Monsieur le président, mesdames, monsieur les rapporteurs, madame la ministre, mes chers collègues, ce projet de loi s’inscrit dans un contexte de transformations majeures en matière de santé publique. L’ouverture en juin dernier à Paris – vous étiez présente, madame la ministre – d’un nouveau centre de recherche et développement consacré aux maladies rares par le laboratoire Alexon à l’Institut Imagine, pôle européen qui associe recherche et soins des maladies génétiques, confirme l’excellence de la recherche médicale et scientifique française, que concrétisent le grand nombre de brevets déposés et de premières mondiales réalisées dans nos centres hospitaliers universitaires.
L’innovation française est en pointe grâce aux professionnels et aux personnels de santé qui la font vivre au quotidien, et au Gouvernement, qui y prend toute sa part. Il vient notamment de financer, dans le cadre du programme d’investissements d’avenir, plusieurs projets de recherche de grande ampleur dans le domaine de la santé associant la recherche fondamentale, la recherche clinique et les entreprises.
Les nouvelles thérapies ont aussi un coût que nous ne connaissions pas jusqu’alors : nous y avons été confrontés très récemment s’agissant du traitement de l’hépatite C. Il est aussi de la responsabilité de l’État, parce que la nation est constitutionnellement garante de la protection de la santé, au sens large où la définit l’OMS, d’en assurer l’accès à tous les patients.
À cet égard, le projet de loi ne comporte pas de dispositions financières, que la cohérence budgétaire réserve, à juste titre, aux lois de financement de la sécurité sociale. Toutefois, la situation de nos comptes sociaux conditionne, bien sûr, la viabilité de nombre de mesures qu’il comporte, de même qu’elle conditionne l’accès de tous aux nouveaux traitements et à l’innovation, que seul un système de financement solidaire permet.
Je mentionne simplement – nous y reviendrons de manière précise en novembre prochain – qu’en 2014 tous les soldes des branches se sont améliorés par rapport à 2013 et que le déficit du régime général et du Fonds de solidarité vieillesse a été réduit de moitié. Ce contexte globalement plus favorable doit être souligné. Rappelez-vous quelle était la situation en 2009 au moment de l’adoption de la loi portant réforme de l’hôpital et relative aux patients, à la santé et aux territoires, dite loi HPST. Les perspectives étaient alors extrêmement sombres et nous avons changé cela, il n’est pas inutile de le rappeler.
Aux impératifs d’adaptation et de transformation de notre système de santé que nécessite l’investissement dans la recherche et l’innovation, à ceux que nous imposent les mutations démographiques et épidémiologiques que nous connaissons s’ajoute un impératif plus catégorique encore : celui de la justice sociale. C’est ce à quoi le présent projet de loi entend répondre.
Le rapport statistique annuel du Secours catholique, le rapport de la DREES, la Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques, sur l’état de santé de la population, l’enquête de l’Observatoire de l’égalité d’accès aux soins de mai 2015 établissent le même constat : si l’état de santé en France est globalement bon, il comporte de nombreuses et notables disparités entre territoires et catégories sociales. L’existence et l’importance des problèmes de santé sont d’abord liées à la position sociale et au niveau d’études. Ainsi, ce sont souvent les mêmes populations les moins favorisées qui cumulent les facteurs défavorables. Selon la hiérarchie sociale, le gradient social de santé diminue ou augmente, de même que les inégalités de recours aux soins : la vision non corrigée ou mal corrigée est aussi corrélée au niveau de vie et à des facteurs socioéconomiques.
Dans un tel contexte, ne pas soutenir le principe de la généralisation du tiers payant constitue un grave déni de réalité et de justice.
Pour répondre au défi majeur de l’accès aux soins et dans le cadre des orientations fixées par la stratégie nationale de santé, ce projet de loi fait de la prévention le socle de la politique publique, structure le parcours de santé autour des soins primaires, fait évoluer les métiers et favorise la recherche, clarifie la gouvernance de la politique de santé, renforce la transparence et la démocratie sanitaire.
Santé scolaire, contraception, dépistage, refondation du service public hospitalier, pratiques avancées, droit à l’oubli, action de groupe : une très grande part de ce projet est approuvée par les Français, et, quoi qu’elle en dise, également par notre commission des affaires sociales, au-delà des suppressions qui ont été évoquées, puisqu’il est mentionné dans le rapport que « plus d’une centaine d’articles » ont été adoptés « sans modification ou moyennant de simples précisions rédactionnelles ».
La généralisation du tiers payant a essentiellement focalisé l’attention. Il est vrai que la perspective des élections professionnelles du 12 octobre prochain prête à la surenchère. Elle n’explique ni ne justifie toutefois d’autres excès proches de la caricature s’agissant des salles de consommation à moindre risque ou de la suppression du délai de réflexion pour l’IVG. Il est vrai aussi qu’il n’y a pas si longtemps certains demandaient le rétablissement du délit d’auto-avortement et la prison pour ces femmes en détresse.
Reconnaissons à Mme la ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes un courage certain pour avoir résisté à la violence verbale et aux attaques auxquelles il a été donné libre cours. Jusqu’où serait-on allé si le projet avait comporté, comme certains le proposaient, une installation déconventionnée en zone sur-dotée, la suppression des régimes spéciaux ou l’unification du régime général et des complémentaires ?
En réalité, ce projet n’a pas suscité, comme le soulignent les rapporteurs de la commission, « une réaction de profond rejet » : nombre de représentants des professions de santé que nous avons auditionnés nous ont dit en approuver l’essentiel. Chers collègues de la majorité sénatoriale, un effet d’optique médiatique vous aura fait prendre une partie pour le tout.
Madame la ministre, à vos côtés, nous avancerons dans ce débat de manière pragmatique et sereine, avec la même ambition pour la justice et la République sociale que celle que vous avez exprimée dans votre propos !