Or, pour quelques cas qui seraient visés en pratique, l’inscription dans la loi d’un tel moratoire constituerait en revanche un signal très négatif envoyé tant aux locataires qu’aux propriétaires. Pour les petits bailleurs, la stabilité de la règle juridique est particulièrement importante : l’adoption de l’article 4 serait de nature à altérer leur confiance et pourrait conduire, à l’opposé des objectifs de la présente proposition de loi, à augmenter les vacances de logements. Une fois de plus, nous constatons que le chemin de l’enfer est pavé de bonnes intentions !
Enfin, l’article 4, qui ne prévoit pas d’indemnisation des propriétaires, ferait supporter à ces derniers la charge des impayés de loyer, alors que le refus d’accorder le concours de la force publique est actuellement indemnisé par le juge administratif sur le fondement d’une rupture de l’égalité devant les charges publiques. Pour cette raison même, la commission s’interroge sur la constitutionnalité au regard du droit de propriété du présent dispositif, qui procède en quelque sorte à une réquisition de fait, sans indemnisation financière des propriétaires, et pour une durée très longue.
Enfin, s’agissant de l’article 5, il semble quelque peu irréaliste et contre-productif de permettre au préfet d’imposer un demandeur reconnu prioritaire dans le cadre de la procédure du DALO à tous les propriétaires ayant signé une convention avec l’ANAH, quel que soit le niveau de loyer prévu par la convention.
Cette mesure est tout d’abord irréaliste, car le niveau des loyers intermédiaires, qui ne sont inférieurs que de 10 % à 15 % aux loyers de marché, n’est pas adapté à la situation des familles les plus en difficulté.
Elle est ensuite contre-productive, car de telles contraintes ne manqueraient pas de dissuader les propriétaires de passer des conventions avec l’ANAH. Or, le nombre de logements conventionnés reste aujourd’hui très faible et, surtout, ne concerne que très peu les départements où les préfets ont le plus besoin d’une offre complémentaire pour la mise en œuvre du droit au logement opposable – c’est important, car le nombre de logements disponibles doit être pris en considération. Force est de constater que les logements conventionnés sont les plus nombreux dans les zones où les besoins sont les plus faibles ; en revanche, ils sont quasiment inexistants dans les zones qui connaissent les plus forts besoins ! La solution proposée ne paraît donc pas opportune.
J’ajoute que, d’après une étude qualitative réalisée très récemment par l’ANAH, sur les treize départements ayant fait l’objet de l’enquête, le préfet n’a utilisé le droit de réservation sur les logements très sociaux que dans deux cas. Voilà qui révèle la difficulté de l’opération, y compris pour des conventionnements très sociaux.
Pour l’ensemble de ces raisons, la commission de l’économie a proposé de ne pas adopter la présente proposition de loi, …