Intervention de Corinne Imbert

Réunion du 14 septembre 2015 à 16h00
Modernisation de notre système de santé — Discussion en procédure accélérée d'un projet de loi dans le texte de la commission

Photo de Corinne ImbertCorinne Imbert :

Les commissaires ont également fait le choix de valoriser au sein du projet de loi les professionnels de la santé, en rétablissant, par exemple, l’ordre infirmier. Un ordre est garant de l’éthique d’une profession et de ses bonnes pratiques ; qui pourrait s’en plaindre ?

En tant que pharmacienne d’officine, j’approuve les dispositions visant à innover pour la qualité des bonnes pratiques, le bon usage du médicament et la sécurité des soins. Je rappelle que la loi de répartition qui régit notre installation permet un remarquable aménagement du territoire, garant de la proximité, mais que ce réseau devient fragile.

Je souhaite aussi vous appeler à une grande vigilance, madame la ministre, concernant le développement de la pharmacie numérique. Il n’y a pas lieu d’aller au-delà de ce qui se fait aujourd’hui. Un développement trop important et mal encadré serait une porte ouverte dans notre pays à la mise sur le marché de faux médicaments, fléau mondial dont vous n’ignorez pas l’existence et qui est aujourd’hui plus rémunérateur que le trafic de drogues.

Enfin, comment évoquer ce projet de loi sans parler de la généralisation du tiers payant ?

C’est une fausse bonne idée, une promesse vaine, un choix de facilité et non de responsabilité, une perte de conscience du coût réel de la santé. Oui, nous souhaitons maintenir ce dispositif pour les patients les plus fragiles. Mais il est totalement déraisonnable de généraliser ce mécanisme.

Dans le cadre du parcours de soins, le projet de loi oublie les nouvelles technologies liées à la télémédecine ou à la télétransmission des examens, qu’il faut encadrer. C’est aussi par ces voies nouvelles de l’innovation technologique que l’on pourra tendre vers l’équité de la prise en charge des patients.

On nous dit qu’il n’y a jamais eu autant de médecins, mais qu’ils seraient mal répartis. C’est donc bien l’organisation qu’il faudrait revoir.

La formation des médecins n’est pas toujours en adéquation avec les besoins de la population et des territoires. Plus on technocratise l’organisation, plus on aura besoin de médecins. C’est la conséquence évidente de cette loi.

Les économistes disent volontiers que la médecine à l’acte produit trop d’actes et que la médecine salariée n’en produit pas assez. Cette loi va dans le sens d’une médecine salariée, ce qui veut bien dire qu’il faudra former davantage de médecins. Et je rejoins la pensée de notre collègue René-Paul Savary, qui est intervenu de nombreuses fois sur ce sujet : étatiser la médecine conduit inévitablement à augmenter le numerus clausus.

Vous l’aurez compris, madame la ministre, mon groupe défend le maintien de la médecine libérale, la complémentarité du secteur privé et du secteur public, ainsi que la liberté d’initiative. En ce qui concerne le coût de la santé, ce projet de loi ne règle en rien le problème économique, à savoir que la sécurité sociale est en déficit structurel et que les complémentaires sont excédentaires. Le tiers payant généralisé ne fera qu’accroître ce différentiel entre secteur déficitaire et secteur excédentaire !

Madame la ministre, vous remettez en cause, à terme, le libre choix du patient puisqu’il est prévu, derrière ce texte, que le parcours de soins sera organisé par ceux qui auront le pouvoir financier, à savoir les complémentaires !

La liberté, c’est avant tout le choix de leur médecin pour les patients et le choix de leur installation pour les médecins. Avec toutes ces remises en cause, les patients seront pénalisés et les médecins, démotivés.

Ce sera une atteinte au choix, une atteinte à la liberté du patient, donc l’amplification d’une médecine à deux vitesses. Vous jouez là un jeu dangereux !

Mes chers collègues, ce projet de loi hospitalo-centré dont nous nous apprêtons à discuter, au-delà du fait qu’il ne règle en rien les problèmes de santé qui nous préoccupent tous, est un véritable « fourre-tout » ne proposant aucune modernisation, pas plus aux patients qu’aux professionnels de santé.

Souvenez-vous de cette question que se posait déjà Socrate en son temps : « Existe-il pour l’homme un bien plus précieux que la santé ? »

À ce titre, nous ne pouvons pas laisser passer ces mesures insidieuses qui bouleverseraient profondément notre système de santé, sauf à constater dans quelques années qu’il serait trop tard pour sauver la médecine libérale. Je n’ose imaginer la situation que nous connaîtrions alors : les meilleurs spécialistes partis à l’étranger, un secteur public hospitalier vidé de ses meilleurs éléments et un secteur privé bridé dans ses initiatives.

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