Intervention de Laurent Fabius

Réunion du 15 septembre 2015 à 14h30
Engagement des forces aériennes au-dessus du territoire syrien — Déclaration du gouvernement suivie d'un débat

Laurent Fabius, ministre :

Je ne voudrais pas que ce passage du discours du Premier ministre soit le seul à être applaudi !

Nous discutons bien sûr avec tous nos partenaires membres permanents du Conseil de sécurité, les Britanniques, les Américains, les Chinois, et plus particulièrement avec les Russes. Samedi dernier, à Berlin, j’ai eu un long entretien avec M. Lavrov, pour envisager ce qu’il est possible de faire. Les positions de la Russie demeurent malheureusement éloignées des nôtres.

Nous avons tous un devoir de responsabilité : tout soutien militaire au régime de Bachar, en vertu de l’analyse que j’ai développée devant vous, ne fait qu’alimenter la spirale de la violence. Nous devons d’autant plus parler à la Russie qu’il faut surmonter la défiance née chez elle de l’intervention en Libye en 2011.

Parler à tous, c’est aussi travailler avec l’ensemble des acteurs de la région. L’histoire parle en ce sens, mais aussi la géographie.

Parler à tous, c’est d’abord parler aux pays arabes sunnites. C’est parler, aussi, à la Turquie, qui a besoin de l’Union européenne, et dont nous avons besoin. Ce pays doit toutefois préciser davantage ses objectifs.

C’est parler, enfin, à l’Iran. Sur ce point, on peut relever une évolution. Le Président de la République recevra à Paris, en novembre, le président iranien Rohani. Je me suis moi-même rendu en Iran et nous aurons l’occasion de rencontrer les dirigeants iraniens lors de la réunion de l’Assemblée générale des Nations unies dans quelques jours. La France recevra l’Iran, car après la conclusion de l’accord sur son programme nucléaire, Téhéran doit pouvoir, nous l’espérons, peser positivement en faveur d’une solution politique.

Il est donc clair que la France parle à tous, car telle est sa vocation !

Nous devons agir militairement, politiquement, mais aussi sur le plan humanitaire, pour protéger les minorités au Moyen-Orient.

La survie de communautés entières est en jeu – les chrétiens, les yézidis, et bien d’autres – et, avec elle, la diversité culturelle, religieuse et ethnique de cette région. J’ai reçu, il y a quelques jours, en présence d’un certain nombre d’entre vous, le patriarche de l’Église chaldéenne d’Irak, Mgr Sako. Il m’a lancé un cri d’alarme, un appel à l’aide, mais il m’a dit aussi, de manière très émouvante, sa confiance en la France.

Le 8 septembre dernier, j’ai organisé une conférence internationale consacrée aux victimes de persécutions ethniques et religieuses au Moyen-Orient. Les participants ont tous été bouleversés, je peux en porter témoignage, par les mots de Jinan, une jeune yézidie. Le plan d’action de Paris a été adopté et devrait nous permettre d’avancer. Notre devoir est d’en assurer la mise en œuvre. Ce plan fera l’objet d’un suivi : nos amis espagnols organiseront la même conférence l’année prochaine.

Dans l’attente d’un retour de la Syrie à une forme de stabilité, nous devons venir en aide au peuple syrien. Une conférence internationale sur les réfugiés sera organisée pour mobiliser tous les pays, pour dégager les ressources financières qui font aujourd’hui tant défaut – je pense, en particulier, aux moyens dont doivent disposer le Haut-Commissariat pour les réfugiés et le Programme alimentaire mondial –, pour organiser, aussi, au-delà des initiatives prises par l’Europe, la solidarité avec les pays accueillant des réfugiés.

Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, le Premier ministre l’a dit, la France est en guerre contre le terrorisme, le djihadisme et l’islamisme radical. Derrière le Président de la République, ce combat mobilise toute la nation et nous lui consacrons tous les moyens que nous jugeons nécessaires.

Nous savons que ce combat sera long et qu’il sera marqué par les épreuves, car la menace est lourde. Nous savons tous aussi que ce combat est absolument décisif, car il y va de nos valeurs, de ce que nous sommes, de ce en quoi nous croyons. Il y va de l’avenir de peuples voisins et amis, mais d’abord de notre propre avenir. Nos concitoyens sentent bien que quelque chose de fondamental se joue là.

Alors, au-delà de la diversité de nos sensibilités, nous devons, face à ce danger, être unis, rassemblés, à la hauteur des enjeux, pour agir et mener ce combat. C’est ainsi que nous pourrons l’emporter. Nous avons la ferme conviction, mesdames, messieurs les sénateurs, que nous l’emporterons !

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