Intervention de Laurent Fabius

Réunion du 15 septembre 2015 à 14h30
Engagement des forces aériennes au-dessus du territoire syrien — Déclaration du gouvernement suivie d'un débat

Laurent Fabius :

Vous avez dit d’une façon très topique, et je vous en remercie, pourquoi il n’était pas raisonnable – j’emploie à dessein ce mot neutre – d’envoyer des troupes françaises au sol. Vous avez ensuite utilisé une expression très forte, évoquant « la géante culpabilité de Bachar al-Assad ».

Je ne rivaliserai pas d’adjectifs, mais je vous suggère de garder à l’esprit – si nous ne devions retenir que cet élément, ce serait déjà utile –, que cette affaire ne relève pas uniquement de la morale, même si celle-ci est importante ; c’est une question d’efficacité. N’oublions jamais que, à l’époque de la conférence de Genève 1, il n’y avait pas de terroristes en Syrie. C’est la façon dont une petite révolte, dans un coin de Syrie, a été mal prise qui aboutit aujourd’hui à l’expansion de troupes terroristes, au décès de 250 000 personnes et à l’apparition de milliers de réfugiés.

Je reviendrai sur une remarque de M. Raffarin que je partage totalement et qui va, je l’espère, nous permettre d’avancer, notamment lors de débats ultérieurs. Il a fort justement mis en avant la notion d’indépendance.

La France est une nation indépendante. Cela ne plaît pas à tout le monde, à l’étranger, mais c’est ainsi que nous concevons notre rôle – je ne parle pas seulement du gouvernement actuel, car c’est une tradition –, et c’est ce qui nous vaut parfois quelques batailles.

La France n’est pas indépendante au regard de l’exigence d’efficacité, ni des principes, ni d’une certaine vision de ce que doivent être le Proche et le Moyen-Orient. Mais elle est indépendante. Les autres pays ne le comprennent pas toujours…

On a cité les États-Unis, dont nous sommes un allié tout à fait loyal. Néanmoins, quand nous disons non, c’est non ! On a cité la Russie, qui est fort critiquée dans certains milieux, alors que nous avons une relation historique, stratégique avec ce pays. Néanmoins, quand la Russie agit comme elle le fait en Crimée, nous disons non !

S’agissant de l’Iran, nous ne pouvions pas être d’accord avec ce qu’il préparait sans doute sur le plan nucléaire. Nous l’avons dit. Puis, lorsque l’accord est apparu raisonnable, nous avons dit oui.

C’est cette indépendance qui donne à la France un poids plus important que celui que représente sa seule démographie.

Nous allons, écoutant bien sûr vos avis, vos conseils, vos opinions, vos objections, vos observations, poursuivre sur la voie que j’ai indiquée à l’occasion de ce débat, car, dans un domaine qui est si difficile, il importe, autant que faire se peut, que la représentation nationale soit unie.

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