. S’y ajoute le dossier de la santé au travail.

Le quatrième et dernier volet a trait au secteur du médicament. Dans ce domaine, nous proposons de poursuivre et d’intensifier la lutte contre les conflits d’intérêts, pour la transparence, notamment en matière de fixation des prix ou pour la prévention et l’indemnisation des accidents médicamenteux.

Madame la ministre, vous l’avez compris, vous avez tout notre soutien sur un certain nombre de points essentiels. De même, nous espérons que les propositions que nous portons seront soutenues et reprises. J’ai d'ailleurs constaté que certains collègues avaient présenté des amendements ayant le même objet, ce qui nous nourrira notre débat.

Nous souhaitons que l’examen en séance du projet de loi de santé se déroule en bonne intelligence et que les questions de santé publique ne fassent pas constamment l’objet de postures partisanes ou idéologiques, car notre débat doit être à la hauteur des enjeux pour nos concitoyens.

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