Intervention de Gérard Roche

Réunion du 14 septembre 2015 à 16h00
Modernisation de notre système de santé — Discussion en procédure accélérée d'un projet de loi dans le texte de la commission

Photo de Gérard RocheGérard Roche :

Dans le même temps, nous ne pouvons que soutenir l’effort fourni par notre commission pour tempérer l’ardeur du Gouvernement sur le paquet neutre.

Pourquoi surtransposer la directive européenne avant même de disposer de l’évaluation des expériences menées à l’étranger ? La même question peut se poser pour l’article 11 quater, qui interdit la présence de bisphénol A dans les jouets et amusettes. Là encore, il y a sur transposition de directive...

En ce qui concerne la simplification et l’amélioration de la lisibilité du système, la systématisation des lettres de liaison entre la ville et l’hôpital, la relance nécessaire du dossier médical personnalisé, le DMP, et la réinscription dans la loi du service public hospitalier sont des avancées notables.

Je voudrais toutefois insister sur le fait que, si une réorganisation territoriale de l’offre de soins est indispensable, elle ne peut être réalisée que de façon coordonnée et concertée avec les professionnels de santé et les élus. Par exemple, bon nombre de médecins généralistes que j’ai rencontrés souhaitent que l’organisation des soins primaires et celle des soins de second recours soient nettement individualisées dans le cadre des communautés professionnelles territoriales de santé.

C’est aussi la condition de la réussite du groupement hospitalier de territoire, le GHT, créé par l’article 27 du présent texte. Or nous sommes inquiets de constater que des GHT commencent, d’ores et déjà, à se constituer avant même que la loi soit votée...

J’en terminerai par l’amélioration de l’accès aux soins.

À ce sujet, le débat a été focalisé, et je dirais même pollué, par la généralisation du tiers payant.

Que le tiers payant bénéficie aux assurés les plus modestes, nous y sommes, bien sûr, totalement favorables. Or c’est déjà le cas en partie, puisque le tiers payant bénéficie à toutes les personnes dont le niveau de revenu est inférieur ou égal au seuil de pauvreté monétaire. Dans certains cabinets médicaux, m’a-t-on dit, cela représente actuellement 30 % des consultations.

Peut-être aurait-on pu élargir la tranche des bénéficiaires du tiers payant à d’autres personnes aux revenus encore trop modestes. Mais l’étendre à tous les assurés conduit à une banalisation de l’acte. C’est alimenter la « bobologie » qui plombe l’activité médicale.

Ce que les médecins attendent, c’est une reconnaissance de leur profession. Leur mission consiste en effet, dans la réalité des faits, en une prise en charge globale des personnes, et même des familles : le médecin est celui qui soigne, qui écoute, qui conseille...

De plus, dans le fond, certains praticiens vivent le tiers payant comme un moyen détourné d’annoncer la fin de l’exercice libéral. Pourtant, et c’est un fait nouveau, nombre d’entre eux accepteraient cette évolution en contrepartie de conditions de travail compatibles avec la qualité de vie à laquelle ils aspirent.

À nos yeux, la participation du bénéficiaire relève beaucoup plus de la moralisation du système et la question de l’accessibilité des soins dépasse de loin le débat sur la généralisation du tiers payant.

Le texte porte certaines mesures encourageantes.

Ainsi en est-il de l’article 12 bis qui, tel que modifié par la commission, revient à renforcer les pôles de santé pour regrouper les professionnels du premier recours en coordination avec ceux du second recours.

C’est aussi le cas de l’article 15, lequel, encore une fois amendé par la commission, crée un numéro véritablement unique tout en préservant l’activité des médecins libéraux regroupés en associations de permanence des soins – SOS médecins, pour ne pas le nommer –, qui se sentaient menacés par le dispositif initialement proposé.

L’accès aux soins, c’est aussi la question du temps médical, qui induit les problèmes des délégations d’actes entre professionnels, et de l’émergence de nouvelles professions. Ici encore, le texte va dans le bon sens, même si cette tendance, inévitable à terme, n’est encore qu’esquissée. Nous pensons qu’il faudra aller plus loin.

Enfin, on ne peut parler d’accès aux soins sans aborder le débat sur la désertification médicale. Nous l’aurons à l’occasion de l’examen de l’article 12 quater A, par lequel notre commission crée une obligation de négocier sur le conventionnement des médecins souhaitant s’installer en zones sous-denses et sur-denses. C’est une piste. Certains de nos collègues ont une position beaucoup plus contraignante, qui a déjà été exposée au cours de cette discussion générale.

On peut toutefois d’emblée regretter que le texte n’ait pas davantage mis l’accent sur l’orientation des étudiants en médecine vers la médecine généraliste et l’exercice regroupé. En effet, même s’il s’agit du plus beau métier du monde, son exercice solitaire pose de plus en plus problème. Or c’est bien le médecin généraliste qui constitue la porte d’entrée du parcours de soins auquel, madame la ministre, vous tenez tant !

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