Séance en hémicycle du 15 septembre 2015 à 14h30

Résumé de la séance

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La séance

Source

La séance est ouverte à quatorze heures trente-cinq.

Debut de section - PermalienPhoto de Isabelle Debré

Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.

Il n’y a pas d’observation ?…

Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.

Debut de section - PermalienPhoto de Isabelle Debré

M. le Premier ministre a demandé au Sénat de bien vouloir procéder à la désignation de deux sénateurs – un titulaire et un suppléant – appelés à siéger au sein de l’Observatoire des espaces naturels agricoles et forestiers.

Conformément à l’article 9 du règlement, la commission des affaires économiques et la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable ont été invitées à présenter chacune une candidature.

Les nominations au sein de cet organisme extraparlementaire auront lieu ultérieurement, dans les conditions prévues par ce même article.

Debut de section - PermalienPhoto de Isabelle Debré

En application de l’article 45, alinéa 2, de la Constitution, le Gouvernement a engagé la procédure accélérée pour l’examen de la proposition de loi relative aux mesures de surveillance des communications électroniques internationales, déposée sur le bureau de l’Assemblée nationale le 9 septembre 2015.

Debut de section - PermalienPhoto de Isabelle Debré

L’ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, de modernisation de notre système de santé (projet n° 406, texte de la commission n° 654, rapport n° 653, tomes I et II, avis n° 627 et 628).

Nous poursuivons la discussion du texte de la commission.

TITRE Ier(suite)

RENFORCER LA PRÉVENTION ET LA PROMOTION DE LA SANTÉ

Chapitre Ier (suite)

Soutenir les jeunes pour l’égalité des chances en santé

Debut de section - PermalienPhoto de Isabelle Debré

Dans la discussion des articles, nous en sommes parvenus, au sein du chapitre Ier du titre Ier, à l’article 2 bis B.

(Supprimé)

Debut de section - PermalienPhoto de Isabelle Debré

Je suis saisie de deux amendements identiques.

L'amendement n° 698 est présenté par Mmes Cohen et David, M. Watrin et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.

L'amendement n° 1033 est présenté par Mme Archimbaud, M. Desessard et les membres du groupe écologiste.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Rétablir cet article dans la rédaction suivante :

Après le troisième alinéa de l’article L. 5314-2 du code du travail, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« À ce titre, les missions locales sont reconnues comme participant au repérage des situations qui nécessitent un accès aux droits sociaux, à la prévention et aux soins, et comme mettant ainsi en œuvre les actions et orientant les jeunes vers des services compétents qui permettent la prise en charge du jeune concerné par le système de santé de droit commun et la prise en compte par le jeune lui-même de son capital santé. »

La parole est à Mme Annie David, pour présenter l’amendement n° 698.

Debut de section - PermalienPhoto de Annie David

Par cet amendement, nous souhaitons que les missions locales soient reconnues comme participant au repérage des jeunes dans un but de prévention, mais aussi de soins.

Les missions locales exercent une mission de service public de proximité afin de permettre à tous les jeunes de seize ans à vingt-cinq ans de surmonter les difficultés qui font obstacle à leur insertion professionnelle et sociale. En ce sens, elles les préparent à répondre aux offres d’emploi, les aident au maintien dans l’emploi et les prennent en charge dans l’après-emploi.

Cependant, le rôle des missions locales ne se limite pas à informer, orienter et accompagner les jeunes vers le monde du travail. Le réseau des missions locales représente plus de 450 associations, qui assistent plus d’un million de jeunes dans toutes les dimensions de l’insertion sociale et professionnelle, leur apportant un soutien dans les recherches d’emploi, ainsi que dans les démarches d’orientation professionnelle, d’accès à la formation, à la santé, au logement, au droit, à la citoyenneté ou à la mobilité.

Le réseau des missions locales joue donc un rôle important d’accompagnement des jeunes dans l’information sur la santé pour réduire les inégalités sociales et territoriales. Les actions menées par les missions locales dans la prise en charge des jeunes par le système de santé doivent être reconnues par la loi, comme l’Assemblée nationale l’avait prévu, ce qui n’est pas le cas aujourd’hui.

Le réseau demande simplement à être reconnu comme un partenaire privilégié dans l’accompagnement des jeunes vers la santé, notamment grâce à la prévention. Tel est l’objet de cet amendement.

Debut de section - PermalienPhoto de Isabelle Debré

La parole est à Mme Aline Archimbaud, pour présenter l’amendement n° 1033.

Debut de section - PermalienPhoto de Aline Archimbaud

Nous défendons un amendement identique. C’est vrai, aujourd’hui, un certain nombre de missions locales sont d’ores et déjà engagées dans des actions de santé auprès de cette jeunesse issue de familles populaires, mais l’inscription de leur rôle dans la loi constituerait une reconnaissance.

Pour avoir suivi d’assez près certaines de ces missions, je suis persuadée que cette officialisation faciliterait le travail des équipes pour trouver des partenariats et des soutiens. Ces amendements identiques, s’ils étaient adoptés, fourniraient un véritable appui à ce réseau.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Deroche

Ces deux amendements visent à rétablir l’article 2 bis B, que la commission a supprimé au mois de juillet.

Cet article avait pour objet de faire reconnaître dans la loi le rôle joué par les missions locales en matière de prévention, d’éducation et d’orientation des jeunes dans le domaine de la santé.

Il n’a pas paru utile à la commission de préciser les dispositions actuelles de l’article L. 5314-2 du code de la santé publique, dont la formulation est suffisamment large pour couvrir l’ensemble des dimensions de l’insertion professionnelle et sociale des jeunes.

De plus, la définition des objectifs visés en matière d’accès à la santé relève à la fois des conventions pluriannuelles d’objectifs signées entre l’État et chaque mission locale et des démarches de contractualisation entre partenaires au niveau local.

Enfin, de façon générale, la loi n’est pas là pour reconnaître les pratiques, mais pour prescrire.

L’avis de la commission est donc défavorable.

Debut de section - Permalien
Marisol Touraine, ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes

Je suis favorable à ces deux amendements, qui me semblent aller dans le bon sens.

Nous le savons, aujourd’hui, l’un des obstacles pour l’accès non seulement à la santé, mais également à d’autres droits et à d’autres pratiques, est l’éclatement des lieux de prise en charge. Que des jeunes soient orientés en matière de santé dans les lieux où ils doivent se rendre par ailleurs, même s’ils n’y vont pas nécessairement pour parler de leurs problèmes de santé ou pour les traiter, est évidemment une bonne manière de favoriser leur accès à la prévention et aux soins.

Les amendements ne sont pas adoptés.

La section 1 du chapitre Ier du titre Ier du livre Ier de la première partie du code de la santé publique est ainsi modifiée :

1° Le premier alinéa de l’article L. 1111-5 est ainsi modifié :

aa) (nouveau) À la première phrase, la référence : « 371-2 » est remplacée par la référence : « 371-1 » ;

a) Aux trois premières phrases, après le mot : « médecin », sont insérés les mots : « ou la sage-femme » ;

b) Aux première et avant-dernière phrases, les mots : « le traitement » sont remplacés par les mots : « l’action de prévention, le dépistage, le diagnostic, le traitement » ;

2° Après le même article L. 1111-5, il est inséré un article L. 1111-5-1 ainsi rédigé :

« Art. L. 1111 -5 -1. – Par dérogation à l’article 371-1 du code civil, l’infirmier, sous la responsabilité du médecin, peut se dispenser d’obtenir le consentement du ou des titulaires de l’autorité parentale sur les décisions à prendre lorsque l’action de prévention, le dépistage ou le traitement s’impose pour sauvegarder la santé sexuelle et reproductive d’une personne mineure, dans le cas où cette dernière s’oppose expressément à la consultation du ou des titulaires de l’autorité parentale afin de garder le secret sur son état de santé. Toutefois, l’infirmier doit, dans un premier temps, s’efforcer d’obtenir le consentement du mineur à cette consultation. Dans le cas où le mineur maintient son opposition, l’infirmier, sous la responsabilité du médecin, peut mettre en œuvre l’action de prévention, le dépistage ou le traitement. Dans ce cas, le mineur se fait accompagner d’une personne majeure de son choix. »

Debut de section - PermalienPhoto de Isabelle Debré

L'amendement n° 699, présenté par Mmes Cohen et David, M. Watrin et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

I. – Alinéa 5

Compléter cet alinéa par les mots :

à l’exception de la vaccination

II. – Alinéa 7

Rédiger ainsi cet alinéa :

« Art. L. 1111 -5 -1. – Par dérogation à l’article 371-1 du code civil, un infirmier, sous la responsabilité d’un médecin, peut se dispenser d’obtenir le consentement du ou des titulaires de l’autorité parentale sur les décisions à prendre lorsque l’action de prévention, le dépistage ou le traitement, à l’exception de la vaccination, s’impose pour sauvegarder la santé sexuelle et reproductive d’une personne mineure âgée de quinze ans ou plus, dans le cas où cette dernière s’oppose expressément à la consultation du ou des titulaires de l’autorité parentale afin de garder le secret sur son état de santé. Toutefois, l’infirmier doit, dans un premier temps, s’efforcer d’obtenir le consentement du mineur à cette consultation. Dans le cas où le mineur maintient son opposition, l’infirmier, sous la responsabilité d’un médecin, peut mettre en œuvre l’action de prévention, le dépistage ou le traitement à l’exception de la vaccination. Dans ce cas, le mineur se fait accompagner d’une personne majeure de son choix. »

La parole est à Mme Laurence Cohen.

Debut de section - PermalienPhoto de Laurence Cohen

L’objet de notre amendement de réécriture de cet article 2 bis est de lever une ambiguïté possible.

Si nous soutenons pleinement la décision de permettre aux mineures de conserver le secret vis-à-vis de leurs parents en particulier lorsqu’il s’agit de leur santé sexuelle et reproductive, il nous semble que l’article vise des actes pour lesquels le consentement parental est incontournable ; je pense notamment à la vaccination. Or l’on sait que la vaccination dans le domaine de la santé sexuelle et reproductive se fait le plus fréquemment par le Gardasil et le Cervarix.

Ces deux vaccins administrés aux jeunes filles sont censés prévenir les cancers du col de l’utérus. Jusqu’à présent, rien ne démontrait l’efficacité de ces vaccins. Appuyés sur des travaux scientifiques, des cas troublants de sclérose en plaques suscitaient, au contraire, des inquiétudes. Je rappelle que des plaintes ont même été déposées.

Une étude vient d’être rendue publique – l’examen du projet de loi débutait hier, mais il s’agit bien évidemment d’une coïncidence – étude largement relayée par les médias et prouvant que le risque est finalement nul.

Sans remettre en doute l’objectivité de cette étude réalisée par l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé, l’ANSM, et l’assurance maladie – je dis bien que je ne la mettais pas en doute – je me permets de regretter qu’elle ne respecte pas, me semble-t-il, les principes de la charte de l’expertise sanitaire mise en place par un décret de mai 2013.

En effet, cette charte « doit permettre aux commanditaires et aux organismes chargés de la réalisation des expertises de respecter les principes d’impartialité, de transparence, de pluralité et du contradictoire posés par l’article L. 1452-1 du code de la santé publique ». Or les scientifiques démontrant l’inefficacité, voire le danger de ces vaccins n’ont pas été associés à cette étude.

Sachant, par ailleurs, que le Gouvernement espère, au travers du plan cancer, que, dans les cinq ans à venir, 80 % des jeunes filles âgées de dix à quatorze ans seront vaccinées par le Gardasil, nous sommes conduits à émettre des doutes quant à la rédaction initiale de cet article.

C’est la raison pour laquelle nous demandons que les décisions prises en matière de vaccination par le Gardasil ou d’autres vaccins – décisions qui sont irréversibles – soient prises après avoir recueilli l’accord parental.

Loin de vouloir minorer les risques, nous défendons ici un amendement de précaution.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Deroche

L’article 2 bis a en effet permis aux infirmiers de déroger, sous la responsabilité d’un médecin, à l’obligation d’obtenir le consentement des titulaires de l’autorité parentale pour des décisions sur les mineurs lorsqu’il s’agit de sauvegarder la santé sexuelle et reproductive de ces derniers.

Bien sûr, l’infirmier, comme le médecin, doit encourager le mineur à accepter de consulter les titulaires de l’autorité parentale. Toutefois, lorsque ce n’est pas possible, il peut s’exonérer de cette autorisation.

L’objet de l’amendement est d’exclure la vaccination, notamment contre le papillomavirus, du champ de la dérogation à l’obligation de recueil du consentement parental. Or cette vaccination permet de faire reculer les risques de cancer de l’utérus. Tous les médecins qui suivent cette pathologie vous diront que, dans certains pays, le cancer du col de l’utérus sera bientôt éradiqué, ce qui ne sera pas forcément le cas en la France, car notre pays prend un retard considérable dans la vaccination contre le papillomavirus.

La commission des affaires sociales n’a pas approuvé cet amendement. J’émets donc un avis défavorable.

Debut de section - Permalien
Marisol Touraine, ministre

J’émets, moi aussi, un avis défavorable sur cet amendement, qui a servi de prétexte à une charge extrêmement virulente contre la vaccination, en tout cas contre celle qui protège du papillomavirus.

De quelle étude parlons-nous ? Il n’y a pas de coïncidence, madame la sénatrice ! L’étude, la plus vaste jamais réalisée, a été publiée à l’issue d’années de travaux. Lancés en 2008, ils ont porté sur la période 2008-2012 et ciblé des centaines de milliers de jeunes filles et de jeunes femmes.

Par cette étude de pharmaco-épidémiologie, il s’agit non pas d’examiner médicalement des jeunes femmes, mais d’exploiter des données disponibles à des fins épidémiologiques. Ces données sont publiques ; elles sont exploitées par des acteurs publics, l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé et la Caisse nationale d’assurance maladie.

Cette étude montre qu’il n’y a pas, contrairement à ce que l’on prétendait, de risques associés d’une sclérose en plaques. Le fait que des jeunes femmes aient, de toute bonne foi, déposé des plaintes ne signifie pas que la relation entre la vaccination et la sclérose en plaques soit avérée. Il ne suffit pas de porter plainte pour établir le risque !

Je comprends parfaitement la détresse de ces jeunes femmes, mais il appartiendra à la justice de se prononcer. Je m’en tiens simplement à l’étude qui a été réalisée. Et cette étude démonte ces rumeurs et ces allégations concernant la sclérose en plaques.

C'est la raison pour laquelle je dis très sereinement que nous n’avons pas à redouter cette vaccination. Alors que, en France, 17 % des jeunes filles sont vaccinées, dans les pays qui nous entourent – pour ne pas prendre d’exemples plus lointains – les taux de vaccinations se situent entre 75 % et 88 %. Or il ne semble pas que des risques accrus et des difficultés plus importantes soient apparus dans ces pays.

Cette vaccination est un enjeu majeur pour faire reculer le cancer de l’utérus. Tel n’est pas l’objet de votre amendement. Le choix que vous avez fait, c’est de profiter de l’occasion pour aborder le sujet.

J’émets donc un avis défavorable sur votre amendement, tout en tenant à souligner les enjeux de santé publique qui sont associés à la diffusion de cette vaccination pour lever les peurs, les inquiétudes et les doutes.

Je souhaite à cet égard que le débat sur la vaccination qui sera lancé à l’automne puisse être l’occasion d’évoquer la question du papillomavirus.

Cette étude fournit des arguments absolument fondamentaux aux médecins, …

Debut de section - Permalien
Marisol Touraine, ministre

… aux parents, en effet, mais aussi à tous les professionnels de santé, qui pouvaient être légitimement démunis face aux interrogations de leurs patientes ou des parents de ces dernières. Ils disposent aujourd'hui d’une étude tout à fait significative.

Mesdames, messieurs les sénateurs, ce sont 2 200 000 jeunes femmes et jeunes filles de treize à seize ans dont l’état de santé a été analysé de près grâce aux données publiques dont nous disposons !

Debut de section - PermalienPhoto de Isabelle Debré

La parole est à Mme Laurence Cohen, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Laurence Cohen

Sans renier les explications que j’ai précédemment apportées, je souhaite repréciser qu’il s’agit d’un amendement de précaution dont l’objet est de permettre aux parents d’émettre leur avis et ainsi en quelque sorte de cadrer les choses.

Je profite de l’occasion qui m’est donnée pour me réjouir que Mme la ministre ait pris l’initiative d’organiser un débat sur la vaccination, un débat plus que nécessaire et plus qu’urgent !

J’espère que toutes les recherches réalisées – je pense notamment à celles dont les résultats nous sont parvenus dans les jours précédant le débat, sur les adjuvants aluminiques – rencontreront la même objectivité de sa part et que nous pourrons examiner ensemble le cas de ces vaccins qui ne doivent pas contenir d’adjuvants.

Je reviens à cet amendement : il me paraît absolument important de maintenir l’intervention parentale.

L'amendement n'est pas adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Isabelle Debré

L'amendement n° 1192, présenté par Mmes Deroche et Doineau et M. Milon, au nom de la commission des affaires sociales, est ainsi libellé :

Compléter cet article par deux alinéas et un paragraphe ainsi rédigés :

...° À la première phrase du cinquième alinéa de l’article L. 1111-2, les mots : « des dispositions de l’article L. 1111-5 » sont remplacés par les mots : « des articles L. 1111-5 et L. 1111-5-1 » ;

...° À la première phrase du cinquième alinéa de l’article L. 1111-7, les mots : « à l’article L. 1111-5 » sont remplacés par les mots : « aux articles L. 1111-5 et L. 1111-5-1 ».

... – Au 2° de l’article 49 de la loi n° 2009-1436 du 24 novembre 2009 pénitentiaire, les mots : « à l’article L. 1111-5 » sont remplacés par les mots : « aux articles L. 1111-5 et L. 1111-5-1 ».

La parole est à Mme Catherine Deroche, corapporteur.

L'amendement est adopté.

L'article 2 bis est adopté.

(Supprimé)

L’article L. 321-3 du code de la sécurité sociale est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Les personnes admises dans une école de la deuxième chance mentionnée à l’article L. 214-14 du code de l’éducation, les jeunes effectuant un service civique en application du II de l’article L. 120-1 du code du service national, les apprentis mentionnés à l’article L. 6221-1 du code du travail, les volontaires stagiaires du service militaire adapté mentionnés à l’article L. 4132-12 du code de la défense et les titulaires d’un contrat de professionnalisation mentionnés au 1° de l’article L. 6325-1 du code du travail sont informés, dans des conditions définies par voie réglementaire, de la possibilité d’effectuer l’examen prévu au premier alinéa. » –

Adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Isabelle Debré

L'amendement n° 184 rectifié bis, présenté par MM. Vasselle, B. Fournier et Laménie, Mme Hummel et MM. Mayet et Cambon, est ainsi libellé :

Après l’article 2

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le soutien des jeunes enfants pour l’égalité des chances en santé, avant l’entrée dans les dispositifs scolaires, repose sur l’accompagnement des parents dès la naissance et pendant la petite enfance. Des interventions socio-éducatives et de soutien à la parentalité pendant la période périnatale, par des professionnels de l’aide à domicile, techniciens de l’intervention sociale et familiale, seront développées dans le cadre des politiques familiales de la caisse nationale d’allocations familiales et de la protection maternelle et infantile qui relève de la compétence du département.

La parole est à M. Alain Vasselle.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Vasselle

Cet amendement s’inscrit dans la politique de prévention que nous devons tous encourager en matière de santé. Il intéresse plus particulièrement les jeunes enfants. L’objectif de cette proposition est d’initier et d’accompagner la prévention et la promotion de la santé au sein de la cellule familiale, de la naissance à l’entrée dans le milieu scolaire, mais plus particulièrement auprès des familles vulnérables et fragilisées par des difficultés ponctuelles.

Il existe deux possibilités pour exercer cette action de prévention : soit la confier à l’Aide sociale à l’enfance, soit faire intervenir les caisses d’allocations familiales. Il nous intéresserait, nous, les auteurs de cet amendement, de connaître les intentions du Gouvernement quant à la suite qu’il entend donner à cette politique de prévention dont j’ai cru comprendre qu’il souhaitait faire une priorité de sa politique en matière de santé. Nous écouterons bien sûr également avec intérêt l’avis de la commission.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Deroche

Je vous rappelle que nous avons examiné hier deux amendements, les amendements n° 693 et 883 rectifié bis, qui avaient le même objet et qui ont été rejetés au motif que le droit en vigueur et l’action sociale extralégale permettent de donner satisfaction à leurs auteurs.

Je répéterai pour M. Vasselle les arguments de la commission : la portée normative de la première phrase n’est pas assurée et la seconde relève de l’action sociale extralégale des caisses d’allocations familiales, organisée par voie de circulaire et est donc satisfaite par le droit en vigueur. Je vous épargne la lecture de l’article L. 2111-1 du code de la santé publique dont j’ai rappelé hier les termes.

Je demande, au nom de la commission, le retrait de l’amendement.

Debut de section - Permalien
Marisol Touraine, ministre

Même avis !

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Vasselle

Ceux qui m’ont invité à déposer cet amendement ont eu les réponses qu’ils attendaient.

Puisque tout est parfait, je retire l’amendement n° 184 rectifié bis !

(Non modifié)

I. – À l’intitulé de la deuxième partie du code de la santé publique, après la première occurrence du mot : « santé », sont insérés les mots : « sexuelle et ».

II. – Le dernier alinéa du I de l’article L. 5134-1 du code de la santé publique est ainsi modifié :

1° À la deuxième phrase, les mots : « si un médecin, une sage-femme ou un centre de planification ou d’éducation familiale n’est pas immédiatement accessible, », les mots : « à titre exceptionnel et » et les mots : « et de détresse caractérisés » sont supprimés ;

2° La dernière phrase est complétée par les mots : «, notamment en orientant l’élève vers un centre de planification ou d’éducation familiale ».

III. – Au a du 2° de l’article L. 5521-7 du même code, les mots : « ou un centre de planification ou d’éducation familiale n’est pas immédiatement accessible » sont remplacés par les mots : «, notamment en orientant l’élève vers un centre de planification ou d’éducation familiale ». –

Adopté.

(Supprimé)

Debut de section - PermalienPhoto de Isabelle Debré

Je suis saisie de quatre amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

Les trois premiers amendements sont identiques.

L'amendement n° 1 rectifié ter est présenté par Mmes Laborde, Billon, Jouanno, Blondin et Jouve, MM. Amiel, Castelli et Guérini, Mme Malherbe, MM. Requier, Bonnecarrère et Détraigne, Mme Gatel, MM. Guerriau, L. Hervé et Kern, Mme Morin-Desailly et M. Houpert.

L'amendement n° 700 est présenté par Mmes Cohen et David, M. Watrin et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.

L'amendement n° 943 est présenté par Mme Archimbaud, M. Desessard et les membres du groupe écologiste.

Ces trois amendements sont ainsi libellés :

Rétablir cet article dans la rédaction suivante :

Au début de l’article L. 5134-1 du code de la santé publique, il est inséré un I A ainsi rédigé :

« I A. – Toute personne a le droit d’être informée sur les méthodes contraceptives et d’en choisir une librement.

« Cette information incombe à tout professionnel de santé dans le cadre de ses compétences et dans le respect des règles professionnelles qui lui sont applicables. Seules l’urgence ou l’impossibilité d’informer peuvent l’en dispenser. »

La parole est à Mme Françoise Laborde, pour défendre l’amendement n° 1 rectifié ter.

Debut de section - PermalienPhoto de Françoise Laborde

Il a pour objet de rétablir un article qui avait été inséré dans le projet de loi par l’Assemblée nationale en première lecture avec le soutien de la délégation aux droits des femmes de l’Assemblée.

Compte tenu de la très grande diversité des méthodes contraceptives susceptibles d’être aujourd’hui proposées aux femmes et des risques que peuvent présenter certaines d’entre elles, l’information des patientes est plus que jamais primordiale. Il est indispensable que toute femme concernée puisse choisir en connaissance de cause la méthode qui lui convient véritablement le mieux.

Or les femmes n’ont pas toujours le sentiment d’avoir véritablement choisi leur méthode contraceptive. Elles ont plutôt l’impression d’avoir adopté celle qui leur a été indiquée.

Cet amendement pose donc le principe du droit à l’information et au libre choix dans un domaine aux très fortes implications pour la santé des femmes.

Debut de section - PermalienPhoto de Isabelle Debré

La parole est à Mme Brigitte Gonthier-Maurin, pour présenter l'amendement n° 700.

Debut de section - PermalienPhoto de Brigitte Gonthier-Maurin

Cet amendement, identique à celui qui vient d’être défendu, vise à demander le rétablissement de l’article 3 bis.

Ce dispositif vise à améliorer l’information sur les méthodes contraceptives en établissant, à l’article L.5134-1 du code de la santé publique relatif à la délivrance des contraceptifs, le droit de toute personne à être informée sur les méthodes contraceptives et une liberté de choix préservée. Cette information incombe à tout professionnel de santé dans le cadre de ses compétences et dans le respect des règles professionnelles qui lui sont applicables.

Comme l’indique dans son rapport de 2010 le Conseil économique, social et environnemental, au fil du temps, les méthodes de contraception ont connu une très grande diversification, sans pour autant que l’état des connaissances de la population et l’information des jeunes gens et des médecins suivent cette évolution des techniques.

Par ailleurs, un grand nombre des dispositifs existants ne sont pas pris en charge par la sécurité sociale. Leur coût, de l’ordre de 150 à 200 euros par an pour l’anneau et le patch, par exemple, constitue un obstacle évident à leur diffusion.

De plus, chez les jeunes femmes, la pilule, qui n’est pas systématiquement remboursée, fait l’objet d’une prescription « de principe », alors qu’elle ne correspond pas forcément au mieux à la situation individuelle et au mode de vie des utilisatrices.

Devant ce constat, il est important de rappeler que tous les hommes et toutes les femmes doivent être informés par les professionnels de santé du panel contraceptif mis à leur disposition. Cette information doit être suivie du rappel de la liberté de choix par le patient de sa contraception, même si ce choix va à l’encontre d’une prescription régulièrement pratiquée.

Debut de section - PermalienPhoto de Isabelle Debré

La parole est à Mme Aline Archimbaud, pour présenter l’amendement n° 943.

Debut de section - PermalienPhoto de Aline Archimbaud

Cet amendement, identique aux deux précédents, se justifie par les mêmes arguments.

Debut de section - PermalienPhoto de Isabelle Debré

L'amendement n° 460, présenté par Mmes Meunier, Monier, Jourda et Génisson, M. Daudigny, Mme Bricq, M. Caffet, Mmes Campion et Claireaux, M. Durain, Mmes Emery-Dumas et Féret, MM. Godefroy, Jeansannetas et Labazée, Mmes Riocreux et Schillinger, MM. Tourenne et Vergoz, Mmes Yonnet, D. Gillot et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :

Rétablir cet article dans la rédaction suivante :

Au début de l’article L. 5134-1 du code de la santé publique, il est ajouté un I A ainsi rédigé :

« I A. – Toute personne a le droit d’être informée sur les méthodes contraceptives masculines et féminines et d’en choisir une librement.

« Cette information incombe à tout professionnel de santé dans le cadre de ses compétences et dans le respect des règles professionnelles qui lui sont applicables. Seules l’urgence ou l’impossibilité d’informer peuvent l’en dispenser. »

La parole est à Mme Michelle Meunier.

Debut de section - PermalienPhoto de Michelle Meunier

Il s’agit là aussi de développer l’information sur l’ensemble des méthodes contraceptives. En effet, trop souvent, la pilule est systématiquement prescrite aux jeunes filles ou aux jeunes femmes alors qu’elle n’est pas forcément adaptée à leur mode de vie et que d’autres méthodes existent.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Deroche

L’article 3 bis, supprimé par la commission et que ces quatre amendements visent à rétablir, visait à reconnaître à toute personne le droit d’être informée sur les méthodes contraceptives et d’en choisir une librement.

Il a paru à la commission que ces dispositions n’étaient pas nécessaires. En effet, un principe général de droit à l’information est prévu à l’article L. 1111-2 du code de la santé publique, tandis qu’un principe de droit au consentement est consacré par l’article L. 1111-4 du même code.

L’avis de la commission est donc défavorable.

Debut de section - Permalien
Marisol Touraine, ministre

J’entends bien le raisonnement de Mme la rapporteur. Néanmoins, en matière de droit à l’information sur la contraception, l’enjeu est suffisamment important pour qu’il paraisse utile d’inscrire clairement ce droit dans la loi.

Je voudrais rappeler que 70 % des interruptions volontaires de grossesse concernent des femmes sous contraceptif. Cela signifie que la contraception est mal maîtrisée, mal utilisée, pour quelque raison que ce soit. L’information doit donc être renforcée.

C’est la raison pour laquelle je suis favorable à ces amendements. Je demande cependant à Mme Meunier de bien vouloir retirer l’amendement n° 460 au bénéfice des amendements identiques n° 1 rectifié ter, 700 et 943, dont la rédaction me paraît meilleure.

Debut de section - PermalienPhoto de Isabelle Debré

L'amendement n° 460 est retiré.

La parole est à M. le président de la commission.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Milon

Si la commission a émis un avis défavorable sur ces amendements, c’est parce que le droit à l’information et le droit au consentement existent déjà. Remettre dans la loi ce qui y figure déjà nous semble complètement inutile. Il est possible que le public ne soit pas suffisamment informé et que la contraception ne soit pas toujours bien utilisée, comme l’a indiqué Mme la ministre, mais ce n’est pas en répétant ce qui a déjà été dit que l’on va changer les choses.

Debut de section - PermalienPhoto de Isabelle Debré

Je mets aux voix les amendements identiques n° 1 rectifié ter, 700 et 943.

J'ai été saisie d'une demande de scrutin public émanant du groupe CRC.

Je rappelle que l'avis de la commission est défavorable et que celui du Gouvernement est favorable.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.

Le scrutin est ouvert.

Le scrutin a lieu.

Debut de section - PermalienPhoto de Isabelle Debré

Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

J'invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.

Il est procédé au dépouillement du scrutin.

Debut de section - PermalienPhoto de Isabelle Debré

Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 245 :

Le Sénat n'a pas adopté.

En conséquence, l’article 3 bis demeure supprimé.

Debut de section - PermalienPhoto de Isabelle Debré

Je suis saisie de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 701, présenté par Mmes Cohen et David, M. Watrin et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

Après l’article 3 bis

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le code de la santé publique est ainsi modifié :

1° Au 4° de l’article L. 2112-2, les mots : « lors d’un entretien systématique psycho-social réalisé au cours du quatrième mois de grossesse » sont remplacés par les mots : « lors de l’entretien prénatal visé à l’article L. 2122-1. » ;

2° Le dernier alinéa de l’article L. 2122-1 est complété par une phrase ainsi rédigée :

« Lors de cet examen, le médecin ou la sage-femme propose à la femme enceinte un entretien prénatal dont l’objet est de permettre au professionnel d’évaluer avec elle ses besoins en termes d’accompagnement au cours de la grossesse. »

La parole est à Mme Laurence Cohen.

Debut de section - PermalienPhoto de Laurence Cohen

Cet amendement vise à repositionner l’entretien prénatal précoce comme un outil de prévention en santé au sens large – c'est-à-dire incluant les aspects somatiques, psychiques et sociaux –, en l’inscrivant à l’article L. 2122-1 du code de la santé publique, consacré aux examens de prévention durant la grossesse. Il s’agit de permettre ainsi à un nombre plus important de femmes d’y accéder.

Pour mémoire, cet entretien individuel ou en couple a été instauré dans le cadre du plan périnatalité 2005-2007 comme la première mesure de l’axe « Plus d’humanité », afin de favoriser la mise en place au plus tôt des conditions d’un dialogue permettant à toutes les femmes enceintes et aux futurs parents d’exprimer leurs attentes et leurs besoins.

Inscrit dans la législation au travers de la loi du 5 mars 2007 réformant la protection de l’enfance, cet entretien a été, à cette occasion, introduit dans le code de la santé publique en tant qu’« entretien psycho-social ».

Des professionnels nous ont alertés sur le fait que, d’une part, cet intitulé restreint le contenu de l’entretien prénatal précoce, lequel relève pourtant du champ de la prévention en santé au sens large, et que, d’autre part, le présenter comme un entretien « psycho-social » constitue un frein à son acceptation, aussi bien pour les populations qui accèdent le plus difficilement à la prévention que pour celles qui ne s’estiment pas concernées par les problématiques d’ordre psycho-social. Or cet entretien est extrêmement important !

C’est pourquoi nous proposons, au travers de cet amendement, une reformulation sémantique.

Debut de section - PermalienPhoto de Isabelle Debré

L'amendement n° 1024 rectifié, présenté par Mme Archimbaud, M. Desessard et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :

Après l’article 3 bis

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le code de la santé publique est ainsi modifié :

1° Au 4° de l’article L. 2112-2, les mots : « d’un entretien systématique psycho-social réalisé au cours du quatrième mois de grossesse » sont remplacés par les mots « de l’entretien prénatal mentionné à l’article L. 2122-1 » ;

2° L'article L. 2122-1 est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Un entretien prénatal précoce au cours du quatrième ou du cinquième mois de grossesse est systématiquement proposé. Cet entretien est réalisé par une sage-femme ou par un médecin. »

La parole est à Mme Aline Archimbaud.

Debut de section - PermalienPhoto de Aline Archimbaud

Cet amendement a un objet similaire. Présenter cet entretien comme étant d’ordre psycho-social est stigmatisant et constitue dans les faits un frein à son acceptation par certaines populations, notamment celles qui ont le plus de difficultés à accéder à la prévention.

Il faut souligner que l’adoption d’un tel amendement visant à faire de l’entretien prénatal précoce un outil de prévention en santé n'impliquerait aucune charge nouvelle, puisque l'entretien prénatal est déjà inscrit à la nomenclature de l'assurance maladie.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Deroche

La proposition des auteurs de ces deux amendements fait écho à l’une des préconisations du rapport d’information sur la protection de l’enfance de Muguette Dini et Michelle Meunier, publié au mois de juin 2014. Cette préconisation a également été reprise par l’Assemblée nationale, au travers de l’introduction d’un article 11 ter dans la proposition de loi relative à la protection de l’enfant, texte qui sera examiné en deuxième lecture par le Sénat dans les prochaines semaines. Dans cette perspective, la commission demande le retrait de ces deux amendements.

Debut de section - Permalien
Marisol Touraine, ministre

La disposition figure en effet à l’article 11 ter de la proposition de loi relative à la protection de l’enfant, à la suite de l’adoption par l’Assemblée nationale d’un amendement du Gouvernement. J’ajoute que cet article prévoit en outre, au contraire des deux amendements, que l’entretien sera systématique. Le Gouvernement étant attaché à ce caractère systématique, il demande également le retrait de ceux-ci ; à défaut, l’avis sera défavorable.

L'amendement n'est pas adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Isabelle Debré

L'amendement n° 1024 rectifié est retiré.

L'amendement n° 371 rectifié, présenté par Mmes Laborde, Billon et Blondin, M. Bonnecarrère, Mme Bouchoux, MM. Castelli et Détraigne, Mme Gatel, MM. Guérini, Guerriau, L. Hervé et Houpert, Mmes Jouanno et Jouve, M. Kern, Mme Morin-Desailly et M. Requier, est ainsi libellé :

Après l’article 3 bis

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Après le titre III du livre Ier de la deuxième partie du code de la santé publique, il est inséré un titre … ainsi rédigé :

« Titre…

« Information des mineurs

« Chapitre unique

« Art. L. ... – Une consultation par un médecin ou une sage-femme est proposée aux mineurs pour les informer sur la contraception et sur la prévention des infections sexuellement transmissibles et des conduites addictives.

« Le mineur est informé de cette consultation lors de l’envoi de la carte Vitale par la caisse d’assurance maladie. »

La parole est à Mme Annick Billon.

Debut de section - PermalienPhoto de Annick Billon

En France, 6, 7 % des jeunes filles âgées de douze à dix-sept ans ont déjà eu recours à une interruption volontaire de grossesse. Cette proportion signe un constat d’échec pour un pays comme le nôtre. Il est donc indispensable de simplifier et de faciliter l’accès à la contraception pour les adolescents.

L’objet de cet amendement, qui reprend une recommandation de la délégation aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes, part du principe que l’information des jeunes en matière de contraception n’est pas toujours suffisante et que la famille n’est pas le lieu le plus propice à une telle information.

Il s’agit donc de proposer aux jeunes, dès seize ans, une consultation auprès d’un médecin ou, pour les jeunes filles qui le souhaiteront, auprès d’une sage-femme. Au cours de cette consultation, conçue non comme une obligation, mais comme une faculté, les jeunes pourraient recevoir une information sur les différentes méthodes de contraception existantes. Une totale confidentialité leur serait garantie. L’envoi de la carte Vitale pourrait être l’occasion de proposer cette consultation aux jeunes.

Instaurée dans un esprit de santé publique, cette consultation pourrait aussi contribuer à renforcer l’information des jeunes sur les pratiques à risques et sur la protection contre les infections sexuellement transmissibles.

Mme Corinne Bouchoux applaudit.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Deroche

Si nous ne pouvons que partager le souci d’assurer une bonne information des jeunes sur les conduites à risques, cette proposition soulève toutefois plusieurs questions.

Ainsi, comment sera financée la prise en charge de la consultation prévue ? En effet, celle-ci devra nécessairement être payante, puisque la proposition a été validée au titre de l’article 40 de la Constitution. Les jeunes mineurs seront-ils incités à y recourir, alors que de nombreuses instances, en particulier l’école, les auront déjà sensibilisés à ces sujets ? Quid des mineurs de moins de quinze ans ?

Par ailleurs, l’article L. 161-31 du code de la sécurité sociale, qui pose le principe de la carte d’assurance maladie inter-régimes, dite « carte Vitale », précise que le contenu de la carte, les modalités d’identification du titulaire ainsi que ses modes de délivrance sont fixés par décret en Conseil d’État. On peut donc se demander si la disposition proposée a bien sa place dans un nouveau titre de la partie législative du code de la santé publique.

Néanmoins, en dépit de ces réserves, la commission sollicite l’avis du Gouvernement.

Debut de section - Permalien
Marisol Touraine, ministre

Le Gouvernement demande le retrait de cet amendement ; à défaut, il émettra, à ce stade, un avis défavorable, en l’absence d’étude d’impact d’une mesure dont la mise en œuvre serait nécessairement très coûteuse. La consultation prévue ne pourrait qu’être payante, ce qui implique d’organiser sa prise en charge.

Au-delà, le projet de loi prévoit la mise en place d’un parcours éducatif de santé de l’enfant – cette disposition a été supprimée par la commission des affaires sociales du Sénat – et est inspiré par la volonté de proposer des actions ciblées en direction des mineurs plutôt que des stratégies globales.

Cela étant, madame la sénatrice, j’entends votre préoccupation. Nous devons mener une réflexion sur la manière de mettre en place d’éventuelles consultations ou séances d’information sur la prévention à destination des jeunes. Cette réflexion doit également porter sur les aspects financiers d’un tel dispositif.

Debut de section - PermalienPhoto de Annick Billon

Je remercie la commission et le Gouvernement de leur réponse. Les collèges ont l’obligation d’assurer une formation, mais cette obligation n’est que peu respectée. C’est pourquoi je maintiens cet amendement.

L'amendement n'est pas adopté.

(Non modifié)

I. – Le livre II du code pénal est ainsi modifié :

1° À l’article 225-16-1, après le mot : « dégradants », sont insérés les mots : « ou à consommer de l’alcool de manière excessive, » ;

2° L’article 227-19 est ainsi modifié :

a) Le premier alinéa est remplacé par deux alinéas ainsi rédigés :

« Le fait de provoquer directement un mineur à la consommation excessive d’alcool est puni d’un an d’emprisonnement et de 15 000 € d’amende.

« Le fait de provoquer directement un mineur à la consommation habituelle d’alcool est puni de deux ans d’emprisonnement et de 45 000 € d’amende. » ;

b) Après la seconde occurrence du mot : « locaux », la fin du second alinéa est ainsi rédigée : « le fait de se rendre coupable de l’une des infractions définies au présent article porte au double le maximum des peines encourues. »

II. – Le livre III de la troisième partie du code de la santé publique est ainsi modifié :

1° A L’article L. 3311-3 est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Ces campagnes doivent aussi porter sur la prévention de l’alcoolisme des jeunes afin de lutter contre leur consommation excessive d’alcool. » ;

1° B

Supprimé

1° L’article L. 3342-1 est ainsi modifié :

a) À la dernière phrase, les mots : « peut exiger » sont remplacés par le mot : « exige » ;

b) Il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :

« L’offre, à titre gratuit ou onéreux, à un mineur de tout objet incitant directement à la consommation excessive d’alcool est également interdite. Un décret en Conseil d’État fixe les types et les caractéristiques de ces objets. » ;

L’article L. 3353-3 est ainsi modifié :

a) Après le mot : « publics, », la fin de la seconde phrase du premier alinéa est ainsi rédigée : « ou l’offre, à titre gratuit ou onéreux, à un mineur de tout objet incitant directement à la consommation excessive d’alcool dans les conditions fixées à l’article L. 3342-1 sont punies de la même peine. » ;

b) Après le mot : « chapitre », la fin du deuxième alinéa est ainsi rédigée : « porte au double le maximum des peines encourues. » ;

3° L’article L. 3353-4 est ainsi rédigé :

« Art. L. 3353 -4. – Le fait de provoquer directement un mineur à la consommation excessive d’alcool et le fait de provoquer directement un mineur à la consommation habituelle d’alcool sont réprimés par l’article 227-19 du code pénal. »

Debut de section - PermalienPhoto de Isabelle Debré

La parole est à M. François Commeinhes, sur l'article.

Debut de section - PermalienPhoto de François Commeinhes

Nous sommes tous attachés aux avancées législatives qui ont permis, au cours des dernières décennies, de doter notre pays de politiques publiques efficaces en matière de lutte contre l’alcoolisme et les comportements excessifs. Nous le savons, ces derniers peuvent mettre en danger la santé et même l’existence. Le phénomène du binge drinking chez les jeunes en atteste.

Il faut naturellement agir, mais les actions doivent porter avant tout sur l’information, l’éducation et la prévention, à l’instar de celles mises en œuvre par la filière viticole, que je qualifierai d’exemplaire. En effet, seule la promotion d’une consommation qualitative et responsable est à même de permettre de lutter contre les abus.

La France doit continuer à favoriser le développement économique de la filière viticole. La viticulture française est l’un des fleurons de notre patrimoine ; elle contribue grandement à nos exportations et à notre prestige culturel. Demain, l’œnotourisme sera un atout de plus pour l’attractivité de nos territoires. Les viticultrices et les viticulteurs français sont des gens responsables, qui aiment leur métier et mettent en valeur nos terroirs. Ils doivent être en mesure de poursuivre leur travail sans subir de nouvelles contraintes.

Madame la ministre, vous avez exprimé votre souhait de ne pas remettre en cause le cadre législatif actuel, c’est-à-dire la loi Évin. Le Président de la République et le Premier ministre se sont également engagés en ce sens. Nous sommes toutefois favorables à la clarification de la loi, comme en témoigne l’amendement n° 32 rectifié de notre collègue Gérard César, que je soutiens résolument.

Debut de section - PermalienPhoto de François Commeinhes

M. François Commeinhes. Il vise à définir la publicité et à la distinguer clairement de ce qui relève de l’information, de la création artistique ou culturelle, de la promotion de nos communes et de nos territoires. Bref, il s’agit de faire en sorte que les journalistes qui parlent de nos régions ne puissent pas être condamnés pour cela.

M. Gérard César applaudit.

Debut de section - PermalienPhoto de Isabelle Debré

L'amendement n° 968, présenté par Mmes Bouchoux, Archimbaud et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :

I. - Alinéas 1 à 7

Supprimer ces alinéas.

II. - Alinéas 19 et 20

Supprimer ces alinéas.

La parole est à Mme Corinne Bouchoux.

Debut de section - PermalienPhoto de Corinne Bouchoux

Cet amendement, qui vise à supprimer l’infraction générale de provocation à la consommation excessive d’alcool, ne s’inscrit pas vraiment dans la logique de la précédente intervention…

Nous sommes bien sûr contre la consommation excessive d’alcool et contre l’incitation à celle-ci, mais le rapport d’information sur les rassemblements festifs et l’ordre public remis au gouvernement Fillon au mois d’octobre 2012 par mon collègue André Reichardt et moi-même a montré que la législation générale sur l’alcool était surabondante et l’arsenal répressif déjà considérable. Nous avions souhaité mettre l’accent sur la prévention, sans préconiser l’adoption de nouvelles mesures législatives.

Qu’il s’agisse de l’obtention d’une licence pour pouvoir vendre des boissons lors d’un rassemblement festif ou des dispositions introduites par la loi du 21 juillet 2009 portant réforme de l’hôpital et relative aux patients, à la santé et aux territoires, notre législation comprend déjà une dizaine de mesures destinées à réprimer sévèrement la consommation excessive d’alcool.

Il faut également souligner que la loi de 1998 interdisant le bizutage et la législation réprimant la conduite en état d’ivresse sont appliquées de façon très rigoureuse, ce qui est heureux.

Puisque le cadre légal semble suffisant, pourquoi en rajouter ? Le président de la commission n’a-t-il pas indiqué tout à l’heure que lorsque la loi suffit, il faut se borner à l’appliquer ?

Dès lors, comment éviter les drames liés à l’hyper-alcoolisation des jeunes ? C’est tout l’objet, selon nous, d’une prévention énergique et efficace.

Des actions de prévention coordonnées peuvent aboutir à des résultats, comme en témoignent les opérations engagées par un certain nombre de collectivités locales. Nous y reviendrons lors de l’examen de l’amendement n° 969.

Nous considérons qu’il s’agit avant tout d’un problème éducatif, qui concerne toutes les familles, et d’un problème de coordination des politiques publiques. Il convient selon nous d’agir en ce sens, plutôt que d’élaborer une nouvelle loi qui permettra un affichage répressif mais ne sera pas respectée.

C’est pourquoi nous demandons la suppression de la création d’une infraction générale de provocation à la consommation excessive d’alcool, mesure qui n’aurait pas de portée concrète.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Deroche

Malgré les difficultés posées par le problème de la preuve, les dispositions prévues à l’article 4 du projet de loi devraient en principe faciliter la caractérisation de l’infraction en évitant l’exigence de conditions cumulatives, à savoir le caractère à la fois excessif et habituel de la consommation à laquelle le mineur se trouve incité.

En dépit des arguments développés par Mme Bouchoux, la commission a souhaité adopter l’article 4 sans modification. Elle demande donc le retrait de cet amendement ; à défaut, son avis sera défavorable.

Debut de section - Permalien
Marisol Touraine, ministre

Nous aurons sans doute l’occasion, lors de l’examen d’autres amendements, d’aborder la question de l’incidence de la consommation excessive d’alcool sur la santé publique, que l’on ne peut pas ignorer.

Il faut sortir des débats manichéens : se préoccuper des enjeux de santé publique ne signifie pas nier l’importance économique et culturelle de la filière viticole. Cependant, aujourd'hui, ignorer le coût social et sanitaire de la consommation excessive d’alcool dans notre pays, en particulier par les jeunes, c’est véritablement tourner le dos à une réalité que vient à nouveau de mettre en évidence de façon spectaculaire une étude indépendante, qui chiffre ce coût à 120 milliards d'euros pour la France.

Les jeunes – qui ne sont pas seuls concernés, je vous rejoins sur ce point, madame Bouchoux – sont particulièrement exposés à des stratégies commerciales visant à inciter à la consommation d’alcool, qui se déploient notamment dans des endroits où est vendu de l’alcool à bon marché ou lors de fêtes, sur des campus universitaires, dans certaines grandes écoles où se pratique ce que l’on appelle le bizutage.

À ce propos, j’observe que les critiques que vous exprimez étaient également formulées, voilà maintenant quinze ans, contre la répression du bizutage. Les opposants à la mise en œuvre d’une législation visant à lutter contre cette pratique faisaient valoir qu’il serait difficile de l’appliquer, dans la mesure où tout se passe dans le secret des universités ou des grandes écoles. Aujourd'hui, la pratique du bizutage n’a pas disparu, mais elle est clairement identifiée comme problématique. Elle a régressé, et l’existence d’une telle législation a libéré la parole de ceux qui en sont victimes.

Tout en exprimant mon incompréhension, j’émets un avis défavorable sur cet amendement, dont l’adoption constituerait un signal préoccupant à destination des jeunes et des moins jeunes en ce qui concerne la consommation d’alcool.

Debut de section - PermalienPhoto de Corinne Bouchoux

Non, je le retire, madame la présidente, mais je défendrai maintenant un amendement de repli.

Debut de section - PermalienPhoto de Isabelle Debré

L'amendement n° 968 est retiré.

L'amendement n° 969, présenté par Mmes Bouchoux, Archimbaud et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :

Alinéa 10

Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :

Les messages de lutte contre les comportements d’hyperalcoolisation des jeunes doivent être réalisés et diffusés y compris dans le cadre de la prise en charge et la régulation par les pairs.

La parole est à Mme Corinne Bouchoux.

Debut de section - PermalienPhoto de Corinne Bouchoux

Nous sommes bien entendu extrêmement favorables à la lutte contre l’alcoolisation massive des jeunes et des moins jeunes : il n’y a aucune ambiguïté sur ce point ; je puis l’affirmer, pour m’être occupée de la vie étudiante durant quatre ans.

Cela étant, je ne suis pas sûre que les jeunes et les moins jeunes boivent uniquement parce qu’il existe une offre d’alcool. Si la question était aussi simple, elle aurait été tranchée depuis longtemps.

Nous entendons ici insister sur l’importance de la prévention et de la prise en charge par les pairs pour lutter contre les comportements d’alcoolisation massive des jeunes.

La diffusion d’une information par des jeunes auprès d’autres jeunes, telle que mon collègue André Reichardt et moi-même l’avions préconisée en 2012, constitue à nos yeux un moyen efficace de prévention, dans la perspective d’un renforcement des mesures en faveur de la protection des plus jeunes contre les dangers de la consommation excessive d’alcool.

Une étude sur la consommation d’alcool réalisée en mai 2014 par la Fédération des associations générales étudiantes, la FAGE, auprès de plus de 3 000 étudiants montre que 71, 4 % des sondés sont plus sensibles au message de prévention lorsque celui-ci émane d’une personne du même âge que le leur.

En ce sens, la prévention entre pairs, outre qu’elle semble moins coûteuse, a une efficacité plus grande que la communication institutionnelle et les campagnes médiatiques : si celles-ci constituent un business florissant, elles n’ont toujours pas, depuis vingt ans, donné de résultats probants, quelles que soient les politiques publiques mises en œuvre.

La méthode de communication que nous proposons de retenir est plus horizontale que verticale. Elle a été adoptée avec succès dans plusieurs communes, y compris rurales ; nous voudrions insister sur ce point.

Selon nous, dans cette perspective, la réalisation de spots télévisés par des jeunes pour des jeunes, au sein de nos écoles de cinéma ou de nos écoles d’art, devrait être privilégiée, de même que l’intervention d’étudiants en médecine dans les lycées.

Pour le dire autrement, plutôt que de favoriser un business de la prévention, il nous paraît préférable d’associer les jeunes à cette politique publique. J’aimerais aussi que l’on s’interroge sur les raisons qui poussent notre jeunesse à boire autant : quelles perspectives lui donnons-nous ?

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Deroche

On peut certes penser qu’il n’est pas du ressort de la loi de définir les modalités de réalisation et de diffusion des campagnes de lutte contre l’alcoolisation excessive. Néanmoins, pour répondre à Mme Bouchoux, je soulignerai que, hier, lors de l’examen de l’article 1er du projet de loi, sur une initiative de notre collègue Catherine Génisson, a déjà été inscrit à l’article 1er l’objectif de prévention partagée, qui recouvre d'ailleurs d’autres domaines que la lutte contre la consommation excessive d’alcool.

En conséquence, je demande le retrait de cet amendement.

Debut de section - Permalien
Marisol Touraine, ministre

Je demande également le retrait de cet amendement ; sinon, l’avis du Gouvernement sera défavorable.

Votre proposition, madame Bouchoux, est déjà mise en œuvre, notamment par l’Institut national de prévention et d’éducation pour la santé, l’INPES, qui élabore des campagnes de prévention en demandant aux publics cibles, en particulier les jeunes, quels sont, selon eux, les messages les plus efficaces. Par exemple, au début de l’année, nous avons fait réaliser une campagne dont l’élaboration reposait sur la consultation de jeunes.

En tout état de cause, il n’appartient pas à la loi de déterminer les modalités de réalisation des campagnes de prévention et d’information.

Debut de section - PermalienPhoto de Isabelle Debré

La parole est à M. André Reichardt, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de André Reichardt

J’ai effectivement cosigné en 2012 avec Mme Bouchoux un rapport sur l’hyperalcoolisation des jeunes, élaboré à la demande de la commission des lois. Ce rapport concluait, comme l’a dit Corinne Bouchoux tout à l’heure, que la législation générale sur l’alcool était déjà très abondante et l’arsenal répressif considérable.

Pour autant, je n’aurais pas voté l’amendement précédent de Mme Bouchoux, estimant pour ma part que la provocation à l’hyperalcoolisation mérite d’être sanctionnée.

En revanche, je la remercie de ne pas avoir retiré le présent amendement, car il me paraît important que nous poussions les feux en matière de prévention.

Nous avions déjà relevé, en 2012, que les campagnes de prévention sont insuffisantes, notamment en ce qu’elles n’associent pas assez ceux que Corinne Bouchoux appelle les « pairs », en l’occurrence les jeunes. Il faut y être particulièrement attentif.

Revient-il à la loi de fixer les modalités d’organisation des campagnes de prévention ou d’information ? Cela nous paraît plutôt relever du domaine réglementaire. Je crois néanmoins, mes chers collègues, que ce serait faire œuvre utile que d’adopter cet amendement. Cela poussera peut-être les instances publiques à financer la mobilisation des pairs à l’occasion de la mise en œuvre de telles campagnes. Je voterai donc cet amendement.

Debut de section - PermalienPhoto de Isabelle Debré

La parole est à M. Marc Laménie, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Laménie

Je voterai moi aussi cet amendement, car l’hyperalcoolisation est un réel et ancien problème de société, qui provoque un gravissime gâchis, allant jusqu’à la perte de jeunes vies.

S’agissant des campagnes d’information évoquées par Mme la ministre, j’observerai que les maires des petites communes ne disposent que de peu de moyens pour les relayer. Il conviendrait de leur permettre de jouer un plus grand rôle en matière d’information et de sensibilisation.

Je prendrai l’exemple des fêtes patronales organisées en milieu rural. On a beau prendre des arrêtés municipaux, mettre en place une buvette, les jeunes s’y rendent après avoir rempli le coffre de leur voiture de boissons alcoolisées achetées en grande surface. Dans les faits, le pouvoir du maire est malheureusement bien limité quand il s’agit de faire respecter la réglementation… C’est au point que l’on finit par renoncer à organiser les fêtes patronales, pour ne pas avoir à vivre ces situations dramatiques que nous connaissons tous. Il est vraiment urgent de prendre des mesures pour lutter contre cet énorme problème de société.

L'amendement n'est pas adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Isabelle Debré

L'amendement n° 424 rectifié ter, présenté par M. Montaugé, Mme D. Gillot, M. Berson, Mmes Blondin et Yonnet, MM. Sueur et Cazeau, Mme Khiari, M. F. Marc, Mmes Bataille, Féret et Monier et M. Delebarre, est ainsi libellé :

Après l'alinéa 11

Insérer deux alinéas ainsi rédigés :

...° L’article L. 3322–9 est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Le prix unitaire de vente des boissons alcoolisées pratiqué par les commerçants lors d’opérations de promotion ponctuelle dans le temps ne peut être inférieur à un seuil, fixé par décret, correspondant à une fraction du prix de vente unitaire affiché dans l’établissement. »

La parole est à M. Franck Montaugé.

Debut de section - PermalienPhoto de Franck Montaugé

L’article 4 vise à renforcer les moyens de lutte contre les nouvelles pratiques de la jeunesse en matière d’alcoolisation massive, que l’on appelle parfois binge drinking.

Au nombre des pratiques commerciales incitatives figurent par exemple les happy hours, au cours desquelles un débit de boissons propose des produits, en particulier alcoolisés, à des tarifs plus avantageux que d'ordinaire, et parfois très bas.

L’amendement vise à encadrer – et non à supprimer, je le souligne – ces pratiques, par la fixation d’un prix de vente plancher, calculé par application d’un taux de rabais autorisé sur le prix de vente unitaire affiché, ce taux étant fixé par décret. Ce dispositif simple permettrait de justifier objectivement les sanctions prévues par la loi, qu’il faut effectivement maintenir.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Deroche

La pratique des prix réduits par les débitants de boissons est encadrée par le décret n° 2010-465 du 6 mai 2010 relatif aux sanctions prévues pour l’offre et la vente de boissons alcooliques.

Il apparaît donc à la commission que le dispositif de cet amendement relève du niveau réglementaire. En conséquence, elle sollicite le retrait de celui-ci. À défaut, elle émettra un avis défavorable.

Debut de section - Permalien
Marisol Touraine, ministre

Je comprends pleinement le sens de votre amendement, monsieur le sénateur. On voit bien qu’il existe des stratégies d’incitation qui, sous couvert de convivialité, conduisent des jeunes – ces derniers sont sans doute plus sensibles que d’autres à l’aspect financier –, mais aussi des moins jeunes, à privilégier la consommation au sein de ces tranches horaires où les tarifs sont parfois extrêmement bas.

Même si l’alcoolisation rapide au sein de l’espace public, au vu et au su de tous, reste plus développée dans les pays anglo-saxons qu’en France, où l’on consomme plus souvent l’alcool au domicile ou dans des lieux clos, cette pratique commence à émerger chez nous.

Si je partage totalement votre objectif, monsieur le sénateur, je dois avouer que, juridiquement, je ne sais pas comment faire pour mettre en œuvre votre proposition. Comment fixer des prix planchers uniformes alors que les prix de l’immobilier varient selon les villes ? Comment tenir compte de l’interdiction de la vente à perte ? Comment prendre en compte la multiplicité des boissons consommées ?

Je me vois donc dans l’obligation de vous demander de retirer votre amendement, monsieur le sénateur. À défaut, j’émettrai un avis défavorable : je souscris certes à son esprit, mais je ne vois pas comment mettre en œuvre son dispositif par décret.

Debut de section - PermalienPhoto de Isabelle Debré

La parole est à Mme Dominique Gillot, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique Gillot

Je voudrais insister sur l’importance de se pencher sur cette question de l’incitation des jeunes à consommer dans une mesure excessive des boissons alcooliques, notamment pendant les soirées étudiantes.

Nous avons tous été sensibilisés à cette question. Certaines pratiques commerciales visent à permettre à des jeunes de boire des mètres linéaires d’alcool fort pour un coût très modique, voire gratuitement.

J’entends bien, madame la ministre, qu’il est difficile de régler ce problème par la voie réglementaire, mais il importe que le législateur manifeste sa préoccupation et sa volonté de faire cesser, ou tout au moins de limiter, des pratiques commerciales qui gâchent une partie de notre jeunesse en la rendant dépendante à l’alcool.

Debut de section - PermalienPhoto de Isabelle Debré

La parole est à M. Jean-Baptiste Lemoyne, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Baptiste Lemoyne

M. Jean-Baptiste Lemoyne. Je ne suis ni pour ni contre, bien au contraire

Sourires.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Baptiste Lemoyne

J’entends parler de binge drinking et de happy hours : il me semble que nous devrions défendre notre belle langue française, en parlant plutôt d’« alcoolisation massive » et d’« heures heureuses » !

Sourires.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Baptiste Lemoyne

La semaine dernière, ma collègue Claudine Lepage et moi-même sommes allés rendre visite à nos amis et cousins francophones d’outre-Atlantique, qui nous reprochent souvent l’utilisation d’anglicismes. Soyons donc tous attentifs à notre façon de nous exprimer, y compris sur ces sujets.

Debut de section - PermalienPhoto de Isabelle Debré

Vous avez raison, mon cher collègue : l’expression « heures heureuses » est vraiment très belle !

La parole est à M. Gérard Roche, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Roche

Nous avons tous envie de souscrire à un tel amendement, mais, comme Mme la ministre l’a indiqué, son application serait difficile. De surcroît, elle ne résoudrait pas complètement le problème, car les débits de boissons ne sont pas seuls en cause : les jeunes se fournissent souvent en alcools au supermarché, avant de les consommer à l’abri des regards. C’est peut-être d’ailleurs la modalité la plus grave de l’alcoolisation, car elle est complètement cachée.

Debut de section - PermalienPhoto de Franck Montaugé

Oui, madame la présidente. Sur cette question politique, je souhaite faire prévaloir un point de vue moral. Il y va de la vie de certains de nos jeunes, et je ne doute pas que ce point de vue soit largement partagé sur nos travées.

Debut de section - PermalienPhoto de Isabelle Debré

La parole est à M. Alain Vasselle, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Vasselle

Il ne faut pas, me semble-t-il, nous abriter derrière la difficulté de légiférer ou de réglementer en la matière. Au minimum, une mission devrait être instituée sur ce sujet, que ce soit sur l’initiative du Sénat ou sur celle du Gouvernement.

Par l’intermédiaire de mes enfants, j’ai eu connaissance de cas dramatiques de jeunes plongés dans un coma éthylique à la suite d’une surconsommation d’alcool.

Évidemment, le contrôle est très difficile. Comme l’a dit M. Roche, les jeunes peuvent s’approvisionner en alcools au supermarché. L’alcoolisation se déroule souvent dans des lieux relevant d’une université ou d’une grande école, mais parfois aussi au domicile de parents qui manquent ainsi à leurs responsabilités.

J’ajoute que ces pratiques ont également de lourdes conséquences en termes de santé publique et de comptes sociaux.

Je souhaite donc qu’une initiative soit prise et que l’on ne renonce pas à agir, au motif que ce serait trop difficile.

Après une épreuve à main levée déclarée douteuse par le bureau, le Sénat, par assis et levé, adopte l'amendement.

Debut de section - Permalien
Marisol Touraine

Mme Marisol Touraine, ministre. Je prends acte de ce vote avec beaucoup d’intérêt et beaucoup d’espoir : il marque un engagement en faveur de la santé publique, dont j’espère qu’il se concrétisera au travers d’autres votes…

Sourires. –Applaudissements sur certaines travées du groupe socialiste et républicain.

Debut de section - Permalien
Marisol Touraine

Je suis bien entendu extrêmement sensible à la préoccupation exprimée par M. Montaugé. Mais la difficulté, monsieur Vasselle, ne tient pas à un manque de savoir-faire du Gouvernement ou de l’administration : nous devons aussi tenir compte du droit européen, du principe de libre concurrence.

Je ne sais pas quel sort sera finalement réservé à cet amendement dans la suite du processus législatif, mais je considère son adoption comme une invitation exigeante à engager une réflexion collective sur la manière de prendre en compte l’évolution des modes de consommation de l’alcool dans notre pays. Pour toute une série de raisons, les réponses ne sont pas toujours simples à imaginer, mais nous ne devons pas nous résigner face à l’alcoolisation des jeunes et des moins jeunes.

Je vous remercie donc, monsieur le sénateur, d’avoir favorisé le débat en déposant cet amendement.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.

Debut de section - PermalienPhoto de Isabelle Debré

Mes chers collègues, avant d’aborder le point suivant de l’ordre du jour, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.

La séance est suspendue.

La séance, suspendue à quinze heures cinquante-cinq, est reprise à seize heures, sous la présidence de M. Gérard Larcher.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

L’ordre du jour appelle une déclaration du Gouvernement, suivie d’un débat, sur l’engagement des forces aériennes au-dessus du territoire syrien, en application de l’article 35, alinéa 2, de la Constitution.

La parole est à M. le ministre.

Debut de section - Permalien
Laurent Fabius

Monsieur le président, mesdames, messieurs les ministres, mesdames, messieurs les sénateurs, le Président de la République l’a annoncé le 7 septembre dernier : la France a décidé de procéder à des vols de reconnaissance au-dessus de la Syrie.

Comme le prévoit l’article 35, alinéa 2, de la Constitution, le Premier ministre en a immédiatement informé les présidents des deux assemblées et a décidé d’organiser un débat parlementaire, à l’Assemblée nationale avec le ministre de la défense et au Sénat avec moi-même.

Je vais vous expliquer, au nom du Premier ministre, pourquoi nous intervenons, dans quel contexte, et vous dire les objectifs que se fixe notre pays.

D’abord, pourquoi agir en Syrie ?

Le chaos règne en Syrie, ce qui déstabilise l’ensemble du Moyen-Orient. Ce pays constitue le repaire des terroristes djihadistes, à la fois de Daech et d’autres groupes, tel Jabhat al-Nosra. Il alimente le drame des réfugiés, qui fuient non seulement Daech, mais aussi et surtout – ne l’oublions jamais – la barbarie du régime de M. Bachar al-Assad. Au cours des derniers mois, les territoires contrôlés par les groupes terroristes se sont étendus sur le sol syrien. Cette progression a déstabilisé plus encore l’ensemble de la région.

Il faut être lucide : l’avancée de Daech est avant tout le résultat d’un calcul cynique de M. Bachar al-Assad, qui s’est d’abord servi de Daech comme d’un instrument pour prendre l’opposition modérée en étau, puis pour l’écraser. Il s’en est également servi comme d’une terrible justification pour commettre des crimes et employer des armes chimiques contre sa propre population.

Le résultat aujourd’hui est que des régions entières ont été abandonnées aux mains des djihadistes. Dorénavant, tout le grand est syrien, c'est-à-dire à peu près 30 % de la Syrie, constitue un solide bastion pour Daech, avec les conséquences extrêmement funestes que nous connaissons.

La première conséquence, c’est la menace pour notre propre sécurité.

Nous le savons, la menace djihadiste dirigée contre la France provient précisément des zones que Daech contrôle. Il y a en Syrie des centres de commandement de cette organisation. C’est également depuis la Syrie que s’organisent les filières qui recrutent de nombreux individus voulant prendre les armes, mener les combats là-bas, mais aussi frapper, en retour, notre propre pays.

C’est enfin en Syrie que se structure et que s’alimente la propagande qui, par la mise en scène macabre de la violence, irrigue constamment les réseaux sociaux, notamment francophones.

Aujourd’hui, entre 20 000 et 30 000 ressortissants étrangers sont recensés dans les filières irako-syriennes. Nous estimons le nombre de Français ou de résidents en France enrôlés dans les filières djihadistes à 1 880 ; 491 sont sur place et 133 ont à ce jour trouvé la mort, de plus en plus à la suite d’actions meurtrières, sous forme d’attentats suicides.

La deuxième conséquence, c’est que, dans cet immense espace, Daech impose sa domination.

Daech est plus qu’une organisation terroriste voulant fédérer différents mouvements d’un djihadisme composite. C’est un totalitarisme à certains égards nouveau, qui dévoie l’islam pour imposer son joug et ne recule absolument devant rien : le massacre de mouvements de résistance, la mise en scène de la torture et de la barbarie, l’asservissement des minorités, les trafics, la vente d’êtres humains. Cette organisation anéantit également l’héritage culturel et le patrimoine universel de cette région : le tombeau de Jonas, le musée et la bibliothèque de Mossoul, les ruines assyriennes de Nimrod ou encore les vestiges antiques de Palmyre.

La troisième conséquence, qui est intimement liée à la deuxième, c’est bien sûr le drame des réfugiés.

Le peuple syrien est aujourd’hui décimé : on dénombre plus de 250 000 morts en quatre ans, dont 80 % sous les coups du régime et de sa répression.

C’est un peuple déplacé : des millions de Syriens sont pris en étau sur le territoire, entre la répression de Bachar al-Assad et la barbarie de Daech.

C’est un peuple, enfin, réduit à l’exil : 4 millions de Syriens se sont réfugiés dans les camps du Liban, de la Jordanie et de la Turquie. Ils ont souvent un seul espoir : atteindre l’Europe, pour y trouver l’asile. La crise des réfugiés est la conséquence directe du chaos syrien. Nous y consacrerons, ici même, un débat demain.

Comment agir en Syrie ?

Mesdames, messieurs les sénateurs, depuis mardi 8 septembre, nos forces aériennes survolent la Syrie.

Il s’agit, d’abord, et avant tout, d’une campagne de renseignement grâce à des vols de reconnaissance. Plusieurs missions ont d’ores et déjà été réalisées. Cette campagne durera le temps qui sera nécessaire, certainement plusieurs semaines. Nous devons mieux identifier et localiser le dispositif de Daech pour être en mesure de le frapper sur le sol syrien et d’exercer ainsi notre légitime défense, comme le prévoit l’article 51 de la Charte des Nations unies.

Ces missions de reconnaissance sont conduites à titre national, en pleine autonomie de décision et d’action : pleine autonomie de décision, car nous choisissons nous-mêmes les zones de survol où effectuer notre recherche ; pleine autonomie d’action, car, comme le Président de la République l’a dit hier, des frappes seront nécessaires, et nous choisirons seuls les objectifs à frapper. Il est bien sûr hors de question que, par ces frappes, nous contribuions à renforcer le régime de M. Bachar al-Assad.

Ces missions, coordonnées – pour des raisons opérationnelles – avec la coalition que dirigent les États-Unis, s’appuient sur les moyens actuellement mobilisés dans le cadre de l’opération Chammal : douze Rafale et Mirage 2000, un Atlantique 2 et un ravitailleur C-135 sont engagés. Notre frégate Montcalm, déployée en Méditerranée, continue, quant à elle, de collecter des renseignements sur la situation en Syrie.

Je veux rendre hommage devant vous et – je le sais – avec vous à l’action de nos soldats engagés au Levant. Avec courage, avec ténacité, avec professionnalisme, ils défendent nos valeurs, ils protègent nos compatriotes, et ils agissent pour la sécurité de la nation.

Cette stratégie aérienne est-elle suffisante ? En d’autres termes, faut-il envisager d’intervenir au sol ? Des voix plaident pour une telle option. Si la France intervient au sol, agira-t-elle seule ? Nous l’avons fait au Mali, mais les circonstances étaient totalement différentes, comme chacun le sait. La France interviendrait-elle avec les Européens ? Qui parmi eux serait prêt à une telle aventure ? Interviendrait-elle au sol avec les Américains ? Le veulent-ils ? Il faut savoir tirer les enseignements du passé, lesquels sont douloureux. On pense en particulier à la bataille de Falloujah en Irak.

Ce que les exemples en Irak et en Afghanistan nous apprennent, c’est qu’il faudrait mobiliser à coup sûr plusieurs dizaines de milliers d’hommes, qui seraient alors exposés à un danger extrêmement grand. Tel est d’ailleurs le piège, si on y réfléchit bien, que nous tendent les djihadistes : ils veulent nous contraindre à intervenir sur leur terrain pour que nous nous y enlisions, pour invoquer contre nous un prétendu esprit de « croisade », et susciter une solidarité face à ce qui serait, selon eux, une « invasion ».

Le Président de la République a donc répondu à ces interrogations de manière extrêmement claire : toute intervention terrestre – c’est-à-dire toute intervention au sol de notre part ou occidentale – serait « inconséquente et irréaliste ». D’ailleurs, aucun de nos partenaires ne l’envisage.

Toutefois, si une coalition de pays de la région se formait pour aller libérer la Syrie de la tyrannie de Daech, alors le contexte serait différent. Ces pays auraient alors le soutien de la France.

Mener une guerre, ce n’est pas, comme s’y emploient certains, faire de grandes déclarations, fixer des échéances qui ne sont pas réalistes. Mener une guerre, c’est se fixer des objectifs et se donner les moyens de les atteindre.

Comment donc intervenir en Syrie à la suite de nos précédentes interventions ? Nous voulons faire preuve de constance, de cohérence dans l’action.

Contrairement à ce que nous avons entendu dire, nous ne changeons pas de stratégie, nous ne changeons pas de cible. Nous luttons contre le terrorisme, mais – grâce à la vigilance du ministre de la défense et à sa connaissance des situations – nous adaptons nos moyens militaires et notre présence en fonction du contexte politique.

Dans la bande sahélo-saharienne, dans le cadre de l’opération Barkhane, nos armées sont déployées aux côtés des unités africaines. Elles infligent de lourdes pertes aux groupes terroristes d’AQMI, d’Ansar Eddine ou du MUJAO ; autant de groupes qui prospèrent sur la déliquescence des États. Je pense en particulier au vide politique qui s’est installé en Libye après l’intervention de 2011.

Nous luttons, ensuite, en Irak où, depuis un an, nos forces aériennes sont engagées à la demande des autorités irakiennes. Les opérations de la coalition ont permis d’enrayer la progression de Daech, notamment dans le Kurdistan.

Cependant, nous le savions dès le départ et nous l’avons dit sans démagogie, car nous devons cette vérité à nos concitoyens : combattre les groupes terroristes, lutter contre Daech en particulier, ne peut être qu’un combat de longue haleine. Il doit être mené en soutien des forces locales, qui sont en première ligne sur le terrain ; je pense en particulier aux peshmergas kurdes que nous aidons et dont il faut saluer le courage.

Nous n’en sommes qu’au début. Il nous faut donc continuer à agir, consolider les acquis sur le terrain et ne rien abandonner de la partie. Tel est donc le sens de notre intervention.

Nous devons aussi agir politiquement, car si toutes ces actions militaires sont nécessaires, elles ne peuvent être suffisantes. Sans solution politique durable, la situation ne pourra être stabilisée.

Il est impératif d’arrêter l’engrenage fatal de la dislocation du Moyen-Orient. Il faut aujourd’hui tout faire pour stopper cette mécanique effrayante : les fractures régionales qui réapparaissent, la tectonique des rivalités ancestrales – en particulier entre chiites et sunnites – qui se réveillent, les appétits de puissance qui transforment la Syrie en un champ clos d’ambitions régionales et qui empêchent l’Irak de se relever des conséquences de l’intervention de 2003.

Quelle solution politique envisager ?

Face aux risques de fragmentation du Moyen-Orient, nous devons intensifier nos efforts pour faire émerger des solutions politiques qui puissent refonder l’unité de ces États et de ces peuples.

En Irak, d’abord, le gouvernement de M. al-Abadi doit rassembler toutes les communautés du pays pour lutter contre Daech. Le Président de la République l’a dit avec force lors de son déplacement à Bagdad, à l’été 2014, un gouvernement qui ne respecterait pas la minorité sunnite continuerait de précipiter celle-ci dans l’étreinte mortelle de Daech.

Nous devons également intensifier nos efforts en Syrie. Bien sûr, nous ne ferons rien qui puisse consolider le régime. L’urgence consiste, au contraire, à chercher un accord qui tourne définitivement la page des crimes de M. Bachar al-Assad. Ce dernier est une grande part du problème et ne peut pas être la solution. Avec un homme responsable de tant de morts, de crimes de guerre, de ce que M. Ban Ki-moon nomme des crimes contre l’humanité, aucun compromis, aucun arrangement n’est possible ! Transiger, pactiser, comme le proposent certains, serait une faute morale. Dès août 2013, nous étions prêts à réagir, mais les États-Unis et le Royaume-Uni n’étaient finalement pas au rendez-vous.

Au-delà de l’aspect moral, ce serait aussi une faute politique et stratégique. Les combattants ne déposeront les armes en Syrie que lorsque l’État syrien garantira leurs droits et ne sera plus aux mains d’un groupe criminel. C’est pourquoi, même si cette ligne de conduite est très difficile à tenir, il faut travailler sans relâche à accélérer la transition politique. Elle devra rassembler, dans un gouvernement de transition, les forces de l’opposition – elles sont aujourd’hui malheureusement encore trop affaiblies – et les éléments les moins compromis du régime. En aucun cas, cette transition ne peut remettre dans le jeu les factions terroristes : il y a là une ligne qui ne doit pas être franchie.

Cette solution politique ne peut voir le jour que par la convergence de toute une série d’efforts diplomatiques. Nous connaissons les paramètres du règlement de la crise syrienne. Ils ont été déterminés lors des réunions de Genève, dès 2012, et adoptés par les principaux pays intéressés par l’avenir de la Syrie. La tâche est très difficile, mais cette difficulté ne doit pas être un prétexte au statu quo, à l’inaction, au renoncement.

La France parle donc à tous. Le Premier ministre, ainsi qu’il l’affirme, tient à saluer « l’action remarquable que conduit le ministre des affaires étrangères à la tête de notre diplomatie ».

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.

Debut de section - Permalien
Laurent Fabius, ministre

Je ne voudrais pas que ce passage du discours du Premier ministre soit le seul à être applaudi !

Nous discutons bien sûr avec tous nos partenaires membres permanents du Conseil de sécurité, les Britanniques, les Américains, les Chinois, et plus particulièrement avec les Russes. Samedi dernier, à Berlin, j’ai eu un long entretien avec M. Lavrov, pour envisager ce qu’il est possible de faire. Les positions de la Russie demeurent malheureusement éloignées des nôtres.

Nous avons tous un devoir de responsabilité : tout soutien militaire au régime de Bachar, en vertu de l’analyse que j’ai développée devant vous, ne fait qu’alimenter la spirale de la violence. Nous devons d’autant plus parler à la Russie qu’il faut surmonter la défiance née chez elle de l’intervention en Libye en 2011.

Parler à tous, c’est aussi travailler avec l’ensemble des acteurs de la région. L’histoire parle en ce sens, mais aussi la géographie.

Parler à tous, c’est d’abord parler aux pays arabes sunnites. C’est parler, aussi, à la Turquie, qui a besoin de l’Union européenne, et dont nous avons besoin. Ce pays doit toutefois préciser davantage ses objectifs.

C’est parler, enfin, à l’Iran. Sur ce point, on peut relever une évolution. Le Président de la République recevra à Paris, en novembre, le président iranien Rohani. Je me suis moi-même rendu en Iran et nous aurons l’occasion de rencontrer les dirigeants iraniens lors de la réunion de l’Assemblée générale des Nations unies dans quelques jours. La France recevra l’Iran, car après la conclusion de l’accord sur son programme nucléaire, Téhéran doit pouvoir, nous l’espérons, peser positivement en faveur d’une solution politique.

Il est donc clair que la France parle à tous, car telle est sa vocation !

Nous devons agir militairement, politiquement, mais aussi sur le plan humanitaire, pour protéger les minorités au Moyen-Orient.

La survie de communautés entières est en jeu – les chrétiens, les yézidis, et bien d’autres – et, avec elle, la diversité culturelle, religieuse et ethnique de cette région. J’ai reçu, il y a quelques jours, en présence d’un certain nombre d’entre vous, le patriarche de l’Église chaldéenne d’Irak, Mgr Sako. Il m’a lancé un cri d’alarme, un appel à l’aide, mais il m’a dit aussi, de manière très émouvante, sa confiance en la France.

Le 8 septembre dernier, j’ai organisé une conférence internationale consacrée aux victimes de persécutions ethniques et religieuses au Moyen-Orient. Les participants ont tous été bouleversés, je peux en porter témoignage, par les mots de Jinan, une jeune yézidie. Le plan d’action de Paris a été adopté et devrait nous permettre d’avancer. Notre devoir est d’en assurer la mise en œuvre. Ce plan fera l’objet d’un suivi : nos amis espagnols organiseront la même conférence l’année prochaine.

Dans l’attente d’un retour de la Syrie à une forme de stabilité, nous devons venir en aide au peuple syrien. Une conférence internationale sur les réfugiés sera organisée pour mobiliser tous les pays, pour dégager les ressources financières qui font aujourd’hui tant défaut – je pense, en particulier, aux moyens dont doivent disposer le Haut-Commissariat pour les réfugiés et le Programme alimentaire mondial –, pour organiser, aussi, au-delà des initiatives prises par l’Europe, la solidarité avec les pays accueillant des réfugiés.

Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, le Premier ministre l’a dit, la France est en guerre contre le terrorisme, le djihadisme et l’islamisme radical. Derrière le Président de la République, ce combat mobilise toute la nation et nous lui consacrons tous les moyens que nous jugeons nécessaires.

Nous savons que ce combat sera long et qu’il sera marqué par les épreuves, car la menace est lourde. Nous savons tous aussi que ce combat est absolument décisif, car il y va de nos valeurs, de ce que nous sommes, de ce en quoi nous croyons. Il y va de l’avenir de peuples voisins et amis, mais d’abord de notre propre avenir. Nos concitoyens sentent bien que quelque chose de fondamental se joue là.

Alors, au-delà de la diversité de nos sensibilités, nous devons, face à ce danger, être unis, rassemblés, à la hauteur des enjeux, pour agir et mener ce combat. C’est ainsi que nous pourrons l’emporter. Nous avons la ferme conviction, mesdames, messieurs les sénateurs, que nous l’emporterons !

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain, du RDSE, de l'UDI-UC et sur quelques travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

J’indique au Sénat qu’il a été décidé d’attribuer, à raison d’un orateur par groupe, un temps de quinze minutes au groupe Les Républicains, ainsi qu’au groupe socialiste et républicain, et un temps de dix minutes à chacun des autres groupes politiques, l’orateur des sénateurs ne figurant sur la liste d’aucun groupe disposant de trois minutes.

Dans la suite du débat, la parole est à M. Jeanny Lorgeoux, pour le groupe socialiste et républicain.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.

Debut de section - PermalienPhoto de Jeanny Lorgeoux

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le 8 septembre, nos forces ont effectué leur premier vol de reconnaissance au-dessus de la Syrie : deux appareils Rafale, de l’escadron Lorraine, basés à Al Dhafra aux Émirats arabes unis, appuyés par un ravitailleur C-135 du groupe de ravitaillement Bretagne, ont mené une mission de reconnaissance de plus de six heures, visant à recueillir des renseignements sur le groupe terroriste Daech.

Le lendemain, le 9 septembre, c’est un avion de patrouille Atlantique 2, doté d’équipements de recueil de renseignement électromagnétique, qui a survolé l’espace aérien syrien.

Tournant stratégique ? Adaptation conjoncturelle ? Urgence opérationnelle ? Deux jours avant, le Président de la République avait défini, lors de sa conférence de presse, le cadre de notre lutte contre Daech. Cette action est conduite par des femmes et des hommes œuvrant dans la discrétion ou le secret, avec pugnacité et abnégation. Qu’ils soient ici remerciés pour leur dévouement à la patrie, car l’ennemi est violent, volatil, sans pitié. Notre ennemi est un fanatisme obscurantiste, aux antipodes de nos valeurs. Nous sommes en guerre.

Nous nous sommes engagés en Irak, parce que Daech, cette organisation terroriste qui non seulement trahit et mutile l’islam, mais bafoue aussi les valeurs universelles, fait peser une menace mortelle sur le Moyen-Orient, ainsi que sur la sécurité de l’Europe, en particulier sur celle de la France.

En Irak, c’est précisément le gouvernement qui nous a appelés à l’aide et notre intervention reçoit le soutien de tous les États de la région. J’ajoute que le Conseil de sécurité a appelé à combattre Daech par tous les moyens, conformément à la Charte des Nations unies, et à soutenir les forces qui luttent sur le terrain contre cette organisation.

La montée en puissance des frappes de la coalition a incontestablement été efficace : elle a donné de l’air aux forces régulières irakiennes, ainsi qu’aux peshmergas, qui ont pu contenir, freiner, enrayer la progression de Daech, voire amorcer par endroits une reconquête. Ces premiers résultats confirment le bien-fondé de la stratégie choisie, celle d’un soutien aérien aux forces terrestres irakiennes, auxquelles il incombe principalement de mener cette guerre, car nous ne devons pas nous substituer aux Irakiens ni à leurs voisins immédiats.

Cette région du monde, reconnaissons-le, a souffert de multiples ingérences. Elle doit aujourd’hui, avec notre aide, rebâtir le cadre de l’État. Tel est le sens de la stratégie politique que nous menons parallèlement à notre engagement militaire. Daech se nourrit des divisions entre les Irakiens, et son action ne sera contrecarrée que lorsque le gouvernement irakien aura rétabli au sein des populations un minimum de confiance dans leur État.

Par sa nature et sa dimension, par le nombre de ses combattants – autour de 40 000 –, par ses capacités militaires – chars, blindés, armements lourds, missiles –, et par sa capacité d’intervention, Daech change la donne.

Cette organisation mène à la fois des opérations conventionnelles et des opérations de type terroriste ou de guérilla urbaine. Elle acquiert même une dimension internationale, en raison de sa capacité à attirer très largement, y compris chez nous. Outre son recrutement français, cette organisation a enrôlé, du Maroc à l’Extrême-Orient, près de 10 000 étrangers sur 40 000 combattants.

Ce chiffre impressionnant indique que ce type de terrorisme est radicalement nouveau, dans un contexte stratégique qui a changé, ainsi que l’ont illustré dramatiquement les attentats de Paris en janvier, puis une série d’attaques en France, en Belgique, en Algérie, en Tunisie, en Arabie Saoudite et au Koweït.

Le Président de la République l’a lui-même affirmé lors de sa conférence de presse : les attaques terroristes sur le territoire national ne sont pas déconnectées des théâtres syriens ou irakiens. Les territoires de la Syrie et de l’Irak forment un continuum, où Daech déploie et implante des camps, tout en s’appropriant des infrastructures, afin de développer sa capacité de commanditer, de préparer et de coordonner des attentats sur le territoire national et partout dans le monde. Raqqa, vieille cité sur l’Euphrate, en est un symbole.

C’est une raison supplémentaire d’intervenir. Il est ainsi devenu indispensable d’approfondir notre connaissance du terrain, lequel s’étend, pour la partie syrienne, sur des dizaines de milliers de kilomètres carrés, en récoltant les renseignements nécessaires pour mieux frapper l’ennemi.

Le renseignement, au sens opérationnel du terme, demeure une matière difficile à partager, y compris entre alliés, car il touche à la souveraineté et alimente utilement notre autonomie de décision. La France a toujours eu à cœur de conserver son autonomie stratégique, y compris au sein d’une coalition, cette indépendance n’excluant toutefois pas la loyauté avec nos alliés.

Du point de vue opérationnel, l’extension du périmètre d’action de l’opération Chammal au territoire syrien et le prolongement des missions de renseignement permettront de repérer et de désigner des cibles névralgiques de Daech, notamment des infrastructures et les unités qui ourdissent les tueries chez nous et ailleurs.

Cette extension ne change rien à notre ordre de bataille, car l’opération Chammal continuera de répondre aux mêmes objectifs, qui sont, à terme, de réduire Daech et, d’une manière plus globale, d’annihiler sa capacité de nuisance, y compris à l’extérieur.

Sur le terrain, en Irak, nous fournissons un appui aérien et du renseignement aux forces armées irakiennes. Cela se traduit concrètement par l’engagement de 700 militaires armant un parc d’une quinzaine d’appareils : six Rafales, trois Mirages 2000, trois Mirages 2000 N, un avion de patrouille, deux Atlantiques 2, un avion ravitailleur C-135. Le groupe aéronaval autour du porte-avions Charles-de-Gaulle peut venir renforcer l’action des forces françaises sur place, comme cela a été le cas pendant quatre mois, de février à mai dernier.

Au sein de la coalition internationale, notre force constitue la seconde en nombre après celle des États-Unis, ce qui représente un effort non négligeable contre ce fléau de type nouveau, auquel nous devons nous adapter d’autant plus que le contexte diplomatique et stratégique s’est considérablement modifié.

À l’échelon international, on ne dira jamais assez que l’accord signé avec l’Iran sur le nucléaire a considérablement modifié la donne. Monsieur le ministre, vous avez eu raison de résister et de vous montrer exigeant afin qu’il soit aussi robuste que possible. Votre fermeté loyale s’attachait, ni plus ni moins, à la vérification des installations et aux régimes de sanctions, c’est-à-dire, au bout du compte, à la consolidation de la paix dans la durée et à la stabilisation d’un équilibre toujours précaire de la sécurité au Moyen-Orient.

En filigrane, on devine bien que le règlement du dossier nucléaire entre l’Iran et les six puissances constitue déjà une véritable rupture stratégique. Outre sa force symbolique, il ouvre un nouveau champ des possibles en réintégrant l’Iran dans la boucle diplomatique. Il laisse non seulement entrevoir une éventuelle reconfiguration des relations entre l’Iran et l’Occident, mais il recèle également les germes de règlements en cascade de plusieurs crises régionales.

Tandis qu’en Syrie, des desperados de Daech mettent au point des machineries infernales pour éclabousser de sang nos populations civiles, fallait-il rester les bras ballants ? Y a-t-il de notre part un changement de cap ? Non ! La France veut à la fois l’élimination politique de M. al-Assad et la destruction de Daech, qui est une entreprise d’éradication ethnique et religieuse.

La France veut la paix pour la Syrie. C’est pourquoi elle soutient les modérés de bonne volonté, de toutes confessions et de toutes origines, pour reconstruire la nation. La France continue de reconnaître, à l’instar des États-Unis, la Coalition nationale syrienne comme unique représentant légitime du peuple syrien. Elle appelle de ses vœux une négociation vers une transition politique.

Vous y travaillez d’arrache-pied, monsieur le ministre, avec réalisme, mais en restant fidèle à vos principes. S’il est clair que la transition devra s’appuyer sur des éléments du régime – aucune issue ne sera possible sans représentation de toutes les composantes –, le règlement final ne pourra prévoir le maintien de M. al-Assad, bourreau de son propre peuple.

Debut de section - PermalienPhoto de Jeanny Lorgeoux

À moyen terme, le point de mire est l’organisation d’élections sous supervision internationale, débouchant sur un processus de réconciliation. Certes, il y a loin de la coupe aux lèvres, mais il n’y a pas d’autres voies.

Aujourd’hui, sur place, règnent le chaos, le dépeçage et la souffrance. Plus de 4 millions de réfugiés fuient la barbarie et affrontent les affres de l’exode. Au-dedans, les activismes fanatiques sont à l’œuvre et perpétuent le malheur. Au-dehors, alentour, les États ont peine à sortir de leurs réflexes d’inquiétude : la Russie et l’Iran, grandes et vieilles civilisations ; Israël, angoissé pour sa sécurité ; la Turquie enchaînée au boulet kurde ; la Jordanie, transpercée par les exodes massifs ; le Liban, violé et violenté ; l’Arabie Saoudite, royale et secrète.

Dans l’Orient compliqué, il est très difficile de démêler l’écheveau politique. Peut-être est-il plus sage de s’en tenir à quelques constats.

Un, la Syrie doit renaître de ses cendres, avec un gouvernement de modérés, représentant toutes les parties et toutes les composantes. C’est la solution politique.

Deux, en attendant son avènement, il faut détruire Daech et éloigner M. al-Assad.

Trois, l’expérience irakienne commande que la coalition occidentale n’intervienne pas au sol.

Quatre, en débusquant ses ennemis là où ils ourdissent leurs attentats, la France protège la nation, dans un réflexe de légitime défense publique et collective.

La France n’abandonne pas les populations qui lui sont fidèles. Elle a raison de clamer, ici ou là, son message de fraternité et d’humanité, de défendre le pluralisme humain, de combattre bec et ongles l’inquisition barbare d’un faux islam.

Mes chers collègues, peut-on imaginer, demain, la Syrie sans Palmyre et ses colonnades enflammées par le soleil couchant ; sans Ougarit et ses tablettes d’un premier alphabet ; sans le Krak des Chevaliers francs ; sans le sanctuaire byzantin de Saint-Siméon ; sans Alep et sa citadelle ; sans Damas et la splendeur des Omeyyades. Irak, Syrie, berceaux de la civilisation, des Séleucides aux Lagides, des Romains aux Byzantins, des Arabes aux Ottomans.

Monsieur le ministre, nous savons gré au Président de la République, au Gouvernement et à vous-même, qui déployez une inlassable activité au service de la paix, de ne pas oublier, malgré le fracas des armes, l’histoire, notre histoire, celle des hommes !

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain et du RDSE, ainsi que sur quelques travées de l'UDI-UC.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

La parole est à Mme Leila Aïchi, pour le groupe écologiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Leila Aïchi

Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission, mes chers collègues, l’annonce par le Président de la République, le 7 septembre dernier, de la mise en œuvre de vols de reconnaissance au-dessus du territoire syrien et les bombardements annoncés il y a quelques heures, correspondent, en pratique, aux prémices d’une extension de l’opération Chammal aux zones contrôlées par Daech sur le territoire syrien.

Cette évolution répond à la logique de la lutte contre Daech, car cette organisation terroriste se joue des frontières et assoit sa domination barbare de part et d’autre, en s’appuyant sur une stratégie médiatique de l’horreur, démontrant chaque jour un peu plus son goût pour les pires exactions et son absence totale de respect pour la vie humaine. Des deux côtés de la frontière, elle entend s’enraciner petit à petit et, pour ce faire, se donner les apparences d’un État.

Combattre cette organisation obscurantiste afin de mettre un terme à ce projet est un impératif auquel souscrit évidemment le groupe écologiste.

Une fois le contexte présenté, des questions persistent quant au manque de clarté de la politique étrangère française dans cette région.

Nous vous avions alerté en janvier dernier : limiter la lutte contre Daech à l’Irak seul était dangereux. Nous avions raison. En l’absence d’une vision globale régionale, nous avons perdu de précieux mois, durant lesquels la situation sur place n’a fait qu’empirer.

Daech concerne à la fois l’Irak et la Syrie !

Je regrette, une fois encore, l’absence criante de défense européenne. Le résultat sur ce point n’est pas à la hauteur de nos ambitions, alors qu’il est très clair que l’absence de défense européenne offre une chance supplémentaire au terrorisme.

Nous l’avions déjà souligné lors des débats sur l’opération Chammal, il nous apparaît primordial de ne pas nous enfermer dans une logique court-termiste uniquement militaire et dépourvue de toute stratégie politique à long terme. Une intervention de cette nature doit impérativement s’accompagner d’une stratégie de reconstruction de la zone, afin de mettre un terme au cercle vicieux des États faillis.

Nous devons être conscients que les erreurs du passé ont entraîné de nouvelles violences et de nouvelles déstabilisations dans la région. Nous le savons tous ici, l’invasion anglo-américaine de l’Irak en 2003 et l’éradication consécutive des structures civiles et militaires du parti Baas ont contribué à l’avènement de Daech, alors même que ce parti était, historiquement, laïc et protecteur des minorités religieuses.

Debut de section - PermalienPhoto de Leila Aïchi

Il semble également urgent d’adjoindre à la mission que nous nous fixons une dimension humanitaire. Force est de constater que l’action de la coalition sous leadership américain est construite autour d’une logique de légitime défense et qu’elle ne s’accompagne pas d’une véritable stratégie politique régionale, pourtant indispensable. Nous le regrettons vivement, monsieur le ministre.

Sur ce point, les interrogations que nous avions soulevées il y a maintenant plusieurs mois restent pertinentes. Il nous revient de concilier les vues antagonistes de la Turquie et de la Russie au sujet du pouvoir syrien, car celles-ci constituent un obstacle à toute solution pérenne à la guerre civile qui ronge la Syrie.

Se pose également la question du rôle possible, dans le règlement de la crise, de l’Iran, soutien du pouvoir syrien, mais aussi puissance régionale de premier plan, avec laquelle nous partageons aujourd’hui un objectif.

Il apparaît en outre nécessaire de discuter avec nos partenaires du Golfe, afin qu’ils s’intègrent de manière cohérente dans une stratégie régionale. De même, Israël doit être partie prenante du règlement politique de la situation.

Enfin, on peut légitimement soulever le problème que pose l’instrumentalisation par la Turquie de la lutte contre l’État islamique aux fins de s’en prendre à la minorité kurde.

Quelle est la position de la France à l’égard de l’ensemble des acteurs de la région ? Il s’agit là d’une question majeure.

Plus encore, comment pouvons-nous prétendre combattre Daech sans nous attaquer aux sources mêmes de cette organisation ? D’où provient son armement ? D’où vient son financement ? Qui sont les intermédiaires ? Qui sont les clients ? Si la coalition ne parvient pas à contrôler ces réseaux par une action concertée et transparente, nous ne serons jamais en mesure de nous prémunir contre l’importation du conflit sur notre territoire. Comment prétendre mener une politique étrangère rationnelle sans nous attaquer au cœur du problème ? Nous avons déjà perdu trop de temps !

Seule une stratégie globale permettra de résoudre le conflit de manière durable. Selon le groupe écologiste, une intervention militaire ne peut se justifier que dans ce cadre.

Pour ces raisons, il est du devoir de la France d’œuvrer afin d’inscrire les actions actuellement menées dans un cadre authentiquement multilatéral. Il ne s’agit pas de prétendre qu’une telle solution serait miraculeuse ou d’entretenir une quelconque mystique du multilatéralisme. Un point est clair : les antagonismes en présence dans la région, ainsi que les profondes divergences d’intérêts qui s’y font jour, rendent illusoire toute résolution durable de la crise tant que l’action de la coalition reposera sur le seul leadership militaire américain.

Nous ne pouvons pas faire l’économie de la question de nos rapports avec le pouvoir syrien. La France doit adopter une position pleine et entière sur ce sujet.

Nous ne pouvons pas refuser de dialoguer avec Bachar al-Assad tout en entamant des discussions avec « des éléments du régime ». Ces derniers sont-ils moins ou plus coupables que Bachar al-Assad du bombardement des populations ?

Alors que plusieurs de nos partenaires européens ont déjà décidé de franchir le pas, nous devons, à notre tour, faire preuve de pragmatisme ! C’est justement parce que nous refusons d’utiliser tous les canaux de communication dont nous disposons que nous n’arrivons pas à contenir la progression de Daech. Dans ces circonstances, que cela nous plaise ou non, Bachar al-Assad est un interlocuteur inévitable.

Il y a deux ans déjà, je vous avais alerté d’un danger : des massacres intercommunautaires pouvaient se produire si Bachar-al-Assad était fragilisé. Force est de constater que cela s’est réalisé. J’en veux pour preuve le massacre, entre autres, de la minorité chrétienne et des yézidis. Punir le régime de Bachar al-Assad n’est qu’une réaction de court terme. La solution à ce conflit est avant tout politique.

Le Président de la République a souligné que Bachar-al-Assad ne pourrait rester au pouvoir et que la question de la transition démocratique serait inévitablement posée. Nous avons certes, de fait, un ennemi commun. Dans ces circonstances, frapper Daech, sans pour autant favoriser le régime syrien, relève d’une stratégie irréaliste sur le terrain.

Si le départ de Bachar al-Assad s’impose dans le cadre d’une transition vers un gouvernement d’union nationale, les circonstances de ce départ doivent toutefois être précisées. Le pouvoir syrien bénéficie en effet du soutien de la Russie, mais aussi de celui de l’Iran, un acteur régional qu’il convient d’associer à une stratégie de sortie de crise.

Il nous faut également nous interroger sur la forme que prendrait un gouvernement d’union nationale. L’opposition syrienne, même avec notre soutien, est-elle capable d’étayer un tel gouvernement ? Si l’objectif est de parvenir à la stabilité politique et à la paix civile, alors cette question doit être légitimement posée.

Monsieur le ministre, avec qui discutons-nous ? Nous devons une fois encore tirer les leçons du fiasco libyen. En Syrie, donner le pouvoir à une opposition, fût-elle démocratique, mais qui n’a pas de relais sur le terrain et qui est fortement fragilisée – et nous le déplorons –, mènerait à coup sûr à l’éclatement du pays, à l’embrasement de la région et à la démultiplication des foyers du terrorisme international. C’est une question de pragmatisme.

Enfin – et je conclurai sur ce point –, l’action que la France envisage de mener en Syrie ne doit pas occulter la question de l’accueil des réfugiés fuyant le triste sort qui est le leur en Syrie. Nous ne saurions saisir le prétexte de la lutte contre Daech pour considérer que la France prend sa part.

L’Europe doit se montrer à la hauteur. À cet égard, nous approuvons la proposition de Jean-Claude Juncker de réduire les fonds structurels versés par l’Union européenne aux pays qui rejettent l’idée de quotas en matière de répartition des réfugiés.

Mes chers collègues, entendons le grand élan de solidarité dont font preuve, aux quatre coins du pays, bon nombre de nos concitoyens, qui, par des initiatives concrètes, nous rappellent que l’accueil, la générosité et l’ouverture font partie de l’âme de la France. Soyons à la hauteur de cet élan !

Applaudissements sur les travées du groupe écologiste, du groupe socialiste et républicain, du RDSE et sur quelques travées de l'UDI-UC. – MM. Gérard Longuet et Jean-Pierre Vial applaudissent également.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

La parole est à M. Pierre Laurent, pour le groupe CRC.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Laurent

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, sur l’initiative du Président de la République, nous sommes une nouvelle fois saisis de la question de l’insupportable tragédie subie par la Syrie. Nous qui ne cessons de réclamer que la représentation nationale soit davantage associée aux décisions internationales qui engagent la France, nous nous félicitons de ce débat.

La France a plus que jamais le devoir d’agir. De nouvelles initiatives sont nécessaires face à l’ampleur de la tragédie humaine que vit la Syrie, face aux conséquences du chaos généralisé, à commencer par l’exode massif des réfugiés, et face à l’emprise croissante de Daech sur toute une partie des territoires syrien et irakien.

Malheureusement, une fois encore, la saisine du Parlement n’a été motivée par la seule décision – déjà prise ! – du Président de la République d’accroître notre engagement militaire. Cet engagement passe par l’extension de nos frappes aériennes et, dans un premier temps, de nos vols de reconnaissance sur le territoire syrien. Cette décision soulève de nouveau de très nombreuses objections et interrogations.

Le Président de la République a – enfin ! – déclaré, après avoir trop tardé à prendre la mesure de la tragédie humanitaire qui s’amplifiait, que la France devait accueillir les réfugiés. C’est un appel que, pour ma part, j’ai lancé en rentrant de Kobané il y a moins d’un an. Mais nous aurons l’occasion de débattre de cette question demain. Nous dirons alors pourquoi nous estimons que les mesures annoncées sont très loin d’être à la hauteur. Et je ne parle même pas des propos indignes et scandaleux tenus ces jours-ci par de nombreux dirigeants de la droite et du Front national contre des milliers de réfugiés.

Le Président de la République a ajouté qu’il fallait en même temps agir sur les causes de cet exode et sur les risques d’actes terroristes que fait courir l’emprise croissante de Daech. Nous en sommes d’accord. Mais comment agir ? Et dans quels buts ? Tel est le débat.

Ainsi, les frappes envisagées seront-elles justes et efficaces ? Et d’abord, quels sont leurs buts et quelles sont les cibles envisagées ?

Voulons-nous frapper Daech ou Bachar al-Assad, dont la France continue à faire de la « neutralisation » un objectif privilégié ?

Selon des spécialistes de la Syrie, Daech contrôle aujourd’hui 40 % du territoire syrien, le régime 30 %, c’est-à-dire les deux tiers de la population, soit entre 12 et 18 millions de Syriens vivant encore dans le pays.

Que changeront les frappes françaises, alors même que les milliers de frappes de la coalition dirigée par les États-Unis ont échoué à enrayer l’engrenage meurtrier ?

De surcroît, si le Président de la République a écarté une offensive terrestre – et vous venez de le confirmer, monsieur le ministre ! –, bien des voix continuent de plaider en faveur d’une telle opération. Où allons-nous réellement ?

Une nouvelle fois, notre pays risque de faire fausse route s’il continue à considérer que l’intervention militaire devrait précéder tout règlement politique. Pour notre part, nous pensons au contraire que, sans un engagement déterminé de la France dans la recherche immédiate d’une solution politique réunissant l’ensemble des parties et des puissances impliquées, la logique militaire s’embourbera et nourrira les forces de Daech, qui souhaitent, elles, la confrontation militaire avec l’« ennemi » occidental.

De grâce, qu’on nous épargne le couplet habituel selon lequel, posant ces questions, nous serions partisans de l’inaction ! Nous demandons, tout au contraire, une action internationale de la France plus efficace. Pour ce faire, tirons des leçons sérieuses de l’impasse dramatique dans laquelle nous ont conduits les guerres successives d’Afghanistan – ce pays dont plus personne ne parle est aujourd’hui livré à lui-même –, d’Irak – ce pays a été totalement démantelé par la guerre –, de la Libye – ce pays est plongé dans le chaos et livré aux réseaux djihadistes – et, aujourd'hui, de la Syrie.

Ces guerres successives n’ont pas fait reculer le danger terroriste ; elles n’ont fait que l’accroître. D’ailleurs, tous les actes terroristes ayant frappé notre pays ont été perpétrés par de jeunes Français qui avaient, à un moment ou à un autre, fait leurs armes sur ces champs de bataille.

Pour notre part, nous persistons à penser que, si action militaire il devait y avoir, elle devrait s’inscrire dès le départ sous mandat de l’ONU, en concertation avec toutes les puissances impliquées, en vue de rechercher un plan de paix aux objectifs clairs, débarrassé des visées prédatrices des grandes puissances internationales et régionales, à savoir la reconstruction de la Syrie dans son intégrité territoriale. Or nous estimons que rien de cela n’est fait sérieusement par la France.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Laurent

Le 17 août dernier, le Conseil de sécurité de l’ONU a unanimement soutenu une initiative reprenant les conclusions de Genève 1, avec, pour objectif de relancer un processus de règlement politique, lequel était au point mort depuis février 2014. Que fait la France pour activer ce processus ?

Permettez-moi de poser une autre question concernant le soutien aux forces combattantes kurdes de Syrie, qui ont notamment mené la bataille de Kobané. Où en est-on de notre soutien ? Pourquoi la France est-elle restée silencieuse face à la répression de grande ampleur lancée de nouveau par le pouvoir d’Erdogan cet été contre les forces kurdes du HDP, en Turquie, alors même que le pouvoir turc a nourri jusqu’à présent des relations plus que troubles avec les forces djihadistes ? Les forces kurdes du HDP sont pourtant les seules à avoir accueilli les réfugiés de Kobané.

Pourquoi maintenir le PKK sur la liste des organisations terroristes de l’Union européenne, alors que ce parti est l’une des rares forces combattantes efficaces sur le terrain face à Daech ?

Pourquoi, à part les frappes aériennes, rien ne semble possible pour assécher les circuits financiers, geler les avoirs bancaires, stopper les commerces d’armes et de pétrole qui alimentent Daech ? Quelles complicités couvre-t-on au nom de la préservation d’intérêts de grands groupes multinationaux ou de grandes puissances, dont la nôtre, dans la région ? Pour filer la métaphore, des vols de reconnaissance plongeant dans les arcanes des circuits financiers internationaux auraient peut-être aussi leur intérêt…

Applaudissements sur plusieurs travées du groupe CRC.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Laurent

Le règlement politique auquel la France doit travailler sans relâche doit porter non pas sur le partage futur des zones d’influence, mais sur la reconstruction nationale et démocratique de la Syrie, dans le respect de son intégrité territoriale.

Toutes les parties, toutes les puissances régionales doivent œuvrer à cette fin. Nulle d’entre elles ne doit être exclue : ni la Russie, ni l’Iran, ni la Turquie, ni les monarchies du Golfe. Dans ce processus, la France doit porter des objectifs de paix clarifiés.

La reconstruction politique de la Syrie doit avoir pour objectif l’instauration démocratique d’un nouveau régime souverain pour le pays.

Bachar al-Assad porte une très grande responsabilité dans l’enclenchement de la guerre ; il ne peut garantir ce processus, ni en être l’aboutissement. Il devrait même, lui comme beaucoup d’autres parmi ses adversaires, répondre de ses crimes.

Enclencher un processus de négociation politique suppose de mettre aujourd’hui autour de la table toutes les parties impliquées.

Au-delà de la Syrie, c’est à l’organisation d’une conférence globale pour la paix dans le grand Moyen-Orient que devrait travailler la France, après l’accord sur le nucléaire iranien. Qu’attend le Président de la République pour donner suite au vote du Parlement voilà maintenant dix mois sur la reconnaissance de la Palestine ?

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Laurent

La Syrie, l’Irak, les Kurdes : tout se tient et s’imbrique.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Laurent

Il faut donc agir sur tous ces fronts.

La France, au fond, doit renverser ses priorités, retrouver sa liberté d’initiative et de parole, et conditionner son engagement militaire à la construction d’un règlement politique dans un cadre multilatéral, sous l’égide de l’ONU. Sinon, elle ne fera qu’alimenter les désastres en cours, les logiques de puissance génératrices des déséquilibres mondiaux et les forces obscurantistes qui cherchent la confrontation et la guerre.

Telles sont, monsieur le ministre, les convictions des membres du groupe CRC.

Applaudissements sur les travées du groupe CRC et sur quelques travées du groupe écologiste. – Mmes Marie-Noëlle Lienemann, Dominique Gillot et Hermeline Malherbe applaudissent également.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

La parole est à M. Jacques Mézard, pour le groupe du RDSE.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Mézard

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, voilà tout juste un an, le Gouvernement informait le Parlement de sa décision d’engager les forces aériennes françaises en Irak, en réponse à la menace croissante exercée par Daech.

Le 13 janvier dernier, le Parlement, dans un large consensus, autorisa la prolongation de l’opération Chammal. Aussi est-il logique aujourd'hui d’étendre cette opération à la Syrie.

Lors des différents débats du Sénat, le groupe RDSE, par la voix de notre collègue Robert Hue, avait approuvé la décision du Président de la République, une approbation qui fut toutefois, je le souligne, assortie de réserves.

Compte tenu de l’aggravation du chaos dans la zone irako-syrienne occupée par les djihadistes, on peut aujourd’hui s’interroger sur l’efficacité des réponses apportées par la communauté internationale.

Je ne remets pas en cause, bien sûr, le principe des frappes aériennes de la coalition anti-Daech en Irak. Elles étaient indiscutablement nécessaires pour mettre rapidement un terme à la progression fulgurante des combattants djihadistes.

D’abord, les autorités de Bagdad avaient demandé à la France une intervention extérieure.

L’instauration, au cours de l’été 2014, d’un califat terroriste sur une partie de l’Irak et de la Syrie a constitué une entreprise sans précédent et très inquiétante pour la région : al-Baghdadi a réussi là où Ben Laden avait échoué.

Ensuite, vous l’avez souvent rappelé dans vos interventions, monsieur le ministre, Daech constitue une menace non seulement pour la région proche-orientale, mais également pour le monde entier, notamment pour l’ensemble des pays européens, au premier rang desquels la France. Les attentats commis à Paris au début de l’année l’ont illustré tragiquement.

Je n’oublie pas non plus la crise des réfugiés, ce drame humanitaire qui pose un important défi à l’Europe, en termes non seulement d’accueil, mais aussi de cohésion politique. La France a pris ses responsabilités. C’est ainsi que 700 de nos militaires effectuent depuis douze mois des missions aériennes, des frappes ciblées. Saluons le courage de tous ces hommes et toutes ces femmes fortement mobilisés en soutien aux forces irakiennes !

Seulement voilà : cette supériorité dans les airs montre ses limites sur le terrain. De fait, si la coalition anti-Daech a évité le pire, on ne peut pas dire – soyons lucides – que la situation se soit améliorée.

Daech possède une capacité de résilience qui a sans doute été sous-estimée, et chacune de ses conquêtes lui ouvre une manne financière qui la régénère, ainsi qu’un réservoir humain. Les terroristes peuvent en effet s’appuyer aussi sur une partie de la population ; ils attirent par la terreur, mais nous savons qu’une partie des sunnites, éprouvés par la politique désastreuse de l’ancien premier ministre irakien al-Maliki, n’ont pas de mal à se laisser séduire : Mossoul s’est sentie plus libérée qu’envahie. Aussi le califat irako-syrien semble-t-il avoir de beaux jours devant lui, hélas !

La perte de Tikrit, en mars dernier, constitue la dernière défaite majeure de Daech. Depuis lors, l’organisation terroriste a conservé Falloujah à l’est, Mossoul au nord et, à l’ouest, elle s’est installée à Palmyre, en Syrie. Résultat : nous sommes au pied du mur.

Alors que la question des frappes en Syrie était restée taboue jusqu’à l’été, le Président de la République a annoncé la semaine dernière des vols de reconnaissance. Autant le dire : ils sont le préambule à des frappes. Autant dire aussi qu’un revirement s’est produit dans la position française.

Les sénateurs du groupe RDSE jugent eux aussi évident que la progression de Daech appelle un coup d’arrêt. Ils sont donc favorables à l’action entreprise, mais ils savent également que la réponse militaire ne suffira pas ; elle a d’ailleurs déjà montré ses limites.

Notre groupe s’est souvent exprimé sur les questions du Moyen-Orient et du Maghreb par la voix de notre ancien collègue Jean-Pierre Chevènement, dont je tiens à saluer la connaissance et la vision lucide, à laquelle nous souscrivons pleinement. Comme lui, nous considérons Daech comme un danger effroyable, qui ne saurait être combattu d’un seul côté d’une frontière devenue virtuelle. Nous sommes favorables à l’extension des frappes, considérant, comme lui, que cette intervention n’a de sens qu’avec un minimum de coordination avec le régime syrien, ce qui ne signifie en aucune façon que l’on excuserait les dérives et les atrocités de ce dernier.

À ce stade de mon propos, mes chers collègues, comment ne pas insister sur le désastre de la politique menée par les puissances occidentales au Moyen-Orient, et comment ne pas saluer une fois encore la sagesse dont fit preuve le président Jacques Chirac en 2003 ?

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Mézard

Reste qu’il est plus que temps de méditer sur la pertinence du principe de non-ingérence dans les affaires des autres États. Les peuples ont une histoire, et ces histoires sont diverses ; penser que nous allons imposer nos conceptions démocratiques par la force est une profonde erreur.

Certes, en Afghanistan, c’est l’URSS qui a commencé. Mais la suite n’est pas glorieuse, et voici que les talibans sont de nouveau à portée de Kaboul. Quel est le résultat de la guerre de 2003 en Irak ? La destruction totale d’un État clé dans la région, que l’Occident n’avait pas hésité à utiliser contre l’Iran ! Par ailleurs, si on ne peut défendre des régimes autoritaires souvent sanguinaires, était-il judicieux de détruire en Irak et en Syrie le parti Baas, seul parti laïc dans cette région du monde ?

Quant au printemps arabe, le sécateur de l’islamisme et du djihadisme en a fauché les bourgeons avant floraison. Fait-il aujourd’hui rêver un seul peuple ? Songeons à l’Égypte, où les mitrailleuses ont fait taire les manifestants pour asseoir le nouveau pouvoir, ou à la Tunisie, où, pour préserver un équilibre fragile, le concours de tous est aujourd’hui nécessaire, y compris d’un point de vue financier – il y a urgence, monsieur le ministre !

Comment pourrais-je oublier la Libye ? Kadhafi achevé dans un tunnel, ce pays, avec deux gouvernements et de multiples chefs de guerre, n’a désormais rien d’un État, et il est devenu un couloir de migration pour l’Afrique. Quand notre politique étrangère est inspirée par un philosophe doré, elle est fragile par définition…

Il est des interventions armées qui sont fondées en droit et que nous soutenons sans réserve, des interventions qui découlent de l’application de traités bilatéraux conclus par la France ou de votes de l’ONU : tel est le cas de nos engagements au Mali et en Centrafrique.

J’ajoute que le volet politique compte davantage que le volet militaire. En effet, il est évident que le règlement d’un conflit passe par une stratégie diplomatique claire associant tous les acteurs, dans la région et même au-delà ; une telle stratégie suppose un agenda et une concertation avec toutes les parties prenantes, hors Daech et assimilés.

Pour élaborer une pareille stratégie, mes chers collègues, il faut naturellement un minimum de suite dans les idées. De ce point de vue, je regrette que la position française ait évolué au gré des événements.

Vous nous dites, monsieur le ministre, que l’on pourrait frapper en territoire syrien, mais que ces éventuelles frappes seraient menées sans concertation avec le régime du président Bachar al-Assad. Vous nous dites aussi qu’il serait question non plus du départ de celui-ci, mais de sa « neutralisation » : qu’est-ce que cela signifie concrètement en langage diplomatique, et plus encore en langage militaire ? Ce nouvel objectif préfigure-t-il enfin une position plus réaliste ?

Ainsi que l’a conseillé Clausewitz, « il ne faut pas faire le premier pas sans envisager le dernier ». Or nous savons très bien que la stratégie de sortie devra intégrer les autorités de Damas, car tel est le vœu de la Russie et de l’Iran, qui sont des puissances incontournables dans la région – il suffit de se rappeler pourquoi Genève 1 et Genève 2 ont échoué.

Ensuite, soyons honnêtes concernant les résultats de la stratégie d’appui sur les islamistes modérés – deux mots assez difficiles à accoler. Force est de constater qu’elle n’a pas fonctionné, même si elle était plus souhaitable que le jeu dangereux joué par les États-Unis avec le Front al-Nosra, qui est tout simplement al-Qaïda. Qui aurait imaginé, à la fin de 2001, que les États-Unis aideraient al-Qaïda ?

Enfin, en éteignant un incendie ici, il ne faudrait pas en allumer un autre ailleurs. Je pense à la question kurde, qui rend nécessaire la pleine association de la Turquie à une stratégie de sortie.

Mes chers collègues, il me semble que la paix et une structuration politique sont possibles là-bas comme ailleurs. Le monde arabe a connu son siècle des Lumières : la Nahda, dont l’esprit a été perpétué par certains partis politiques arabes.

Monsieur le ministre, si des frappes militaires sont nécessaires pour stopper l’avancée de Daech, je répète que les membres du RDSE y sont favorables ; mais proposez-nous également un scénario de sortie qui serait mis en œuvre dans le cadre de l’ONU et qui rassemblerait toutes les parties prenantes, je dis bien : toutes. Nous vous faisons confiance, monsieur le ministre, pour agir en ce sens, au service de la sécurité régionale et internationale !

Applaudissements sur les travées du RDSE, du groupe socialiste et républicain, ainsi que sur celles de l'UDI-UC et du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

La parole est à M. David Rachline, pour la réunion administrative des sénateurs ne figurant sur la liste d’aucun groupe.

Debut de section - PermalienPhoto de David Rachline

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le chef des armées a décidé d’étendre au territoire de la Syrie l’engagement des forces françaises dans l’opération Chammal.

Je tiens tout d’abord à rappeler que, jusqu’à preuve du contraire, la Syrie est un État souverain. J’ai donc du mal à comprendre sur quoi repose la légalité de cette intervention, si les autorités légitimes de ce pays ne nous ont pas donné leur accord.

Par ailleurs, je rappelle à cet hémicycle que la précédente intervention de la France sur le territoire d’un État souverain sans l’accord des autorités légitimes de celui-ci, une opération menée sur les bons conseils d’un pseudo-philosophe à la chemise blanche, a aujourd’hui pour conséquences la déstabilisation de l’un des plus grands pays du Maghreb et l’implantation grandissante des islamistes de l’autre côté de la Méditerranée.

Vous avez donc décidé d’intervenir en Syrie. Aussi bien, monsieur le ministre, permettez-moi de vous poser quelques questions. Quel est votre véritable ennemi ? Quels sont vos objectifs ? Quelle est votre stratégie ? Quels sont vos alliés ? Quels sont vos moyens, après des décennies de diminution du budget alloué à nos armées ?

Si votre ennemi est Daech, alors, bien sûr, nous vous suivons. Si votre objectif est de garantir le retour de la paix dans cette région, une paix qui garantisse à toutes les personnes, quelle que soit leur religion – je pense particulièrement aux chrétiens d’Orient –, la possibilité de vivre sur leur sol, alors nous vous suivons encore. Malheureusement, pour ce qui est de la déclinaison de la stratégie pour atteindre les objectifs, nous ne vous suivons plus – si tant est que vous ayez réellement une stratégie, qui ne se résume pas à de grandes déclarations…

Votre idéologie vous pousse à limiter au strict minimum les liens avec la Russie, et, comme vos prédécesseurs de l’UMP, vous avez choisi de faire allégeance totale aux États-Unis. Où est l’indépendance de la France, où est le pays membre permanent du Conseil de sécurité de l’ONU ? En vérité, vous avez transformé notre pays en valet des États-Unis !

Exclamations sur plusieurs travées.

Debut de section - PermalienPhoto de David Rachline

À l’évidence, il faut intervenir contre Daech, et tout le monde sait bien que la seule intervention de nos avions de combat ne suffira pas, surtout contre un ennemi qui n’a aucun respect pour la vie humaine. Les bombardements contre Daech en Syrie sont une première étape à laquelle nous apportons notre soutien, à condition qu’ils soient menés en coordination avec les autorités légitimes de ce pays. Il ne s’agit pas de cautionner tel ou tel régime, en l’occurrence celui de M. al-Assad, dont je rappelle qu’il a été accueilli à Paris il n’y a pas si longtemps, et pas par mes amis politiques. Il s’agit d’appliquer le principe de réalité. En Syrie, Bachar al-Assad n’est-il pas le seul sur lequel on puisse s’appuyer pour vaincre Daech ? Évidemment si !

Pour éradiquer Daech, il faudra également que des troupes combattent maison par maison pour mettre hors d’état de nuire les combattants de l’État islamique. À cet égard, la Russie semble vouloir assumer une part de la responsabilité, en engageant des moyens importants pour anéantir cet adversaire. Plutôt que de critiquer à longueur de temps M. Poutine pour de vagues motifs idéologiques, réfléchissons plutôt à la manière dont nous pourrions l’aider !

Ce soutien peut prendre la forme d’un travail diplomatique visant à associer à cette action d’autres pays du Moyen-Orient qui, contrairement à nous, ont toujours montré une détermination sans faille dans leur lutte contre les islamistes. Je pense notamment à la Jordanie, mais aussi aux pays assez nombreux qui sont encore ambigus dans ce combat, et sur lesquels il convient de faire pression. Que les choses soient claires : ceux qui ne sont pas contre Daech sont de facto en sa faveur !

Debut de section - PermalienPhoto de David Rachline

M. David Rachline. Il est plus que temps que la France retrouve son rang, son indépendance et qu’elle propose au reste du monde une vision à long terme pour cette région, dont les difficultés influent fortement sur notre vieux continent.

Murmures sur diverses travées.

Debut de section - PermalienPhoto de David Rachline

Aujourd’hui, notre ennemi est l’État islamique, et notre seule stratégie pour gagner cette guerre passe par une alliance avec la Russie et un soutien au régime syrien en place.

Debut de section - PermalienPhoto de David Rachline

Nous ne pouvons attendre plus longtemps pour aller défendre l’un des berceaux des civilisations humaines contre la barbarie islamiste !

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

La parole est à M. François Zocchetto, pour le groupe UDI-UC.

Debut de section - PermalienPhoto de François Zocchetto

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, il faut regarder la réalité en face et la décrire clairement : Daech est aujourd’hui la menace numéro un pour la sécurité du monde, en particulier pour celle des Français. Depuis l’élimination du nazisme, nous n’avons probablement jamais eu à relever un tel défi.

Je ne reviens pas sur les exactions commises ; chaque jour, dans une spirale sans fin, Daech accumule les crimes contre l’humanité avec l’arrogance des impunis. Personne, désormais, ne pourra dire : je ne savais pas.

L’urgence et la gravité de la situation nous imposent d’agir. L’urgence est d’abord humanitaire, car 11 millions de personnes sont déplacées et l’on dénombre plus de 250 000 victimes. Elle est ensuite migratoire ; je pense aux 4 millions de réfugiés syriens. Nous ne pouvons pas laisser le peuple syrien devenir un peuple de réfugiés, ni le laisser mourir sur son propre sol ! L’urgence est aussi sécuritaire, car nous savons tous que notre sécurité se joue à cinq heures d’avion de Paris.

Enfin, il y a un consensus national sur la nécessité de réduire militairement et définitivement la sinistre troupe de Daech ! En réalité, ce qui fait débat depuis plus d’un an, c’est la méthode pour vaincre, c’est-à-dire les modalités d’une intervention armée contre Daech.

Vous pourrez me répondre, monsieur le ministre, que nous intervenons déjà dans le cadre de l’opération Chammal ; mais après plusieurs mois de frappes en Irak, quel est le bilan de cette opération, et, plus largement, de la coalition ? La progression de Daech est à peine endiguée ; l’État islamique continue de prospérer sur le territoire qu’il occupe, et même s’organise.

Dans ce contexte, une approche exclusivement aérienne, même élargie à la Syrie, est insuffisante pour venir à bout de l’ennemi. Une intervention aérienne, fût-elle massive, ne peut venir qu’en soutien à des interventions au sol. Là est le cœur du problème qui se pose à nous cet après-midi : il nous faut décider qui peut intervenir efficacement au sol. La question est complexe, tant d’un point de vue politique que d’un point de vue opérationnel. Jean-Pierre Vial et moi-même l’avions déjà soulevée voilà six mois, ainsi que deux collègues députés, lors d’un déplacement à Damas qui avait fait polémique.

Sur le plan politique, une intervention au sol ne peut reposer que sur la plus large coalition possible, car il faut éviter qu’une opération terrestre ne passe pour une action unilatérale des Occidentaux en Orient. Nous ne pouvons pas non plus prendre le risque d’aviver la rivalité entre les sunnites et les chiites. Enfin, nous devons nous garder de tomber dans l’écueil ethnique en mettant en avant les Kurdes contre les Arabes, les Perses ou les Turcs.

Sur le plan opérationnel, l’actuelle coalition évite en apparence les obstacles. Toutefois, considérons lucidement la situation et analysons-la : la France n’a pas les moyens d’intervenir. Quand bien même nous les aurions, je ne recommanderais pas, bien évidemment, une intervention des soldats français sur le sol syrien.

L’Union européenne a pour sa part fait la triste démonstration de son inexistence sur ce dossier. Quant aux États-Unis, il semble bien qu’il n’y ait rien à espérer de leur côté au cours des deux prochaines années. Nous devons donc compter sur les acteurs régionaux pour intervenir contre Daech.

Les Kurdes – je pense notamment aux peshmergas – sont en première ligne, puisqu’ils sont les victimes directes du cancer terroriste que constitue Daech. Pourtant, après plusieurs années de conflit et d’engagement sur le terrain, ils sont exsangues et peinent à tenir leurs positions, et ce d’autant plus que la Turquie, qui avait fait semblant d’adopter une position attentiste depuis le début de cette crise, semble avoir profité de son récent engagement pour intervenir dans un même mouvement contre Daech et contre les Kurdes. Le jeu trouble de la Turquie, qui oscille ainsi entre attentisme et opportunisme, ne permet donc pas de la désigner d’emblée comme un partenaire de confiance pour une future intervention au sol.

Les monarchies pétrolières de la péninsule arabique, en particulier l’Arabie Saoudite et le Qatar, se sont jusqu’à présent comportées de manière tellement trouble vis-à-vis de Daech qu’elles ne peuvent, au mieux, que participer au volet politique de cette guerre.

Israël, dont personne ne parle aujourd’hui, demeure de son côté particulièrement discret sur le sujet.

L’Égypte est une puissance régionale disposant d’une longue tradition militaire. Elle a de ce fait vocation à prendre sa part dans la résolution de cette guerre.

Compte tenu des puissances régionales, il existe trois options, pouvant probablement se compléter utilement.

La Russie est engagée de longue date en Syrie et les échanges entre les peuples syrien et russe sont nombreux, pour des raisons historiques. La Russie a donc une parfaite connaissance du terrain et doit être associée au processus de résolution du conflit.

L’Iran, puissance importante dans la région, est plus que jamais qualifié pour contribuer à la résolution de la guerre sur le terrain.

Enfin, la dernière option, déjà évoquée dans cet hémicycle, nous conduit tout naturellement à regarder ce qui se passe sur le sol syrien. Depuis quelques jours, j’ai bien compris que nous avions enfin réévalué notre position concernant l’État syrien. Même si personne n’en parle ouvertement et si certaines précautions de langage rendent la position française difficile à décrypter, les initiés auront bien saisi que la position actuelle de la France est très différente de celle qui était la sienne voilà encore quelques mois.

Dans cette guerre contre Daech, la Syrie n’est pas notre ennemie. Son armée ne l’est pas non plus et son peuple encore moins ! Nous ne pouvons certes pas éluder la question du coût humain exorbitant de la guerre civile syrienne, mais force est de constater que l’Armée syrienne libre a été réduite à néant et qu’elle n’est plus en capacité d’être un acteur politique dans la région, et encore moins un acteur militaire.

Je ne reviendrai pas sur la déconvenue tragique que nous avons connue : les forces armées que nous avons formées ou aidé à former se sont alliées à Daech. La crise syrienne ayant désormais changé de nature, nous devons nous y adapter.

D’emblée, je tiens à lever un doute : il s’agit bien sûr de soutenir non pas la personne même de Bachar al-Assad, mais l’État syrien, ses structures, son administration et son armée. En Irak, les Américains ont commis l’erreur de faire table rase de l’État : on en voit le résultat aujourd’hui ! Nous ne sommes pas non plus au-dessus de tout soupçon concernant la Libye – c’est le moins que l’on puisse dire. Ne commettons donc pas les mêmes erreurs une nouvelle fois !

À défaut de pouvoir agir davantage d’un point de vue strictement militaire, la France a le devoir impérieux de prendre de façon urgente l’initiative de constituer, sous mandat des Nations unies, une coalition rassemblant tous les ennemis de Daech, laquelle sera destinée – il est inutile de le nier – à intervenir au sol.

Telle est la situation : il faut éliminer l’ennemi – Daech –, intervenir au sol pour atteindre cet objectif, et soutenir les acteurs locaux. Dès lors que l’on a ouvert les yeux, il est urgent de faire davantage et de s’engager vraiment !

Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC et sur certaines travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

M. le président. La parole est à M. Gérard Longuet, pour le groupe Les Républicains.

Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Longuet

Monsieur le président, monsieur le ministre des affaires étrangères et du développement international, mes chers collègues, nous sommes réunis cet après-midi parce qu’il y a cinq ans, la majorité de l’époque avait souhaité modifier l’article 35 de la Constitution selon lequel, désormais, « le Gouvernement informe le Parlement de sa décision de faire intervenir les forces armées à l’étranger, au plus tard trois jours après le début de l’intervention. »

L’article 35 prévoit également que le Parlement votera l’autorisation de prolongation de cette intervention à l’issue d’une période de quatre mois, comme il l’a fait en janvier dernier, lorsque le Gouvernement lui a demandé de prolonger l’intervention française en Irak, première étape du processus qui nous occupe.

Le Parlement français, et tout particulièrement le Sénat, est donc mobilisé pour réfléchir durant quatre mois, au terme desquels nous serons de nouveau appelés à voter. Pour ma part, je suis profondément convaincu que le conflit ne sera pas encore terminé, hélas ! J’espère toutefois que la France aura alors clarifié sa position et qu’elle sera fermement engagée.

Nous devons une telle clarification à tous ceux qui sont concernés par ce conflit : nous le devons à nos soldats, tout d’abord, qui doivent savoir ce que le pays attend d’eux, aux victimes, ensuite, et à tous ceux au Proche-Orient, enfin, pour qui la France est une référence, un partenaire attentif sur lequel on peut compter.

Monsieur le ministre, mon cher Laurent, nous avons donc aujourd’hui le devoir de vous interroger sur cette guerre civile, devenue un conflit régional. À l’ère de la mondialisation, ce conflit est un défi à l’ordre mondial que souhaitent les membres permanents du Conseil de sécurité des Nations unies. À cet égard, nous autres, Français, nous avons à la fois la fierté et le devoir d’être à la hauteur de notre statut de membre permanent !

Cette guerre, je le disais, est d’abord une guerre civile. Nous connaissons bien la Syrie. Je ne m’attarderai pas sur ce sujet, mais, depuis l’indépendance effective de la Syrie en 1946, qui a fait suite à la déclaration du général Catroux et à la mise en place des institutions en 1943, la Syrie n’a jamais connu de gouvernance heureuse et harmonieuse. Ce pays de culture ancienne et de vieille tradition n’a jamais su se doter d’une véritable vie publique.

Certains orateurs ont évoqué avec raison l’héritage de Michel Aflak et de Bitar, les deux fondateurs du pays, l’un chrétien, l’autre sunnite. Dans les faits, ceux-ci ont été évincés par un pouvoir militaire auquel la France ne doit rien.

N’oublions pas les agissements du pouvoir de Damas contre notre pays, responsable, depuis 1971, de l’assassinat de l’ambassadeur français Louis Delamare, des 58 chasseurs parachutistes du Drakkar et de Rafik Hariri, qui était une véritable chance pour le Liban, ce pays auquel nous sommes tant liés. Nous ne devons donc rien à Damas.

Force est cependant de constater que ce régime minoritaire est également le régime des minorités et que ces minorités ont, semble-t-il, fait le choix de ne pas l’abandonner, contrairement à ce qui s’est passé pour d’autres pouvoirs autoritaires lors du printemps arabe.

Notre collègue François Zocchetto a parlé en des termes vrais et profondément passionnés – comment en effet rester indifférent ? – des opposants au régime. Daech trahit l’islam. Sa violence effective rappelle le massacre de Hama en 1982, dont furent victimes les sunnites.

Malheureusement, cette guerre civile a des racines profondes : les combattants envisagent de s’exclure et non de se parler. La Ligue arabe a échoué, tout comme les conférences de Genève 1 et de Genève 2.

Pour autant, faut-il ne rien faire ? La réponse est évidemment non. Monsieur le ministre, vous êtes à la tête d’une diplomatie qui connaît bien la région. Il existe une tradition française au Proche-Orient, que les présidents successifs ont honorée. Vous pouvez la poursuivre en rappelant qu’il s’agit d’un conflit régional et que nous devons prendre en compte le rôle des voisins de la Syrie, lesquels profitent de cette guerre civile pour avancer leurs pions.

Les Turcs – qui sont sunnites, mais pas arabes – ne veulent pas d’un État kurde, que ce soit en Irak ou en Syrie. Ils craignent en effet qu’un tel État s’établisse un jour aussi chez eux.

Si vous avez eu raison de souligner l’évolution favorable de l’Iran chiite, à laquelle la France a contribué, il faut toutefois rappeler que l’Iran protège l’Irak, à majorité relative chiite, et qu’il s’efforce, au travers de la Syrie, d’établir un lien avec le Liban pour compter dans la région et bloquer l’alliance sunnite que l’Arabie Saoudite et les monarchies pétrolières du Golfe souhaitent établir.

Chacun des acteurs a donc sa part de responsabilité dans l’existence de Daech : les uns, parce qu’ils ont fermé les yeux sur les ventes de pétrole qui financent l’État islamique ; les autres, parce qu’ils ont laissé circuler de l’argent. C’est ainsi que le conflit est devenu régional.

Dans cette affaire, un acteur mondial se comporte d’ailleurs comme un acteur régional : il s’agit de la Russie. Il convient de comprendre ce pays, de lui parler et, je l’espère sincèrement, de le convaincre. Si la Russie se comporte ainsi, c’est parce qu’elle se veut – son choix n’a après tout rien de déshonorant – le troisième foyer de la chrétienté, après Rome et Byzance, et le protecteur des minorités chrétiennes de l’Orient, lesquelles – je vous le rappelle – sont largement antérieures à l’islam. L’Union soviétique avait joué un rôle tout à fait différent, mais qui revenait au même : le but était d’être présent en Méditerranée, avec l’appui syrien.

En vérité, la solidarité et la protection qu’affiche la Russie, et qui conviennent parfaitement à M. Poutine en termes de politique intérieure, visent à ne pas laisser se développer l’islamisme dans les républiques démembrées de l’ancienne Union soviétique à majorité musulmane et sunnite. Cet islamisme est en effet déjà à l’origine de l’afflux de très nombreux combattants en Syrie.

La Russie, au même titre que la Turquie, l’Iran, l’Arabie Saoudite ou Israël, est donc une puissance régionale et se comporte donc comme telle. Néanmoins, elle est aussi un acteur mondial, membre permanent du Conseil de sécurité – c’est là votre responsabilité, monsieur le ministre ! –, qui a souvent utilisé son droit de veto pour paralyser l’avènement d’un ordre mondial susceptible d’assurer la paix, ordre mondial auquel nous aspirons tous sur l’ensemble des travées du Sénat.

Nous avons participé, nous participons et nous participerons encore demain aux opérations des Nations unies. Je pense profondément que nous avons le devoir de respecter les formes, parce que la démocratie, même mondiale, résulte d’abord du formalisme, du respect de la parole et des responsabilités des uns et des autres.

À ce stade de mon intervention, monsieur le ministre, je vous poserai quatre questions très simples.

La première est d’ordre militaire. Survoler la Syrie n’est pas anodin et représente un danger. Dès lors, comment intervenir ? Il est nécessaire de guider les frappes, et pas seulement au moyen de radars et de satellites. Jusqu’où intervenir ? Qu’aurions-nous fait face à la progression des troupes de Daech vers Palmyre si nous avions déjà lancé cette opération ? Monsieur le ministre, vous avez évoqué à plusieurs reprises, et à juste titre, l’article 51 de la Charte des Nations unies, qui permet à la France de se défendre face au terrorisme. Une surveillance aérienne permettra-t-elle d’empêcher une progression qui déstabiliserait la région ? Je pense que vous aurez à cœur, monsieur le ministre, de répondre à cette question.

Ma deuxième question porte sur le volet humanitaire du conflit, dont nous débattrons demain. Comme le pense mon ami Claude Malhuret, membre durant quinze ans de Médecins sans frontières, l’Europe ne devrait-elle pas aller au-devant des réfugiés syriens, que ce soit en Turquie, où se trouve 1, 8 million de réfugiés, au Liban, pays totalement déstabilisé par l’afflux de 1, 7 million de réfugiés, ou encore en Jordanie, où l’on dénombre un million de réfugiés ? C’est au sein même des camps de réfugiés que l’Europe doit être présente et non pas à ses frontières, où elle se comporte de manière à la fois incertaine, équivoque et baroque, pour ne pas dire honteuse parfois.

Ma troisième question porte sur un volet rarement évoqué, monsieur le ministre, même si vous l’avez mentionné, à savoir la pénalisation du terrorisme et le rôle de la Cour pénale internationale. Avez-vous l’intention de présenter les combattants français ou résidents français de retour dans notre pays à la Cour pénale internationale pour examen ? Si nous avions la certitude de bénéficier d’un appui international, peut-être les attitudes changeraient-elles ?

Ma quatrième et dernière question est la plus importante : elle porte sur la transition. Nous avons bien compris en vous écoutant que la situation était différente : Damas existe bel et bien et le président syrien représente un obstacle. Les diplomates savent tout régler dès lors que la volonté existe. Force est de reconnaître que l’Iran, revenu à la raison après la signature de l’accord sur le nucléaire, et la Russie sont les deux soutiens du régime de Damas.

Il faut demander à ces pays non pas de ne plus soutenir le régime de Damas mais d’envisager le « pas d’après ». Lorsque l’on fait le premier pas, il faut savoir envisager le dernier. La situation aujourd’hui, que ce soit pour les Russes ou pour les Iraniens, est une impasse. Ce serait l’honneur de la diplomatie française, et j’ai la certitude qu’elle en a la capacité, d’en faire la démonstration à ces deux acteurs, sans l’engagement desquels il sera impossible d’obtenir un résultat dans ce malheureux pays.

Certes, l’actuel gouvernement syrien est minoritaire et absolument discutable, mais Damas a été depuis 45 ans un manipulateur talentueux, se comportant avec brutalité et autoritarisme envers sa population - je pense notamment au massacre de Hama - tout en se faisant accepter par ceux-là mêmes qui auraient eu toutes les raisons de le refuser.

Après le septembre noir de 1970, le père de Bachar al-Assad, alors au pouvoir, est devenu en quelque sorte le gardien des Palestiniens. On avait la certitude qu’il les maintiendrait contenus dans leurs camps. Il a su rallier la coalition de 1990, pour des raisons purement opportunistes. De mémoire, ce sont les chrétiens du Liban qui ont sollicité son appui, avant de s’en mordre les doigts.

Ce pays existe dans l’espace local, mais il n’existera pas sans le soutien permanent de l’Iran et de la Russie. C’est la raison pour laquelle notre diplomatie doit tourner ses efforts vers ces deux pays.

Les États-Unis semblent actuellement indifférents à la situation, mais le Royaume-Uni nous suit. Au nom de l’Europe, nous pouvons apporter une double réponse à la situation en Syrie : par un engagement militaire d’une part, sur le fondement d’une décision du Conseil de sécurité des Nations unies et dans le cadre une coalition à dominante régionale, comme cela a été rappelé avec bon sens ; par un engagement humanitaire sur place d’autre part, car le Proche-Orient ne doit pas être vidé de ses chrétiens, qui font complètement partie de son histoire. Ce serait pour nous, après le traité des Capitulations de 1536, un déshonneur que de trahir une tradition dans laquelle la France n’a jamais été l’ennemi ni du monde arabe ni du monde islamique.

Nous comptons donc sur vous, monsieur le ministre, durant ces quatre mois de négociations et d’opérations militaires – dont nous souhaitons connaître les limites –, pour parvenir à un résultat. Nous aurions alors le sentiment que, grâce à l’article 35 de la Constitution, l’exécutif et le législatif auront su faire vivre l’unité nationale, ce qui réhabiliterait la politique dans notre pays.

Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, de l'UDI-UC et du RDSE.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

La parole est à M. le président de la commission des affaires étrangères.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Raffarin

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, comment peut-on faire la guerre à ceux qui se nourrissent de la guerre ?

La guerre en Irak, dont Jacques Chirac nous avait protégés, est l’une des origines du terrorisme qui nous menace aujourd’hui. Au vue de l’histoire récente, il apparaît clairement que l’effondrement d’un État donne naissance au terrorisme.

Personne ici ne conteste aujourd’hui la nécessité de frapper Daech dans sa profondeur stratégique, dans ses centres névralgiques, au cœur même de son centre de gravité, c’est-à-dire en territoire syrien. La situation d’entre-deux, de « ni-ni », dans laquelle nous étions placés n’avait pas de sens d’un point de vue militaire. Le Président de la République propose aujourd’hui d’en sortir, nous en prenons acte.

Cette inflexion politique a un nom : l’émotion. Nous l’avons tous ressentie à la vue du corps d’un petit enfant de trois ans gisant sur une plage turque. Sa photo a servi de déclencheur, car ce petit garçon ressemblait trop à nos enfants. Il devenait alors nécessaire d’agir.

Étendre l’opération Chammal à la Syrie était au fond la décision la plus visible, la moins coûteuse et la plus immédiate. Toutefois, comme chacun l’a souligné, l’émotion ne doit pas fixer le cap de la diplomatie française.

Ce changement de pied est-il justifié ? Daech est sans aucun doute aujourd’hui l’ennemi principal, voire l’ennemi absolu. Cette hydre djihadiste sème chaos et terreur au Moyen-Orient, essaime en Arabie Saoudite et au Yémen, franchise les terroristes du Sahel, de la Libye et du Sinaï. Daech s’enrichit partout grâce au pétrole, au racket fiscal et au commerce des antiquités. Je n’évoquerai pas la déflagration possible et redoutée que pourrait provoquer la rencontre entre Daech, s’il poursuivait son expansion, et les Palestiniens, en particulier dans la bande de Gaza.

En pratiquant le terrorisme, Daech a fait entrer la guerre au cœur même de nos sociétés. La lutte contre Daech est donc sans aucun doute nécessaire, même si, sur le plan du droit international, nous ne pouvons pas nous appuyer sur une résolution du Conseil de sécurité des Nations unies pour intervenir en Syrie ou sur l’appel à l’aide d’un gouvernement, dans le cadre de l’article 51 de la Charte des Nations unies.

Nos nouvelles initiatives militaires doivent également tenir compte de la « surchauffe opérationnelle » – je pèse mes mots –, liée à la dispersion des théâtres et à la diversité des opérations extérieures. Je rappelle ainsi que plus de 10 000 de nos militaires sont engagés dans ces opérations.

En l’occurrence, l’intervention en Syrie sera une extension de l’opération Chammal, c’est-à-dire un dispositif aérien accompagné de l’appui du groupe aéronaval. Ce dispositif sera financé sur le budget des opérations extérieures, lequel est chaque année supérieur à un milliard d’euros, contre les 450 millions initialement prévus. Il est donc de notre responsabilité de prévoir les moyens financiers correspondants à nos objectifs militaires. À cet égard, on mesure la pertinence des clauses de sauvegarde insérées par le Sénat dans la loi de programmation militaire !

L’intervention militaire sera-t-elle efficace ? D’un point de vue militaire, l’imbroglio épouvantable sur le terrain ne permettra sans doute que des frappes très ciblées. En un an, seules 200 frappes françaises ont eu lieu en Irak.

Chacun mesure avec un certain effarement la capacité de résilience de Daech, qui ne cesse de renaître malgré les coups qui lui sont portés. C’est ainsi que 10 000 combattants étrangers, venus de 80 pays, dont la France, sont venus grossir ses rangs en un an. Il nous faut donc bien mesurer les conséquences d’un engagement militaire en Syrie.

D’un point de vue opérationnel, notre action en Syrie permettra vraisemblablement de contenir l’avancée de Daech, mais non de renverser la situation, car la guerre se gagne au sol. Pour autant, je souscris pleinement à la décision de ne pas envoyer de troupes françaises sur le terrain. En effet, quels seraient nos points d’appui ? Les combattants kurdes, les soldats de l’armée irakienne, les opposants syriens modérés ?

Sachons tirer les leçons de l’intervention américaine en Irak en 2003. L’histoire a montré à quel point la décision de la France de s’y opposer était légitime. Ne tombons pas dans le piège qui nous est tendu visant à nous enfermer dans une guerre entre les musulmans et les prétendus « croisés » que nous serions. La situation appelle nécessairement une solution politique, comme cela a été affirmé avec clarté.

Nous devons bien entendu dissocier les terroristes des populations. En Irak, la mainmise chiite a provoqué des ressentiments qui nous privent du soutien des tribus sunnites et des cadres de l’armée baasiste. Nous apprécions l’action du Gouvernement, qui tente actuellement d’obtenir du gouvernement irakien qu’il s’ouvre à d’autres composantes.

Je partage bien entendu totalement l’analyse selon laquelle le régime de Bachar al-Assad est responsable en Syrie de la mort de 200 000 personnes. La culpabilité de Bachar est géante. C’est précisément cette analyse qui fonde depuis des mois l’action du Gouvernement.

Monsieur le ministre, nous pensons tous que notre politique étrangère doit être ambitieuse et qu’il nous faut aujourd’hui mettre en œuvre une politique diplomatique allant au-delà du « ni Bachar al-Assad ni les islamistes ». Il nous faut surmonter l’impuissance résultant de la situation d’équilibre trop longtemps maintenue et refonder notre politique diplomatique en tenant compte de l’axe Syrie-Russie-Iran qui se dessine aujourd’hui.

Nous observons une forme de glissement dans le discours de nos responsables, et je m’en réjouis, en particulier concernant le moment du départ de Bachar al-Assad ou les éléments du régime susceptibles d’être conservés. Nous constatons aussi une évolution notable et positive du discours sur le rôle de la Russie, qui d’évidence accroît son engagement en Syrie. En effet, la bonne application des accords de Minsk – la stratégie Normandie – permettra peut-être de lever les sanctions contre la Russie, ce qui serait utile de mon point de vue.

L’accord conclu avec l’Iran permet aussi d’envisager de mettre cet acteur majeur – pour ne pas dire principal – de la crise syrienne à la table des négociations, même si c’est difficile, compte tenu notamment du jeu joué par l’Arabie Saoudite.

Monsieur le ministre, travaillons à créer des espaces et œuvrons sans désemparer à un règlement politique de la crise. Il est urgent d’inscrire la diplomatie française dans ce jeu. Votre rôle est donc majeur. La politique étrangère doit continuer à guider notre politique de défense.

Conservons donc notre indépendance, laquelle est l’essence même de notre politique étrangère, et misons sur le génie de celle-ci, qui est de parler à tous et sans relâche.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Raffarin

Nous ne pouvons pas rester dans une situation où les relations avec les États-Unis pourraient être ambiguës, où nos relations avec la Russie seraient fermées et nos relations avec l’Iran lentes.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Raffarin

M. Jean-Pierre Raffarin, président de la commission. La France doit retrouver sa capacité de parler à tous, par la force de ses convictions, mais aussi par l’indépendance de sa stratégie. Alors seulement notre action militaire, par notre diplomatie, trouvera son sens.

Applaudissementssur les travées du groupe Les Républicains, de l'UDI-UC et du RDSE.

Debut de section - Permalien
Laurent Fabius

Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je remercie l’ensemble des orateurs de leur intervention. Bien sûr, comme le veut la tradition, et également par courtoisie, je répondrai à chacun d’entre eux, très brièvement cependant, ce dont je vous prie de me pardonner.

À M. Lorgeoux, j’adresse mes remerciements pour son soutien au Gouvernement, pour l’analyse très pertinente qu’il a faite de ce que représente Daech, pour son insistance – à juste raison – sur la notion de légitime défense, car c’est dans ce cadre que nous intervenons, et pour avoir souligné la nécessité de rechercher une solution politique, notamment avec l’Iran.

Je reviendrai sur ce point dans ma réponse aux autres orateurs.

Je remercie également Mme Aïchi, même si elle a eu recours à quelques formules qui ne recueillent pas mon soutien enthousiaste et spontané. §Ainsi, je ne souscris pas totalement à l’idée selon laquelle nous n’aurions pas de « vision globale ». Vous avez des informations, madame la sénatrice, nous aussi ! Vous avez vos idées, nous aussi !

Loin de moi l’idée de tenir des propos désagréables, mais j’ai parfois eu le sentiment au cours de ce débat que certains des orateurs considéraient que la politique internationale de la France serait plus facile à mener s’il n’y avait que la France ! §C’est exact, mais telle n’est pas la réalité ! Jaurès a dit des choses qui restent pertinentes sur l’idéal et le réel…

Vous avez insisté, madame Aïchi, avec raison, sur le rôle de l’Iran et dressé une liste de questions tout à fait pertinentes. Ce sont précisément ces questions auxquelles nous essayons de répondre. J’ai eu le sentiment – à moins que ce ne soit réellement le sens des propos que vous avez tenus – que vous souhaitiez que nous soutenions M. Bachar al-Assad. J’y reviendrai.

L’analyse qu’a faite M. Laurent n’est pas nouvelle en ce qui le concerne. Il a néanmoins, je pense, oublié un point. Dans son analyse, il a fait comme si notre objectif était de frapper Daech, de frapper Bachar al-Assad. Mais, cher ami, revenons au texte, qui n’est pas un prétexte : c’est la sécurité de la France qui est en cause. Si le Président de la République a décidé d’envoyer des avions, ce n’est pas, comme on l’a dit, un revirement de stratégie – j’accepte tout à fait le mot « adaptation », qui me paraît légitime – : notre perspective n’a pas changé, mais, compte tenu de l’évolution des circonstances, il serait fou de ne pas nous adapter.

Mesdames, messieurs les sénateurs, quand nous avons la preuve que des attentats qui visent le sol français sont conçus et organisés depuis le sol de la Syrie par Daech, alors le rôle du chef de l’État, notre rôle à tous, c’est de décider des opérations nécessaires. Celles-ci, bien sûr, doivent être précédées d’actions de renseignement. Vous connaissez tout cela par cœur.

Cher Pierre Laurent, vous avez beaucoup insisté sur les solutions politiques. J’y reviendrai, mais laissez-moi vous dire que c’est exactement ce que nous recherchons. Que croyez-vous que nous faisons, le Président de la République, le ministre de la défense et moi-même, lorsque – je parle pour moi – nous rencontrons les Iraniens ? Quel est le premier ministre des affaires étrangères à s’être rendu en Iran – non pas pour faire du commerce, celui-ci viendra en son temps – ? C’est le ministre français ! Qui a, comme tout le monde le reconnaît, donné le la, son imprimatur à l’accord sur le nucléaire iranien ? C’est la France ! Que faisais-je samedi dernier à Berlin sinon discuter de la Syrie avec le ministre Sergueï Lavrov ? Que faisons-nous lorsque, seuls avec les Allemands, nous discutons avec les Ukrainiens et les Russes sinon édifier d’indispensables passerelles ?

Vous avez tout à fait raison de poser des questions, mais il ne faut pas donner de fausses impressions sur ce qu’essaie de bâtir la diplomatie française. Simplement, ce n’est pas par l’opération du Saint-Esprit que l’Iran et la Russie, en particulier, mais aussi M. Bachar al-Assad, les populations arabes, la Turquie et les autres se rangeront à nos arguments, fussent-ils excellents.

Monsieur Laurent, vous avez aussi insisté, avec raison, sur la Palestine. Voilà quelques jours, nous avons reçu le gouvernement palestinien. Mahmoud Abbas sera à Paris dans quelques jours. Vous connaissez bien les responsables palestiniens et je ne veux pas trahir leur pensée, mais ils disent, y compris publiquement, que seul un pays se préoccupe de la situation en Palestine et du conflit israélo-palestinien : le nôtre. Ne laissons donc pas entendre le contraire.

M. Mézard, au début de son propos, a fait une analyse forte. Il a ensuite appelé à une réponse politique, et je ne peux que lui donner raison. Il a rappelé à juste titre dans quelles conditions le président Chirac, avec raison, avait refusé d’engager la France. Pour rendre justice à l’histoire, je rappelle que nos formations, à l’époque dans l’opposition, avaient soutenu immédiatement la position de Jacques Chirac – nous l’avions même peut-être précédée, mais nous n’étions pas au pouvoir. Quand il dit qu’il faut avoir de la suite dans les idées, je suis tout à fait d’accord avec lui. Nous nous y efforçons.

M. Rachline est intervenu brièvement, ainsi le veut le règlement du Sénat. Chaque fois que je l’entends, ses révélations mettent en défaut ma propre perspicacité.

Vous avez dit que nous étions les « valets des États-Unis » ; à vrai dire, je ne l’avais pas remarqué, eux non plus d’ailleurs. En revanche, j’ai bien compris que les deux personnes que vous soutenez sont le président Poutine et M. Bachar al-Assad. Je l’avais déjà remarqué.

Vous avez commencé votre intervention – aussi courte soit-elle – en disant que nous n’avions pas le droit d’intervenir. Mais, cher monsieur, nous intervenons au nom de la légitime défense pour défendre la sécurité des Français : c’est l’article 51 de la Charte des Nations unies. Et je ne peux pas ne pas être surpris – cela me donne même à réfléchir – lorsque vous prétendez que défendre la sécurité des Français ne nous donne pas le droit d’intervenir. Si, cela nous en donne le droit, c’est même un devoir.

M. Zocchetto a bien sûr abordé plusieurs sujets, comme il le fait chaque fois, avec talent. Il a en particulier soulevé, comme M. Longuet, qui a pris du recul et de la hauteur sur le plan historique, la question de l’Iran et de la Russie. Traitons donc de ce sujet majeur.

Nous discutons avec l’Iran et avec la Russie, mais discuter ne signifie pas nécessairement adopter les positions de l’autre. Encore faut-il les entendre.

Que me dit mon collègue M. Lavrov lorsque je m’entretiens avec lui ? Il me dit – et j’essaie de ne pas trahir sa pensée – : « Il ne faut pas que ce soit le chaos en Syrie. » Je lui réponds ceci : « Je suis bien d’accord, mais si ce n’est pas le chaos aujourd’hui, qu’est-ce qu’un chaos ? »

Une fois que nous avons eu ces échanges, toujours les mêmes, nous essayons d’avancer. La distinction très intéressante qu’a faite, me semble-t-il, M. Longuet, nous la reprenons à notre compte. Nous n’avons – c’est un euphémisme – aucune sympathie pour M. Bachar al-Assad, dont la politique, il faut le rappeler, est à l’origine du départ de 80 % de ceux qui ont quitté leur pays.

L’un d’entre vous, avec talent et émotion, a évoqué le petit garçon syrien échoué sur les côtes turques. Je rappelle, comme vous le savez certainement, que le père de ce petit garçon, avant d’être attaqué à Kobané, avait séjourné dans les geôles de M. Bachar al-Assad, où il avait été torturé, comme je l’ai lu. C’est donc le comportement de M. Bachar al-Assad qui a déclenché la fuite de cette famille ayant pris une telle importance.

Je ne dis pas que des évolutions ne sont pas possibles – d’ailleurs, vous les avez senties –, mais au-delà de l’argument moral, réel – nous sommes la France –, il y a un argument d’efficacité que je vous demande de prendre en considération. Si nous devions, comme le soutiennent les Russes, accepter, même si nous ne sommes pas mariés avec lui, de compter avec M. Bachar al-Assad et consulter les Syriens en organisant une élection – les Syriens ont déjà voté, dans les conditions que l’on sait –, alors nous nous interdirions ce que vous souhaitez tous, à savoir une Syrie unie respectant les minorités, les majorités, dotée d’un État fort dans un territoire en paix.

Ce n’est pas uniquement un argument moral que je vous demande de prendre en compte, c’est aussi un argument d’efficacité.

Lorsque je m’entretiens avec mon collègue Lavrov, il me dit qu’il ne faut pas que l’État s’écroule. Je suis tout à fait d’accord, car, le cas échéant, c’est la situation irakienne qui se reproduirait. Ensuite, nous discutons.

Lors des conférences de Genève 1 et de Genève 2, il a été décidé de mettre en place un gouvernement de transition doté de tous les pouvoirs exécutifs – c’est le texte. S’il est doté de tous les pouvoirs exécutifs, cela signifie que, d’une manière ou d’une autre, M. Bachar al-Assad se délestera de ses pouvoirs. Nous n’en sommes pas là et les discussions achoppent pour le moment.

Comme vous le savez, du matériel – et même probablement un peu plus que du matériel – a été envoyé à Tartous et à Lattaquié. J’ai interrogé mon collègue Lavrov à ce sujet. Cela a été dit par certains orateurs, il s’agirait de défendre les intérêts russes à Tartous. Mais, mesdames, messieurs les sénateurs, il est hors de question de dénier aux Russes le droit de défendre leurs intérêts en Syrie. Personne n’imagine un instant que nous allons les bouter hors de Tartous. Ces intérêts ne sont d’ailleurs pas aussi considérables qu’on le pense ; c’est une base à partir de laquelle les Russes observent ce qui se passe dans l’ensemble de la région. D’ailleurs, chaque grand pays dispose de ce type de base. Il n’est absolument pas question de remettre en cause la présence russe classique en Syrie.

Mon homologue russe m’affirme que, finalement, selon son gouvernement, toute solution passe par Bachar al-Assad et qu’il faut donc le soutenir. Fort bien, mais, s’il est écrit d’emblée que Bachar al-Assad est l’avenir de la Syrie, nous aurons énormément de mal – c’est un euphémisme ! – à trouver une solution pour ce pays.

Certains ont affirmé que l’Iran et la Russie, c’était la même chose. Non ! Ces deux pays n’ont pas des positions identiques, même s’ils soutiennent tous deux Bachar al-Assad. D’ailleurs, à certains égards, le soutien iranien est encore plus fort que celui de la Russie.

En effet, les Iraniens, sous bénéfice d’inventaire – je suis actuellement en discussion avec mon homologue Mohammad Javad Zarif, et le Président Rohani rendra visite au président Hollande –, déclarent que, quoi qu’il arrive, ce sera avec Bachar al-Assad. Cela pose évidemment une difficulté !

Que faisons-nous face à cela ? L’un d’entre vous nous a reproché de ne rien faire à l’ONU, tout en soulignant par ailleurs que la résolution proposée par M. Stephan Di Mistura avait été – et c’était la première fois sur cette question – adoptée à l’unanimité. Or la France fait bien partie de cette unanimité : n’est-elle pas membre permanent du Conseil de sécurité ?

Ce que nous avons fait, c’est permettre que cette résolution, dont la portée n’est certes pas très grande, mais qui constitue néanmoins un premier élément, puisse être votée à l’unanimité. Nous soutenons les travaux de Stephan Di Mistura et travaillons d’ailleurs en permanence avec lui. Lors de la prochaine session de l’Assemblée générale des Nations unies, qui s’ouvrira dans quelques jours, nous œuvrerons avec nos partenaires du P5, et au-delà si c’est possible, pour aller en ce sens. Seulement, n’oubliez pas les autres intervenants !

On a évoqué la Turquie, et nombre d’entre vous ont critiqué l’attitude de celle-ci. Soyons prudents : comme nous l’avons dit, c’est une bonne chose que la Turquie s’engage contre Daech. Dans le même temps, on ne va pas traiter la question kurde par une approche militaire. Donc, nous avons appelé à une négociation.

Et puis, il y a les pays du Golfe ! Quand il va falloir, à un moment, s’engager au sol, comme vous le préconisez, qui va le faire ? L’armée syrienne, bien sûr, mais il faudra d’autres troupes arabes, voisines. Comment s’engageraient-elles si aucune discussion n’est engagée avec ces pays ? Or il se trouve que c’est la France, toujours la France, je suis désolé de le dire, qui maintient le contact avec l’ensemble des pays du Golfe. Quel est le seul chef d’État qui ait été reçu par l’ensemble des pays du Golfe ? C’est le Président de la République française !

Le président Raffarin a eu raison de souligner que la clef, c’est l’indépendance. Nous sommes ceux qui parlent à la fois avec les États-Unis d’Amérique, la Russie, l’Iran, l’opposition syrienne, qui sont en même temps ouverts à des éléments du régime, qui parlent avec les populations arabes et les Turcs. C’est la position singulière de la France.

Malheureusement, ce n’est pas parce que nous discutons avec tous que nous convainquons tout le monde. Le reproche que l’on pourrait d’ailleurs nous adresser est de ne pas emporter la conviction de l’ensemble de nos interlocuteurs ; je l’accepte, mais on ne peut pas dire que nous soyons pour les uns contre les autres, ou pour les autres contre les uns, puisque, quand on examine la situation, c’est la France qui assure le lien.

D’aucuns pourraient alléguer que c’est à d’autres de remplir cette mission, comme les États-Unis d’Amérique. Peut-être, mais, sans vouloir aggraver la plaie, je me dois de rappeler des épisodes que l’histoire méditera. Souvenez-vous de cette intervention chimique qui avait dépassé la « ligne rouge » : la France était prête, contrairement à nos amis britanniques et américains. C’est à ce moment-là que les choses ont basculé, y compris dans d’autres parties du monde. Le Président Poutine a alors compris que beaucoup de choses étaient possibles. Gardons cela à l’esprit !

Je souhaiterais maintenant revenir sur les questions précises qu’a posées M. Longuet.

Il s’est d’abord interrogé sur les djihadistes français.

La France, vous le savez, s’est engagée à juger les criminels français qui relèvent de sa compétence et, au nom de notre ordre juridique, la Cour pénale internationale agit, dans ce cas, de façon subsidiaire. Néanmoins, je ne crois pas inutile de rappeler que c’est la France qui a proposé au Conseil de sécurité une résolution en ce sens, résolution à laquelle la Russie s’est opposée. Voilà, monsieur Longuet, la ligne à laquelle nous nous tiendrons sur ce point.

Vous avez dit par ailleurs que l’Europe devrait œuvrer davantage sur le plan humanitaire, y compris sur place. Je vous rejoins totalement.

Vous vous êtes aussi interrogé sur les conséquences d’une intervention pour notre sécurité, posant au passage une question difficile : que se serait-il passé à Palmyre, lors de l’avancée des troupes de Daech, si nous avions eu des forces au sol ? On ne refait pas l’histoire !

Quoi qu'il en soit, la position du Président de la République, chef des armées, est la suivante : pour des raisons qui sont liées à notre sécurité, nous allons survoler la zone visée afin d’obtenir des renseignements supplémentaires. S’il apparaît, lors de l’accomplissement de cette mission, que telle ou telle opération menace la sécurité de la France, nous nous réservons le droit d’intervenir. Nous n’avons pas été plus loin pour le moment.

La plupart d’entre vous ont estimé qu’il serait totalement déraisonnable d’engager les seules forces françaises au sol. Car j’ai lu des écrits qui prônaient un tel engagement, mais qui ont, en général, été aussitôt contrés par d’autres personnalités sans doute plus au fait de ces sujets. Une telle intervention serait non seulement déraisonnable mais encore dangereuse. Ce n’est donc pas ainsi que nous agirons.

Monsieur Longuet, vous avez employé une jolie formule au début de votre intervention : Bachar al-Assad, régime minoritaire, régime des minorités ! C’est vrai, et c’est pourquoi, dans notre quête vers un nouvel équilibre de la Syrie, l’une des conditions que nous posons à la fois aux éléments du régime et à l’opposition, c’est le respect des minorités.

Vous entretenez, les uns et les autres, des contacts avec les chrétiens. Si ceux-ci reconnaissent ne pas éprouver un grand amour pour Bachar al-Assad, ils mettent en avant les vives craintes qu’ils ressentent actuellement. Il faut donc leur assurer – ce sera une demande légitime de la France – qu’ils ne seront pas pénalisés ni, bien sûr, anéantis.

J’en viens à l’intervention du président Raffarin.

Vous avez dit « ni, ni ». Nous n’allons pas chipoter, mais nous sommes plutôt favorables au « et, et » !

Sourires.

Debut de section - Permalien
Laurent Fabius

Vous avez dit d’une façon très topique, et je vous en remercie, pourquoi il n’était pas raisonnable – j’emploie à dessein ce mot neutre – d’envoyer des troupes françaises au sol. Vous avez ensuite utilisé une expression très forte, évoquant « la géante culpabilité de Bachar al-Assad ».

Je ne rivaliserai pas d’adjectifs, mais je vous suggère de garder à l’esprit – si nous ne devions retenir que cet élément, ce serait déjà utile –, que cette affaire ne relève pas uniquement de la morale, même si celle-ci est importante ; c’est une question d’efficacité. N’oublions jamais que, à l’époque de la conférence de Genève 1, il n’y avait pas de terroristes en Syrie. C’est la façon dont une petite révolte, dans un coin de Syrie, a été mal prise qui aboutit aujourd’hui à l’expansion de troupes terroristes, au décès de 250 000 personnes et à l’apparition de milliers de réfugiés.

Je reviendrai sur une remarque de M. Raffarin que je partage totalement et qui va, je l’espère, nous permettre d’avancer, notamment lors de débats ultérieurs. Il a fort justement mis en avant la notion d’indépendance.

La France est une nation indépendante. Cela ne plaît pas à tout le monde, à l’étranger, mais c’est ainsi que nous concevons notre rôle – je ne parle pas seulement du gouvernement actuel, car c’est une tradition –, et c’est ce qui nous vaut parfois quelques batailles.

La France n’est pas indépendante au regard de l’exigence d’efficacité, ni des principes, ni d’une certaine vision de ce que doivent être le Proche et le Moyen-Orient. Mais elle est indépendante. Les autres pays ne le comprennent pas toujours…

On a cité les États-Unis, dont nous sommes un allié tout à fait loyal. Néanmoins, quand nous disons non, c’est non ! On a cité la Russie, qui est fort critiquée dans certains milieux, alors que nous avons une relation historique, stratégique avec ce pays. Néanmoins, quand la Russie agit comme elle le fait en Crimée, nous disons non !

S’agissant de l’Iran, nous ne pouvions pas être d’accord avec ce qu’il préparait sans doute sur le plan nucléaire. Nous l’avons dit. Puis, lorsque l’accord est apparu raisonnable, nous avons dit oui.

C’est cette indépendance qui donne à la France un poids plus important que celui que représente sa seule démographie.

Nous allons, écoutant bien sûr vos avis, vos conseils, vos opinions, vos objections, vos observations, poursuivre sur la voie que j’ai indiquée à l’occasion de ce débat, car, dans un domaine qui est si difficile, il importe, autant que faire se peut, que la représentation nationale soit unie.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain, du RDSE, de l'UDI-UC et du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

Nous en avons terminé avec le débat sur l’engagement des forces aériennes au-dessus du territoire syrien.

Mes chers collègues, avant d’aborder le point suivant de l’ordre du jour, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.

La séance est suspendue.

La séance, suspendue à dix-huit heures dix, est reprise à dix-huit heures quinze, sous la présidence de Mme Isabelle Debré.

Debut de section - PermalienPhoto de Isabelle Debré

Le Conseil constitutionnel a informé le Sénat, le 15 septembre 2015, qu’en application de l’article 61-1 de la Constitution, la Cour de cassation a adressé au Conseil constitutionnel un arrêt de renvoi d’une question prioritaire de constitutionnalité portant sur l’article 308 du code de procédure pénale (Enregistrement audiovisuel des débats de la cour d’assises) (2015 499 QPC).

Acte est donné de cette communication.

Le texte de cet arrêt de renvoi est disponible à la direction de la séance.

Debut de section - PermalienPhoto de Isabelle Debré

Nous reprenons la discussion du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, de modernisation de notre système de santé.

Dans la discussion du texte de la commission, nous poursuivons l’examen des amendements déposés à l’article 4.

Debut de section - PermalienPhoto de Isabelle Debré

Je suis saisie de deux amendements identiques.

L'amendement n° 400 rectifié est présenté par M. Adnot et Mme Gruny.

L'amendement n° 613 est présenté par M. Vasselle.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :

... – L’ordonnance n° 59-28 du 5 janvier 1959 réglementant l’accès des mineurs à certains établissements est ainsi modifiée :

1° L’article 1er est ainsi modifié :

a) À la première phrase du deuxième alinéa, les mots : « d’une commission » sont remplacés par les mots « du conseil mentionné à la première phrase de l’article L. 224-2 du code de l’action sociale et des familles » ;

b) Le dernier alinéa est abrogé ;

2° Au premier alinéa de l’article 2, les mots : « de la commission » sont remplacés par les mots : « du conseil mentionné à l’article L. 224-2 du code de l’action sociale et des familles ».

L’amendement n° 400 rectifié n'est pas soutenu.

La parole est à M. Alain Vasselle, pour présenter l'amendement n° 613.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Vasselle

Cet amendement tend à assurer le toilettage de certaines dispositions en vigueur. Je ne m’étendrai pas sur leur contenu : j’imagine que l’ensemble de nos collègues, ainsi que nos corapporteurs et le Gouvernement, en ont pris connaissance. L’adoption de cet amendement ne me paraît pas, a priori, devoir soulever de difficultés.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Deroche

Cet amendement tend à modifier les règles relatives à l’interdiction, par arrêté préfectoral, de l’accès des mineurs à certains établissements.

L’ordonnance du 5 janvier 1959 prévoit que le préfet peut interdire l’accès des mineurs à certains établissements de spectacle lorsque leur fréquentation est susceptible de mettre en danger leur santé ou leur moralité. Il est précisé que l’arrêté préfectoral doit être pris après consultation du maire et après avis d’une commission.

Le présent amendement vise à remplacer l’avis de la commission existante, dont le fonctionnement laisse effectivement à désirer, par celui du conseil de famille constitué au niveau départemental et chargé, avec le préfet, de la tutelle des enfants pupilles de l’État.

Il nous est apparu que de telles fonctions consultatives étaient un peu éloignées des missions d’un conseil de famille. En outre, il existe parfois plusieurs conseils de famille par département.

Néanmoins, il convient bel et bien de trouver une solution pour que cette ordonnance du 5 janvier 1959 soit réellement appliquée.

Au cours des prochaines semaines, le Sénat examinera, en deuxième lecture, la proposition de loi relative à la protection de l’enfant. Il a semblé à la commission que ce texte permettrait de se pencher de nouveau sur cette question.

Quoi qu’il en soit, il serait intéressant d’entendre dès à présent l’avis de Mme la ministre au sujet de ce problème soulevé par M. Vasselle.

Debut de section - Permalien
Marisol Touraine, ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes

Monsieur Vasselle, la protection de l’enfant fait d’ores et déjà l’objet d’une proposition de loi.

Que ce soit dans les textes de loi, dans les autres éléments du droit ou dans la pratique quotidienne, rien ne permet d’estimer qu’un conseil de famille des pupilles de l’État pourrait être assimilé à une commission consultative. Dès lors, je ne vois pas sur quelles bases juridiques un tel amendement pourrait être admis, même si l’on peut en comprendre le sens général.

Aussi, si vous ne retirez pas cet amendement, le Gouvernement émettra un avis défavorable.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Vasselle

La réponse que Mme la ministre vient de m’apporter me laisse sur ma faim… J’étais pourtant rassuré en entendant Mme Deroche reconnaître, au nom de la commission, qu’il existait effectivement un problème.

Je veux bien entendre que le conseil de famille n’est pas, en la matière, la bonne instance. Mais, je le rappelle, le conseil départemental de l’enfance ne fonctionne plus depuis 2005, date à laquelle ses compétences en matière de spectacles et de fermeture des établissements sociaux pour l’enfant lui ont été retirées.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Vasselle

Il faut donc bien confier à une autre instance le soin de traiter les dossiers dont il s’agit.

J’admets qu’il faille d’attendre le nouvel examen de la proposition de loi relative à la protection de l’enfant ; nous reviendrons à la charge à cette occasion. Mais mettons à profit le délai qui va s’écouler d’ici à cette discussion ! De son côté, le Gouvernement doit, lui aussi, rechercher à quel organisme il conviendra de faire appel.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Vasselle

Cela étant, puisque tel semble être le souhait de la commission, je retire mon amendement, madame la présidente.

Debut de section - PermalienPhoto de Isabelle Debré

L’amendement n° 613 est retiré.

L'amendement n° 702, présenté par M. Vergès, Mmes Cohen et David, M. Watrin et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :

… - Pour lutter contre le syndrome d’alcoolisation fœtale, la stratégie nationale de santé, comporte notamment dans les départements et régions d’outre-mer, l’incitation à la création de centres de ressources régionaux destinés aux professionnels de la santé, de l’éducation, du social, de la justice, et au public visant à l’information, au suivi des femmes concernées par les problèmes d’alcoolisme ainsi que le soutien à leur famille.

La parole est à Mme Annie David.

Debut de section - PermalienPhoto de Annie David

Cet amendement, auquel notre collègue Paul Vergès attache beaucoup d’importance, vise à lutter contre le syndrome d’alcoolisation fœtale, le SAF.

Selon la représentation réunionnaise de l’association SAF France, à La Réunion, 7 600 femmes sont alcoolodépendantes. Or moins de 10 % de ces dernières bénéficient de soins. En d’autres termes, près de 7 000 femmes sont en train de mourir à petit feu chez elles, victimes des tabous, de la culpabilité et de la honte. N’est-ce pas là une certaine forme de non-assistance à personne en danger ?

En outre, chaque année à La Réunion, 150 enfants naissent cérébrolésés par l’alcool in utero. Selon l’association RéuniSaf, 3 000 enfants, adolescents et jeunes adultes souffrent de ces atteintes cérébrales. Ces personnes sont en grande difficulté d’insertion sociale, de scolarité, etc.

RéuniSaf estime le coût économique de l’accompagnement de ces populations à environ 200 millions d’euros par an pour La Réunion. L’expérience de cette association a permis à 75 % des femmes malades de l’alcool d’être dirigées vers des soins et, pour certaines, de donner naissance à des enfants indemnes de tout problème de santé.

Cette expérience devrait être reprise, non seulement à l’échelle de La Réunion tout entière, mais aussi dans l’ensemble des régions qui connaissent des problèmes de cette nature.

Enfin, notons que la création de centres de ressources de ce type est l’une des préconisations du plan gouvernemental de lutte contre les drogues et les conduites addictives 2013-2017.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Deroche

Dans le cadre de la stratégie nationale de santé, cet amendement tend à assurer une incitation à la création de centres de ressources régionaux, en particulier dans les départements et les collectivités d’outre-mer, afin d’intensifier la lutte contre le syndrome d’alcoolisation fœtale.

Force est de constater qu’il s’agit là d’une véritable question de santé publique. Toutefois, la formulation de cet amendement nous a paru particulièrement vague. De quelle incitation doit-il s’agir ? De plus, si la création de centres de ressources est déjà programmée, est-il utile de mentionner ces structures dans le présent texte ?

La commission souhaite que le Gouvernement éclaire la Haute Assemblée quant au degré d’avancement de la lutte contre le syndrome d’alcoolisation fœtale, en particulier dans les territoires ultramarins. Elle demande qu’il précise les dispositions prises à cet égard au cours de la période récente.

Debut de section - Permalien
Marisol Touraine, ministre

Madame David, les dispositions dont vous demandez l’adoption s’appuient, en particulier, sur la situation réunionnaise. La Réunion est, en effet, l’un des territoires français dans lesquels l’alcoolisme, souvent très précoce, fait le plus de ravages.

Au demeurant, les moyens de toucher et d’informer les populations concernées constituent une vive préoccupation. C’est la raison pour laquelle j’ai expressément demandé à la mission interministérielle de lutte contre les drogues et les conduites addictives de définir une stratégie spécifique à La Réunion, sur le front de l’alcool.

L’Assemblée nationale a débattu de ce problème concernant la réalité réunionnaise et il est apparu clairement qu’il nous fallait définir une stratégie spécifique à ce territoire.

La démarche que vous proposez est plus large puisqu’elle ne vise pas le seul département de La Réunion.

Vous l’avez rappelé vous-même, un plan gouvernemental de lutte contre les drogues et les conduites addictives a été lancé en 2013 et doit se déployer jusqu’en 2017. Ce plan prévoit, en particulier, l’expérimentation, au niveau régional, de centres de ressources permettant d’informer et d’accompagner des femmes qui sont, notamment, mais non exclusivement, en situation de grossesse. §Ces femmes doivent être alertées quant aux risques que représentent l’alcool et, plus largement, les conduites addictives.

Une première expérimentation est en cours dans la région Nord – Pas-de-Calais. Une autre expérimentation est menée, parallèlement, dans l’océan Indien.

Aussi, vous le constatez, la démarche est déjà engagée. Or les mesures détaillées dans votre amendement semblent, globalement, plus restrictives que les initiatives mises en œuvre : ces expérimentations doivent s’étendre à l’ensemble des conduites addictives, au-delà de la seule alcoolisation dont sont frappées les femmes enceintes.

Voilà pourquoi je vous demande de bien vouloir retirer cet amendement. À défaut, j’émettrai un avis défavorable. En effet, les dispositions dont il s’agit s’inséreraient mal dans les stratégies actuellement lancées.

Debut de section - PermalienPhoto de Annie David

Je vais accéder à la demande de Mme la ministre en retirant cet amendement, puisque ses dispositions semblent plus restrictives que les initiatives déjà engagées.

Néanmoins, je tiens à le rappeler, le syndrome d’alcoolisation fœtale ne saurait être considéré, dans cet hémicycle, comme un problème nouveau. §Les plus anciens d’entre nous – dont je fais partie ! – se souviennent de l’époque où Anne-Marie Payet l’avait évoqué ici.

Chers collègues de l’UDI-UC, vous constaterez que je rends hommage à une ancienne sénatrice centriste !

Debut de section - PermalienPhoto de Annie David

Mme Annie David. Ainsi, je rends à César ce qui lui appartient.

Sourires. – M. Gérard César rit.

Nouveaux sourires.

Debut de section - PermalienPhoto de Annie David

Lors de ce débat, nous avions voté la création des pictogrammes qui figurent aujourd’hui sur toutes les étiquettes de vin. Je me souviens que cette disposition avait alors suscité des débats très animés !

Il n’empêche que, avec Mme Payet et plusieurs de nos collègues, nous avions réussi à faire adopter cette mesure. Il s’agissait d’un enjeu important, notamment pour La Réunion, département qui, Mme la ministre vient de le rappeler, est particulièrement confronté à ce problème.

Si, à travers cet amendement, nous n’avons pas voulu cibler tel ou tel département en particulier, c’est parce que nous ne souhaitions pas donner l’impression de stigmatiser une population par rapport à d’autres. Néanmoins, nous sommes bien conscients que ce problème présente une gravité particulière à La Réunion.

Debut de section - PermalienPhoto de Isabelle Debré

L’amendement n° 702 est retiré.

Je mets aux voix l'article 4, modifié.

L'article 4 est adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Isabelle Debré

L'amendement n° 704, présenté par Mmes Cohen et David, M. Watrin et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

Après l’article 4

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Au 3° de l’article L. 3323-2 du code de la santé publique, après les mots : « Sous forme d’affiches et d’enseignes », sont insérés les mots : « dans la limite du respect d’une distance de deux cents mètres d’un établissement scolaire, ».

La parole est à M. Dominique Watrin.

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique Watrin

L’article 4 du projet de loi vise à lutter contre la consommation excessive d’alcool, notamment chez les plus jeunes. Le présent amendement tend à interdire tout affichage publicitaire en faveur des boissons alcoolisées à moins de 200 mètres d’une école.

À l’intérieur des agglomérations, conformément au code de l’environnement, la publicité est notamment interdite autour des sites et monuments historiques classés, ainsi qu’à moins de 100 mètres et dans le champ de visibilité des immeubles classés monuments historiques ou inscrits à l’inventaire supplémentaire.

Si ces dispositions permettent de préserver notre cadre de vie et notre patrimoine, l’environnement direct de nos enfants doit nous également nous préoccuper. Une proposition de loi du député Franck Marlin visant à interdire la publicité pour les boissons alcoolisées à proximité des établissements scolaires, notamment, avait déjà été déposée en février 2013.

Les jeunes, particulièrement sensibles et réceptifs à la publicité, constituent un marché privilégié. Si la législation a évolué ces dernières années, avec l’interdiction de la publicité pour les boissons alcoolisées sur les services de communication en ligne destinés à la jeunesse, force est de constater que rien n’a été prévu concernant la publicité aux abords des établissements scolaires. Or des panneaux publicitaires sont fréquemment implantés à proximité de ces établissements, notamment dans les communes disposant de mobilier urbain – je pense en particulier aux abribus équipés d’espaces publicitaires – dont le financement ainsi que l’entretien ont fait l’objet d’une délégation de service auprès d’une société privée.

Alors que les modes de consommation d’alcool chez les jeunes évoluent radicalement et que la fréquence des ivresses est en hausse, il est de notre devoir de les protéger au moins autant et même bien plus que notre patrimoine historique et notre cadre de vie, qui bénéficient d’une législation et d’une réglementation adaptées.

Aussi proposons-nous d’interdire toute publicité sur les boissons alcoolisées par voie d’affichage dans un rayon de 200 mètres d’un établissement scolaire, de la même manière que des dispositions prévoient déjà de prémunir les jeunes contre de tels messages publicitaires à la télévision, au cinéma ou sur internet, notamment.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Deroche

Bien qu’elle comprenne l’objet de cet amendement, la commission estime que la définition précise de la distance devant séparer les affiches et enseignes des établissements scolaires relève du domaine réglementaire. Le problème se pose d’ailleurs dans les mêmes termes à propos des débits de tabac.

De surcroît, il s’avère que ce type de dispositions fixant une distance minimale peut être difficile à appliquer, par exemple dans les communes de petite taille.

La commission demande donc le retrait de cet amendement. À défaut, elle émettra un avis défavorable.

Debut de section - Permalien
Marisol Touraine, ministre

Mme Orphé, députée de La Réunion qui intervient sur ces questions avec beaucoup de conviction, avait présenté un amendement du même type lors de l’examen de ce projet de loi par l’Assemblée nationale. Celui-ci avait été retiré au bénéfice de travaux à mener dans le cadre de la mission interministérielle de lutte contre les addictions.

Je comprends parfaitement votre argumentation, monsieur le sénateur. Nous sommes, c’est vrai, dans une situation qui peut paraître paradoxale puisque les débits de boissons alcoolisées sont interdits dans un rayon de moins de 200 mètres d’une école, alors que ce n’est pas le cas pour les publicités portant sur ces mêmes boissons alcoolisées.

Du reste, je le relève au passage, cet amendement montre bien que, contrairement à ce que j’entends parfois dire, la publicité pour l’alcool est possible dans notre pays : non seulement elle s’offre à ceux qui choisissent de lire tel ou tel journal, mais elle s’invite aussi dans l’espace public, sur les abribus ou les colonnes Morris, par exemple. L’amendement que vous défendez, monsieur Watrin, part bien de ce constat et des préoccupations qu’il entraîne à propos des enfants.

Toutefois, je vous demande de retirer votre amendement au profit du travail qui est mené dans le cadre de la mission interministérielle. Celui-ci est porté notamment par des parlementaires issus de territoires directement concernés par les enjeux de santé publique, tels que le vôtre ou celui de La Réunion, évoqué il y a un instant. Cela étant, il faut bien le dire, il y a peu de territoires qui ne sont pas confrontés à ce problème !

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique Watrin

Non, madame la présidente, je vais le retirer.

Madame la ministre, je me réjouis de l’intérêt que vous portez à la question sensible posée par les élus du groupe CRC concernant l’affichage de publicités à proximité immédiate des établissements scolaires. À mes yeux, un débat s’impose sur la façon d’en réduire le volume au maximum.

Il y a en tout cas nécessité d’agir, et c’est pourquoi je ne comprends pas la justification apportée à l’avis défavorable de la commission, car l’amendement visait avant tout à interdire l’affichage de publicités à proximité des établissements scolaires, la distance proposée étant accessoire.

Nous entendons vos paroles, madame la ministre. Nous espérons que ce travail ne va pas durer des mois et qu’il aboutira rapidement à une solution concrète. C’est pourquoi je retire cet amendement.

Debut de section - PermalienPhoto de Isabelle Debré

L'amendement n° 704 est retiré.

L'amendement n° 1118 rectifié, présenté par MM. Cornano, S. Larcher, Karam, Masseret, Cazeau, Patient, Desplan et Antiste et Mme Jourda, est ainsi libellé :

Après l’article 4

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Au 3° de l’article L. 3323-2 du code de la santé publique, après le mot : « enseignes », sont insérés les mots : «, les affiches ne pouvant dépasser une surface maximale, inférieure de moitié à la surface des autres panneaux publicitaires autorisés ».

La parole est à M. Jacques Cornano.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Cornano

L’article 4 du projet de loi vise à lutter contre la consommation excessive d’alcool, notamment chez les plus jeunes. Or nous constatons actuellement la présence, dans les agglomérations, notamment ultramarines, de très nombreux panneaux publicitaires qui font la promotion de boissons alcoolisées.

La loi n° 9132 du 10 janvier 1991 relative à la lutte contre le tabagisme et l’alcoolisme, dite « loi Évin », impose un certain nombre de mentions légales concernant le contenu de ces affiches, par exemple l’indication : « L’abus d’alcool est dangereux pour la santé ». Par ailleurs, les articles R. 580-26, R. 581-32 et R. 581-34 du code de l’environnement imposent des formats – surfaces et hauteur – pour les panneaux publicitaires en fonction du nombre d’habitants des agglomérations et des caractéristiques du dispositif.

Il ne s’agit ici non de modifier le dispositif de la loi Évin, mais de le compléter : nous proposons de réduire de moitié les surfaces autorisées en matière d’affichage lorsque la publicité a trait à des boissons alcoolisées.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Deroche

Certes, on peut partager l’objectif de réduire la taille de ces affiches, mais la commission a jugé que ces dispositifs relèvent vraiment de la partie réglementaire du code de la santé publique.

La commission demande donc le retrait de cet amendement. À défaut, elle émettra un avis défavorable.

Debut de section - Permalien
Marisol Touraine, ministre

Monsieur Cornano, le Gouvernement, lui aussi, demande le retrait de cet amendement, pour les raisons que j’ai exposées précédemment.

Toutefois, en écoutant vos propos très fondés et argumentés, en repensant également aux propos de M. Watrin à l’instant, je me suis dit qu’il fallait faire en sorte d’accélérer les travaux de cette mission interministérielle, le cas échéant lors du débat à l’Assemblée nationale, au cas où, d’aventure, la commission mixte paritaire échouerait, ce qui n’est pas totalement exclu…

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Cornano

Je le retire, madame la présidente, dans l’espoir que le travail sera repris très rapidement à l’Assemblée nationale. Je suivrai ce dossier de près !

Debut de section - PermalienPhoto de Isabelle Debré

L'amendement n° 1118 rectifié est retiré.

L'amendement n° 703, présenté par Mmes Cohen et David, M. Watrin et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

Après l’article 4

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Après le 9° de l’article L. 3323-2 du code de la santé publique, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Les conditionnements des bières titrant à plus de 5, 5 % d’alcool ne peuvent dépasser une contenance de trente-trois centilitres par unité de conditionnement. »

La parole est à M. Jean-Pierre Bosino.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Bosino

Nous assistons depuis quelques années à un développement considérable du marché des bières fortes, dites « spéciales », qui titrent généralement plus de huit degrés et demi et parfois jusqu’à dix ou douze, soit autant que des vins.

Ces bières ont un succès réel, notamment auprès d’un certain nombre de jeunes, mais aussi de moins jeunes, et sont bien souvent consommées dans l’espace public. Ces boissons contiennent une quantité importante d’alcool, en particulier dans les formats de 50 centilitres, et sont facilement transportables lorsqu’elles sont conditionnées dans des canettes en métal.

Le problème tient à la fois à la quantité d’alcool contenue dans ces boissons, mais également à leur conditionnement. Une fois ouverte, la canette en métal ne peut être refermée, ce qui incite évidemment à la terminer avant toute activité ou tout mouvement vers un lieu où l’usage d’alcool est interdit ou impossible.

Ces comportements ont pour effet une alcoolisation importante – il faut boire très vite la canette –, avec un pic d’alcoolémie qui augmentera le risque d’effets dommageables pour les consommateurs et leur entourage, notamment sur la route, sur la vie au travail, voire entraînera des violences, etc.

L’objet du présent amendement est de limiter à 33 centilitres la contenance des conditionnements des bières dites « spéciales », et notamment des bières titrant plus de cinq degrés et demi d’alcool, afin de limiter le caractère incitatif à l’alcoolisation excessive.

Une telle disposition aurait également un effet sur le prix de l’unité d’alcool, car plus le contenant sera petit, plus le prix du produit devra être élevé, ce qui peut, a priori, avoir un effet dissuasif.

Il convient d’agir sur les comportements d’alcoolisation excessive, dans un esprit de prévention des risques et de réduction des dommages.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Deroche

La commission a jugé les arguments de notre collègue recevables. Néanmoins, elle a estimé que le volume de conditionnement des boissons alcoolisées ne relevait pas du domaine législatif et a émis un avis défavorable.

Debut de section - Permalien
Marisol Touraine, ministre

Même avis !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Bosino

Je tiens à préciser que l’objet de cet amendement était d’attirer l’attention sur ces bières et ces canettes de 50 centilitres qui font beaucoup de dégâts. Cela étant, nous le retirons.

Debut de section - PermalienPhoto de Isabelle Debré

L'amendement n° 703 est retiré.

Je suis saisie de cinq amendements identiques.

L'amendement n° 31 rectifié quinquies est présenté par MM. Courteau, Patriat, Bérit-Débat, Carrère, Filleul, Montaugé, Daunis et Cabanel, Mme Schillinger, MM. Durain, Cazeau, Labazée et Vaugrenard, Mme Jourda, MM. Miquel et Camani, Mmes Bonnefoy et Espagnac, MM. Bigot, Boutant, Carcenac, Duran, Haut, Lalande et Madrelle, Mme Monier et M. Raoul.

L'amendement n° 32 rectifié est présenté par M. César, Mme Férat, MM. Détraigne, P. Leroy et Pintat, Mmes Des Esgaulx et Troendlé, MM. Reichardt, D. Laurent, Grand, Bouchet, Darnaud, Genest, Commeinhes, Guené, Grosperrin, Trillard, Houpert et Pierre, Mme Lamure, MM. Houel, Chaize, Pointereau, Mouiller, Longuet, Bonhomme, Chatillon, Lefèvre, J.P. Fournier et Pillet, Mme Lopez, MM. Raison, G. Bailly, Huré, Morisset et Danesi, Mmes Loisier et Gourault, MM. Bonnecarrère, Dufaut, Bockel, Lasserre, B. Fournier, Kern, Longeot, Gabouty et Cigolotti, Mme Gatel, MM. Guerriau, J.L. Dupont, Laménie, de Raincourt, Tandonnet et Béchu, Mme Estrosi Sassone, MM. Cornu, Vaspart, Marseille, L. Hervé, Cadic, Mayet et Doligé, Mme Gruny et M. Maurey.

L'amendement n° 399 rectifié est présenté par MM. Adnot, Lenoir et Husson.

L'amendement n° 410 rectifié est présenté par MM. Savary, Cardoux et Gilles, Mme Imbert et M. Lemoyne.

L'amendement n° 859 rectifié est présenté par MM. Requier et Barbier et Mme Malherbe.

Ces cinq amendements sont ainsi libellés :

Après l’article 4

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Après l’article L. 3323-3 du code de la santé publique, il est inséré un article L. 3323-3-1 ainsi rédigé :

« Art. L. 3323 -3 -1. – Ne sont pas considérés comme une publicité ou une propagande, au sens du présent chapitre, les contenus, images, représentations, descriptions, commentaires ou références relatifs à une région de production, à une toponymie, à une référence ou à une indication géographique, à un terroir, à un itinéraire, à une zone de production, au savoir-faire, à l’histoire ou au patrimoine culturel, gastronomique ou paysager liés à une boisson alcoolique disposant d’une identification de la qualité ou de l’origine, ou protégée au titre de l’article L. 665-6 du code rural et de la pêche maritime. »

La parole est à M. Roland Courteau, pour présenter l’amendement n° 31 rectifié quinquies.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland Courteau

Cet amendement vise à clarifier la législation afin de favoriser la promotion touristique de nos paysages viticoles. Nous souhaitons que l’on puisse communiquer en toute sécurité juridique sur les terroirs, la toponymie, les itinéraires touristiques, et plus généralement en faveur de ce patrimoine viticole, gastronomique et culturel qui est le nôtre.

Nous ne proposons pas de modifier l’encadrement de la publicité en faveur des boissons alcooliques, et nous ne contestons nullement le fait qu’elle soit soumise à des restrictions afin de prévenir des consommations excessives.

En revanche, nous proposons de lever le flou juridique qui résulte des dérives jurisprudentielles de ces dernières années. En effet, la jurisprudence assimile de fait un contenu journalistique, culturel ou œnotouristique à de la publicité. Or tel n’était pas l’objectif du législateur lors de l’adoption de la loi de 1991, et les juges n’ont pas à se substituer au législateur.

Nous voulons donc, sur ce point, reprendre la main en faisant la distinction entre ce qui relève de la publicité, d’une part, et ce qui relève d’un contenu journalistique ou œnotouristique, d’autre part, de manière à sortir de cette situation d’insécurité juridique manifeste qui conduit souvent journalistes et opérateurs œnotouristiques à s’autocensurer.

Je le répète, il ne s’agit pas d’assouplir l’encadrement de la publicité en faveur des boissons alcooliques, qui est une chose différente de l’information journalistique ou œnotouristique.

J’ajouterai, pour conclure, que cet amendement est identique, à la virgule près, à celui qui avait été présenté par le Gouvernement lors de la discussion de la loi Macron.

Madame la ministre, mes chers collègues, nous ne proposons rien d’autre que de permettre, en toute sécurité juridique, la promotion de nos terroirs, de nos paysages viticoles, de nos savoir-faire et de nos produits, toutes choses qui contribuent au rayonnement de la France dans le monde.

Applaudissements sur de nombreuses travées du groupe socialiste et républicain.

Debut de section - PermalienPhoto de Isabelle Debré

La parole est à M. Gérard César, pour présenter l’amendement n° 32 rectifié.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard César

Le Conseil constitutionnel a censuré, début août, une disposition de la loi Macron visant à clarifier les notions d’information et de publicité relatives aux boissons alcooliques.

Je vous rappelle qu’un amendement allant en ce sens, et cosigné par les membres du groupe d’études de la vigne et du vin du Sénat, avait été adopté à l’unanimité, toutes tendances politiques confondues, lors de la première lecture du projet de loi Macron dans notre assemblée.

Un amendement à ce même texte, présenté par le Gouvernement, a ensuite été adopté par l’Assemblée nationale en nouvelle lecture. C’est le dispositif de ce dernier amendement que nous proposons d’adopter aujourd’hui dans le cadre du projet de loi santé, comme vient de l’expliquer Roland Courteau, à qui je me permets de souhaiter une bonne fête puisque c’est aujourd'hui la Saint-Roland.

Sourires et exclamations.

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Daunis

M. Marc Daunis. C’est l’occasion de boire un bon verre de vin !

Nouveaux sourires.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard César

En rejetant cette disposition, pour des raisons de forme, et non de fond, le Conseil constitutionnel n’a toutefois pas remis en cause l’objectif de clarification de la loi Évin. Comme l’ont rappelé les juges constitutionnels, le but de la loi Évin était « de lutter contre les excès de consommation d’alcool et de protéger les populations à risque ». Sa validation par le juge a reposé sur le fait que « le législateur, qui [avait] entendu prévenir une consommation excessive de boissons alcooliques, [s’était] borné à limiter la publicité en ce domaine, sans la prohiber de façon générale et absolue. »

Pourtant, nous constatons aujourd’hui que l’application de la loi Évin connaît une dérive, car elle s’est écartée de l’esprit du texte. Ainsi, une définition du champ de la publicité par la Cour de cassation induit l’assimilation d’un contenu journalistique, œnotouristique, culturel ou artistique à de la publicité, et des journaux tels que Paris Match ou Le Parisien ont été condamnés à ce titre.

Aujourd’hui, compte tenu des risques juridiques et judiciaires, beaucoup de journalistes pratiquent l’autocensure en s’abstenant d’écrire des articles sur les régions viticoles, fût-ce pour se contenter d’évoquer leurs paysages.

Dans ce contexte, il est essentiel d’apporter la sécurité juridique nécessaire aux opérateurs publics et privés, tels que les collectivités territoriales, les offices du tourisme, les agences de voyage ou les journaux pour valoriser, dans une optique d’information, les vignobles de France, nos territoires et nos paysages.

Mes chers collègues, tel est l’enjeu de cet amendement. Il s’agit d’une clarification et d’une sécurisation faisant écho à l’engagement responsable de la filière viti-vinicole, …

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard César

M. Gérard César. … laquelle promeut le principe d’une consommation quantitativement responsable au travers d’actions concrètes sur le terrain, en particulier en matière de prévention du risque « alcool » pour nos jeunes.

Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Isabelle Debré

L’amendement n° 399 rectifié n’est pas soutenu.

La parole est à M. Jean-Noël Cardoux, pour présenter l’amendement n° 410 rectifié.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Noël Cardoux

Notre collègue René-Paul Savary étant malheureusement immobilisé, il n’est pas en mesure de défendre son amendement. Il me revient donc de le faire, en accord avec ses autres signataires.

Je ne reprendrai pas les arguments de fond qui viennent d’être avancés par nos collègues Roland Courteau et Gérard César : j’y souscris totalement. J’ajouterai simplement deux précisions.

Tout d’abord, comme l’a souligné Gérard César, le Conseil constitutionnel a jugé qu’il s’agissait d’un cavalier dans la loi Macron, mais, lorsque l’on présente le même amendement dans un texte relatif à la santé, ce qu’était aussi la loi Évin, il nous est rétorqué que qu’il n’y a pas non plus sa place…

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Noël Cardoux

Je me demande donc sur quel texte on peut le présenter !

C’était un des arguments qui nous ont été opposés ce matin en commission. Du reste, je remercie son président et ses corapporteurs d’avoir, dans leur grande sagesse, accepté de soumettre ces amendements au vote des commissaires, qui se sont prononcés en leur faveur à une large majorité, convertissant ainsi l’avis de sagesse qui avait été initialement émis en avis favorable.

Ensuite, l’esprit de cet amendement milite en faveur des terroirs, en faveur de la ruralité, bien malmenée actuellement avec la loi NOTRe et la crise agricole. En le votant, nous permettrons aux viticulteurs de nos régions, qui ne ménagent pas leurs efforts, de se faire connaître par des annonces non pas publicitaires, mais informatives. Ce vote constituera le signal fort en faveur de la ruralité et du terroir que chacun appelle de ses vœux pour sa propre région.

À cet égard, il faut savoir que les petites communes rurales se plaignent, même si le phénomène est tout juste émergent, de la législation sur les enseignes, qui empêche de signaler à l’entrée de leur territoire tel ou tel producteur ou artisan local à l’attention des touristes qui le traversent. L’ajout d’une interdiction à une autre finit par asphyxier totalement la ruralité, la vie locale et les petits villages.

Tels sont les arguments que je voulais ajouter à ceux qui ont déjà été développés.

Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Isabelle Debré

La parole est à M. Jean-Claude Requier, pour présenter l’amendement n° 859 rectifié.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Requier

Je me contenterai d’ajouter une remarque. Il m’arrive d’aller voir des matches de rugby à l’étranger, à l’occasion du Tournoi des Six nations.

En Écosse, on fait de la publicité, ou de l’ »information », dans les stades pour la boisson nationale à base de malt fermenté. De même, à Dublin, on voit partout des images de cette bière brune qui fait la renommée de l’Irlande.

En revanche, en France, rien de tout cela n’est possible !

Ainsi, dans le Lot, lors de la construction de l’autoroute A20, le conseil général avait décidé de planter une vigne et d’installer un panneau évoquant le vin de Cahors, le tracé ne passant pas par le vignoble. L’interdiction est tombée, et il a fallu arracher la vigne !

On ne peut donc plus faire d’information suffisante sur le vin. Or il s’agit du patrimoine de la France, de notre terroir. C’est la raison pour laquelle j’ai déposé cet amendement.

De grâce, madame la ministre, arrêtons de nous tirer une balle, non pas dans le pied, mais dans le gosier !

Rires et vifs applaudissements sur de nombreuses travées.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Deroche

Ces amendements visent à clarifier l’interdiction de la publicité pour les boissons alcooliques issue de la loi Évin.

Notre collègue Gérard César a rappelé que, lors de l’examen en première lecture de la loi Macron, des amendements avaient été présentés par des sénateurs de plusieurs groupes politiques pour arriver à une formulation proche de celle qui est ici proposée. M. Macron avait alors donné un avis de sagesse, et l’amendement avait été adopté par le Sénat. En nouvelle lecture à l’Assemblée nationale, le Gouvernement a, à son tour, fait adopter un amendement légèrement différent, dont la rédaction lui semblait meilleure. Le Sénat a ensuite adopté cette disposition en nouvelle lecture, mais le Conseil constitutionnel l’a finalement censurée.

Ce matin, lors de l’examen ces amendements, il nous a été expliqué qu’une telle disposition ne saurait figurer dans la loi santé. Pourtant, elle fait bien référence au code de la santé publique puisqu’elle tend à rajouter, après l’article L. 3323-3 de ce code, un article L. 3323-3-1 rédigé conformément à la volonté du Gouvernement, exprimée lors de l’examen de la loi Macron.

J’ai préconisé un avis de sagesse, mais la commission a souhaité un vote sur ces amendements et une majorité s’est dégagée pour leur donner un avis favorable.

Debut de section - Permalien
Marisol Touraine, ministre

Mesdames, messieurs les sénateurs, en tant que ministre en charge de la santé, je veux rappeler les enjeux de santé publique.

Debut de section - Permalien
Marisol Touraine, ministre

À l’occasion d’un débat sur la santé, qui vise à prémunir nos concitoyens contre les risques auxquels ils peuvent être exposés, les propos que je viens d’entendre, et qui visent ni plus ni moins à provoquer la remise en cause des enjeux de santé publique par une ministre de la santé, sont assez étonnants…

Debut de section - Permalien
Marisol Touraine, ministre

Que dirait-on d’une ministre de la santé qui ne se préoccuperait pas des 50 000 morts que fait l’alcool chaque année ?

Debut de section - Permalien
Marisol Touraine, ministre

Je vais y venir, monsieur César.

Debut de section - Permalien
Marisol Touraine, ministre

Et vous, monsieur César, que faites-vous des 50 000 morts par an ?

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard César

M. Gérard César. Cela n’a rien à voir avec le vin ! On parle de vin, pas d’alcool !

Exclamations sur les travées du groupe socialiste et républicain.

Debut de section - Permalien
Marisol Touraine, ministre

Mme Marisol Touraine, ministre. Selon vous, quand on parle de vin, on ne parle pas d’alcool ? C’est un peu difficile à entendre !

M. Gérard César proteste.

Debut de section - Permalien
Marisol Touraine, ministre

Je pense qu’un peu de raison est nécessaire dans ce débat. Que vous défendiez votre territoire, vos terroirs, une filière économique, l’activité touristique, je peux l’entendre, même si je ne partage pas votre point de vue. Mais que vous balayiez d’un revers de main, en haussant le ton, 50 000 morts dans notre pays…

Debut de section - Permalien
Marisol Touraine, ministre

C’est facile, dites-vous ? Pour les femmes et les hommes qui meurent, non, ce n’est pas facile ! Pour les familles, ce n’est pas facile ! Au regard du coût pour la société, ce n’est pas facile ! Je suis désolée d’en venir à ces réalités triviales, mais cela représente une charge financière pour l’assurance maladie.

Avant que vous n’interveniez, je n’avais entendu, mais peut-être était-ce une illusion, que des déclarations en faveur de la santé publique, à propos d’autres amendements qui ont été votés, d’autres retirés parce qu’un travail était réalisé par ailleurs. Je me suis dit qu’il y avait là beaucoup de déclarations d’amour… Mais, vous le savez, au-delà des déclarations d’amour, il faut aussi des preuves d’amour !

Dans le texte que j’ai présenté initialement ne figurait aucune mesure visant à modifier l’équilibre de la loi Évin ; il n’y avait aucune mesure de durcissement à ce sujet, excepté pour ce qui concerne les séances d’alcoolisation rapide chez les jeunes. En effet, je voulais éviter un débat qui serait une foire d’empoigne et j’estimais qu’il ne fallait pas toucher à l’équilibre de la loi Évin.

Que dit cette loi ? Elle ne tend pas à interdire la publicité : elle vise à protéger les jeunes en encadrant la publicité, tout en respectant l’activité économique liée à l’alcool et au vin.

M. Gérard César s’exclame.

Debut de section - Permalien
Marisol Touraine, ministre

Mme Marisol Touraine, ministre. La publicité est-elle devenue impossible ? J’ai là un certain nombre de documents qui montrent le contraire.

Mme la ministre brandit successivement différentes pages de journaux.

Debut de section - Permalien
Marisol Touraine, ministre

Le 31 août, la une du journal Le Monde contient une immense publicité avec une énorme bouteille de vin…

Debut de section - Permalien
Marisol Touraine, ministre

Cela n’a pas été le cas, en l’occurrence !

Qu’on ne me dise donc pas que la publicité pour le vin est interdite !

Du reste, quelques jours plus tard, paraît dans Les Échos cette énorme publicité présentant différentes bouteilles, avec toutes les qualités de vin que vous pouvez souhaiter.

Alors, me direz-vous – pas vous puisque, à l’évidence, toute publicité vous paraît impossible, mais d’autres –, « Au fond, nous savons bien que la publicité est possible. Ce qui nous paraît compliqué, c’est la publicité qui ne porte pas directement sur un produit, une bouteille, mais qui s’exprime à travers un reportage à l’occasion duquel on donne des indications sur des territoires. »

Eh bien, vous voyez ici une page qui fait référence à un territoire, une autre page consacrée à un autre territoire. Là, c’est une double page. Elles sont tirées d’un numéro spécial de L’Express, dont la couverture est titrée « Vins 2015 », et où il est également question des « Vignerons indépendants », de « Coupsde cœur ». Nous avons ainsi de multiples reportages sur des sujets très à la mode, depuis « Les femmes vigneronnes » jusqu’aux « Productions biologiques » en passant par « Les nouveaux mécanismes d’installation ». Je pourrais poursuivre l’énumération, mentionner l’article qui cite une grande région, bien connue, avec un vin bien connu et toute une sélection.

Il est tellement possible de faire ce genre de publicité que Le Petit Quotidien, qui s’adresse aux enfants, a fait voilà quelques mois sa une sur « La vigne en France, un métier, une histoire, un art ». S’agissant d’un journal qui s’adresse à des enfants, on aurait pu penser que le sujet serait interdit. Eh bien, non, pas du tout ! L’article est paru, et l’on y voit des grappes de raisin, on y décrit un métier. Le tout est d'ailleurs très bien fait et l’on y apprend des tas de choses.

Et puis, oui, il y a eu, dans Paris Match, un article qui n’était pas une publicité. (Mme la ministre montre le document.) Il était consacré à une actrice de cinéma bien connue – américaine, en l’espèce, même si elle vit à Paris – avec une bouteille de champagne – il n’y a évidemment aucun mal à citer cette appellation. Cette actrice pose dans une attitude tout à fait suggestive. Et, à aucun moment, l’article n’évoque la bouteille d’alcool. Nulle part il n’est écrit : « L’abus d’alcool nuit à la santé. » On associe directement un alcool de fête à une actrice incontestablement très belle, très attirante et photographiée dans une position très lascive.

Sourires et exclamations.

Debut de section - Permalien
Marisol Touraine, ministre

Pour ma part, je n’y vois que des choses très charmantes. Néanmoins, tout cela, c’est une publicité déguisée pour l’alcool, et c’est cela qui a été condamné.

Mon propos n’est pas du tout d’opposer à l’objectif de santé publique l’activité de filières économiques, la viticulture et le tourisme, qui sont des vecteurs de développement, qui exportent, apportent des devises, etc. Je veux simplement rappeler que la loi Évin a mis en place un équilibre qui, depuis des années, nous permettait de développer cette activité, de vendre, de favoriser le tourisme. Il y a des routes du vin partout en France ! Dans mon département, qui est un département viticole, il y a des routes du vin, comme partout ailleurs. Ce n’est pas interdit !

La position que je défends, je l’ai défendue depuis le début. En effet, si l’amendement contenu dans la loi Macron a été décrété inconstitutionnel, c’est non parce qu’il ne figurait pas dans le bon texte, mais parce qu’il était intervenu trop tardivement dans la procédure.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard César

C’est le Gouvernement qui l’a introduit !

Debut de section - Permalien
Marisol Touraine, ministre

Non ! Ce sont les parlementaires !

Debut de section - PermalienPhoto de Isabelle Debré

Monsieur César, vous pourrez prendre la parole tout à l’heure pour expliquer votre vote !

Debut de section - Permalien
Marisol Touraine, ministre

J’entends les positions, j’écoute ce qui est dit et je veux exprimer par avance mes regrets. Et je les exprimerai à nouveau après le vote s’il est favorable à ces amendements, parce qu’il s’agit ici d’une loi de santé publique !

Après ce vote, nous reprendrons les débats sur les questions relatives au diabète et à l’obésité. Nous reprendrons nos discussions sur l’organisation du système de santé. Nous reviendrons sur la manière de suivre dans la durée les personnes atteintes de maladies chroniques.

Or, parmi ces maladies, certaines sont liées à la consommation excessive d’alcool. Refuser de le voir, fermer les yeux sur ce fait, je ne crois pas que ce soit rendre service à une filière économique ! C’est, au fond, ne pas tenir compte d’une réalité qui coûte à notre pays. Une étude récente vient encore de le montrer, il y a le coût direct pour la santé, il y a le coût des vies humaines brisées, des familles détruites, il y a le coût pour l’activité économique de salariés qui ne peuvent pas se rendre régulièrement à leur travail.

Aujourd'hui, si nous voulons que notre population vive mieux, nous devons nous donner les moyens de lutter contre les maladies qui peuvent être évitées, c'est-à-dire celles qui sont liées à des comportements excessifs.

Évidemment, il y a des millions de gens qui boivent du vin de façon tout à fait raisonnable et responsable. Là n’est pas le problème. Vos amendements ne changeront rien à cette réalité. Mais, en matière de santé publique, la publicité a un impact et nous devons donc préserver l’équilibre issu de la loi Évin.

C'est la raison pour laquelle j’émets un avis défavorable sur ces amendements identiques, déposés sur un texte dont l’objet est la santé.

Applaudissements sur certaines travées du groupe socialiste et républicain, ainsi que sur les travées du groupe CRC et du groupe écologiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Isabelle Debré

La parole est à M. Jean-Baptiste Lemoyne, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Baptiste Lemoyne

Les envolées, les considérations plus ou moins théologiques sur les politiques de santé, c’est bien, mais je crois qu’il faut s’en tenir au texte proposé dans ces amendements. Que dit-il ? Il prévoit que ne sont pas considérés comme de la publicité ou de la propagande les contenus, les images, les commentaires sur une région de production, une indication géographique, un terroir, un itinéraire.

Notre objectif est tout simplement d’éviter que des articles de presse faisant la promotion de l’œnotourisme soient empêchés de paraître.

Je rappelle que si la France accueille 83 millions de touristes, elle est en retard, notamment par rapport à l’Espagne, sur le critère du panier moyen de dépenses. Nous sommes en train de nous faire dépasser !

Il y a bien, à la suite de l’arrêt de la Cour de cassation de 2004, des articles qui ont été condamnés. Celui du Parisien a été condamné alors qu’il était dédié à la réussite de l’exportation des vins de Champagne. On parlait d’export ! La Cour de cassation ayant dit que « tout acte en faveur d’un organisme ou d’un produit ayant pour effet, quelle qu’en soit la finalité, de rappeler une boisson alcoolique… » – tout est dans « quelle qu’en soit la finalité » –, on est bloqué ! Nous avons besoin de cette clarification législative pour permettre enfin aux journalistes de faire leur travail sans danger de condamnation. Il ne s’agit pas d’être irresponsable !

Les filières ont fait d’énormes efforts. Il y a une prise de conscience générale. Madame la ministre, croyez bien que nous sommes également sincères dans notre démarche !

Si l’on pousse votre raisonnement jusqu’au bout, madame la ministre, faudrait-il encadrer strictement la publicité pour les voitures, qui, elles aussi, tuent plusieurs milliers de personnes chaque année ?

Je crois que nous sommes là pour légiférer sous l’empire du bon sens et faire en sorte que nos territoires, nos terroirs puissent communiquer – il s’agit de communication, pas de publicité – et être ainsi attractifs partout dans le monde.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Baptiste Lemoyne

Je conclus en rappelant que les auteurs de ces amendements ont repris mot pour mot la rédaction qui avait été proposée par le Gouvernement lors de la discussion de la loi Macron. Vous êtes certes ministre de la santé, mais vous êtes solidaire de l’ensemble du Gouvernement.

Debut de section - PermalienPhoto de Isabelle Debré

La parole est à Mme Laurence Cohen, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Laurence Cohen

Il y a, c’est vrai beaucoup de passion dans ce débat, et je remercie la ministre de la santé de l’avoir recadré : il s’agit d’un texte de santé publique, non d’un texte sur le tourisme.

Quand on parle de santé publique, entendre les arguments que j’ai entendus me choque. Cela me choque d’autant plus que nous en sommes au titre Ier, intitulé « Renforcer la prévention et la promotion de la santé », et même au chapitre 1er, intitulé « Soutenir les jeunes pour l’égalité des droits en santé ».

Quelle image donnons-nous ?

Nous parlons de la prévention ! Nous parlons des méfaits de l’alcoolisation chez les jeunes !

Debut de section - PermalienPhoto de Laurence Cohen

Vous entendez introduire des dispositions qui sont à l’opposé du sens même de ce projet de loi !

Debut de section - PermalienPhoto de Laurence Cohen

Si ! Relisez les intitulés !

Vous ne donnez pas un exemple positif quand vous vous apprêtez à condamner, la main sur le cœur, des excès de fête, par exemple, parmi les étudiants. Il est un certain nombre de dérives que nous condamnons toutes et tous ! Je trouve donc qu’il y a là de votre part une sacrée hypocrisie !

Par ailleurs, mes chers collègues, j’ai le sentiment que la loi Évin faisait plus ou moins consensus et qu’elle était porteuse d’un équilibre. Cet équilibre, vous le remettez en cause !

Là, il n’y a pas de digue ! Vous nous parlez d’une similitude entre les publicités pour tel ou tel vin et les voitures. Or, s’agissant de tout ce qui est vitesse automobile, il y a des limites, il y a des contrôles, il y a des radars. Quelle est donc la pertinence de cette comparaison ?

Je me soucie de l’image que nous donnons ici en passant des heures sur cette question ? Que vont penser les jeunes si, demain, monsieur César et les autres auteurs de ces amendements, vous vous élevez contre toute mesure concernant le cannabis ?

Debut de section - PermalienPhoto de Isabelle Debré

La parole est à M. Rémy Pointereau, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Rémy Pointereau

Je veux rebondir sur ce qu’a dit tout à l’heure notre collègue Gérard César.

Oui, le vin, c’est le patrimoine de la France. Samedi et dimanche prochains, ce sont les Journées du patrimoine. À cette occasion, le vin devrait être très largement mis en avant. D’autant que c’est l’un des rares succès de notre commerce extérieur, il faut tout de même le rappeler !

Vous avez évoqué, madame la ministre, les 50 000 décès à l’alcool. Ils sont dus non à l’alcool, mais à l’excès d’alcool !

Debut de section - PermalienPhoto de Rémy Pointereau

Madame la ministre, l’obésité fait aussi beaucoup de morts en France. Alors, empêchez la publicité pour tous les produits agroalimentaires français, depuis les fromages, qui font aussi partie de notre patrimoine, jusqu’aux viennoiseries et aux pâtisseries, autant de produits dont une consommation excessive mène à l’obésité !

À un moment donné, il faut arrêter de prendre nos concitoyens pour des irresponsables !

Il faudrait faire en sorte que les conditions de la concurrence soient identiques dans tous les pays européens. En Espagne, on peut faire un peu de publicité. Il faut que tous les pays européens se mettent au même niveau en matière de publicité en faveur des vins. Il n’y a pas de raison que la France soit encore en « surtransposition » par rapport à ses voisins !

C'est la raison pour laquelle je voterai bien évidemment l’amendement de notre collègue César et les amendements identiques. Il me paraît important de clarifier les choses eu égard aux problèmes qui peuvent se poser sur le plan juridique.

Debut de section - PermalienPhoto de Isabelle Debré

La parole est à Mme Françoise Férat, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Françoise Férat

Je ne vous cacherai pas que je suis gênée par certains propos que j’ai entendus. Comme si nous étions en train de faire l’apologie de l’alcool !

Comment penser que les hommes et les femmes qui ont cosigné ces amendements l’aient fait au détriment de nos concitoyens, au détriment de nos enfants ou de nos petits-enfants ?

Debut de section - PermalienPhoto de Françoise Férat

Comment est-il possible d’imaginer la conscience qui serait alors la nôtre ?

Sans reprendre les arguments qui ont déjà été avancés, je dirai qu’il s’agit de défendre nos territoires, à travers des savoir-faire, à travers la gastronomie, etc.

Non, ces amendements ne visent nullement à libérer la publicité pour l’alcool. Ne faisons pas d’amalgame !

Debut de section - PermalienPhoto de Françoise Férat

Et puis, madame la ministre, vous nous avez fait une brillante démonstration en nous montrant divers journaux et magazines. Or cela atteste avant tout que la plus grosse difficulté dans l’application de la loi Évin tient bien à l’interprétation qu’en font les juges.

Debut de section - PermalienPhoto de Françoise Férat

Mme Françoise Férat. Dès lors, votre argument lui-même démontre, s’il en était besoin, l’intérêt de ces amendements !

Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC et du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Isabelle Debré

La parole est à Mme Aline Archimbaud, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Aline Archimbaud

Mme Aline Archimbaud. Il ne paraît pas possible que, dans une loi de santé publique, on puisse proposer des amendements qui visent à reculer par rapport à la loi Évin.

Protestations.

Debut de section - PermalienPhoto de Aline Archimbaud

Mme la ministre a cité un chiffre : 50 000 morts par an. Est-ce que l’on mesure ce que cela veut dire ? Est-ce que l’on mesure la responsabilité qui est aujourd'hui la nôtre ?

Comme cela a été dit, la loi Évin avait établi, dans un consensus, un équilibre. Pourquoi vouloir rompre cet équilibre ?

Sur le fond, pourquoi reprendre cette vieille opposition entre, d’un côté, le développement économique, l’emploi, la défense de la ruralité et, de l’autre, la santé ? Pourquoi continuer avec ces vieilles lunes ?

Cela me fait songer à une autre situation, particulièrement douloureuse. Relisez donc les textes du comité permanent amiante : pendant cinquante ans, ce comité a affirmé que, au nom de la défense de l’emploi, parce qu’il ne fallait pas mettre des gens au chômage, on ne pouvait pas interdire l’amiante. Or que se passe-t-il aujourd’hui ? L’Institut national de veille sanitaire nous prédit 100 000 morts de l’amiante en 2050 !

On ne peut plus continuer à opposer ainsi économie et santé. Cette opposition est derrière nous !

Avec l’ensemble des membres de mon groupe, je suis, bien sûr, tout à fait d’accord pour examiner rapidement, si nécessaire, un projet ou une proposition de loi de soutien au développement local rural et à y consacrer des moyens, mais non pour reculer sur la loi Évin.

Ces 50 000 morts par an nous imposent une responsabilité : c’est à nous, parlementaires, d’être courageux et de soutenir le Gouvernement sur ce point.

J’ajoute que ceux qui sont le plus souvent tentés par cette addiction de l’alcool sont aussi les plus fragiles.

Debut de section - PermalienPhoto de Isabelle Debré

La parole est à Mme Catherine Génisson, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Génisson

Je n’allongerai pas les débats : je dirai simplement que, en ce qui me concerne, je soutiens l’argumentation de Mme la ministre.

Debut de section - PermalienPhoto de Isabelle Debré

La parole est à M. Gérard Bailly, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Bailly

Je soutiendrai bien sûr les amendements en discussion. Il me semble en effet que ce sont des amendements de précision et de clarification.

On sait les craintes qu’ont nos viticulteurs – ils nous le rappellent souvent – du fait de ce problème de publicité ou de promotion.

Alors, je pense que c’est une bonne chose de clarifier la situation. Je vais vous citer un exemple. Je viens de me prêter à une émission, comme d’autres collègues avant moi, sur Public Sénat : Manger, c’est voter, avec Périco Légasse. On a bien montré nos paysages, on a montré des caves et on a aussi montré la gastronomie, avec des bouteilles sur la table.

Alors, premièrement, madame la ministre, est-ce que l’on pourra faire cela demain ? Il est tout de même important pour les viticulteurs de le savoir !

Deuxièmement, quitte à pousser le raisonnement jusqu’au ridicule, je me demande si, demain, sur nos menus, on pourra encore inscrire « Poulet au vin jaune » ? Car ce fleuron de la gastronomie franc-comtoise est aussi, d’une certaine façon, une incitation à consommer de l’alcool !

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Bailly

Je rappelle d’ailleurs que nous demandons l’inscription de notre gastronomie au patrimoine de l’UNESCO !

Et puis, dimanche dernier, je regardais la messe télévisée, retransmise depuis Arbois. C’était le Biou, la fête de la viticulture. Pourra-t-on encore suivre cette tradition ?

Alors, pour toutes ces raisons, je pense que ces amendements sont excellents.

Applaudissements sur plusieurs travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Isabelle Debré

La parole est à M. André Reichardt, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de André Reichardt

Je ne vais naturellement pas allonger le débat…

Debut de section - PermalienPhoto de André Reichardt

Tout a été dit. Néanmoins, je ne comprends pas les difficultés qui naissent à propos d’amendements dont il faut tout de même relativiser la portée.

En aucun cas il ne s’agit de revenir sur la loi Évin, de négliger les 50 000 morts par an dont on parlait tout à l’heure ou encore de nier l’importance qui s’attache à la lutte contre l’alcoolisme. Il s’agit simplement ici de faire échec à l’interprétation faite de la loi par certains juges qui considèrent qu’on ne peut pas faire de distinguo entre la promotion et la publicité.

Nous entendons simplement clarifier les choses : alors, ne nous opposons pas sur un point qui, en fin de compte, est tout à fait technique.

Debut de section - PermalienPhoto de Isabelle Debré

La parole est à M. Marc Laménie, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Laménie

Je crois que, parmi tous nos collègues qui ont cosigné ces amendements, aucun ne nie les dangers de l’excès d’alcool.

Par ailleurs, il ne faut pas oublier la géographie. Je pense au terroir, auquel nous sommes toutes et tous très attachés.

À un moment, il faut surtout que le bon sens l’emporte, pour parvenir à un bon compromis et ne pénaliser personne.

Debut de section - PermalienPhoto de Isabelle Debré

Je mets aux voix les amendements identiques n° 31 rectifié quinquies, 32 rectifié, 410 rectifié et 859 rectifié.

J'ai été saisie d'une demande de scrutin public émanant de la commission des affaires sociales.

Je rappelle que l'avis de la commission est favorable et celui du Gouvernement, défavorable.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.

Le scrutin est ouvert.

Le scrutin a lieu.

Debut de section - PermalienPhoto de Isabelle Debré

Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

J'invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.

Il est procédé au dépouillement du scrutin.

Debut de section - PermalienPhoto de Isabelle Debré

Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 246 :

Nombre de votants342Nombre de suffrages exprimés320Pour l’adoption287Contre 33Le Sénat a adopté.

Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et de l'UDI-UC, ainsi que sur plusieurs travées du groupe socialiste et républicain.

Debut de section - PermalienPhoto de Laurence Cohen

Quelle honte ! C’est une loi de santé publique !

Debut de section - Permalien
Marisol Touraine, ministre

Mme Marisol Touraine, ministre. Bien entendu, par principe, je prends acte du résultat de ce vote. Je le fais cependant avec une grande déception et une grande préoccupation.

Exclamations moqueuses sur quelques travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - Permalien
Marisol Touraine, ministre

Pour ma part, j’assume mes responsabilités et je reste déterminée.

Debut de section - Permalien
Plusieurs sénateurs du groupe Les Républicains

Nous aussi !

Debut de section - Permalien
Marisol Touraine, ministre

Mme Marisol Touraine, ministre. Parce que c’est la mission qui m’a été confiée, je continuerai d’alerter sur les enjeux de santé publique dans ce pays.

Applaudissementssur les travées du groupe CRC et du groupe écologiste, ainsi que sur quelques travées du groupe socialiste et républicain.

(Suppression maintenue)

Debut de section - PermalienPhoto de Isabelle Debré

Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt et une heures trente.

La séance est suspendue.

La séance, suspendue à dix-neuf heures trente, est reprise à vingt-et-une heures trente, sous la présidence de M. Jean-Pierre Caffet.