Ce n’est ni crédible ni sérieux, et cela va encore aggraver l'antiparlementarisme, tout particulièrement au détriment de notre assemblée, dont on sait bien qu'elle est toujours dans le viseur du Gouvernement.
Ma troisième observation porte encore sur la forme et sur la manière dont ce projet de loi a été élaboré. Contrairement à ce que vous avez dit, madame la ministre, les représentants de nombreuses professions concernées – j’en ai rencontré beaucoup – pointent l’absence de concertation, et parfois même de simple consultation. Cela explique le flot de demandes et de remarques suscitées par le projet de loi, dont toutes ne sont sans doute pas justifiées, mais qui méritaient au moins une écoute, une explication, un dialogue.
Votre absence le week-end dernier au congrès de la CSMF, la Confédération des syndicats médicaux français, alors même que celle-ci ne passe pas pour la plus hostile à vos idées, a d’ailleurs été particulièrement remarquée.
J'en viens au fond. Ce projet est dominé par votre cheval de bataille, votre hobby horse, à savoir le tiers payant généralisé. Par cette proposition, vous espérez certainement mettre l’opinion publique derrière vous. Les soins gratuits pour tous, quelle aubaine ! Quelle conquête sociale !
Je pense au contraire que nos concitoyens aspirent avant tout à une prise en charge optimale de leur maladie. Le patient recherche l’excellence dans le soin dont il a besoin. Si les moyens de communication modernes lui permettent aujourd’hui de viser cette légitime optimisation, ce n'est pas une telle gratuité déguisée qui lui en apportera la certitude.
Selon moi, l’une des principales inégalités en la matière tient dans la possibilité d'accéder aux avancées les plus performantes des différentes spécialités, et non dans les contingences matérielles, qui sont importantes, mais qui ne constituent pas un critère déterminant.
Ce tiers payant généralisé aura permis au Gouvernement le très rare exploit de réunir dans le rejet de cette disposition tous les organes représentatifs de la profession médicale. Cette performance mérite d'être soulignée !
Toutefois, derrière votre obstination sur ce point, que se cache-t-il, sinon une volonté de mettre à bas le régime libéral qui, depuis plus d'un siècle, a rendu la médecine française performante, efficace, humaniste, en instaurant un dialogue singulier entre le médecin et son patient ? En effet, cette relation est indispensable pour établir une confiance mutuelle, à partir d'un maître mot : liberté – liberté du soignant, liberté du soigné.
L'adjectif « libéral » vient bien de « liberté ». La médecine libérale n'est rien d'autre que l'exercice de ce droit.
Ce que nos concitoyens doivent comprendre, c'est qu'en portant atteinte à la liberté de l'un, on fait disparaître celle de l'autre. La liberté du soignant est fondamentale dans la recherche de l'excellence revendiquée par le soigné. Par le biais du tiers payant généralisé, votre projet enferme dans un carcan étatique la dispensation des soins au nom d'un égalitarisme illusoire. Il conduira in fine à sa paupérisation.
Les expériences de médecine étatisée conduites dans un certain nombre de pays ont montré la limite de ce système. Que la médecine libérale ambulatoire ou hospitalière ait à évoluer, notamment par l'implication du citoyen dans son parcours de santé, personne n'en doute, mais ce n'est que grâce à un dialogue permanent qu'une réforme efficace peut aboutir.
Votre obstination sur ce point va occulter le reste du projet, qui comporte pourtant quelques avancées intéressantes, j'en conviens.
En matière de prévention, les intentions sont bonnes et généreuses. Il serait d'ailleurs souhaitable de distinguer les objectifs généraux des priorités, sachant que tout ne peut se faire en même temps, en raison de la situation financière tant de la sécurité sociale que de l'État. De grâce, soyons réalistes sur ce point !
Pour le reste, comme c’était déjà le cas pour certaines réformes antérieures, je ne vois pas poindre les mesures urgentes et nécessaires pour moderniser l’hospitalisation, notamment publique. Celle-ci est encore régie par la loi de 1970, voire celle de 1958 en ce qui concerne les centres hospitaliers universitaires, les CHU.