Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, voilà tout juste un an, le Gouvernement informait le Parlement de sa décision d’engager les forces aériennes françaises en Irak, en réponse à la menace croissante exercée par Daech.
Le 13 janvier dernier, le Parlement, dans un large consensus, autorisa la prolongation de l’opération Chammal. Aussi est-il logique aujourd'hui d’étendre cette opération à la Syrie.
Lors des différents débats du Sénat, le groupe RDSE, par la voix de notre collègue Robert Hue, avait approuvé la décision du Président de la République, une approbation qui fut toutefois, je le souligne, assortie de réserves.
Compte tenu de l’aggravation du chaos dans la zone irako-syrienne occupée par les djihadistes, on peut aujourd’hui s’interroger sur l’efficacité des réponses apportées par la communauté internationale.
Je ne remets pas en cause, bien sûr, le principe des frappes aériennes de la coalition anti-Daech en Irak. Elles étaient indiscutablement nécessaires pour mettre rapidement un terme à la progression fulgurante des combattants djihadistes.
D’abord, les autorités de Bagdad avaient demandé à la France une intervention extérieure.
L’instauration, au cours de l’été 2014, d’un califat terroriste sur une partie de l’Irak et de la Syrie a constitué une entreprise sans précédent et très inquiétante pour la région : al-Baghdadi a réussi là où Ben Laden avait échoué.
Ensuite, vous l’avez souvent rappelé dans vos interventions, monsieur le ministre, Daech constitue une menace non seulement pour la région proche-orientale, mais également pour le monde entier, notamment pour l’ensemble des pays européens, au premier rang desquels la France. Les attentats commis à Paris au début de l’année l’ont illustré tragiquement.
Je n’oublie pas non plus la crise des réfugiés, ce drame humanitaire qui pose un important défi à l’Europe, en termes non seulement d’accueil, mais aussi de cohésion politique. La France a pris ses responsabilités. C’est ainsi que 700 de nos militaires effectuent depuis douze mois des missions aériennes, des frappes ciblées. Saluons le courage de tous ces hommes et toutes ces femmes fortement mobilisés en soutien aux forces irakiennes !
Seulement voilà : cette supériorité dans les airs montre ses limites sur le terrain. De fait, si la coalition anti-Daech a évité le pire, on ne peut pas dire – soyons lucides – que la situation se soit améliorée.
Daech possède une capacité de résilience qui a sans doute été sous-estimée, et chacune de ses conquêtes lui ouvre une manne financière qui la régénère, ainsi qu’un réservoir humain. Les terroristes peuvent en effet s’appuyer aussi sur une partie de la population ; ils attirent par la terreur, mais nous savons qu’une partie des sunnites, éprouvés par la politique désastreuse de l’ancien premier ministre irakien al-Maliki, n’ont pas de mal à se laisser séduire : Mossoul s’est sentie plus libérée qu’envahie. Aussi le califat irako-syrien semble-t-il avoir de beaux jours devant lui, hélas !
La perte de Tikrit, en mars dernier, constitue la dernière défaite majeure de Daech. Depuis lors, l’organisation terroriste a conservé Falloujah à l’est, Mossoul au nord et, à l’ouest, elle s’est installée à Palmyre, en Syrie. Résultat : nous sommes au pied du mur.
Alors que la question des frappes en Syrie était restée taboue jusqu’à l’été, le Président de la République a annoncé la semaine dernière des vols de reconnaissance. Autant le dire : ils sont le préambule à des frappes. Autant dire aussi qu’un revirement s’est produit dans la position française.
Les sénateurs du groupe RDSE jugent eux aussi évident que la progression de Daech appelle un coup d’arrêt. Ils sont donc favorables à l’action entreprise, mais ils savent également que la réponse militaire ne suffira pas ; elle a d’ailleurs déjà montré ses limites.
Notre groupe s’est souvent exprimé sur les questions du Moyen-Orient et du Maghreb par la voix de notre ancien collègue Jean-Pierre Chevènement, dont je tiens à saluer la connaissance et la vision lucide, à laquelle nous souscrivons pleinement. Comme lui, nous considérons Daech comme un danger effroyable, qui ne saurait être combattu d’un seul côté d’une frontière devenue virtuelle. Nous sommes favorables à l’extension des frappes, considérant, comme lui, que cette intervention n’a de sens qu’avec un minimum de coordination avec le régime syrien, ce qui ne signifie en aucune façon que l’on excuserait les dérives et les atrocités de ce dernier.
À ce stade de mon propos, mes chers collègues, comment ne pas insister sur le désastre de la politique menée par les puissances occidentales au Moyen-Orient, et comment ne pas saluer une fois encore la sagesse dont fit preuve le président Jacques Chirac en 2003 ?