Intervention de François Rebsamen

Réunion du 17 novembre 2009 à 14h30
Lutte contre le logement vacant — Rejet d'une proposition de loi

Photo de François RebsamenFrançois Rebsamen :

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, j’ai plaisir à défendre devant vous cette proposition de loi, rédigée avec Thierry Repentin et les membres du groupe socialiste, que je remercie de leur présence.

Permettez-moi, en introduction à cette intervention, de citer une belle phrase de l’abbé Pierre, que je vous invite à méditer : « Un homme a absolument le droit, s’il n’a pas de toit et s’il voit un logement vide, de l’occuper. » Ces mots ont été prononcés à une époque où le problème du logement se posait avec une cruelle acuité. C’est toujours le cas, monsieur le secrétaire d’État, et vous le savez.

Peu de temps après la trêve hivernale, qui a commencé le 1er novembre dernier, vous avez lancé votre plan d’urgence pour les sans-abri. Si nous reconnaissons bien évidemment l’urgence de la situation, nous pensons qu’il faut, en amont, nous interroger sur les raisons pour lesquelles, en bout de chaîne, de nombreuses personnes se retrouvent sans logement.

Il s’agit évidemment de se poser la question de l’offre de logements et des leviers existants pour en accroître le nombre et donc l’accès.

Face à l’aggravation dramatique des situations d’exclusion que nous connaissons et à la précarité croissante des ménages dans leur logement, de nombreuses actions sont entreprises, comme la prochaine « Nuit solidaire pour le logement », à la fin du mois de novembre, à Paris et dans d’autres villes. En réalité, l’objectif est de mettre un coup de projecteur sur un état de fait qui s’amplifie sans cesse. La question du mal-logement est toujours aussi criante. Nous devons donc agir autour de l’articulation essentielle entre la prévention, l’hébergement et le logement. Nous devons le faire tout de suite, alors que 2010 sera l’année européenne de lutte contre la pauvreté et l’exclusion.

Si la crise financière semble se terminer lentement, la crise économique continue, avec son cortège de licenciements, donc de situations alarmantes. En un an et demi, le nombre de chômeurs a augmenté de près de 30 %. Ce chiffre le confirme, nous devons agir en amont et rapidement, afin d’éviter que trop de ménages ne se retrouvent dans des situations d’urgence.

Permettez-moi encore de vous faire part de quelques chiffres.

Aujourd'hui, environ 1 800 000 ménages peinent à s’acquitter de leur loyer. Parmi eux, 500 000 sont en situation d’impayés. On évalue à plus de 3 millions le nombre des mal-logés en France. Quelle que soit notre appartenance politique, de tels chiffres doivent nous inciter à nous mobiliser pour inventer de nouveaux outils, afin d’augmenter l’offre de logements et de réduire autant que faire se peut les situations difficiles.

Nous le savons, il manque 900 000 logements. Permettez-moi de souligner que, contrairement aux effets d’annonce, l’effort de l’État est encore insuffisant. Il est retombé sous le seuil symbolique des 2 % du PIB, très précisément à 1, 79 % aujourd'hui, contre 2 % en 2001, et ce au moment même où la loi réaffirme son rôle de garant du droit au logement et crée de nouvelles obligations.

Le volume des crédits affectés au logement dans le projet de loi de finances pour 2010 – nous en entamerons après-demain l’examen – ne nous rassure pas particulièrement. En la matière, il faut décrypter les affichages du Gouvernement. Si ce budget peut effectivement paraître en hausse – le financement des aides personnelles augmente de 9 % –, cela ne veut pas dire pour autant que les ménages percevront une aide plus importante qu’en 2009. Cela signifie malheureusement que le nombre de personnes à aider croît compte tenu de la hausse du chômage, de la précarité et de la pauvreté !

Ces éléments de contexte étant posés, nous pouvons d’ores et déjà affirmer que, en matière de logement, il est urgent de ne pas attendre. Nous devons opter pour des pistes et des solutions parfois audacieuses.

M. le rapporteur le sait bien, nous n’avons pas souhaité faire une nouvelle loi – il y en a déjà eu tellement ! – sur le logement. D’ailleurs, nous reconnaissons que l’ambition aurait été trop grande. Mais nous avons voulu répondre concrètement à une instabilité juridique à la fois chronique et néfaste, et essayer d’apporter des solutions précises permettant d’améliorer la situation du logement dans notre pays.

Nous avons eu l’occasion de nous entretenir avec M. le rapporteur. Nous vous proposons d’adopter cette proposition de loi non par dogmatisme, mais au contraire parce qu’elle contient des dispositions courageuses, dont certaines ont été jugées tout à fait intéressantes. De telles mesures permettraient d’améliorer concrètement l’offre de logements et de combler les vides qui existent dans la législation actuelle. Nous devons tous assumer les responsabilités qui ont été imposées dans le cadre du droit au logement opposable, le DALO. Nous proposons des outils pertinents pour agir en ce sens.

D’ailleurs, ce texte s’inscrit dans la lignée des propositions qui avaient été, me semble-t-il, portées par les deux candidats présents au second tour de la dernière élection présidentielle. Il devrait y avoir consensus en la matière.

Il ne s’agit pas d’un texte ex nihilo. Notre proposition n’invente rien. En revanche, elle conforte, maximalise, améliore, explore et optimise. Je voudrais en résumer les différents articles.

À l’article 1er, notre texte développe une procédure d’expropriation au profit des communes, à des fins de création de logements sociaux, lorsque la vacance est anormalement longue pour des raisons spéculatives. À l’article 2, il approfondit des mesures efficientes pour remettre des logements sur le marché, comme la taxe sur les logements vacants. À l’article 3, il élargit l’utilisation pour les maires du droit de préemption urbain, au motif de relogement de personnes évincées dans le cadre d’opérations de lutte contre l’insalubrité, voire de démolitions. À l’article 4 – et c’est une mesure que tout le monde comprendra –, il consacre le principe du maintien dans les lieux des ménages qui sont reconnus éligibles au DALO. Enfin, l’article 5 tend à mobiliser le parc locatif privé conventionné dans le cadre de la mise en œuvre du droit au logement opposable, et ce sans remettre en cause, comme cela se passe trop souvent aujourd'hui, les politiques de mixité sociale que les collectivités ont développées.

Permettez-moi de vous présenter ces articles de manière plus détaillée.

L’article 1er vise à lutter contre ce que je qualifierai de « vacance passive » ou, si vous préférez, de « rétention active » d’un bien. Il peut également constituer une porte de sortie à des problèmes juridiques souvent inextricables, comme les difficultés liées à l’indivision, qui empêchent de remettre des logements vacants sur le marché.

Nous savons qu’il y a plusieurs raisons à la vacance. Mais, quoi qu’il en soit, les propriétaires ont aujourd'hui à leur disposition un panel de mesures pour remettre leur bien sur le marché.

À cet égard, j’aimerais mentionner la ville de Dijon, dont il a beaucoup été question ce week-end…

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