Intervention de Laurence Cohen

Réunion du 14 septembre 2015 à 16h00
Modernisation de notre système de santé — Discussion en procédure accélérée d'un projet de loi dans le texte de la commission

Photo de Laurence CohenLaurence Cohen :

La généralisation du tiers payant a été vivement attaquée, notamment sous prétexte qu’elle entraînerait un surcroît de travail pour les médecins et qu’il serait difficile de mettre en place un tel système.

Sans négliger ce problème, nous soutenons cette mesure, car elle peut aider un certain nombre de patients. Toutefois, nous pensons qu'elle ne répond pas au problème du renoncement aux soins. Qu'apporte le tiers payant concernant les lunettes ou les prothèses dentaires ou auditives que la sécurité sociale ne rembourse pas, ou si ridiculement ?

La mesure véritablement juste, capable de faire reculer le renoncement aux soins et les inégalités qu’il suscite est, pour mon groupe, la prise en charge des soins à 100 %. C'est possible, et c'est un combat que nous aurions souhaité mener avec vous, madame la ministre. Il n’est d'ailleurs pas trop tard !

Une autre réécriture emblématique à nos yeux est celle de l'article 17 bis, qui visait à supprimer le délai de réflexion pour l'IVG. La droite a supprimé cet article au motif que la discussion devait se faire dans le cadre de la loi sur la bioéthique. Comment parler de bioéthique en 2015 pour un droit gagné par la lutte des femmes et voté en 1975 grâce au courage de Mme Veil ?

De même, la majorité sénatoriale a supprimé une disposition symbolique en termes d'égalité des droits et de non-discrimination, à savoir l'article 7 bis, qui autorisait enfin les personnes homosexuelles à donner leur sang. Je ne vais pas lancer le débat ici, mais, pour nous, il est essentiel que cette discrimination cesse et que la sécurité sanitaire soit le seul critère – le même appliqué à chacun.

J'en viens enfin à l'essence même du texte, madame la ministre, à sa philosophie générale, qui n'a pas réussi à nous convaincre.

Alors que vous étiez, à juste titre, tout comme l'ensemble de votre groupe, assez critique sur le contenu et le tournant marchand que la loi HPST faisait prendre au monde hospitalier et à son organisation, j'avoue avoir du mal comprendre que vous n'ayez pas fait le choix, en tant que ministre, d’abroger ce texte.

Nous constatons pourtant au quotidien les désastres qu'elle a suscités. L'hôpital public a été transformé en entreprise, avec un fonctionnement qui ne lui est absolument pas adapté. Pourquoi ne pas revenir sur la loi HPST ? Pourquoi continuer à accorder de tels pouvoirs aux directeurs d'ARS, ces « super préfets sanitaires », comme nous les avions appelés à l'époque ?

Vous vantez à juste titre la démocratie sanitaire, mais le conseil de surveillance remplace toujours le conseil d'administration, et le modèle de décision vertical, depuis le ministère jusqu’au directeur d'ARS en passant par le directeur d'hôpital, reste en vigueur, avec une logique financière et administrative qui prend le dessus sur la logique médicale.

De même, nous sommes inquiets de ces groupements hospitaliers de territoire, les GHT, qui ne nous apparaissent que comme une nouvelle occasion de fusionner, donc de fermer des établissements, des services, des lits.

Alors que, aujourd'hui, on compte de 1 200 à 1 300 hôpitaux, il serait question de constituer 100 GHT ! Où est le lien de proximité, où est la volonté de réduire les inégalités territoriales, alors que vous avez cité M. Emmanuel Vigneron dans votre propos ? Où est la démocratie sanitaire ? Après les mégapoles de la loi NOTRe, voici les mégahôpitaux. Une façon de légitimer toujours plus le privé.

Le projet de loi ne reflète pas, c'est le moins que l'on puisse dire, la prise de conscience que l'hôpital public va mal et qu’il souffre des politiques de réductions menées depuis des années : effectifs en flux tendus, offre de soins en diminution, délais trop longs, urgences asphyxiées... Je ne parle pas de la psychiatrie, car le temps m’est compté, mais il y aurait beaucoup à en dire et nous y reviendrons lors de l’examen des articles.

Je sais bien que l’on va me répondre que les budgets sont contraints et qu'il n'est guère possible de faire autrement. Les 3 milliards d'euros en moins pour les hôpitaux aggravent d’ailleurs encore leur situation désastreuse.

Toutefois, madame la ministre, nous avons d'autres propositions de financement susceptibles de redonner souffle et vigueur à une politique de santé publique digne de ce nom, qui s'appuie notamment sur une médecine de ville redynamisée.

Supprimons la T2A, ce système inadapté et inefficace, les franchises et forfaits hospitaliers et les exonérations de cotisations patronales, qui privent notre protection sociale de milliards d'euros. Mettons en place une nouvelle cotisation sur les revenus financiers des entreprises : sur une base de 317, 9 milliards d'euros en 2010, il serait possible de dégager, en les soumettant au taux actuel de la cotisation patronale, quelque 41 milliards d’euros pour la santé, 26 milliards d’euros pour la retraite, 16 milliards d’euros pour la famille. Voilà quelques propositions qu’il faudrait prendre en compte.

Madame la ministre, les quelques avancées de ce texte ne seront que de l'affichage tant que le carcan financier imposé à l'ensemble des établissements de santé sera la boussole du Gouvernement.

La volonté du groupe CRC tout au long du débat sera de modifier cet état de fait et de défendre des amendements tendant à proposer une vraie politique de santé ambitieuse, qui fasse réellement reculer les inégalités, une politique de santé pour toutes et tous sur l’ensemble du territoire.

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